Chapitre 2 : Sinnoh [Arc I : Le GEP]
La neige tombait abondamment sur le minuscule village de Laim, perdu entre deux montagnes, dans une petite vallée constamment blanche. C'est bien l'altitude, d'ailleurs, qui justifie cette couleur, puisque d'habitude, il ne neige pas un 17 juin. Peu de maisons composent le village, mais l'une d'elles est un orphelinat, habité par tout juste cinq enfants, âgés de six mois à trois ans pour la plupart. Et toute cette petite bande était sous la tutelle d'une adorable femme d'une trentaine d'années, nommée simplement Erica Beth. Qu'avait-elle de particulier ? Rien, comme elle n'était qu'une honnête personne, n'ayant rien à se reprocher, et dirigeant un orphelinat. Elle était fière de ce qu'elle faisait, et recueillir des pauvres enfants seuls la rendait heureuse, comme elle vouait sa vie à son entreprise. Cette dame avait les cheveux bouclés, dont la longueur donnait jusqu'aux épaules. Elle paraissait tout le temps souriante, joyeuse, et sur sa peau blanche étaient dessinées des pommettes, de même que ses joues étaient rouges. Elle n'était pas particulièrement grande de corps, atteignant tout juste le mètre soixante, mais d'esprit, l'immeuble de la société protectrice des Pokémon – par exemple – aurait eu de quoi se sentir petit, face à elle, et ce malgré ses mille pieds de hauteur. Car oui, on ne dépassait pas aisément quelqu'un dont la bonté, la gentillesse, et la dévotion parvenaient à masquer même le soleil.
Ce monde semblait aujourd'hui divisé par deux extrêmes. Personne ne put dire si ils eussent été mauvais, comme personne n'était au-dessus de personne. D'une manière plus exacte, personne n'est au-dessus de ses propres actions, et ainsi le droit de juger objectivement n'est pas accordé. Ah, si ! Quelqu'un, à bien y réfléchir, en a le droit : Dieu. Le seul problème, c'est qu'il ne s'exprime pas d'une manière compréhensive pour tous, et ainsi, n'a peux donner son avis.
Revenons-en à notre histoire. Erica Beth sortit de chez elle, par un beau matin. Il neigeait, comme d'ordinaire à Laim, et, malgré ses épaisses couches protectrices de vêtements chauds, elle ne put s'empêcher de frissonner. Du bout du pied, elle tâta la neige, et vit qu'elle était particulièrement profonde. Elle lâcha un soupire, et souriante, s'enfonça dans la matière blanche, qui lui arriva mi-mollet. Si elle eut possédé une montre, celle-ci lui aurait gaiement indiqué que sa plus petite aiguille s'approchait dangereusement du huit. Malheureusement, elle n'en avait pas, et de ce fait, ne perdit aucune énergie à tourner les yeux vers son poignet. Tandis qu'elle avançait sur la route principale du village, elle salua les habitants, de braves gens amicaux et chaleureux, qui lui rendirent la politesse. Cela faisait trois ans, maintenant, qu'elle était arrivée ici, par un heureux hasard ; alors qu'elle voyageait, elle eut le coup de foudre pour ce charmant hameau, et décida d'y rester. Comme beaucoup de maisons étaient alors vides, on lui en offrit gentiment une, et elle s'y installa, créant son orphelinat. C'était une tâche magnifique, dans une bâtisse magnifique, dans un village magnifique, d'une région magnifique, dans un monde mag... Non, pas si magnifique que cela, en fin de compte. Qu'importe. Elle sortit du village, et se dirigea vers les montagnes. Chaque matin, elle s'y rendait, comme peut-être, trouverait-elle un pauvre enfant abandonné.
La femme marchait, et se prit à observer les flocons de neiges tombants. Le paysage autour d'elle, elle le connaissait par cœur, puisque malgré les jours passant, il ne changeait pas. Par contre, les flocons, eux, étaient tous différents. Le saviez-vous, d'ailleurs ? Des milliards de milliards de flocons de neige – oui c'est la troisième répétition du mot flocon alors qu'il n'y en a aucun intérêt, mais avec « houppette » comme synonyme... Bref –, aucun n'est identique à un autre, ce qui leur donne un intérêt tout particulier. Erica Beth rejeta la tête en arrière, et s'arrêtant un instant, laissa ces sublimes paillettes d'argent fondre sur son visage. Que c'est beau, se dit-elle sûrement. Elle eut envie de rester ainsi des heures durant, mais ne le put, car elle devait finir sa promenade, avant de rentrer voir ses enfants. Ah, ses enfants ! Rien que de penser à eux la rendait heureuse. Le sourire jusqu'au oreilles, elle reprit sa route, escaladant la montagne immaculée.
