Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

La Force des Mots de Lutias'Kokopelli



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Lutias'Kokopelli - Voir le profil
» Créé le 12/11/2015 à 21:12
» Dernière mise à jour le 14/11/2015 à 07:50

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre B — BEAR
[size=3]DXVVL LPSUHYLVLEOHV TXH O'RUDJH, DXVVL FKDQJHDQWHV TXH O'RXUDJDQ, DXVVL LQGHFLVHV TXH OH YHQW.
HW DSUHV O'RQ YRXGUDLW TXH OHV HPRWLRQV KXPDLQHV VRLHQW XQ ORQJ IOHXYH WUDQTXLOOH.
[/size]

Clive Dove, hein ? Ben, ouais, je vois de qui vous parlez. Ça fait un moment qu'on traîne ensemble, du coup. Je saurais pas vous dire exactement depuis combien de temps, ça doit faire quoi, genre une semaine ? Je pourrais pas vous donner plus de détails, désolé. Je fais jamais vraiment trop attention à ça. Et puis on avait un peu autre chose à faire que de compter le temps qui passait hein.
Ouais... Je vais pas vous le cacher, j'avais senti dès le départ que quelque chose ne tournait pas rond, c'est vrai. Enfin je dis ça, c'est pas du tout dans ce sens-là hein ! C'est juste que... comment dire... C'est vraiment difficile d'en parler vous savez. C'est juste tellement dingue ce qui se passe, vous en tomberiez de votre chaise si je vous racontais tout d'un bloc. Je vous jure.

Hein, moi ? C'est Max. Max Regan. Douze ans, dresseur depuis un mois, encore aucun badge à mon actif— Euh, ouais, oubliez ça, je sais que c'est pas trop ce qui vous intéresse. Je saurais pas trop quoi vous raconter à propos de moi, vu que du coup justement ça vous parlerait pas plus que ça... C'est juste tellement bizarre.

Vous voulez que je vous parle de lui, c'est ça ? Je croyais que ça faisait un bail que vous le connaissiez, je vois pas ce que je pourrais bien vous apprendre en plus sur lui, franchement...
Comment on s'est rencontrés ? Juste par égard pour lui, je pense que je vais vous passer les détails. Ça s'est complètement fait par hasard, vraiment. On s'est croisés comme ça dans le Bois Clémenti, rien de spécial. Il était parfaitement normal. J'aurais pu l'aborder lui comme j'aurais abordé n'importe qui d'autre, vraiment !

...

Ouais, vous me croyez pas hein. C'est vrai que je sais pas mentir, d'accord. C'est juste qu'il m'a fait jurer que je ne dirais rien. Que voulez-vous, c'est qu'il a une certaine fierté le bougre. Et vu comment il s'en sortait je comprendrais à sa place. Disons juste... qu'il avait pas l'air fin. Vous voyez le topo.

Bon, bon, d'accord ! Je vais vous raconter. Mais vous lui direz que c'est vraiment parce que c'est vous qui avez insisté pour que je vous donne les détails, hein ? Uniquement dans le cadre de l'enquête, tu parles. Avouez que vous cherchez juste à le descendre. Même si c'est vrai que je vous comprends un peu sur ce point...

J'avoue que, entre nous... je m'étais bien marré.


D'abord cet oiseau étrange aux plumes de métal, et désormais des tartes à la crème vivantes. Clive ignorait ce qu'il y avait eu d'anormal dans le menu de la veille, mais il commençait à se douter que ce n'était pas forcément quelque chose de parfaitement sain et recommandable.
C'étaient des hallucinations. C'était la seule possibilité qui lui restât. C'était la seule solution logique. Ou alors c'était un cauchemar particulièrement délirant.

Pourtant, cela paraissait si réel. Le mur de sa cellule, ses briques volant à travers la salle et sa collision violente contre la paroi opposée. La douleur qui en résultait et l'odeur de poussière de silice qui lui emplissait les narines et lui étouffait les poumons. Sa chute dans le vide, le vent marin pénétrant sa gorge et ses oreilles et troublant sa vue par sa force violente et sa rapidité. L'éclat de lumière, et désormais... La fin de sa chute. Une fin de chute qui, finalement, s'était réalisée beaucoup plus rapidement qu'il ne l'avait prévu. Il n'avait pas encore gagné une accélération suffisante pour qu'un choc contre des branchages souples fût fatal, mais... C'était à ce moment qu'il avait alors compris qu'il n'était plus du tout à Parkhurst. Ni même sur l'Île de Wight.
Il s'était retrouvé bloqué au sommet d'un arbre, au beau milieu d'une forêt.

Il n'avait cependant pas eu le temps de s'interroger davantage sur le pourquoi du comment que les maigres branchages qui l'avaient momentanément retenu dans les airs cédèrent et que les lois de Newton reprirent leur travail comme si de rien n'était, le laissant pousser un cri de surprise relativement distingué.
Sa chute dura moins d'une seconde, car cette fois-ci la hauteur n'était que d'une demi-douzaine de pieds tout au plus. Il avait atterri sur un tapis d'herbes hautes qui, bien que faisant légèrement office d'amortisseur, n'empêchèrent pas une certaine douleur occasionnée par le choc. Le temps de reprendre ses esprits cependant, il avait enfin remarqué qu'il n'était visiblement pas seul...

... et que ce qui se trouvait par hasard à ses côtés, le fixant avec deux yeux exagérément expressifs présentant un mélange étrange d'émotions indéchiffrables, était une petite créature tout aussi bizarre que la précédente, bien que beaucoup moins impressionnante. La première chose à laquelle il songea en la voyant était un pudding raté à la couleur douteuse, ou bien le sommet d'un champignon particulièrement grand et à la forme particulièrement inhabituelle.
Enfin, peu importait ce que c'était, ce truc était vivant. Il en eut l'ultime preuve lorsque la bestiole, terrifiée par l'arrivée soudaine du jeune homme par la voie si inhabituelle des airs, éclata en sanglots effrayés en braillant.
Au moins, celui-là ne chercherait pas à le tuer. Il n'était pas véritablement rassuré non plus et n'avait toujours aucune piste concernant ce qui était arrivé, mais au moins il n'avait plus à s'inquiéter pour sa survie dans l'immédiat.

Ce fut du moins ce qu'il songea pendant les quelques secondes qui suivirent, car les pleurs de la petite créature ne tardèrent pas à en amener d'autres, alertées par le bruit. Et bien que celles-ci fussent similaires à la première, elles semblaient bien moins apeurées en découvrant la cause du problème.
Il retrouva presque le même regard assassin qu'avait présenté l'oiseau de métal avant de se jeter sur lui la mâchoire grande ouverte.

Un juron lui échappa dans un murmure sans même qu'il n'en fût véritablement conscient.


Un long hurlement vint brusquement troubler la quiétude du Bois Clémenti, provoquant l'envol paniqué de nombreux nirondelle innocents. Parmi les quelques curieux situés aux alentours, un jeune garçon leva ses épaisses lunettes noires vers le ciel pour inspecter avec surprise cet attroupement soudain, avant d'abaisser de nouveau les yeux vers la forêt. C'était difficile à dire, mais il était persuadé que ce cri était humain.

« J[size=1]E NE PEUX PAS TE LE CONFIRMER AVEC CERTITUDE[/size], [size=1]MAIS JE CROIS QUE TU AS RAISON[/size]. »

Il jeta un regard inquiet au gardevoir à ses côtés, qui visiblement partageait son avis. Quelqu'un avait besoin d'aide, et l'un comme l'autre ne devaient pas perdre de temps. Se mettant aussitôt à courir en direction du bruit, il tourna nerveusement la tête dans toutes les directions possibles, tentant de voir un signe quelconque de l'origine d'un tel vacarme, mais il ne vit rien ; jusqu'à-ce que des bruits de pas bien trop rapides pour être normaux retentirent non loin, se déplaçant à toute allure au hasard. Un étrange bourdonnement de bougonnements et cris en tous genres suivait. Sans même prendre la peine de s'arrêter, le dresseur et son pokémon se précipitèrent dans la même direction. Encore quelques instants et ils comprendraient enfin ce qui était en train de se passer. Ce type avait vraiment l'air d'avoir de gros ennuis, ils ne devaient donc pas tarder...
Ils ne furent pas déçus du spectacle.

