Chapitre 32 : Draco Nova
Solaris
Je devais remercier le ciel que Ludmila et Tannis m'aient enfin écouté et pris la fuite, avec l'aide appréciable de Cresuptil et de ses pouvoirs psychiques pour dévaler la montagne à toute allure sans se rompre le cou au passage. Je ferais ce que je pourrais pour empêcher Tranchodon et ses sbires de les poursuivre, mais je ne pouvais plus les aider. Quant à Cielali et Kerel, j'ignorais où ils étaient allés. J'avais vu Penombrice être proprement désintégré suite à une attaque flamme, mais il était le seul pour qui je ne me faisais pas trop de souci. Sa nature de Spectre lui conférait un état proche de l'immortalité, et l'esprit désincarné qu'il était pourrait reconstituer son corps de glace.
Mais je m'en voulais. Comment avais-je pu être aussi imprudente ? Je me doutais que ce Frelali pourrait poser problème dès l'instant où je l'ai vu dans la Vallée des Brumes. Mais je n'avais rien pu faire. En vertu des lois de Cresselia, il était devenu intouchable dès le moment où il était passé sous le statut de réfugié. J'aurai pu le tuer, certes, en m'attirant par la même l'inimitié de Cresselia et en étant bannie à jamais du village, mais au moins, Tranchodon n'aurait pas su où nous nous rendions. À présent, la Pokeball de Daecheron n'était plus en notre possession, les jeunes que j'aurais du protéger et amener jusqu'à la base Paxen étaient dispersés et en danger de mort, et moi, je faisais face à l'un des plus dangereux officier de l'Empire et à une centaine de ses soldats. Comme situation, il y avait mieux.
- Ne commence pas à te morfondre, me prévint Dracoraure dans ma tête. Bats-toi, et survis pour aller ensuite aider les gosses.
Je ricanai mentalement. J'avais déjà eu du mal contre ce major Lancargot et ses quelques Pokemon. Qu'est-ce que je pouvais bien faire face à tout ça devant moi, à part gagner un peu de temps ? Peut-être mes ailes m'auraient permis de m'enfuir - et encore, ce n'était pas certain - mais alors, Tranchodon se serait reporté sur les autres. Et leurs vies étaient plus importantes que la mienne.
- Désolée, ma vieille amie, fis-je en pensée à Dracoraure. Il semble que notre long voyage se termine ici. Dans le temps de ma lointaine jeunesse, ce Tranchodon chromatique ne m'aurait pas posé des problèmes. Aujourd'hui, il fera plus que m'en poser, je le crains...
Je perçus comme un haussement d'épaule mental de Dracoraure.
- Si l'on doit périr aujourd'hui, ainsi soit-il. Je suis en réalité morte il y a des siècles. Mais ne va pas rechercher la mort intentionnellement pour te donner le beau rôle. Je te connais plus que tu ne te connais toi. Même à cet âge canonique, tu restes tristement puérile...
- Et toi, je constate que ton cynisme ne t'a jamais quitté après tout ce temps, répliquai-je amusée.
- Cynique est mon deuxième prénom.
Je souris, songeant à ces quelques sept cents années passées ensemble. Dracoraure était tellement ancrée à mon esprit que parfois, je me faisais l'effet de parler dans le vide, comme une schizophrène. Peut-être que je l'étais, après tout, et que la voix dans ma tête n'était pas Dracoraure mais une double personnalité ? Je n'avais jamais vraiment compris comment l'esprit de Dracoraure avait pu se loger dans le mien. Dracoraure non plus n'avait pas de réelle explication. Peut-être que tout cela était une illusion, et que depuis tout ce temps, je me parlais à moi-même ? Bah, si c'était le cas, ça ne changeait rien. Que la voix dans ma tête fut Dracoraure ou un dédoublement de moi-même, elle m'a accompagné et tenu compagnie si longtemps que je ne me rappelais même plus ce que ça faisait d'avoir l'esprit inoccupé. Je disais toujours que j'avais vécu seule une grande partie de ma longue vie, mais en réalité, je n'étais jamais seule. Dracoraure était ma sœur d'âme. Ne comprenant pas pourquoi je souriais ainsi, Tranchodon se rembrunit.