Elle savait le chemin par cœur, et aurait pu même le faire les yeux fermés, mais elle fut étonnée de découvrir une zone qu'elle ne connaissait pas. En effet, là où elle avait l'habitude monter, une partie de la montagne avait disparue, laissant un trou qui, de loin, semblait parfaitement sphérique. La neige avait recouvert la roche, mais madame Erica, en connaisseuse des monts, en imaginait facilement la forme nue. Pataugeant dans la mélasse blanche, elle s'en approcha, non sans une pointe d'inquiétude, et de sa main, balaya un pan de neige accumulée, et fut alors à même de contempler l'étrange forme. Comme elle s'en doutait, la surface était parfaitement lisse, ne présentant aucun défaut. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle, et aperçut de surprenantes sculptures de pierre, plantées dans le sol. Celles-ci étaient très étranges, car difficilement descriptibles. Pourtant, essayons tout de même : leur forme générale se rapprochait d'une corne courbe, dont le pied serait plus large, assurant un maintien suffisant.
Tout cela n'était pas normal, comme hier même, il n'y avait pas ce trou, ainsi que ce nouveau chemin bordé de décorations de pierre. Alors qu'elle vivait chaque jour une routine apaisante, la femme ressentit un léger frisson de peur. Elle eut peur, certes, mais elle eut aussi envie de progresser, et de découvrir la raison de ce changement plus que surréaliste. En effet, quel mot aurait pu décrire quelque chose de tel ? Non seulement il s'agissait là d'un phénomène incroyable, mais surtout impossible !
Prudemment, elle s'avança, lentement, un pied après l'autre, masquant au maximum ses bruits de pas. La neige avait cessée de tomber, mais l'angoisse nouvelle donnait encore plus froid à la pauvre dame, serrant comme elle pouvait ses épaisseurs de vêtements. Si cela n'eut tenu qu'à elle, elle se serait enfui à toutes jambes retrouver ses chers petits. Qu'est ce qui l'en empêchait, direz-vous ? Sûrement le fait que la montagne était SA montagne, et qu'il devait y avoir une raison plus qu'importante pour la saccager de la sorte ! Quand bien même, elle irait se plaindre à quelqu'un, une fois que tout serait fini. Elle progressa entre les morceaux de pierre disséminés ça-et-là, tournant sans cesse la tête, de peur de voir surgir quelqu'un dans son dos. Au point où elle en était, la paranoïa prenait sur elle une emprise importante. Elle s'arrêta de marcher, se laissa tomber à genoux dans la neige, qu'importe le froid qui s'infiltrait sous ses vêtements, et pleura.
« Mon Dieu, murmura-t-elle, que se passe-t-il ici...
Pourquoi pleurait-elle ? Car une fois de plus, rien de ce qui se passait là n'était normal, et rien de cela n'aurait dû arriver. Bien qu'elle versait de chaudes larmes, celles-ci n'avaient pas le temps de couler qu'elles cristallisaient, brûlant la peau de la femme. D'un revers de manche, maculé de neige, elle s'essuya, mais ne put prévoir que la matière blanche accumulée la glaça davantage. Soupirant, elle regarda tout autour d'elle, toujours assise dans la neige, puis ferma les yeux. Que voulait-elle ? Pourquoi ne s'enfuyait-elle pas ? L'idée lui vint de s'en aller de cet endroit, et d'aller prévenir les autres habitants de Laim, comme cela les concernait aussi. Oui, après tout, il n'y en avait pas s'y installa après elle, donc ce n'était pas la plus concernée. Pourtant, elle sentait qu'elle ne devait pas s'en aller, comme un étrange pincement au cœur le lui rappela. Qu'est ce qui l'en empêchait ? Elle n'avait de cesse de se le demander, mais aucune réponse définie ne put se former dans son esprit, puisqu'elle ne savait pas à quoi tout cela rimait.