Se présenta devant eux, courant à en perdre haleine, le regard terrorisé, un homme en costume rayé qui devait à peine dépasser la vingtaine. On eut dit qu'il avait vu... À vrai dire, même le fait de voir un fantôme n'aurait pas provoqué une telle réaction, à son goût. Son ou ses poursuivants devaient vraiment être terribles.

Poursuivants qui se révélèrent être quelques secondes plus tard un ridicule banc d'une petite dizaine de balignon. Pas de très bonne humeur certes, lançant dans leur énervement quelques spores à tout va certes, mais... C'était ça la menace ?! Franchement ?!

« M[size=1]AX[/size], [size=1]ALLONS L[/size]'[size=1]AIDER[/size]. I[size=1]L SE DIRIGE DROIT DANS LE MUR[/size], [size=1]LÀ[/size]. »

Le dénommé Max fit la moue, dépité. Mais c'était vrai. Gardevoir et lui étaient passés par-là auparavant, et tous deux savaient que le passage que cet énergumène empruntait dans sa fuite n'était rien de plus qu'un cul-de-sac. Il poussa un long soupir.

« D'accord. Mais on va juste le sortir de là. C'est tout. »


Un cul-de-sac, forcément. Décidément, c'était bien son jour.
Il tenta en dernier espoir de chercher du regard la moindre issue qui pourrait se présenter en dernier recours, mais le seul endroit où la forêt n'était pas trop épaisse pour le bloquer était désormais hors d'atteinte, puisqu'il s'agissait du chemin qu'il venait d'emprunter et qui était déjà bloqué par ce potager ambulant. Il n'osa qu'à peine se retourner, mais il n'avait plus vraiment d'autre choix à disposition. Les bestioles continuaient de l'acculer contre un tronc d'arbre massif ; il chercha au toucher une ouverture parmi les branchages et les épines, mais ses yeux ne lui avaient pas menti et visiblement, aucun passage parmi les broussailles ne semblait assez dégagé pour lui permettre de continuer sa course efficacement. S'il pouvait passer, les tartes à la crème aussi, et avec deux fois plus d'aisance. Autrement dit, il n'avait raisonnablement plus aucune issue, et les bestioles le savaient tout aussi bien que lui, commençant de répandre toujours plus de ces poudres de couleurs diverses. Il ignorait la nature exacte de ces nuages colorés et scintillants, mais son bon sens lui murmurait à l'oreille que ce n'était pas seulement un moyen d'intimidation quelconque, et qu'il était probablement dans son intérêt de ne pas rester à proximité.
C'était bien sûr facile à dire lorsqu'il y avait des possibilités de fuite envisageables que les lois de la physique pourraient permettre.

La dernière partie de cette phrase n'était pas de trop. Il n'y songea qu'avec plus de conviction lorsqu'il découvrit avec stupeur deux silhouettes lumineuses apparaître juste devant lui, sans prévenir. La lueur s'estompa rapidement pour dévoiler une femme en robe blanche et un gamin qui lui tournaient le dos et faisaient barrière aux petits monstres. Il n'eut cependant pas même le temps d'ouvrir la bouche qu'aussitôt le gamin en question lui avait saisi le bras et que la femme s'était remise à luire avec la même intensité que la première fois.
La suite fut particulièrement brumeuse dans son esprit, car tout ce qu'il vit ne fut plus qu'un gigantesque écran noir.

« Eh oh, on — se — réveille ! »

Jamais n'avait-il songé qu'il était possible d'avoir un mal de crâne de cette envergure. Ses paupières tremblèrent lourdement, mais seuls ses gémissements étouffés prouvaient réellement qu'il était enfin sorti de sa torpeur. Enfin, c'était vite dit. Au moins à Parkhurst, ils avaient la décence de ne pas torturer leurs condamnés à mort avant leur sentence...
La réplique cinglante qu'il avait envie de répondre sur le moment à cette petite voix prétentieuse appartenant à un stupide gamin dont le timbre n'avait même pas encore commencé à muer fut remplacée par un faible grognement de mécontentement. À son grand regret, il s'agissait de la seule chose qu'il était parvenu à articuler.

« Nan mais franchement, quelle mauviette j'te jure. S'évanouir juste pour un téléport ? Il est sérieux ? »

Au vu du volume et du timbre de la voix désormais un peu plus feutrés, il jugea que son auteur s'était éloigné de lui, du moins de ses oreilles. Et il ne s'en plaignait pas, elles bourdonnaient déjà bien assez sans son aide. Il décupla moult efforts surhumains pour essayer de porter une main faiblarde à son front, comme si cela pouvait l'aider à le débarrasser de cet infâme déluge qui se remuait avec joie dans sa tête, mais il était tellement las qu'elle retomba aussitôt au sol. Sol de terre sableuse, par ailleurs, sentit-il en étudiant l'impression que lui avaient donné le contact de ses doigts avec un mélange de petits cailloux et de rares touffes d'herbe. Il était allongé à même le sol, probablement toujours dans la même forêt qu'avant sa défaillance.
Il sentit alors contre son front une chaleur douce et hésitante, venue se poser aussi délicatement que possible. Il ne parvenait qu'avec peine à identifier la texture exacte d'un tel toucher, mais cela avait la forme d'une main. Du moins c'était ce qui lui semblait. Aligner deux pensées simples restait encore un exercice difficile et douloureux avec une telle migraine.
Tout d'un coup, il sentit son mal s'atténuer. Il ignorait comment, mais la douleur était déjà réduite de moitié, alors il n'allait pas s'en plaindre. Ce petit contact chaud était incongrument apaisant...

« E[size=1]ST[/size]-[size=1]CE QUE[/size]... [size=1]ÇA VA[/size] ? »

Son esprit était déjà bien moins brumeux, aussi put-il enfin commencer à raisonner correctement. Et sa première réflexion fut que quelque chose clochait avec cette voix.
À commencer par le fait que justement, ce n'était pas une voix.

Il ignorait comment la décrire exactement. L'explication la plus simple et concise eut été de dire qu'il s'agissait d'une pensée qui venait s'incruster dans son esprit, mais il lui semblait que cette vision était au moins partiellement erronée... En tous les cas, pensée ou pas, ce n'était pas la sienne. Et pourtant il avait presque senti ses propres neurones la formuler d'eux-mêmes, volontairement, directement dans son cerveau... Un ressenti bien étrange. Personne ne sentait jamais ses propres neurones cogiter en temps normal. On lit l'heure sur une horloge sans même avoir conscience du mécanisme infiniment complexe qui est caché de l'autre côté du cadran ; et de même, personne ne s'encombre de se demander quels neurones parmi les dizaines de milliards dont on dispose ont été responsables de tel ou tel raisonnement. Le simple fait d'en être naturellement conscient lui fit un effet tout particulier, surtout en un moment où seule la moitié de son cerveau au mieux était en état de réfléchir correctement. Et pourtant il sentait qu'il savait.
Une sorte de voix intérieure qui n'avait aucun timbre précis et qui pourtant résonnait dans sa tête, reflétant des pensées qu'il n'aurait de toute évidence pas formulées lui-même ? Oui, cette description lui convint déjà un peu mieux, dans le sens qu'elle reflétait au moins un peu mieux la réalité.
Il l'aimait cependant beaucoup moins concernant ce qu'elle impliquait au niveau de sa santé mentale.

Voilà qu'il devenait schizophrène. De mieux en mieux.

Préférant ignorer cette petite "voix" et résolu sans aucun regret à faire comme s'il ne l'avait jamais entendue, il tenta de ramener ses mains à ses côtés, essayant tant bien que mal de s'assoir. La personne qui avait posé sa main sur son front se précipita pour la placer dans son dos et l'aider à se redresser lentement, s'étant probablement accroupie à ses côtés.

« T[size=1]U T[/size]'[size=1]ES PRIS UN SACRÉ CHOC AVEC LA TÉLÉPORTATION[/size]. T[size=1]U PENSES QUE TU PEUX TE RELEVER[/size] ? »

Il ouvrit les yeux.

Il distingua alors le visage d'une créature humanoïde au teint blême et aux cheveux verts, à quelques pouces seulement du sien, le regardant intensément de ses deux yeux roses.