- Tu sembles bien confiante, humaine. Je ne sous-estime pas ta puissance, mais tu es quelque peu en infériorité numérique. Et surtout, tu es vieille. Tes pouvoirs étaient peut-être absolus autrefois, mais c'est terminé maintenant.
- Vieille, je le suis, assurément, répondis-je poliment. C'est pour cela que je ne crains pas la mort. Que ceux d'entre vous qui n'en ont pas peur non plus approchent. Je ne vous laisserai pas rattraper les jeunes.
Tranchodon sourit férocement.
- Je pourrai les rattraper plus tard. Pour l'instant, c'est toi ma cible prioritaire, Solaris as Vriff. Les plus hautes autorités de l'Empire te veulent morte. Maintenant que j'ai la Pokeball, Ludmila Chen et ses comparses peuvent bien attendre. Tu as ma pleine et entière attention.
Tranchodon fit un geste du bras, et ses soldats reculèrent, formant un grand cercle tout autour de ce qu'il restait des Colonnes Lances. Les yeux rouges du colonel, qui ne me quittaient pas, étaient la sauvagerie incarnée.
- Un adversaire tel que toi, je veux à tout prix le combattre seul, dit-il. Tiendras-tu plus longtemps que Cresselia, dis-moi ?
Si ce malade voulait m'affronter seul à seul, je n'allais pas lui dire non. Contre toute sa troupe, je serai tombée bien vite sous le nombre. Mais contre le colonel Tranchodon uniquement, je pouvais peut-être l'emporter. Tant pis si je me faisais tuer ensuite par ses sbires ; la mort de ce boucher serait déjà une chose de gagnée. C'était un Pokemon Dragon, donc il craindrait mes attaques. Le souci, c'était que l'inverse était aussi vrai. J'étais humaine, mais avec une partie du légendaire Dracoraure en moi. Moi aussi, je craignais les attaques de type Dragon.
- Approche, abomination du passé, m'encouragea Tranchodon.
Je fis mine de soupirer.
- J'ai passé l'âge de ce genre de provocation. C'est toi qui veux me combattre, gamin. À toi de venir en premier.
Se faire appeler « gamin » ne fut apparemment pas du goût du colonel. Il n'en fallut pas plus pour qu'il se précipite sur moi, ses griffes levées et dégageant une lueur violette, signe d'une attaque Dracogriffe. Le Pokemon était rapide. Trop rapide. Il avait dû utiliser Danse Draco avant d'engager le combat. Je pouvais moi aussi l'utiliser, cette attaque, mais le temps que je la charge, l'impérial m'aurait déjà tranché en deux, et puis, ça ne valait pas vraiment le coup. Danse Draco augmentait l'attaque et la vitesse ; moi, j'étais plus centrée sur l'attaque spéciale. Quant à la vitesse, je pouvais l'augmenter tant que je voulais, j'avais des limites que mon corps ne pouvait pas dépasser. Des limites humaines.
Pour esquiver son attaque, je m'envolai au dessus de lui, mais s'y étant préparé, il sauta. Moi aussi, je m'y étais préparée. J'avais imperceptiblement baissé ma main dans sa direction, et quand il fut à portée, je lançai mon attaque Dracochoc. J'avais dans l'idée qu'il utilise sa Dracogriffe sur mon attaque pour la contrer, mais ce fou préféra encaisser Dracochoc pour m'attaquer ensuite. Ça, je ne l'avais pas prévu, et je ne pus m'éloigner assez pour éviter sa Dracogriffe. Ses griffes labourèrent mon corps de l'épaule au nombril. Plus que le choc, ce fut la douleur qui me prit par surprise. Voilà longtemps que je n'avais pas ressenti pareille douleur. J'avais oublié ce que c'était, de combattre réellement, depuis tout ce temps.