Le léger brouillard opaque présent dans cette fosse se dissipa, et peu à peu, Erica Beth discerna ce qui l'entourait. Elle balaya entièrement la zone du regard, tout de même blanche, et discerna au loin un petit point sombre. Intriguée, elle se releva, et se décalant légèrement, comprit que le chemin indiqué par les étranges sculptures décoratives de pierre y menait. Elle jeta un autre coup d'œil derrière elle, encore moins rassurée, et progressa, lentement, vers cet étrange point noir. Elle grelottait, à présent. Quelle idiote, se dit-elle sûrement, de s'être ainsi laissée tomber dans la neige. Une chose était certaine : par ce beau matin, elle avait toutes les chances de tomber malade. Plus elle progressait, plus la roche l'entourant lui semblait haute, comme si elle progressait vers le cœur de la montagne. Comment s'appelait cette dernière, d'ailleurs ? Bien qu'il n'y eut pas de véritable nom leur étant attribué, les habitants du petit village d'à côté les surnommaient les Monts de Laim, tandis que pour le reste de la population de ce petit pays, ce n'étaient que de simples montagnes, que quatre-vingt dix-neuf pour-cents de cette même population n'avait jamais exploré. Quel intérêt, direz-vous certainement, d'escalader un pic rocher qui ne nous attire pas ? Le tourisme, peut-être ? Non, dans cette région, le tourisme n'existait pas, puisqu'il n'apportait rien. Tout ici, se résumait à la pauvreté. Peut-être pas à Laim, bourg prospère, mais dans les alentours, c'était bien le cas.
Erica Beth marchait sans doute depuis une dizaine de minutes, déjà, et c'est toujours grelottant qu'elle parvint à l'étrange point sombre, perdu dans ce mur blanc. Celui-ci, au final, s'avéra être l'entrée d'une grotte, auparavant masquée par l'intense brouillard. Elle s'approcha doucement, hésitante, et pencha la tête, espérant apercevoir quelque chose à travers cette paroi d'ombre. Rien : c'est ce qu'elle vit. Mais ne nous affolons pas, tout cela était normal, n'ayant pas vécu dans un milieu fondamentalement sombre. Vous aussi, je suppose, lorsque, après avoir fixé une zone lumineuse, vous en observez une autre lumineusement opposée, vous ne distinguez pas grand chose. Alors, bien sûr, il y aurait moyen de donner ici des explications détaillées sur la vision, la lumière, la rétine, etc., mais sûrement n'est ce pas ni le meilleur endroit, ni le meilleur moment. Par contre, ne vous y trompez pas, ce n'est pas un quelconque moyen de grappiller quelques lignes à travers ces masses de pavés, s'affichant tels un obstacle à surmonter pour vous ! Qu'importe, poursuivons notre histoire dans un énième paragraphe.
Que devait faire la pauvre femme, apeurée par la tournure déconcertante des événements, et tiraillée par l'envie de connaissance. Que se trouvait-il au fond de cette grotte ? Il était probable qu'un quelconque Pokémon sauvage s'y loge, mais c'était quand même peu probable, sachant que tout cela avait une organisation. Une grotte, à laquelle on accédait depuis un chemin entouré de sculptures fantaisistes, taillé à même la montagne, par un quelconque pourvoir divin. Oui, une fois encore, soulignons le fait que ce chemin-ci avait été taillé dans la montagne, et non simplement dans la roche. Vous ne visualisez pas ? C'est l'heure des explications ; imaginez une montagne (de même, plusieurs répétitions, mais c'est voulu. Par la suite, cela ne sera pas rappelé, donc ne vous en faîtes pas.) entière, avec sa base, sa hauteur, et enfin, son sommet. Qu'elle soit enneigée ou pas n'a pas d'importance, puisque c'est la VOTRE, donc c'est vous qui la modélisez comme bon vous semble. Bien, ensuite, n'en gardez que le tiers supérieur, auquel vous allez ajouter une vallée, ainsi que sur cette dernière un charmant village. Il est beau, n'est ce pas ? Certainement, mais comme vous l'imaginez sûrement mieux, ne nous attardons pas. A votre montagne, vous allez ôter une partie, suivant une forme cylindrique horizontale. Ce trou, c'est ce dans quoi se trouve Erica Beth.
