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Echos Infinis de Icej



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» Auteur : Icej - Voir le profil
» Créé le 24/08/2015 à 07:04
» Dernière mise à jour le 04/04/2020 à 05:03

» Mots-clés :   Action   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de shippings

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Épisode 04 : ... ou les sombres nuages à venir ?
(Modifié le 04/04/20)

(Des confessions)
La route vers Amaillide semblait faite de poussière blanche, de craie. Au soleil, on l'aurait presque crue brillante, tant son éclat en devenait aveuglant. Chaque pas soulevait de la poussière. Ce matin du 12 Juin, la voie était tantôt baignée par la lumière de d'été, tantôt réduite à un gris cendré par un nuage solitaire et imprévu… elle s'enfonçait dans les collines douces qui faisaient la campagne d'Amaillide, coupait dans leur terre fertile et humide. C'est cette terre que les quatre adolescents parcouraient, plus ou moins gaiement, prévoyant de passer la matinée en ville avant de se rendre au Ranch.

Ils arrivèrent en milieu de matinée aux portes de la bourgade, qui s'étendait rougeoyante sous le soleil d'été. Ils observèrent les toits rouges luisants, chaussées reflétant la chaleur, voitures luisantes, de carrefours grouillant, de tramways rutilants… impeccablement organisés autour d'une unique tour, blanche et violette. Ils s’arrêtèrent devant le clocher ancien, un grand bâtiment de pierre brute. Les choix furent vite faits : Élin voulait prendre une glace, Oscar l'accompagnait partout ; Syd préférait acheter des provisions au Centre Pokémon et Elsa, perdue, se décida à le suivre. Alors Oscar leur lança un joyeux au-revoir :

— Bye Syd ! Bye Zelda !

Il n'arrivait décidément pas à retenir le prénom d'Elsa. Ce n'était même pas conscient ! Il ne la remarquait même pas. La brune prit un air dévasté. 

Ils se quittèrent sur ces mots creux, Syd se força à lancer une remarque sur l’architecture locale à Elsa pour essayer de faire conversation. Élin et Oscar, après une heure de marche et de discussions bon enfant, s’arrêtèrent à un magasin de glaces. Autour d'eux, de belles maisons de ville style meulière, drapées de glycines sucrées, de lilas blancs, de grilles en fer forgé… Le soleil glissait paresseusement le long de la route complètement vide et silencieuse, endormie. Une vendeuse s’approcha pour prendre la commande. La jeune femme—qui ne semblait pas avoir plus de seize ans—ne cessa de faire des clins d'œil à Oscar, qui rougit de plaisir—Élin fit l'autruche, se lançant dans une compétition du regard le plus noir avec Baggy… Finalement la serveuse obtint le numéro d'Oscar avant de transmettre leur commande au comptoir.

— Ouah, t'es un vrai tombeur hein ! lui envoya Élin après avoir été servie, avant d'enfourner une grosse cuillerée de glace à la pistache.
— Pas du tout… rétorqua Oscar, gêné, mais son amie ne fit que ricaner avec malice.
— Tu vas la rappeler ? insista-t-elle, la bouche pleine.
— Non !
— En plus elle s'appelle Jeans comme ta Vipelierre, c'est gore !
— Je saiiis !

Élin rigola au sujet de la serveuse pendant quelques minutes de plus, moqueuse, mais à force de persévérance il réussit à détourner son attention. La conversation dériva dans des directions plus agréables—ils abordèrent des sujets comme les exploits d'Oscar en boîte de nuit, par exemple. Contrairement à Elsa, le garçon aux yeux verts avait toujours adoré Volucité : lui se plaisait dans la foule, où il pouvait facilement faire des rencontres. Élin l'écoutait, fascinée, lui posant tout un tas de questions, puis vint un moment où Oscar se tut, se contentant de lentement vider son latté.

— Dis, Oscar… débuta soudainement Élin, une pointe d'hésitation dans la voix. Est-ce que ça pose vraiment problème que je… euh… que je ne connaisse pas le nom des Attaques de mes Pokémon ?

Oscar s’immobilisa, embarrassé.

— … En vrai, je ne sais pas, répondit-il finalement. Puis il fronça les sourcils, et s'efforçant d'être précis dans son choix de mot, demanda prudemment : Mais… comment ça se fait que tu ne les connaisses pas ? 

La blonde haussa les épaules, sa queue-de-cheval en palmier remuant comme un petit plumeau doré sur son crâne. Oscar lui sourit, se voulant rassurant. Puis, quand même perplexe, il s'enquit :

— T’es pas allée à l’école ?
— … Non, grimaça Élin. J'ai été scolarisée à la maison… et pas sur toutes les matières, j’ai surtout eu de l’Histoire, des maths… 
— C’est possible, ça ? s’étonna Oscar. 