Il hurla en basculant subitement en arrière, pris par la surprise. L'esprit encore trop vague pour réfléchir clairement, il recula à quatre pattes d'une manière gauche jusqu'à se cogner la tête contre un tronc d'arbre placé moins de deux pieds en arrière de sa position initiale.
Tandis qu'il massait douloureusement sa nuque en maugréant quelques murmures incompréhensibles, il entendit de nouveau le gamin — qui visiblement s'était retourné, alerté par le bruit — s'esclaffer sans retenue.

« Ha, tu devrais voir ta tête ! T'as jamais vu de gardevoir de ta vie ou quoi ?! »

Si seulement tu savais... songea-t-il ironiquement, sentant un sourire forcé commencer à étirer son visage dans un rictus maladroit. Il ignorait bien évidemment ce qu'était un "gardevoir", mais il jugea qu'il devait probablement s'agir du nom de la créature dont il était question.
Il poussa un soupir discret. Il devait rester calme. Il n'allait pas perdre la face devant un gamin, encore moins un de cette espèce... Ou plutôt, il allait essayer de ne pas tomber plus bas qu'il ne l'était déjà.

« B-Bien sûr que si... mentit-il faiblement. Je n'ai juste... pas l'habitude d'en voir d'aussi près. Je— J'ai juste été surpris. »

Le ton de sa voix paraissait tremblant et incertain autant par la douleur à sa nuque qui ne l'avait pas quitté que par le fait qu'il cherchait habilement des arguments valables et qui ne seraient pas remis en question. Quitte à buter sur presque chaque mot qu'il devait prononcer.

« C'est ça, surenchérit le garnement avec un rire moqueur. Et c'est pareil avec les balignon. T'as juste pas l'habitude d'en voir d'aussi près, tu vas me dire ? »

Note personnelle : les tartes à la crème vivantes s'appelaient "balignon." C'était toujours bon à savoir.
Mais aussi rageur cette idée le rendait-elle, il dut admettre que ce gamin avait vu juste. Pis encore, il ne trouva rien à lui répondre autre qu'un maigre "Très drôle...", réponse aussi constructive que convaincante.

Prenant ses appuis contre l'arbre, il commença à résumer pour lui-même ce qu'il savait tout en se relevant lentement, mais sûrement. Désormais qu'il avait les idées claires, il n'était plus question d'agir bêtement.
Apparemment, ces créatures qu'il avait vues jusque-là n'étaient pas inconnues de ce jeune adolescent aux grosses lunettes noires et aux cheveux sombres à moitié en bataille qu'il avait face à lui. En tout cas, il connaissait parfaitement le gardevoir et rien de ce qui s'était passé jusque-là ne lui était étranger. Il ignorait dans quel endroit il avait bien pu atterrir, mais il devait se rendre à l'évidence : au moins pour le gamin, tout avait été jusque-là parfaitement normal, y compris cette fameuse histoire de téléportation, procédé qui pour lui n'existait bien évidemment que dans les mauvais romans de science-fiction de par son apparente stupidité. Cette réflexion mit déjà un certain temps à se faire accepter par la partie "bon sens" de son cerveau, qui refusait catégoriquement d'admettre de telles sottises.
En tous les cas, si c'était vrai, il allait devoir faire preuve d'un grand talent d'observation, de tact et d'un calme olympien. Il était bien entendu hors de question d'expliquer à ce jeune garçon parfaitement insupportable que d'une manière ou d'une autre, un grand nombre de ses apparentes connaissances innées ne l'étaient pas pour lui, et qu'il venait apparemment d'un ailleurs où personne n'avait jamais entendu parler de telles créatures — à supposer déjà que ce garçon n'était pas lui-même unique en son genre, mais il osait croire qu'un enfant de cet âge n'aurait pu vivre seul auprès de tels monstres. Donc aussi incroyable cela semblait-il, il apparaissait qu'il devait exister un endroit depuis lequel toutes ces créatures venaient, que cet endroit était également peuplé d'êtres humains, et qu'il s'y était mystérieusement retrouvé sans aucune raison apparente. Et aussi étrange ce lieu et ses habitants paraissaient-ils, il osait imaginer qu'ils ne devaient pas en être dénués malgré tout d'un certain sens de la logique et du raisonnement, et que son explication concernant un ailleurs où ces créatures n'existeraient pas leur apparaîtrait tout simplement comme de la folie pure ; aussi jugea-t-il préférable par défaut de ne pas révéler à haute voix ses déductions. Il avait déjà été interné pour ses crimes passés pendant trois longs mois, il n'allait pas se retrouver de plus interné pour une apparente insanité.

Il prit une inspiration aussi profonde que discrète pour se donner le courage de maintenir cette façade de scepticisme et la rendre aussi crédible que possible, puis se rapprocha de nouveau d'eux, tentant dans le même temps de masquer que ses jambes tremblaient encore. Il amena sa main à sa bouche et toussa, faisant mine de se racler la gorge autant pour paraître aussi sérieux qu'il ne l'était possible en une telle situation, que pour chercher à se redonner une assurance dont il aurait de toute évidence besoin pour maintenir ce petit jeu d'acteur improvisé.

« Juste. Où sommes-nous ? »

Il avait fait de son mieux dans son intonation et sa gestuelle — à savoir ses regards rapides autour de lui de "Je-cherche-à-me-situer-dans-un-endroit-à-peu-près-connu-mais-pas-tout-à-fait" — pour faire croire qu'il connaissait la réponse à sa question et qu'il demandait simplement des indications internes à leur localisation dans la forêt elle-même, bien qu'il espérât évidemment obtenir par-là des informations subsidiaires, telles que le nom de la forêt elle-même par exemple. Le mioche avait l'air bavard de toute manière, il suffisait de savoir le prendre dans le bon sens pour lui tirer les vers du nez sans avoir l'air ignare pour autant.

« Gardevoir nous a téléportés au nord de la Cent Quatre. On doit être à environ une heure de marche de Mérouville. »

Eh bien voilà ! Il ignorait parfaitement ce que cela signifiait, mais au moins il commençait à obtenir un minimum d'informations utiles et potentiellement exploitables.
Il n'eut cependant pas le temps de formuler une autre question que le gamin reprenait l'assaut au pas de course :

« Mais j'y pense. C'était quoi ton délire avec les balignon, tout à l'heure ? T'avais pas de pokémon pour t'en débarrasser, au pire ? »

Aïe. Coincé. Il ne pouvait évidemment pas lui demander ce qu'il entendait par "pokémon" — une arme de légitime défense à utiliser en cas d'attaque par des tartes à la crème vivantes ? Un aérosol pour les repousser ? Avec ce qu'il était en train de vivre, cela pouvait être tout et n'importe quoi pour lui —, et au vu de la tonalité de sa question, se contenter de répondre qu'il n'en avait pas ne contribuerait qu'à le rendre plus étrange encore qu'il ne l'était déjà. Que faire ?
Trop tard de toute manière, son premier réflexe avait été de marmonner un "Euh, non ?", complètement pris au dépourvu par une question à laquelle il ne s'était pas du tout préparé. Dès qu'il fut remis de la surprise, il se mordit la lèvre. La descente aux enfers pouvait dès lors commencer...

« T'es vraiment bizarre, toi. Tu sors d'où ? »

D'un monde normal, ne répondit-il pas.

« D[size=1]E QUOI PARLES[/size]-[size=1]TU[/size] ? »

Encore cette voix-qui-n'en-était-pas-une ? C'était bien le moment. Encore que, l'ignorance dont elle semblait faire preuve ne fut pour lui qu'une source supplémentaire d'énervement.
L'Angleterre, le Tower Bridge, les bus rouges, les cabines téléphoniques... Que reste-t-il encore comme stéréotypes stupides déjà ? Le thé ? Le pudding ? Enfin, tu sais bien...

« N[size=1]ON[/size]. J[size=1]E NE SAIS PAS[/size], [size=1]JUSTEMENT[/size]. »

Il poussa intérieurement un long soupir. Il n'y comprenait décidément plus rien. Son propre subconscient était-il si perturbé qu'il en était venu à oublier ses origines, ou quelque chose de stupide dans le même genre ? Si toute cette folie avait fini par le rendre schizophrène, cette étrange seconde personnalité était bien ignare.

« E[size=1]UH[/size], [size=1]EN FAIT[/size], [size=1]JE SUIS JUSTE ICI[/size]. D[size=1]EVANT TOI[/size]. »

Il leva le regard, sceptique, avant de croiser celui de la créature humanoïde. Celle-ci d'ailleurs le fixait avec deux yeux roses brillant de confusion, la tête très légèrement inclinée et les paupières subtilement abaissées comme marque d'une profonde réflexion qui, visiblement, n'aboutissait pas.
Mais que faisait-elle ? Avait-il une tâche sur le visage ?