Finalement, prenant son courage à deux mains, elle osa s'aventurer dans la mystérieuse grotte, gardée par une quelconque chimère. Ses pupilles commencèrent à se dilater, et peu à peu, à mesure qu'elle progressait entre ces murs de pierre, elle perçut des formes vagues. Toujours déboussolée, elle s'approcha d'une paroi, et laissa sa main glisser le long, comme pour se rassurer. Son cœur battait fort, elle le sentait vibrer à travers ses tympans, et sa tête commençait à tourner. Décidément, quelle mauvaise aventure pour elle, une fragile cardiaque. Dans le meilleur des cas, si elle ne périssait pas dévorée par une créature affreuse, elle mourrait d'une crise cardiaque, si cette même créature, moins affreuse toutefois, apparaissait derrière elle – en retirant la possibilité que rien ne se passe. Elle hésita à se retourner, mais jugea que ce n'était pas une bonne idée, puisqu'elle ne souhaitait pas être effrayée, si quelque chose se trouvait derrière elle. Pourtant, elle entendit un bruit, et se retourna brusquement, ne vit rien. Elle passa en mode hyperventilation, et rien ne put la rassurer. Elle s'accorda quelques secondes, le temps de reprendre ses esprits, et quand ce fut fait, elle tourna de nouveau sa tête, dans le bon sens cette fois. Tout juste eût elle fait ça qu'elle cru percevoir une ombre filer devant elle, la faisant crier. L'humaine tomba à la renverse, et s'écorcha les mains sur le sol. Elle avait chaud, et suait à grosses goûtes. Pourquoi ne pas s'enfuir ? Elle en était incapable, comme la peur la tétanisait.
- Qui... Qui va là ?! s'écria-t-elle. »
Évidemment, rien ni personne ne lui répondit. Mais cela valait mieux, car dans son état, même un bébé Evoli lui aurait fait peur – alors imaginez un quelconque Spectrum... Elle se remit à pleurer, jurant intérieurement, se traitant d'idiote. Oui, quelle idiote d'être rentrée dans cette grotte dénuée de tous Pokémon où créatures paranormales. Mais ça, elle ne le savait pas, pour sûr. Elle secoua la tête ; non, c'était décidé, elle en avait assez vu ! Tremblante, elle se releva, et, d'un geste maladroit, se tourna vers la sortie, qui lui paraissait bien loin. Elle fit un pas, mais un cri provenant de derrière elle l'interrompit. Les yeux écarquillés, la bouche béante, elle laissa tomber sa main en contact du mur, et se retrouva immobile. Une seconde fois, elle entendit ce cri, bien que léger. Elle savait de qui il provenait, car c'était l'un des sons qu'elle avait, dans sa vie, entendu le plus souvent. Elle n'osa pas tourner la tête, et elle tremblait. Qu'y avait-il au fond de cette maudite grotte ? Elle eut envie de se gifler, comme un troisième de ces gémissements profonds retentit. Pourtant, pas même mille de ces gifles n'auraient pu être un châtiment suffisant pour ce qu'elle s'apprêtait à faire. A ce moment, elle venait de comprendre pourquoi, malgré sa peur, elle n'avait pas fui. Lentement, elle se tourna de nouveau, et mit un pied devant l'autre, poursuivant sa descente. Elle finit alors, au détour d'un tournant, par apercevoir de la lumière. Oui, un étrange scintillement vert, semblable à l'éclat du soleil, reflété sur de l'eau. Comme sa vision était accoutumée à l'obscurité, elle fut éblouie par l'intense éclairage face à elle, mais lorsqu'elle l'eut traversé, tout se dessina devant elle.
Au final, Erica Beth ne regrettait pas d'être entrée dans cette grotte, malgré la peur qu'elle avait eu. Après tout, des lieux comme cela ne l'avaient jamais rassurée, ce n'était pas la première fois. De sorte de compléter cette série de phénomènes étranges et irrationnels, elle fit une découverte déconcertante, comme, de son esprit pragmatique, n'avait jamais pu envisager cela. Elle s'avança, découvrant une salle voûtée, éclairée par un trou dans le plafond. Tout autour, de l'eau coulait, et un petit pont naturel menait à un îlot rocheux, situé bien au centre. Sur celui-ci, elle aperçut une sorte d'autel, entouré par quatre torches de quatre flammes de couleur différentes : une rouge, une bleue, une verte, et une blanche. Oui, une flamme blanche. Mais il n'y a là rien d'étonnant, quand on se rappelle que les trois précédentes sont rouges, vertes, et bleues – bien qu'une de couleur bleue soit plus facile à obtenir qu'une blanche. Jamais, dans sa plate vie, elle ne s'était attendue à une telle découverte. Sur la construction de pierre, et entouré par les quatre torches, un bébé était enroulé dans un tissu semblable à de la soie. Elle avait, en quelques années, trouvé bon nombre d'enfants, mais aucun de cette manière. Le cri qu'elle avait entendu, un peu plus tôt, provenait de cet être, seul dans la neige.