Un silence court s'imposa après sa question, et le grand dadet ne sut déterminer s'il était gêné ou peiné. Puis Élin frissonna, et planta deux iris noires dans les siens. 

— En fait, vous-êtes-les-premiers-ados-de-mon-âge-que-je-rencontre ! enchaîna Élin d'une traite, fermant les yeux du même coup.

Oscar encaissa difficilement l'explication.

— Ce n'est pas possible ! s'exclama-t-il, un peu perdu, avant d'ajouter avec hésitation... Si ?
— Si, confirma Élin, penaude.
— Mais, reprit Oscar, revenant au sujet des Attaques Pokémon. Tes parents n’ont pas des Pokémon ? Tu as dû déjà les voir s’entraîner, non !

Élin eut brusquement l’air très mal-à-l’aise. Elle détourna le regard, plissa les yeux jusqu’à ce que le monde devienne flou. Un silence s’étira, insupportable pour elle—mais elle ne savait pas comment expliquer, elle avait honte. Elle repensait à son enfance dans le grand appartement de la Ville Noire… Quant à Oscar, il réfléchissait. L’absence de scolarisation expliquait bien des choses : ses soucis de comportement, ses gaffes, son manque de sens pratique… ses caprices, aussi. 

— Mon père, il parle pas, marmonna finalement Élin.
— … Hein ? s’étonna Oscar, qui décidément se posait de plus en plus de question. Il est muet ? 
— Nan, mais il aime pas parler ! Même quand moi, j’essaie de discuter… il me répond jamais…
— Et ta mère ? 
— J’en ai pas. J’suis adoptée. 

Oscar considéra la blonde immobile, silencieuse, telle une étincelle étouffée par les ténèbres. Il ne sut trouver des mots—il n'avait jamais été fort à l'école, ni en cours de langue, il ne savait pas trop comment bien s'exprimer. Aussi, il tenta de réconforter son amie de la seule manière qu'il maîtrisait parfaitement—il étendit son bras sur la table en verre, et attrapa la main de la blonde, massant son poignet du pouce, en petits cercles doux. Élin lui sourit.

— Waouh, tu devrais lancer un salon de massage, je suis sûre que la serveuse de toute à l'heure sera ta première cliente ! soupira-t-elle avec une fausse expression béate.
 
Oscar comprit que le temps des confessions était fini, et retira sa main, suivant avec naturel le rythme de son amie.

— Rahh, ne m'en parle pas, si jamais elle venait je laisserais ma Jeans la masser, probablement sous son pantalon !
— Vu comment son slim était moulant, je ne vois pas comment Jeans ferait pour se faufiler sous le jeans de Jeans, jugea Élin avec un grand sérieux.

Oscar devint écarlate.

La conversation dériva à nouveau, Élin critiquant la démarche et le pantalon de chaque passant qui avait le malheur d'entrer dans le café. Ils finirent leurs propres boissons entre deux pouffements, et échangèrent un regard complice. Le soleil commençait tout doucement à décliner dans le ciel : il devait être deux heures passées, et ils n'avaient toujours pas déjeuné ! Il allait falloir rejoindre Syd et Elsa pour se diriger vers le Ranch d’Amaillide !

— Tu sais quoi ? intervint soudain Oscar. 

Élin sursauta, tirée dans ses pensées. 

— Euh, non, quoi ? répondit-elle, se prêtant au jeu.
— Moi j’ai deux parents qui parlent tout le temps et je ne suis pas adopté, et je connais le nom des Attaques de mes Pokémon… bafouilla Oscar. Mais mes parents s’en vont tout le temps aux quatre coins du monde sans moi… ils partent en vacances… et moi je dois me débrouiller seul… Alors, on est un peu pareils, non ?

Il lui prit la main, et elle sourit, soulagée.

[…]

Elsa et Syd, au centre Pokémon, faisaient quelques emplettes, achetant notamment des Potions, des Anti-paras. Heureusement, le Centre Pokémon d’Amaillide était parfaitement propre et ils ne furent pas obligés de tout nettoyer. Ils purent simplement discuter, Elsa bégayant de moins en moins au fil du temps. Les deux adolescents découvrirent qu’ils appréciaient tous les deux la stratégie Pokémon, connaissant parfaitement les attaques de tous les Starters et de la faune d’Unys en général. Ils étaient prudents et ne souhaitaient pas capturer énormément de Pokémon, afin de mieux s’occuper de chacune de leurs créatures. 

— Tiens, voilà une autre Potion, fit Syd avec un petit sourire. Elle était tombée derrière le panier.
— M-Merci.
— De rien.