« N[size=1]E ME DIS PAS QUE TU N[/size]'[size=1]AS TOUJOURS PAS COMPRIS[/size]...? E[size=1]NFIN[/size], [size=1]JE DIS ÇA[/size], [size=1]J[/size]'[size=1]AI BEAUCOUP DE MAL À TE SUIVRE AVEC TES HISTOIRES DE SUBCONSCIENT[/size]. C'[size=1]EST JUSTE MOI[/size], [size=1]EN FAIT[/size], [size=1]TU SAIS[/size]... G[size=1]ARDEVOIR[/size]. »

Il cligna des yeux. La créature agita faiblement sa main, un semblant de sourire gêné sur le visage, comme pour le saluer. Il cligna une seconde fois des yeux.
Était-elle vraiment en train de lire dans ses pensées, depuis le début...?

« B[size=1]EN[/size]. O[size=1]UI[/size]. C'[size=1]EST LE PRINCIPE DE LA TÉLÉPATHIE[/size]. J[size=1]E CROIS[/size]. »

Qu'elle pût effectivement lire ou non dans ses pensées, pour une fois elle eut vu la même chose : le néant absolu. Ou plutôt, un raisonnement bloqué en son milieu de traitement et qui peinait obstinément à parvenir à une conclusion pourtant évidente. Ce qu'elle avait face à elle, soit la tête d'un homme apparemment vide de toute émotion, mais au regard ahuri qui avait compris et refusait de comprendre, représentait la même chose de manière particulièrement explicite. Si son raisonnement suivait à la lettre un algorithme, il eut vraisemblablement été en phase de boucle infinie.

« T[size=1]U[/size]... [size=1]N[/size]'[size=1]AS JAMAIS RENCONTRÉ DE POKÉMON PSYCHIQUES[/size] ? Ç[size=1]A EXPLIQUERAIT QUE CE SOIT TA PREMIÈRE TÉLÉPORTATION[/size], [size=1]ÇA SECOUE TOUJOURS UN PEU AU DÉBUT[/size], [size=1]MAIS[/size]... E[size=1]NFIN[/size]. O[size=1]N FAIT TOUS ÇA VU QUE C'EST NOTRE SEUL MOYEN DE COMMUNICATION AVEC LES HUMAINS[/size]. »

Il en vint à se demander s'il ne préférait pas encore lorsqu'il se croyait schizophrène. Au moins, les schizophrènes partageaient leur tête avec eux-mêmes.
En tous les cas, si ce pokémon psychique comme elle disait s'appeler pouvait réellement lire son esprit aussi facilement qu'un livre de cuisine, il allait de soi que ses secrets ne tiendraient plus pour longtemps. En particulier toute cette histoire de venir d'un ailleurs...

« C'[size=1]EST VRAI QUE ÇA FAIT UN BOUT DE TEMPS QUE TU EN PARLES[/size]. Q[size=1]U[/size]'[size=1]EST[/size]-[size=1]CE QUE TU VEUX DIRE PAR[/size]-[size=1]LÀ[/size], [size=1]EXACTEMENT[/size] ? »
Premièrement, je n'en ai jamais "parlé." Deuxièmement, je n'ai pas envie d'en parler. As-tu seulement ne serait-ce qu'entendu parler de notions telles que "secret" ou "vie privée" ?
« J[size=1]E SUIS DÉSOLÉE[/size]. M[size=1]AIS JE TE L[/size]'[size=1]AI DÉJÀ DIT[/size] : [size=1]NOUS N[/size]'[size=1]AVONS PAS LE CHOIX[/size]. »
Et suis-je vraiment le seul que ça choque ?
« C'[size=1]EST TRÈS RÉGLEMENTÉ[/size], [size=1]TU SAIS[/size]. N[size=1]ORMALEMENT[/size], [size=1]AUTREMENT QU[/size]'[size=1]AVEC NOTRE DRESSEUR[/size], [size=1]NOUS NE DEVRIONS PAS ALLER PLUS LOIN QUE LES SIMPLES PENSÉES IMMÉDIATES[/size]... C'[size=1]EST UNE FORME DE CONVERSATION[/size]. C'[size=1]EST À PARTIR DU MOMENT OÙ L[/size]'[size=1]ON EN VIENT AUX SOUVENIRS QUE L[/size]'[size=1]ON CONSIDÈRE VRAIMENT QU[/size]'[size=1]IL S[/size]'[size=1]AGIT D[/size]'[size=1]UNE ATTEINTE À L[/size]'[size=1]INTIMITÉ DE LA PERSONNE[/size]. »

Pensées immédiates, souvenirs... Pour lui, il n'y avait qu'une mince frontière entre l'un et l'autre. D'autant plus que le simple fait de songer au mot "souvenir" lui faisait aussitôt remonter en mémoire—

Ugh...!

Et voilà. C'était à prévoir. Il le lisait dans son regard soudainement horrifié. Elle avait tout vu, ou entendu, ou peu importe. Elle savait, et avait vraisemblablement obtenu ces informations en toute légalité s'il fallait suivre les lois et logiques tordues de cet endroit.
Elle était forte. Très forte.

« J-J[size=1]E SUIS DÉSOLÉE[/size] ! »
Laisse-moi tranquille, bon sang !
« S[size=1]I TU PARLAIS À VOIX HAUTE AU LIEU DE M[/size]'[size=1]OBLIGER À ALLER CHERCHER TES RÉPONSES MOI[/size]-[size=1]MÊME[/size], [size=1]ON N[/size]'[size=1]EN SERAIT PAS LÀ[/size]... »
Ah, parce que ça va être de ma faute, maintenant ?!

« Eh les mecs, vous avez bientôt fini vos petites cachoteries télépathiques là ? Pas que je m'ennuie, mais ça va faire dix minutes que vous vous regardez comme deux ronds de flanc. Je suis toujours là, vous savez. »

Les deux concernés sursautèrent, avant de se retourner vers le jeune adolescent, adossé contre un tronc d'arbre en train de tapoter sur un étrange petit outil pas plus grand que sa main.
L'homme poussa un long soupir. Il l'avait complètement oublié, celui-là.

« J[size=1]E VAIS LUI DIRE[/size]. », lança-t-elle soudainement après un court silence.
Il en est hors de question.
« C'[size=1]EST POUR TON BIEN[/size]. »
J'ai dit non.
« M[size=1]AX[/size] ? I[size=1]L N[/size]'[size=1]A JAMAIS VU LE MOINDRE POKÉMON DE TOUTE SA VIE[/size]. »
Mais je te—!

Le gamin éclata de rire.

« Ha ! Elle est pas mal celle-là, tu me l'avais encore jamais faite ! »

Il avait cru qu'elle plaisantait. Le jeune adulte ne put retenir un petit soupir de soulagement, avant de lancer discrètement un regard hautain à celle qui, vexée, venait de croiser les bras avec une petite moue boudeuse.

« E[size=1]T PUIS TU FAIS COMME TU VEUX[/size], [size=1]HEIN[/size]. M[size=1]OI JE VEUX JUSTE T[/size]'[size=1]AIDER[/size]. »
Je n'ai pas besoin de ton aide, merci.
« A[size=1]VEC TOUT CE QUI T[/size]'[size=1]EST ARRIVÉ[/size] ? J[size=1]E SAIS QUE TU AS L[/size]'[size=1]AIR DE RIEN COMME ÇA[/size], [size=1]MAIS JE SAIS QU[/size]'[size=1]AU FOND[/size]... T[size=1]U NE VEUX PAS L[/size]'[size=1]AVOUER MAIS TU AS BESOIN D[/size]'[size=1]AIDE[/size]. »
Il n'y aurait eu qu'une seule personne capable de m'aider, de toute façon...

Son regard devint soudainement presque haineux.

Et ce n'est certainement pas toi.

Une forme de détresse apparut dans les éclats tremblants de ses iris roses. Il ignorait si c'était une forme de comédie pour tenter de le radoucir ou si elle était sérieusement blessée, mais en tous les cas cela ne changerait aucunement son avis.