Tandis que la femme serrait le bébé dans ses bras, enroulé dans ses propres vêtements, elle ne put s'empêcher de verser une nouvelle fois des larmes. Il avait la peau claire, et dormait paisiblement, comme insensible à ce qui lui arrivait. Elle marchait, et en marchant, songea une nouvelle fois à quel point ce qu'elle faisait était beau, elle en avait une fois de plus la preuve. Sur l'autel, sous l'enfant, une inscription, en caractère Zarbi, était gravée. Elle n'était pas particulièrement familière à cet alphabet, mais avait pu déchiffrer le mot « Genesis », en gros au centre. Remontant la rue principale du village, les habitants l'observèrent avec des yeux ronds, particulièrement surpris. Une, d'ailleurs, se hâta vers Erica, observant avec intention le beau visage du nourrisson.
« Qu'il est mignon... Comment s'appelle-t-il ?
- Je ne sais pas, répondit l'autre, mais c'est un enfant des neiges. »
Souriant, elle poursuivit sa route, qu'importe à quel point les gens souhaitaient le voir. Ce bébé, âgé d'une semaine à peine, avait impérativement besoin d'être réchauffé. Frissonnant pour le petit qu'elle portait, elle songea que peut-être avait-il passé plusieurs jours dans cet environnement glacial. Compte tenu de tout les autres phénomènes surnaturels qu'elle avait vu, ce n'était pas impossible. Arrivant devant sa porte, elle secoua ses bottes, et ouvrit doucement la porte, ne souhaitant pas réveiller ses autres enfants. Pourtant, à peine fut-elle à l'intérieur, qu'un marmot de trois ans vint l'accueillir en grande pompe.
« Maman ! s'écria-t-il.
Sa mère, en l'occurrence Erica Beth, lui fit gentiment signe de parler doucement, lui montrant l'enfant. L'apercevant, l'autre se tut, et n'en décrocha plus son regard. Cet être miniature, qui venait de parler, s'appelait Sarah, et était, inévitablement, une fille. Comme indiqué précédemment, elle avait trois ans, et c'était la première enfant qu'Erica avait recueillie, plusieurs années auparavant. Elle se dirigea dans la cuisine, où était attablée un autre enfant, nommé lui Ben. Et Ben était bien plus calme que sa sœur, comme il ne prononça mot, son regard tombant directement sur le bébé. Doucement, tout doucement, la femme le posa sur la table, et les deux autres se penchèrent pour l'observer. Ainsi enroulé dans ses couvertures, il était magnifique. Son crâne, clair, était déjà parsemé de cheveux argentés, reflétant la lumière.
- Comment il s'appelle ? demanda Sarah.
Sa mère sourit, ne détachant pas pour autant son regard de l'enfant. Comment s'appelait-il ? Elle n'y avait pas pensé, comme peut-être sa vraie génitrice lui en avait donné un. Pourtant, elle réfléchit quelques instants, fermant les yeux.
- Je l'ai trouvé dans la neige, alors c'est un enfant des neiges.
- Yéti, alors ?
Erica Beth secoua doucement la tête, toujours souriant. Non, Yéti n'était pas un nom que ce bébé mériterait, comme seul un prénom sublime pourrait le caractériser à la perfection.
- Comme neige se dit snow, reprit Erica, il s'appellera Sinnoh. »
Les deux autres enfants en restèrent bouche-bée, et après avoir mémorisé la nomination de leur nouveau frère, se penchèrent vers lui.
13 ans plus tard
Par ce beau dimanche de juin 679, le village de Laim était inondé d'une lumière chaude, réverbérée par la neige, doux manteau blanc, lisse. Pour ce jour, le ciel était dégagé, comme la seul blancheur de ce paysage se trouvait bel et bien dans la neige. Le soleil, fier d'occuper seul son territoire, faisait profiter les habitants de chacun de ses rayons, qu'il exhibait fièrement. Avez-vous déjà assisté à cela ? Un panorama montagneux, nacré, et baigné d'une lumière plaisante. Si tel est le cas, estimez vous chanceux, car en plus d'avoir pu vivre une expérience admirable, vous êtes en mesure de comprendre ce que ressent le jeune garçon, assis sur un petit muret. Vêtu d'un épais manteau, le froid semble ne pas l'approcher, lui permettant ainsi de séjourner des heures durant, laissant seulement la chaleur du soleil caresser son visage. Il n'est pas le seul à profiter de cette sublime journée, comme un peu plus loin, de jeunes enfants jouent dans la surface blanche. Tandis que certains y tombent gaiement, d'autres se bataillent d'une multitude de boules de neiges, grosses pour les expérimentés, petites et mal formées pour les débutants et les sans-gants. Oui, c'est ainsi que pourraient s'appeler les pauvres enfants démunis de gants, mais tout de même désireux de projeter des morceaux de glace à la figure d'autres. Ah, les boules de neige ! Qui n'a jamais lancé de boules de neiges, étant enfant ?