Je ne pus me maintenir dans les airs après ça. Je tombai au sol, mais en tâchant de me réceptionner un minimum. Mes griffures, profondes, suintaient déjà de sang. J'avais la tête qui tournait à cause de la douleur. Si jamais je m'évanouissais, c'était fini. J'engageai mes pouvoirs et ma volonté pour rester consciente. Tomber dès la première attaque serait quelque peu humiliant, surtout si ça devait être mon dernier combat. Mais mon ennemi était fort. Même en craignant ça, une attaque Dragon n'aurait pas pu m'affecter autant. Ma peau était aussi dure et solide que celle de Dracoraure. Je n'osai pas penser au chiffre que devait atteindre l'attaque physique de Tranchodon. En face de moi, alors qu'il avait encaissé de plein fouet mon Dracochoc, le colonel avait seulement l'abdomen un peu noirci, mais se tenait debout sans faiblesse apparente.
- C'était réellement une attaque Dracochoc, ça ? Ironisa-t-il en se massant sa blessure. Même moi qui suis axé physique, je suis sûr de faire mieux que ça. Ça a la puissance d'un Minidraco tout juste sorti de l'œuf !
Tranchodon porta à sa bouche en forme de bec ses griffes ensanglantées et suça mon propre sang. Il fit la grimace et cracha.
- Beurk. Ce n'est pas du sang humain, ça. Je saurai le reconnaître entre mille, après tous les humains que j'ai dévoré.
- C'est un mélange de sang humain et de Pokemon Dragon, en réalité, répondis-je en soufflant difficilement.
- Hérésie. Abomination, décréta Tranchodon.
- Les G-Man aussi ont du sang mêlé, ripostai-je. Ça n'a pas empêché Xanthos de s'approprier leurs services.
- Les G-Man sont tout autant des abominations que toi. Pokemon et humains ne doivent pas être mélangés. Cela ne doit pas être. Je suis sûr que, maintenant que le Seigneur Xanthos n'est plus, Sa Majesté l'Empereur ne se débarrasse bien vite de ces parasites de G-Man. Sa Majesté les méprise autant que moi. Et puis, à terme, ce seront tous les humains qui disparaîtront de cette terre !
- Mais alors, que vas-tu manger après ? Ricanai-je.
Tranchodon ne répondit pas et chargea à nouveau. Malgré ma blessure, je fus en mesure de l'accueillir. Avec une attaque Laser-Glace, je gelai le sol sous ses pieds. Tranchodon s'arrêta immédiatement et recula. Son instinct de Pokemon Dragon lui ordonnait d'éviter la glace à tout prix. J'en savais quelque chose ; c'était pareil pour moi. Je fondis sur lui avec mes ailes, mon poing entouré de glace. Techniquement, comme Dracoraure n'avait pas de main, il lui était impossible d'utiliser Poing Glace. Mais elle aurait pu très bien le faire, comme Dracolosse, si elle en avait eu. Et moi, contrairement à elle, j'en avais. Plus bien solides, certes, mais qui pouvaient encore frapper fort. Tranchodon encaissa trois coups avant de répliquer avec son attaque Draco Queue, qui me propulsa au loin. Sans mes ailes pour me retenir, je serai tombée de la montagne. C'était le but de cette attaque : pas très puissante, mais capable d'envoyer l'ennemi à des lieux, mettant ainsi fin au combat.
Je redécollai à une hauteur où mon ennemi ne pouvait pas m'atteindre en sautant. Mais je n'essayais pas de gagner du temps. Je savais que si je lui en laissais l'occasion, mon ennemi utiliserai Danse Draco pour se booster à nouveau, ou pire, Danse-lames. Je levai les bras pour contrôler la pression atmosphérique. Des nuages sombres commencèrent à se former, et ce fut comme si la nuit venait de tomber au dessus de nous. En bas, Tranchodon avait l'air perplexe.