« Vous allez pas recommencer... se plaignit le dénommé "Max." Tiens, je sais toujours pas qui t'es d'ailleurs. T'as un nom, au moins, pas vrai ?
- Clive Dove. », lança-t-il sans réfléchir ni même se tourner vers lui, trop absorbé par ses réflexions avec le pokémon psychique.

Puisque de toute manière il n'était plus chez lui, il n'y avait aucune chance qu'il connût le sens funeste de ses paroles. Mais au point où il en était, c'était bien le cadet de ses soucis.
Il jeta un autre regard noir à Gardevoir, avant de continuer presque aussitôt en se tournant vers le destinataire de ses paroles :

« Je viens de Mérouville. »

Avoir retenu le nom de la seule cité de ce monde dont il avait entendu parler s'avérait finalement plutôt utile.
Pourtant le garnement ne semblait pas convaincu.

« Max Regan, de Clémenti-Ville. » répliqua-t-il après une longue hésitation, tendant le bras droit vers lui tandis qu'il parlait.

Ce geste avait été fait plus par politesse que par autre chose. Il eut été inutile de préciser que ce gamin se méfiait et sondait l'étranger avec un regard plus suspicieux que jamais, comme tentant de chercher la moindre preuve. Preuve de quoi ? C'était difficile à dire. L'imagination des gamins d'un tel âge était si vaste et désordonnée qu'il pouvait bien le soupçonner de tout et n'importe quoi.
Clive fit mine de n'avoir rien vu et vint lui serrer la main. De son côté aussi, il ne s'agissait que d'une simple formalité.

« Tu vas m'expliquer ce que c'était que cette histoire, sinon ? Je sais toujours pas ce qui s'est passé, moi.
- Pas grand-chose, vraiment. On a dû me téléporter par erreur en plein milieu de la forêt, et je suis tombé sur un groupe de balignon alors que je ne pouvais rien faire pour me défendre. Un accident, je suppose. »

Il se félicitait intérieurement pour son talent d'improvisation. Il avait toujours été bon comédien, lorsqu'il le fallait. Il lui suffisait de placer ici ou là quelques mots techniques arrachés à leurs précédents échanges, et le tour était joué. Même Gardevoir avait eu l'air surprise de la soudaine aisance et spontanéité avec laquelle il avait inventé cette histoire.
Max eut l'air en tout cas de gober ce mensonge avec une étrange facilité, ouvrant lui aussi des yeux légèrement étonnés.

« Je vois, ça expliquerait... ben, tout. »

Le jeune adulte lança discrètement un regard victorieux au pokémon, qui garda le silence. Son regard était indéchiffrable, comme semblant mêler l'énervement à, paradoxalement... une extrême tristesse.

« Tu t'étais retrouvé où, d'ailleurs ?
- Quelque part dans la forêt... Je ne sais plus. Peut-être le côté nord.
- T'as dû faire un bon détour alors. Mérouville est au nord.
- Je n'ai pas un très bon sens de l'orientation, et je ne m'étais jamais rendu dans cette forêt. J'ai dû me perdre.
- Et elle s'appelle comment, cette forêt ? »

Silence. Clive le dévisagea sans comprendre. Qu'est-ce que cette question complètement incongrue faisait là ? Rien, justement.
Il dévisagea Gardevoir d'un air accusateur, mais celle-ci hocha négativement la tête d'un air parfaitement sincère. Cela restait difficile d'en être certain, mais il semblait qu'elle n'avait véritablement rien fait, cette fois-ci. Du moins, rien de plus que sa première réplique, qui avait à la base été prise pour une plaisanterie... Le gamin était-il soudainement en train de changer d'avis ?
Ce dernier surenchérit après quelques secondes de silence avec un étrange sourire sur le visage :

« Ça fait un bout de temps que tu l'appelles "forêt." Sauf que pas de bol, il se trouve que ça s'appelle le "Bois Clémenti."
- ... E-Et alors ? tenta-t-il d'un air aussi convaincant que possible. Ce bois a la taille d'une forêt, alors j'ai tendance à l'appeler comme ça, c'est vrai...
- T'as vraiment pas l'habitude de voyager, toi. C'est le plus petit de la région. »

L'homme garda le silence, une mine indéchiffrable sur le visage. Le jeune adolescent rajusta ses lunettes en plaçant un doigt sur la monture, cachant par-là même tout le bas de son visage. Un reflet du soleil vint frapper ses verres jusqu'à les rendre opaques et luminescents. Clive ne put s'empêcher de se sentir légèrement intimidé par ce changement radical d'attitude. La dernière fois qu'il avait ressenti ce frisson... c'était lorsqu'il l'avait dénoncé. Lorsqu'il avait fait toute la lumière sur l'affaire, ne faisant qu'amorcer une terrible descente aux enfers qui n'avait jamais cessé jusqu'alors. Une telle attitude n'était jamais un bon présage.
Gardevoir releva la tête, l'air terrifié, puis posa brusquement une main sur l'épaule de son ami. Ce dernier se stoppa aussitôt, laissant retomber son bras. Ses lunettes glissèrent sur son nez quasiment d'un demi-pouce, mais il n'y prit aucunement garde. La bouche entrouverte et le regard ahuri, il sonda de haut en bas l'étranger avec deux yeux bruns aux pupilles aussi petites que des pépins de raisin. Il resta ainsi quelques secondes, sans bouger, puis ses jambes tremblèrent et il dut s'adosser au tronc d'arbre derrière lui pour ne pas s'effondrer sur le sol.

« ... Wow. »

Ce fut tout ce qu'il parvint à articuler, une bonne trentaine de secondes plus tard. Il n'avait pas détaché son regard de Clive, ses émotions exactes demeurant toujours aussi indiscernables.
Le concerné transperçait littéralement le pokémon psychique avec deux glaives flamboyants. Elle se tourna vers lui avec un air peiné, mais résolu.

« J[size=1]E SUIS DÉSOLÉE[/size], [size=1]MAIS JE N[/size]'[size=1]AVAIS PLUS LE CHOIX[/size]. J[size=1]E CONNAIS[/size] M[size=1]AX[/size]. I[size=1]L NE T[/size]'[size=1]AURAIT PAS LÂCHÉ AVANT QUE TU N[/size]'[size=1]AIES CRACHÉ LE MORCEAU[/size]. C'[size=1]ÉTAIT ÇA OU LA POLICE[/size]. O[size=1]U TE FAIRE INTERNER[/size]. »
Et si j'avais envie de me faire interner ?

Il eut juré pendant un instant la voir grincer des dents.

« T[size=1]U ES ENCORE PLUS TÊTU QUE TU N[/size]'[size=1]EN AS L[/size]'[size=1]AIR[/size]. P[size=1]OUR LA DERNIÈRE FOIS[/size], [size=1]J[/size]'[size=1]AI DIT QUE J[/size]'[size=1]ÉTAIS DÉSOLÉE[/size], [size=1]D[/size]'[size=1]ACCORD[/size] ? L[size=1]AISSE[/size]-[size=1]MOI AU MOINS ESSAYER DE ME RACHETER[/size]...! »
En dévoilant tous mes secrets à un gamin ?
« T[size=1]U LE SAIS AUSSI BIEN QUE MOI[/size], [size=1]TU N[/size]'[size=1]AS AUCUNE CHANCE DE SURVIVRE SEUL ICI[/size]. E[size=1]T PUIS[/size], [size=1]JE N[/size]'[size=1]AI RIEN RÉVÉLÉ DU TOUT[/size], [size=1]J[/size]'[size=1]AI SEULEMENT DIT QUE TU N[/size]'[size=1]ÉTAIS[/size]... [size=1]PAS D[/size]'[size=1]ICI[/size]. I[size=1]L NE SAIT RIEN D[/size]'[size=1]AUTRE[/size]. »
Juste ça, ça a suffi à le rendre dans cet état ? Il est beaucoup plus fragile que tu ne le dis, si c'est vraiment tout ce que tu lui as raconté.
« C'[size=1]EST PEUT[/size]-[size=1]ÊTRE QUE LUI[/size], [size=1]AU MOINS[/size], [size=1]VA AU BOUT DES CONSÉQUENCES QUE CELA IMPLIQUE[/size]. P[size=1]EUT[/size]-[size=1]ÊTRE MÊME TROP LOIN[/size], [size=1]MAIS QUI SAIT[/size]. I[size=1]L POURRAIT AVOIR RAISON[/size]. »

Clive détourna le regard. Elle était bornée, obstinée, et il n'avait aucun moyen de l'empêcher de parvenir à ses fins. Et de toute manière, c'était visiblement trop tard.
Il serra le poing, se retournant et s'apprêtant à partir. Partir où ? Dans quelle direction ? Pourquoi ? Il l'ignorait. Il voulait seulement rester seul. Et loin de ces monstres.