Cette joie, cette bonne humeur, tout le rend lui-même heureux. Le sourire aux lèvres, il ne quitte pas des yeux cette petite troupe, qui lui rappelle ses frères et sœur, plusieurs années auparavant. D'ailleurs, certains de ces enfants sont ses frères et sœur. Treize ans auparavant, le garçon était recueilli ici, à l'orphelinat de Laim. A ce moment-là, il était le plus jeune de sa fratrie, mais aujourd'hui, la maison s'est bien agrandie, avec presque une dizaine de petits. Sans qu'il ne s'en rende compte, et de son pas doux et léger, sa grande sœur, Sarah, arriva près de lui.
« Ils sont mignons, hein ? fit-elle.
De sa manche, elle chassa la neige du muret, et s'y assit, d'un petit saut. Lorsqu'elle fut installée, elle observa à son tour les enfants, rêveuse. De même qu'à son frère, ils lui rappelaient son enfance, la rendant nostalgique. A seize ans, il ne lui restait plus que deux années à passer à l'orphelinat, atteignant alors l'âge légal, et lui permettant sans doute de trouver un travail.
- On était pareils, continua-t-elle. A part peut-être toi, Sinnoh, comme tu étais toujours la petite victime.
Son frère lui adressa un léger regard en coin, la faisant pouffer. N'importe qui, ne les connaissant pas, n'aurait pas été en mesure de dire que les deux avaient un lien de parenté – bien que, concrètement, ce n'était pas le cas – ; tandis que l'une était brune, avec des cheveux lisses, et le teint mat, l'autre était plus pâle, et avait des cheveux court argentés. D'ailleurs, à chaque fois qu'il se promenait dans le village, les mères n'avaient de cesse de s'extasier devant sa chevelure somptueuse, le faisant rougir. Il appréciait cette couleur, qui le différenciait des autres, mais devait bien avouer qu'une peau mat lui aurait été utile, masquant ainsi ses rougeurs lorsqu'on le complimentait.
- Vous êtes vraiment obligés de vous en aller, avec Ben ? demanda Sinnoh, sans aucun lien de sujet. Je veux dire, ça va être nul, sans vous...
- On n'a pas le choix, tu sais. Si on reste trop longtemps, on va gêner maman plus qu'autre chose. Puis c'est dans deux ans, y'a le temps encore.
Ne voyant pas cela comme un argument suffisant, son frère se contenta de bouder, tournant le dos à sa sœur, qui, le voyant, ne put s'empêcher de rire. C'est encore un enfant, dans sa tête, se dit-elle sûrement. Qu'importe, ajouterait-elle, tu as encore le temps de grandir. A cela s'accompagnerait un petit sourire protecteur, ainsi qu'un regard affectueux, comme elle seule savait les faire. Sinnoh ne put y résister, et reprit sa joie habituelle. C'était dans sa nature : un grand boudeur. Derrière eux, la porte de la maison claqua, et bruyamment, un jeune homme les rejoignit.
- Ah, vous êtes là, vous deux !
Il s'agissait du frère aîné, Ben. A l'inverse de sa sœur, il était bruyant, et sa voix forte accompagnait bien sa carrure. Chose étrange : étant enfants, les personnalités de ces deux étaient inversées, comme Ben était un enfant timide, et Sarah une extravertie. Tournant la tête, Sinnoh sourit.
- On peut pas rester longtemps seul ici, on dirait.
Son frère arriva près de lui, et lui tapa dans le dos, en guise de salutation. C'était là un geste qu'il n'appréciait pas, mais n'avait rien à dire, comme le sourire de l'autre le déconcertait.
-Sinon, qu'est ce que tu viens faire ici ? demanda Sarah.
- N'ai-je pas le droit de venir voir mes frères et sœurs ? De plus, c'est une magnifique journée pour être en extérieur !
- Ce que je voulais dire, reprit-elle, c'est qu'il me semble que maman t'a demandé d'aller chercher du bois, non ?