- Qu'est-ce que...
Je baissai les bras. Alors, un immense éclair chuta des nuages pour exploser sur Tranchodon. Je venais de lancer mon attaque Fatal-Foudre. Je savais que l'électricité fonctionnait mal sur les Dragons à cause de leur peau, mais j'avais l'espoir que cette attaque pourrait paralyser Tranchodon. Espoir perdu quand l'impérial, s'étant remis de l'attaque, éclata de rire.
- Tu es décidément pleine de surprises, Solaris as Vriff ! Une attaque glace, et maintenant une attaque foudre ? Mais c'était à prévoir. J'ai fais quelques recherches sur ce Dracoraure dont tu partages les capacités. C'était un Pokemon unique, une évolution altérée d'un Draco femelle par la Pierre Eclat originelle, avant qu'elle ne soit divisée en plusieurs morceaux par delà le monde. Dracoraure doit donc posséder la large gamme d'attaques de Dracolosse, voir plus encore. Mais tu perds ton temps. Aucune d'entre elles ne pourra venir à bout de moi.
J'avais bien envie d'apprendre à ce Pokemon arrogant combien il se trompait. J'avais bien une attaque en stock qu'il ne connaissait sûrement pas, et qui pourrait bien avoir raison de lui. Le problème, c'était que cette attaque surpuissante nécessitait une énergie tout aussi puissante, que j'étais loin de posséder aujourd'hui. Dans ma lointaine jeunesse, en utilisant cette fameuse attaque connue que de Dracoraure, j'aurai pu annihiler un pays entier, voir carrément le monde. Mais aujourd'hui, avec mon faible corps, elle ne ferait pas plus de dégâts qu'une attaque Draco Météor. Pourtant, c'était mon seul atout. Je pouvais utiliser Draco Météor aussi, mais cette attaques me ponctionnerait en attaque spéciale, réduisant ma puissance pour la suite du combat. En revanche, si j'arrivais à affaiblir suffisamment Tranchodon avec mon attaque surprise pour pouvoir l'achever ensuite...
- Si tu envisages d'utiliser Draco Nova, laisse-moi te dire que la vieillesse t'a rendue sénile, intervint Dracoraure sans sa tête. Tu ne l'as plus utilisée depuis plus de trois siècles. Cette attaque doit obligatoirement être parfaitement contrôlée, ou sinon tu pourrais provoquer une catastrophe monumentale, style la destruction de la montagne entière.
Je ricanai mentalement.
- Tu penses que j'ai encore la puissance nécessaire pour faire quelque chose pareil ?
- Il ne s'agit pas de puissance, mais de contrôle, insista Dracoraure. Même à très faible puissance, cette attaque peut très vite dégénérer si elle n'est pas stabilisée. Tu pourrais passer en « mode furax » pendant un instant pour la lancer ?
- Là, c'est toi qui deviens sénile, répliquai-je. Tu crois que mon vieux corps fatigué pourrait supporter une seule transformation ?
Le « mode furax » était un sobriquet que Dracoraure et moi avions trouvé pour qualifier ma transformation hideuse quand je laissais toute la puissance de Dracoraure prendre possession de mon corps. Je ressemblais alors à une horreur mi-humaine mi-Dracoraure, avec des tentacules et la peau bleue. Mes pouvoirs étaient décuplés, mais je perdais aussi le contrôle de moi-même, devenant un monstre avide de destruction et de sang. Même quand j'étais jeune, j'évitais de m'en servir, sauf cas extrême. Avec ce mode là, j'aurai assez de puissance pour contrôler la Draco Nova, et même la rendre mortelle pour Tranchodon. Mais je connaissais mes limites. Je n'étais plus en âge de me transformer ainsi. Même si j'y arrivais, mon cœur lâcherait à la seconde, si toutefois mon corps n'implosait pas avant.