« Tu... Alors c'est vrai que tu... Ouah. Un monde sans pokémon... Je me demande à quoi ça ressemble. Comment vous faites ? »

Il ne savait pas pourquoi il s'était arrêté. Le gamin n'était même pas véritablement en train de lui parler, semblant beaucoup plus marmonner pour lui-même, après tout. Mais ses pieds refusaient soudainement de continuer à avancer. Peut-être la fatigue, peut-être juste le poids des événements, peut-être ce sentiment de perdition extrême qui l'accablait et le poussait à espérer malgré lui...
Il ne bougea plus. Toujours de dos, il se contenta de garder le silence.

« Je suis désolé. C'est juste tellement dingue. »

Il siffla entre ses dents.

« "Je suis désolé." C'est tout ce que tu as trouvé. Franchement. »

Il se retourna soudainement, dévisageant surtout Gardevoir plus qu'autre chose, bien qu'il sût que c'était Max qui avait parlé.

« Tout le monde est toujours désolé. Tout le monde a toujours été désolé. Mais si vous êtes vraiment désolés, alors faites quelque chose ! Ah mais non, justement, c'est vrai. Vous ne pouvez rien faire. Vous ne pouvez même pas comprendre. Vous dites que vous êtes désolés alors que vous ne comprenez rien. Ça me dégoûte. »

Il leur avait littéralement craché la dernière phrase au visage. Puis il s'était de nouveau éloigné, d'un bon pas cette fois.

« ... M[size=1]OI JE TE COMPRENDS[/size]. »

Il ne s'arrêta pas, étouffant un rire cynique entre ses dents comme pour se persuader qu'il n'avait rien entendu. Ce qui d'ailleurs était vrai : il n'avait rien entendu. En tout cas, il n'avait rien entendu d'autre que de stupides niaiseries au goût suffisamment sucré pour lui donner envie de vomir.

« J[size=1]E PEUX RESSENTIR TES ÉMOTIONS[/size]. M[size=1]AINTENANT COMME[/size]... [size=1]À CE MOMENT[/size]-[size=1]LÀ[/size]. C'[size=1]EST POUR ÇA QUE JE VOULAIS À TOUT PRIX T[/size]'[size=1]AIDER[/size]. J[size=1]E N[/size]'[size=1]AVAIS VRAIMENT PAS FAIT EXPRÈS DE VOIR TOUT ÇA[/size], [size=1]TU DOIS ME CROIRE[/size] ! M[size=1]AIS UNE FOIS QUE JE L[/size]'[size=1]AI VU[/size]... »

Il se demandait si l'aspirine existait dans cet univers. Avec un peu de chance ça ferait taire cette petite voix intérieure qui l'énervait plus qu'autre chose.

« T[size=1]U TE SENS SEUL[/size]. A[size=1]BANDONNÉ[/size]. I[size=1]NCOMPRIS[/size]. T[size=1]U FAIS TOUT POUR MONTRER UN VISAGE ASSURÉ ET CERTAIN[/size], [size=1]MAIS TU PEUX TRAHIR PARFOIS CETTE DÉTRESSE DANS TON REGARD[/size]... T[size=1]U N[/size]'[size=1]EN ES PEUT[/size]-[size=1]ÊTRE MÊME PAS CONSCIENT[/size], [size=1]MAIS AU FOND DE TOI[/size], [size=1]TU[/size]... T[size=1]U APPELLES À L[/size]'[size=1]AIDE[/size]. J[size=1]E VOULAIS JUSTE RÉPONDRE À CET APPEL[/size]... M[size=1]ÊME SI JE NE SUIS PAS LA PLUS À MÊME D[/size]'[size=1]Y PARVENIR[/size], [size=1]JE SAIS[/size]... [size=1]MAIS JE NE SUPPORTERAIS PAS DE SAVOIR QU[/size]'[size=1]ON AURA LAISSÉ À LUI[/size]-[size=1]MÊME[/size], [size=1]DANS UN MONDE QUI LUI EST COMPLÈTEMENT INCONNU[/size], [size=1]UN HOMME QUI NE SAIT DÉJÀ PLUS S[/size]'[size=1]Y RETROUVER EN LUI[/size]-[size=1]MÊME[/size]... »
Merci de remuer le couteau dans la plaie, il ne manquait plus que ça.

Puisqu'elle lisait dans ses pensées, elle pouvait bien lire que c'était inutile de continuer, non ? Il commençait presque à croire qu'elle le faisait exprès. Et elle en était parfaitement capable. S'il était si simple pour elle de lire et manipuler les pensées d'autrui, trouver la faiblesse de quelqu'un n'était certainement pas une tâche complexe. Elle ressentait sûrement un malin plaisir à retourner encore et encore les questions qui l'avaient tourmenté pendant des jours entiers...

Ce fut soudainement comme un éclair.
Des images, des sons, des sensations mêlées dans un désordre harmonique défilèrent sous ses yeux. Cela avait duré moins d'une seconde, pourtant il lui sembla que des années entières s'étaient écoulées devant lui. Il s'était senti triste, heureux, malade, énergique, faible, fort, perdu et comblé de bonheur dans le même temps. Le cheminement de toute une vie. La construction d'une personnalité, l'évolution d'une pensée, la torture d'une conscience, tout cela sous son regard.
Il était comme paralysé par ce reflux d'idées et de sentiments contraires et accordés, pourtant il lui sembla qu'il en ressentait comme une indescriptible euphorie, balloté entre des flots multiples comme voguant sur une douce tempête, la voile fine et fragile au vent d'un ouragan paisible.
Et il vit un homme lointain, dans une figure floue et sombre, comme au creux d'un abîme sans fond, près de tomber plus bas encore si cela était possible, avec le désir incontrôlable de vouloir l'en tirer, sans savoir comment s'y prendre et craignant de ne faire que le pousser au fond du gouffre en tentant de lui lancer la dernière corde qui lui restait, sentant qu'une fois cette dernière perche tendue, soit le sol s'écroulerait sous les pieds de cet homme, soit il reverrait enfin la lumière du jour.
Il frissonna. Était-ce bien ce qu'il croyait que cela pouvait être...?

« V[size=1]OILÀ[/size]. M[size=1]AINTENANT[/size], [size=1]AU MOINS[/size], [size=1]ON EST QUITTES[/size]. »

Il aurait juré qu'elle avait ce petit sourire triste sur le visage, quand bien même il ne pouvait évidemment plus la voir. Mais il ignorait comment, il savait qu'elle souriait. Qu'elle était désolée... vraiment désolée. Sincèrement désolée. Une sincérité qu'il n'eut jamais crue possible.

C'était...
« M[size=1]A VIE[/size]. T[size=1]OUTE MA VIE[/size], [size=1]AUSSI LOIN QUE JE PUISSE ME SOUVENIR[/size]. C'[size=1]EST DE LA MÊME MANIÈRE QUE J[/size]'[size=1]AI ENTRAPERÇU LA TIENNE PAR ERREUR TOUT[/size]-[size=1]À[/size]-[size=1]L[/size]'[size=1]HEURE[/size]. C'[size=1]ÉTAIT SI RAPIDE ET SI TERRIBLE À LA FOIS[/size]... »

Il ne lui demanda pas pourquoi elle avait agi ainsi. Au fond de lui, il le savait déjà.
Il eut de nouveau en tête l'image ténébreuse de cette crevasse froide et au sol si rugueux et si meuble tout à la fois, si instable et prête à s'effondrer définitivement sur l'homme qui y était tombé. Ce qui lui arracha un nouveau frisson qui le traversa de haut en bas et faillit lui faire perdre l'équilibre.

« T[size=1]U PEUX PARTIR SI TU VEUX[/size]. J[size=1]E M[/size]'[size=1]EN VOUDRAIS BIEN SÛR[/size], [size=1]MAIS SI C[/size]'[size=1]EST CE QUE TU SOUHAITES[/size]... »

Il hésita.

Laissez-moi un peu de temps.