Souriant de toutes ses dents, Ben contracta son biceps et posa sa main dessus, comme pour impressionner les deux autres.
- Déjà fait ! dit-il. Tu me sous-estime, fillette !
- Ce n'est quand même pas une raison pour venir traîner ici, soupira la fillette. »
Les voyant se quereller ainsi, Sinnoh ne put s'empêcher de sourire. Il était plus proche de ses deux aînés que de n'importe quel autre membre de la famille, et ce malgré une différence d'âge nettement plus marquée. En effet, c'était avec eux qu'il partageait le plus de choses, et c'était avec eux qu'il pouvait parler de sujets importants, de sujet qui dépassaient les simples frontières du village de Laim. D'ailleurs cet attachement à eux s'était fait depuis le plus jeune âge, comme, alors qu'il n'avait que quelques mois, il leur courrait déjà après. Les années passant, il n'avait de cesse de vouloir jouer avec eux, qu'importe le moment. Toutefois, comme raconter le passé, les relations frère-sœur, etc. est plutôt inintéressant, il serait plus convenable de passer cette partie, quitte à y revenir plus tard, à un moment de révélation – très important, il semble –, de manière à ce que votre attention actuelle ne fonde pas, telle la neige au soleil. Oui, comme n'importe quel flocon qui tomberait, et au contact d'une surface chaude, disparaîtrait, sans même avoir pu dire mot. De base, un flocon ne dit mot ? Oui, il en convient. Pourtant, vous avez sans doute pu le remarquer jusque là, mais tous les éléments de cette histoire ne sont pas réalistes, comme certains dépassent notre désir d'entendement. Ainsi, il est tout à fait possible d'avoir des flocons qui parlent, bien que ça n'ait là aucun sens.
Ces huit lignes, au-dessus, vous pourriez certainement l'imaginer, sont du remplissage. Mais non, pas du tout ! Bien qu'elle soit relative à tous, elles ont leur importance, ici comme ailleurs. Et pour revenir aux personnages principaux, ils ont tous déjà été abordés, mais revenons y en un résumé. Il y a treize ans de cela, une habitante de Laim, Erica Beth – charmante femme –, trouvait, par hasard, un bébé, caché dans une grotte mystérieuse. Comme cet enfant avait été plus ou moins retrouvé dans la neige, elle décida de lui attribuer un nom semblable à Snow, signifiant neige : Sinnoh. A l'époque, il était le plus jeune de l'orphelinat, mais au cours des treize années qui suivirent, celui-ci s'est bien développé, doublant son effectif. Dans la famille, les deux plus grands se prénomment Ben et Sarah, et ont tous deux seize ans. Ils sont, de tous, ceux avec qui Sinnoh a le plus d'attaches, bien qu'il aime évidemment tout le reste de sa fratrie. Voilà comment on pourrait, entre autres, résumer les quelques pages du dessus. Oui, il aurait été nettement plus simple de vous le dire de cette manière dès le début, mais en supposant que vous avez choisi, de bon cœur, de vous farcir quinze minutes de lecture, cela ne doit pas vous déranger. Qu'importe, ce chapitre touche bientôt à sa fin, alors poursuivons-le, et achevons-le comme il se doit.
Quelques heures plus tard, comme le soleil, qui avait irrigué toute la journée durant la vallée en lumière, se couchait, la petite famille se retrouvait à table, pour prendre un bon dîner. Au bout de la table se trouvait Erica Beth, la mère adoptive de chacun de ces adorables petits, et tout autour d'elle, ceux-ci. Chacun armés d'une cuillère, les voilà qui attaquaient leur soupe, dans une bonne humeur visible. Les regardant tous, la femme souriait, comme elle savait si bien le faire. Ses joues avaient une légère teinte rouge, et brillaient de la lumière du plafond de bois. Dans le même temps, une fillette marchait dans la neige, se dirigeant vers Laim.
« Plic, Ploc, fit-elle. Bouh, que c'est froid...
Elle était pieds nus, et vêtue d'une simple robe noire. Dans ses longs cheveux violets était noué un nœud lui aussi noir, et d'étranges bracelets pendaient à ses poignets. Enfin, elle portait un long collier auquel était accroché une croix stellaire, symbole d'éternité. Elle semblait jouer, profitant de la neige sous elle, qu'importe la température.
- Plic, Ploc. Que c'est beau, la neige !