- On en revient toujours à ça, alors... soupira Dracoraure. La vieillesse te handicape pour tout.
- J'avais beau vieillir très lentement, je n'étais pas immortelle, et tu le savais.
- Mais je ne m'en rendais pas compte. Je ne vois pas ton corps, seulement ton esprit. Et l'esprit, même après des siècles, reste le même. Tu es vraiment si antique que ça ?
J'éclatai de rire à haute voix, provoquant la stupeur de Tranchodon.
- J'aurai pu laisser la mort m'emporter il y a des années déjà, répondis-je. Je ne suis restée que pour Kerel, et ma promesse à Alrianne. Maintenant, il a quitté le nid, et suit son propre chemin. Ma tâche est achevée.
Dracoraure acquiesça mentalement.
- Alors, entamons notre nouveau voyage, ma vieille amie, ma sœur d'âme. Lance donc ton attaque, et advienne que pourra.
Je revins à Tranchodon, qui m'observait sans bouger, attendant ma prochaine attaque.
- Tu as mal fait tes recherches, boucher impérial, lui dis-je en commençant à charger toute mon énergie dragon dans le creux de ma main droite. Il y a une attaque de Dracoraure qui pourrait te transformer en vagues atomes éparpillés dans les airs.
- Oh oh ? Je demande à voir. Je suis prêt à courir le risque d'être transformé en atomes.
- À vos ordres, colonel.
Un mini-soleil apparut dans ma main. La Draco Nova était un mélange entre une énergie draconique relâchée et celle du soleil. Dracoraure avait beau être immortelle, elle avait besoin d'une chose pour survivre : la lumière de l'aurore, chaque jours. Son corps l'aspirait et la convertissait en force vitale, ce qui lui conférait une longévité infinie. Ayant hérité d'une grande partie de ses gènes, moi aussi, j'étais tenu de me nourrir de la lumière de l'aurore. Draco Nova convertissait cette lumière aspirée en une puissance brute qui, combinée avec la puissance dragon, était la réplique miniature d'une supernova. Voilà pourquoi elle devait à tous prix être maîtrisée. Draco Nova pouvait vite s'emballer et, dans le pire des cas, provoquer une réelle supernova grandeur nature, détruisant le système solaire par la même occasion.
J'utilisai tout ce qu'il restait de ma puissance et de la lumière de l'aurore que j'avais aspiré depuis des années pour consolider mon attaque et la stabiliser. La lumière qui s'en dégageait était brûlante, et l'air crépitait tout autour de l'orbe. D'en bas, Tranchodon pouvait sans nul doute sentir la puissance qui se dégageait de cette attaque. Dans ses yeux rouges, la curiosité et l'amusement cédèrent leur place à l'incertitude, et même à un soupçon de peur. Il leva le bras et ordonna à tous ses soldats en cercle autour de nous :
- Feu à volonté ! Tuez-là !
Les attaques spéciales fusèrent, et les Pokemon qui pouvaient voler se lancèrent sur moi. Mais peu importe, c'était futile. La force de gravité de ma Draco Nova attirait les attaques à elle et les faisait disparaître proprement. Il en fut de même des Pokemon, qui ne purent soutenir la pression de l'attaque. Comprenant le danger, Tranchodon était en train d'utiliser Danse-Lame à fond. Il espérait sans doute atteindre un niveau d'attaque physique capable de contrecarrer mon attaque spéciale ultime. Je fondis sur lui, mon bras au devant. Tous les Pokemon qui tentèrent de s'interposer furent détruits. Tranchodon ne chercha pas à fuir. S'étant boosté au maximum, il utilisa une nouvelle fois Dracogriffe, à une puissance incalculable. Ses griffes avaient la même couleur et la même pression que ma Draco Nova. Dans un cri, il percuta mon attaque avec ses griffes.