Ils n'avaient pas bougé d'un pouce. Patiemment, ils avaient attendu qu'il revînt. Ils savaient qu'il allait revenir tôt ou tard.
Il devait être dans les une heure trente de l'après-midi, aussi s'étaient-ils simplement affairés aux alentours à chercher de quoi préparer le déjeuner.

Et il revint, silencieusement, alors que Max mettait le couvert. Il y avait trois assiettes sur la table. L'une d'elles était juste face à lui, comme si elle-même lui chuchotait doucereusement "Je t'attendais. Viens donc t'assoir !"

Il sortit finalement des derniers buissons qui le séparaient du petit coin de verdure et de lumière qu'ils avaient choisi pour s'installer. Sans un mot, le gamin lui lança un sourire en rajustant ses lunettes. Il tenta de le lui rendre en tordant légèrement un coin de ses lèvres, embarrassé.

« ... Merci.
- T'inquiète. C'est normal. On n'allait pas te laisser mourir de faim hein. »

L'adulte ne put retenir un petit rire nerveux. Le gamin s'empressa de l'inviter à s'assoir dans une exclamation joyeusement amusée, ponctuée d'un "Bah reste pas planté là !" plaisantin. Clive tira une chaise et s'assit sans réfléchir, le regardant installer tout un petit dispositif de cuisine. Il semblait avoir l'habitude de cuisiner ainsi en plein air, dans les endroits les plus insolites.
Un ange passa.

« Tu... veux de l'aide ?
- Gardevoir est partie chercher un peu plus de bois, mais elle devrait plus tarder. T'en fais pas, pas besoin. »

Le silence se faisait de plus en plus pesant. Chacun cherchait à le rompre, pourtant... aucun ne trouvait les mots. Que pouvaient-ils bien avoir à se dire ?
Max, lui, fourmillait au contraire de questions qu'il souhaitait poser depuis le départ... mais il était réduit au silence, ne sachant exactement comment les formuler. Il ne voulait pas le froisser, il ignorait complètement comment il réagirait, mais... Il voulait tellement en savoir plus, et sa nervosité se faisait ressentir dans la manière qu'il avait de remuer frénétiquement le bouillon qu'il préparait dans sa petite casserole, sur un feu maigrichon qui avait à peine pris, attendant encore le retour de Gardevoir pour avoir quelques renforts.
Sa curiosité finit par l'emporter :

« Tu, euh... Tu viens d'où, alors ? Je veux dire, ça s'appelle comment ? »

Clive réprima un petit sourire amusé et triste en même temps.

« Je suis né à Londres. C'est... la capitale de l'Angleterre. »

Le silence fut plus court cette fois, bien qu'il fût évident que le jeune adolescent hésitait à propos de la meilleure manière d'exprimer la question suivante :

« Et... Il n'y a vraiment aucun pokémon là-bas ?
- Il n'y en a jamais eu, a priori. Jusqu'à ce matin.
- Quand tu es arrivé ici ?
- Quand un d'entre eux m'a attiré ici, disons. »

L'intérêt de Max n'en fut que plus éveillé encore que précédemment.

« Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Je n'en sais rien, je ne sais même pas ce qui s'est passé. Un pokémon m'a attaqué, j'ai voulu fuir, et je suis arrivé ici. Fin de l'histoire. »

Il ne tenait évidemment pas à mentionner la prison, mais... L'histoire n'en était devenue que légèrement plus bancale de cette manière. Bien qu'elle tînt toujours un minimum.

« Ouah. Ça a dû être terrible.
- Rencontrer complètement par hasard un monstre censé ne pas exister qui veut nous tuer sans aucune raison ? Oui, c'est surtout assez improbable... marmonna-t-il dans un rire nerveux.
- Ce pokémon, il était comment ? »

Clive n'eut pas de grandes difficultés à le décrire dans tous ses détails, l'image de l'oiseau de métal étant encore fraîchement imprimée dans son esprit. Se rappeler ces quelques instants n'était pas une partie de plaisir, mais d'un autre côté, il lui semblait que savoir à quoi il avait eu affaire le rassurerait, d'une certaine manière. Comme quand on montre à un enfant terrifié par l'obscurité que les ombres menaçantes qui veulent le dévorer dans son sommeil ne sont que les branches d'arbre de l'autre côté des rideaux de sa chambre.

« Un airmure, finit par affirmer Max d'une voix grave, une fois qu'il jugea en avoir suffisamment entendu. C'est pas un pokémon qu'on voit souvent à l'état sauvage dans la région.
- Que veux-tu dire ?
- Qu'il avait probablement un dresseur. Si un pokémon de Johto t'attaque et qu'en fuyant tu te retrouves à Hoenn, tu vois pas un problème ? »

Il y eut un silence gêné. L'adulte voyait à moitié où il voulait en venir, mais le raisonnement lui était partiellement rendu flou à cause des détails pratiques.

« Ah oui, pardon, j'avais oublié... » murmura le dresseur, penaud.

Il posa la louche à côté de la casserole, puis s'approcha de son petit sac à dos posé à l'ombre d'un arbre non loin, commençant à le fouiller. Il en sortit le fameux petit appareil qu'il triturait une ou deux heures plus tôt, recommença à le manipuler dans tous les sens, puis le lui présenta. Une carte semblait imprimée sur l'écran. La carte d'un monde qui lui semblait bien évidemment complètement inconnu.
Max lui présenta rapidement les diverses régions ; elles ne semblaient a priori pas complètement indépendantes politiquement sans pour autant être dirigées comme un ensemble uni, mais la politique semblait être un domaine ardu car le dresseur ne parut pas comprendre réellement sa question lorsqu'il en demanda plus. Après, c'était peut-être aussi simplement parce qu'il était encore à l'aube de l'adolescence et que ce genre de questions n'était pas au cœur de ses priorités. Clive se contenta donc à défaut d'avoir des détails de considérer qu'il devait s'agir d'une sorte d'ensemble d'états fédéraux. Ainsi, il apprit que chaque région avait son lot de faune et de flore en partie spécifiques, et que quelques espèces n'étaient trouvables que dans l'une ou l'autre de ces régions, d'où sa déduction. Une vaste mer séparant le sud de Johto au nord de Hoenn, il ne fut pas difficile alors de comprendre la surprise de l'adolescent.
Mais sur le moment, ce ne fut pas ce qui avait le plus étonné l'étranger. Ce petit outil qu'il présentait et maniait avec aisance et naturel était véritablement une petite merveille de technologie, bien évidemment absente de son monde d'origine. Ce qu'il ne manqua pas de faire remarquer.
Max éclata de rire :

« Ben dis donc ! Et vous vivez dans des cavernes, aussi ? »

Il calma rapidement son hilarité en voyant que cette pique n'avait visiblement fait rire que lui, et reprit son sérieux.

« Nan, franchement, ça va t'en faire du changement. Si le PokéNav ne te dit rien, qu'est-ce que tu vas te mettre à penser de l'Holokit ou de...
- J[size=1]E SUIS DE RETOUR[/size], M[size=1]AX[/size]. J[size=1]E N[/size]'[size=1]AI PAS ÉTÉ TROP LONGUE[/size] ? »

Clive ne comprit pas tout de suite pourquoi son interlocuteur s'était arrêté en plein milieu de sa phrase, quand bien même il ne semblait pas prêt de s'arrêter. Mais lorsqu'il vit Gardevoir arriver les bras chargés de bûches, il ne s'interrogea pas beaucoup plus longtemps.

« O[size=1]H[/size]. T[size=1]U ES REVENU[/size] ! »

Son visage s'était comme métamorphosé, avec un tel sourire. Elle semblait si heureuse et soulagée que lui-même ne put s'empêcher de le lui rendre.
Elle posa son tas de bois sur la table, commençant d'en prendre un plus petit paquet pour l'installer dans le feu. L'homme dévisagea alors ce gigantesque tas de branchages restant sur la table... Tout cela n'allait certainement pas être nécessaire pour une si petite casserole. À quoi servirait donc le reste ? Emporter autant de bois comme potentielle réserve allait être bien plus encombrant qu'autre chose...
En parlant de choses encombrantes, quelque chose qu'il aurait pourtant dû remarquer tout de suite lui apparut soudainement comme une évidence.

« Attendez une minute, maintenant que j'y pense... Elle sort d'où, cette table ? »

Max regarda intensément la table en question. Puis Clive. Puis son petit sac à dos, le désignant de la tête d'un geste évasif.