Dans ses mains, elle tenait des cordes, reliées à d'étranges choses près d'elle. Doucement, elle avançait vers le village, dont les premières maisons se dessinaient non loin. Comme elle passait, un ou deux Pokémon des neiges sortaient des buissons pour l'observer, mais elle ne leur offrait pas la moindre attention, trop occupée à sautiller dans la neige.
- Plic, Ploc. Bouh, quel affreux village !
Elle releva la tête, comme la lune laissait apercevoir son sourire enfantin, ainsi que son regard étincelant. De fines mèches violettes tombaient sur son front, mais elle n'avait que faire de quelques cheveux, quand tout autour d'elle était magnifique.
- Plic, Ploc. Tout droit, tout droit !
La fillette semblait s'extasier, dansant à travers cette poudreuse. D'innombrables flocons s'échouaient sur elle, et fondaient aussitôt, n'ayant le temps de dire mot. Si elle ne fut pas timide, elle aurait presque pu libérer quelques éclats de rire.
- Plic, Ploc. Direction la maison des enfants !
En effet, alors qu'elle traversait le village, l'orphelinat apparaissait devant elle. Dans les maisons autour, entendant une voix à l'extérieur, les habitants se présentaient aux fenêtres, avant aussitôt de fermer les volets, et de verrouiller à double tour. Mais quel odieux village, pourrait-on penser, de clore ainsi sa porte au passage d'une fillette. Heureusement que la maison des enfants, comme elle l'appelait, était là ! Elle s'arrêta devant la porte de la mignonne bicoque, et y frappa doucement et lentement.
- J'arrive ! fit entendre Erica, de l'autre côté.
Celle-ci ouvrit la porte, et à sa grande stupeur, découvrit une enfant trop légèrement vêtue, seule dans la neige. Elle semblait saisir quelque chose, mais l'obscurité ne permit pas à la femme de le discerner, et tout sourire, elle la fit rentrer. Pourtant, derrière elle, les petits étaient sur le point de pleurer, et même les plus âgés, tournés vers les fenêtres, affichèrent une mine horrifiée.
- Ne la fais pas entrer !! cria Sarah, comme au désespoir.
- Qu'est ce que tu dis ? fit sa mère. Cette petite est...
- Ferme la porte !! cria à son tour Ben, la coupant brusquement.
Sa forte voix résonna dans la village, mais personne ne sortit, sachant déjà ce qu'il se passait.
- Ferme la porte ! répéta-t-il, plus fort. Vite !!
Il ne pouvait prononcer que cela, comme sa bouche l'empêchait de s'exprimer davantage.
- Allez, rentre vite te réchauffer, indiqua Erica Beth, ne tenant pas compte des autres.
Pourquoi ? Pourquoi, en une si belle journée, cela devait arriver ? C'est ce que se demandait Sinnoh, pétrifié de peur. Il tremblait de tout son corps, de peur comme de froid. En effet, la fillette entra, amenant avec elle un courant d'air. Le sentant à son tour, la mère se précipita pour fermer la porte.
- Laissez-la ouverte, ordonna la fille, un léger sourire aux lèvres.
Stupéfaite, la femme recula, et vit des formes émerger à travers l'embrasure de la porte.
Pourquoi ? Comment était-ce possible ? Les petits se mirent à crier, et Sarah, en larme, implora une nouvelle fois sa mère de faire sortir l'enfant.
- Enfuyez-vous ! cria Ben, se jetant vers l'inconnue.
Peu à peu, les formes s'affirmèrent, et la première fut celle d'un Pokémon, un Kabutops. D'un coup rapide, la tête du jeune homme vola, éclaboussant le sol de sang.
- Plic, Ploc. Votre village est moche. »
Erica Beth n'eut pas le temps de crier qu'elle aussi fut décapitée, s'écroulant au sol. Rapidement, un autre Kabutops et deux Insecateur se précipitèrent dans la pièce, et fauchèrent tous les enfants qui tentaient de s'enfuir. En larmes, Sarah attrapa Sinnoh, et le jeta par la fenêtre, sans que les autres ne s'en rendent compte. Ainsi volant, la dernière vision qu'il eût fut celle de sa sœur, mise en morceaux par les lames tranchantes des créatures, après quoi il s'évanouit.
Sa famille entière avait été tuée. Les assaillants, bien que ce ne fut par personnellement, il les connaissait. Oui, ses jeunes frères et sœurs, Sarah, Ben, ainsi que sa mère, tout ce qu'il aimait avait été emporté par les Pokémon.