Il ne restait que quelques millisecondes avant que la rencontre entre ces deux attaques dragon surpuissantes ne déclenche un cataclysme tel qu'il balaierai les Colonnes Lances à jamais. Tranchodon allait-il y survivre ? Je n'en savais rien, mais je pensais que oui. Moi en revanche, il y avait peu de chance. Mais tant pis. J'avais fait ce que je pouvais. Six cent ans passés à essayer de rattraper les innombrables crimes que j'ai commis dans ma jeunesse. J'avais été le mal incarné, avant d'être secourue et ramenée du bon coté par des personnes de biens. J'ai alors appris à me battre pour les autres, et pour un idéal : celui de l'Innocence. Avec moi disparaitrait le tout dernier Gardien de l'Innocence, mais pas l'idéal de la déesse de l'Innocence que je priais depuis des siècles.
Ai-je bien agis, ô Erylubin ? Ai-je été loyale à Ton nom ?
Je n'eus pas de réponse, mais je n'en attendais pas. Ma déesse ne s'est plus jamais manifestée depuis qu'elle en était devenue une, mais ceux qui comme moi croyaient encore en l'Innocence pouvait sentir sa présence, son soutient. Je m'étais retirée des Paxen pour tenir la promesse que j'avais faite à mon amie Alrianne. J'ai veillé sur son fils, je l'ai caché des yeux de Xanthos. Le garçon avait un peu été comme le fils que je n'avais jamais eu. J'aurai tant voulu donner la vie, mais mon corps hybride ne me le permettait pas. Et puis, il aurait été cruel pour moi de voir mes enfants, mes petits-enfants, mes arrière-petits-enfants vieillir et mourir alors que je perdurais inlassablement. J'ai connu ça avec tous les Chen depuis Salia, la fille de Régis et d'une de mes anciennes camarades de la X-Squad.
La X-Squad... C'était il y a six cent ans, mais il ne se passait pas un jour sans que je ne revois leurs visages à tous. Voyager avec Kerel, Ludmila et les autres m'avait un peu rappelé ces jours heureux. Ils me manquaient. Je savais que deux d'entre eux à part moi avaient survécu, mais je ne les ai jamais revus. Si la mort me permettait de retrouver Bertsbrand, Mercutio et tous les autres dans le Royaume de Giratina, c'était le cœur léger que je m'y rendais. Et en compagnie de Dracoraure. Toujours. À jamais.
Quand l'explosion d'énergie se produisit, et que tous devint blanc, je souris.
***
Galbar
Un choc terrible, suivit d'un bruit cataclysmique, manqua de me faire chuter du pan escarpé de la montagne. J'étais descendu, à la recherche de mon maître, que j'avais vu livrer bataille contre Cielali. J'aurais pu poursuivre Ludmila Chen, le maire Cresuptil et ce type aux longs cheveux sombres quand ils avaient pris la fuite, mais comme le colonel Tranchodon voulait se faire la vieille en priorité, ça ne me bottait pas de m'engager tout seul. J'avais déjà la Pokeball de l'Empereur. Un gage suffisant pour en tirer une belle récompense quand je la donnerai au colonel.
Mais d'un coup, le sommet de l'Asicon semblait s'être embrasé. Une gigantesque explosion d'énergie violette et lumineuse. Si c'était le combat entre Tranchodon et Sol qui avait provoqué un truc pareil, la vieille devait être fichtrement costaud. J'hésitai à remonter. Ça ne m'arrangerait pas que le colonel Tranchodon se fasse tuer. À qui irai-je donc donner cette sphère rouge et blanche alors ? Il n'y avait que Tranchodon pour m'en récompenser. Mon statut d'humain ferait de moi un esclave jusqu'à la fin de mes jours, je le savais. Mais quitte à être un esclave, je voulais être l'esclave le mieux placé possible. Maître Frelali jouissait d'une bonne position à Ferduval. Mais je voulais plus, à présent. Il était de mon intérêt de servir les hautes autorités impériales comme Tranchodon, aussi sadique et dangereux soit-il.