« ... De mon sac. », répondit-il naturellement comme s'il s'agissait d'une évidence.

Clive dévisagea le sac. Puis la table. Puis Max. Il cligna des yeux.
Puis il se passa une main sur le visage en soupirant.

« Tu sais quoi ? Je ne vais même plus chercher à comprendre. »

Le gamin, lui, n'était pas réellement du même avis. Il réfléchit quelques instants, avant de se frapper le front de la paume de la main.

« Ah, c'est vrai. J'imagine que si vous avez pas le PokéNav, vous risquez encore moins de maîtriser les distorsions dimensionnelles. J'suis bête. »

Le jeune adulte préféra ne pas demander de précisions, bien qu'une étude rapide de l'étymologie de l'expression employée lui conférât déjà en elle-même quelques réponses.
Bien décidé cependant à lui expliquer tout ce qui pourrait lui paraître nouveau, Max détacha avec une joie enfantine une des petites boules rouges et blanches discrètement attachées à sa ceinture. Clive s'étonna qu'il n'eût encore jusque-là jamais remarqué leur présence, bien que leur petite taille et le fait qu'elles fussent en grande partie masquées par la veste du gamin leur eussent probablement permis de rester invisibles jusqu'alors.
Il savait que l'adolescent n'attendait plus qu'une chose, qu'il s'émerveillât devant ce petit objet avant de lui demander la bouche en cœur ce que c'était. Il n'offrit cependant qu'un petit regard surpris et intrigué, sachant pertinemment qu'il lui expliquerait même s'il ne lui demandait pas de le faire.

« Une poké ball, répliqua-t-il en effet aussitôt, prenant presque le ton d'un professeur qui enseignerait la partie favorite de son programme. Le problème des dresseurs, c'est que certains pokémon sont beaucoup trop grands ou encore trop sauvages pour qu'on puisse les promener n'importe où. Alors on a inventé ça. »

Il n'osa pas demander comment cela fonctionnait, se contentant de hocher la tête d'un air intéressé... Bien qu'il fît surtout cela pour lui faire plaisir. En réalité, son cerveau restait encore bloqué à l'état "Physiquement impossible. Lavoisier se retournerait dans sa tombe."
Mais depuis son arrivée dans cet endroit, il avait peu à peu appris à cesser de chercher une explication logique. Pour lui, il n'y en avait tout simplement pas. Ou alors, une qui serait si complexe qu'il ne parviendrait certainement pas à la comprendre.

« C'[size=1]EST POURTANT TRÈS SIMPLE[/size] : [size=1]COURBER L[/size]'[size=1]ESPACE[/size]-[size=1]TEMPS POUR CONFINER UN CERTAIN ESPACE EN UN RÉCIPIENT DE TAILLE RÉDUITE[/size]. C'[size=1]EST[/size] [size=1]PLUS GRAND À L[/size]'[size=1]INTÉRIEUR[/size], [size=1]EN SOMME[/size]. »

Il préféra ne pas poser de question quant à l'emplacement de la masse de tous ces objets confinés. Ou encore concernant, tout simplement, la manière selon laquelle ils parvenaient à courber l'espace-temps, comme ils le disaient si bien. Il n'était pas spécialiste dans la matière, mais il lui semblait qu'au moins chez lui, il s'agissait de science-fiction pure ; si ce n'était de la fiction tout court.
Une question radicalement différente avait cependant germé dans son esprit, tandis qu'il se retournait vers Max d'un air inquiet :

« Mais... Combien en as-tu, alors...? »

Il lui avait semblé en avoir aperçu un bon nombre autour de la ceinture de l'adolescent, lorsqu'il avait ouvert sa veste pour en retirer une. Et il ne le cachait pas, mais se trouver en la présence d'autres pokémon quels qu'ils fussent était la dernière de ses envies sur le moment. Si à part Gardevoir, tous avaient cherché à un moment donné à le tuer... Il préférait remettre au plus tard possible sa prochaine confrontation avec une autre de ces créatures. Qu'elles voulussent le tuer ou non.

« T'en fais pas. En comptant Gardevoir, j'en ai que deux pour l'instant. Tiens, vous voulez faire connaissance ? ajouta-t-il en riant.
- Je préfèrerais éviter, si ça ne t'ennuie pas... » répliqua-t-il avec un sourire forcé.

Le dresseur haussa les épaules, toujours avec son sourire amusé, s'étant bien évidemment attendu à une telle réponse.

« De toute façon, c'est un peu un cas à part, même Gardevoir et moi on a du mal avec lui. Je comptais pas le sortir avant qu'on soit arrivés en ville.
- C'est peut-être parce que tu ne le sors pas assez qu'il fait la tête ? Moi, ça me ferait bizarre de rester enfermé dans un engin pareil.
- Justement, c'est le contraire. Quand je le sors, une fois sur deux il cherche à y retourner ou à partir se cacher pour bouder. J'ai encore jamais réussi à le raisonner et je sais toujours pas pourquoi il fait ça. »

Il trouvait étonnant qu'il parlât d'un pokémon comme il eut parlé d'un être humain. Certes, lorsqu'il voyait Gardevoir, il était évident qu'elle se comportait quasiment comme tel, avait des raisonnements et des émotions typiquement humains... Mais lorsqu'il songeait plutôt aux balignon ou à l'airmure, il lui était apparu que le cas Gardevoir était l'exception... non l'inverse.
Apparemment, les pokémon semblaient être bien plus mystérieux encore qu'ils n'en avaient l'air au départ. Et infiniment plus complexes.

Le déjeuner était prêt. Gardevoir fit le service, et la discussion continua autour de la table, chacun en apprenant un peu plus sur le monde de l'autre. Clive s'étonnait encore, chose qu'il croyait inimaginable au départ, de la différence apparente dans le fonctionnement des lois de la physique — les attaques, les différents objets techniques plus ou moins complexes apparemment communs dans le commerce, l'évolution des pokémon... tandis que Max buvait littéralement ses paroles concernant l'autre monde, comme un enfant absorbé devant un conte de fées. L'adulte ignorait si c'était possible, mais il était évident que si jamais ils trouvaient l'occasion un jour de retourner en Angleterre, le dresseur ferait tout pour ne serait-ce que le voir de ses propres yeux, au moins pour quelques instants.

« On va aller en ville, avait déclaré Max une fois les dernières affaires rangées. Ça va nous faire pas mal de trucs à organiser, si tu viens avec nous. On n'a pas l'habitude de dormir à la belle étoile, mais juste au cas où. Et on va avoir besoin de plus de provisions... »

Bien que le ton employé fût bien plus proche de quelqu'un préparant avec enthousiasme sa prochaine virée shopping que d'un pauvre voyageur comptabilisant avec angoisse ses dernières économies, il se sentait gêné de devoir ainsi profiter d'une certaine manière des ressources d'autrui. Il se consolait en se disant que même s'il avait son portefeuille avec lui, la livre sterling ne lui eut pas été d'une grande aide... mais cela ne l'avait pas empêché de s'excuser poliment à de multiples reprises, et il insistait pour ne lui emprunter que le strict minimum. Le gamin, lui, semblait au contraire plutôt dépensier et n'hésitait pas à rajouter à sa liste nombres de détails inutiles. Il y avait intérêt à ce que ses parents eussent un compte bancaire solide...

« Et puis faudra te trouver une autre tenue, hein. Faut avouer que le pyjama rayé, c'est quand même pas terrible. »

Clive, cette fois-ci, n'avait rien trouvé à répondre. Il ne savait s'il devait s'estimer heureux de l'innocence de ce garçon, ou se désespérer de la situation dans laquelle il se trouvait. Il parvint à peine à dissimuler ses doigts masser durement ses sinus, réussissant déjà à ne pas devoir enfoncer sa tête dans sa main en poussant un soupir blasé.

Il n'a toujours pas compris...?
« P[size=1]EUT[/size]-[size=1]ÊTRE QUE C[/size]'[size=1]EST MIEUX AINSI[/size]. », lui transmit Gardevoir dans une sorte de petit rire étouffé.

[size=3]Aussi imprévisibles que l'orage, aussi changeantes que l'ouragan, aussi indécises que le vent.
Et après l'on voudrait que les émotions humaines soient un long fleuve tranquille.
[/size]


Pokémon #201cPokémon #201hPokémon #201Pokémon #201pPokémon #201iPokémon #201tPokémon #201rPokémon #201e Pokémon #201c