Je décidai de poursuivre ma recherche. Même si je remontais, de toute façon, je ne pourrais aider en rien du tout. Mon devoir allait d'abord à mon maître. Était-il en train de se battre contre Cielali ? Si oui, ça allait sûrement mal se passer pour lui. Maître Frelali était un Pokemon arrogant qui ne savait pas reconnaître ses faiblesses. Et la jeune maîtresse de Kerel était plus forte que lui, c'était un fait que même moi reconnaissais sans mal. J'avais vu que Kerel était parti à la suite de sa maîtresse quand elle avait embarqué Maître Frelali. Avec un peu de chance, je pourrai avoir aujourd'hui ma revanche pour l'humiliation qu'il m'avait infligée lors du tournoi de Ferduval. Je n'avais rien contre Kerel. C'était un type que je respectais même, pour sa force et sa volonté. Mais je devais laver ma défaite contre lui, et ça passait obligatoirement par sa mort.
Mais je ne trouvai ni Kerel ni Cielali. En revanche, je vis mon maître, à terre, brisé. Ses mandibules s'agitaient sans arrêt, et un mucus verdâtre s'écoulait abondement de sa bouche. Ses pattes arrières étaient désarticulées, et une bonne moitié de son corps semblait écrasé. Résultat prévisible, comme je le pensais. Quand il me vit arriver, le soulagement fut imperceptible dans ses multiples yeux.
- Galbar... Tu es là, mon fidèle ami... Je peux toujours compter sur toi, pas vrai ? Maintenant, ramène-moi auprès des impériaux. Ils me soigneront, et ensuite, je pourchasserai cette femelle insolente jusqu'au bout du monde, et jusqu'à la fin des temps si besoin est ! Elle va payer !
Je ne fis rien pour lui obéir. Je me contentai de regarder de droite à gauche pour vérifier qu'il n'y avait bien personne.
- Qu'attends-tu, Galbar ?! Gronda mon maître. Dépêche-toi, lambin que tu es ! Je souffre le martyr !
- J'en suis désolé, maître, répondis-je avec un sourire. En tant que votre fidèle esclave, je me dois vite de vous soulager, n'est-ce pas ?
Je lui collai mon pied sur la tête.
- Que... Que fais-tu là ?! S'inquiéta Frelali.
- Je crains que vous n'ayez pas votre revanche, au final. Mais si je le peux, je vous vengerai en tuant Kerel et sa maîtresse. Je vous annonce officiellement que je quitte votre service, maître Frelali. Je me suis trouvé de nouveaux maîtres, qui peuvent beaucoup plus m'offrir que vous. Et pour cela, il faut que vous disparaissiez, vous comprenez ?
J'ajoutai un peu plus de pression sur son horrible tête. Frelali agita désespérément ses membres.
- A-attends ! S'écria-t-il désespérément. J-je suis ton maître ! Tu ne p-peux pas !
- Vous pensez que les faibles humains que nous sommes ne peuvent pas tuer un Pokemon comme vous ? Demandai-je. Mais qui est le plus fragile de nous deux ?
- Je te récompenserai ! Je te donnerai quantité d'heures libres, tu mangeras à ta faim tous les jours, je te donnerai des femelles humaines !
- Je crois qu'après lui avoir remis la Pokeball de l'Empereur, l'Empire me fournira tout ça bien volontiers, rétorquai-je. Et puis, je dois vous avouer une chose : vous m'avez toujours écœuré.
Laissant des années de sévices et d'humiliations guider mon geste, je pressai mon pied de toutes mes forces. La tête d'insecte de Frelali éclata, faisant gicler un fluide infect partout.
- Et vous m'aurez écœuré jusqu'à la toute fin, murmurai-je en nettoyant mon pantalon.