Elsa observa le garçon s’éloigner vers la section CT, plus proche de la véranda, sur laquelle étaient placardée de nombreuses affiches politiques. Ils ne pouvaient pas encore se payer de CT—les capsules techniques étaient beaucoup trop chères, et on conseillait aux dresseurs débutants d’apprendre eux-mêmes les Capacités à leurs Pokémon pour s’entraîner de toute manière. Mais c’était intéressant de se renseigner sur les engins quand même. Parfois, des scientifiques découvraient de nouvelles capacités et celles-ci étaient alors graduellement mises en vente.

Elsa se mordit la lèvre, songeuse.

— D-Dis… pourquoi t-tu ne v-voulais pas p-passer un peu de temps à Amaillide ?

À ces mots, Syd se tendit, ne s’attendant pas à une question aussi directe de la part de la brune timide. Il l’examina, mal-à-l’aise, se demandant s’il devait lui avouer le but de son voyage. Il était renfermé, il détestait se dévoiler à des inconnus… Mais il devait se rendre à l’évidence, ils allaient voyager ensemble longtemps… cela faisait déjà plusieurs jours qu’ils se côtoyaient toute la journée durant.

— Je… je ne peux pas faire de détours comme ça, avoua-t-il. Je n’ai pas le temps.

Comme il s’y attendait, Elsa fronça les sourcils, confuse, et demanda plus de précisions.

— H-Hein ?
Il soupira.
— Écoute, j’ai… j’ai un grand-frère malade. Et ma famille… on a pas pu se payer les meilleurs hôpitaux, alors moi… je veux gagner de l’argent, le plus vite possible, en affrontant les Champions d’Arène… pour lui payer un super hôpital. Je ne suis pas dans ce voyage pour jouer, contrairement à Élineera ! 

Elsa écarquilla les yeux. Un grand-frère paralysé ! C’est pour cela que Syd était si distant, il s’était inscrit dans le voyage de Bianca Lenoir pour des raisons entièrement différentes des leurs, des raisons beaucoup plus… adultes. Elle saisissait mieux toutes les différences qui le séparait d’Élineera à présent. Non seulement leurs tempéraments s’opposaient, mais la gamine devait lui semblait bien superficielle, et puis faire autant de détours devait hautement l’agacer… 

— J-Je comprends… souffla-t-elle… J-Je suis désolée…

Ils contemplèrent les capsules techniques en silence pendant un temps. Syd serra les dents comme pour rattraper son secret, étonné de s’être confié ainsi. Mais il y avait quelque chose en Elsa qui le mettait en confiance. Elle était sérieuse, avait du mal à se faire des amis comme lui, et partageait les mêmes avis sur le dressage et les Pokémon… finalement, socialiser avec quelqu’un de son âge, c’était agréable. La perspective de pouvoir rediscuter de manière sensée avec Elsa le lendemain, et le jour d’après, le soulageait. Et puis, Otis n’était pas une honte à cacher. 

Il se rendit compte un peu tard que pour discuter correctement avec un ami, il faut aussi s’inquiéter du sort de l’autre personne. Il réfléchit donc aux soucis d’Elsa, et constata :

— Oscar ne retient toujours pas ton prénom.
— N-Non en effet.

Syd considéra la jeune fille en face de lui, rouge, qui semblait vouloir disparaître parmi les rangées grises de capsules techniques. Il se dit qu’il n’aimait vraiment pas les histoires d’amour, se dit que l’amour ça rendait les gens bêtes, mais souffla tout de même d’un ton bourru :

— Tu devrais le remettre à sa place. Il ne t’aimera jamais s’il ne retient pas ton prénom alors… Hurle-lui une bonne fois pour toute pour qu’il le retienne.

Quand même, il ne revenait pas qu’on puisse aimer quelqu’un d’aussi superficiel et étourdi qu’Oscar. Elsa avait l’air bien plus intelligente que lui—elle connaissait tous les matchs célèbres par cœur, comme on apprend des parties d’échec—et était bien plus sensible et attentionnée. Oscar ne lui arrivait pas à la cheville et pourtant elle faisait apparemment une fixette sur lui. C’était bête. C’était… humain.

Perdu dans ses pensées, il n’entendit pas Elsa s’éclaircir la gorge, mais réagit quand elle tapota timidement son épaule. Il plongea ses yeux d’ambre dans son beau regard bleu et attendit, patient, qu’elle parvienne à former sa phrase. 

— Dis… m-ma m-mère… elle déglutit. Ma mère est morte de maladie. A-Alors… j-je comprends q-que tu v-veuilles sauver ton frère. 

Syd écarquilla les yeux. Il n’imaginait pas… Il n’imaginait pas la douleur de perdre un être cher… Il ne pouvait pas s’imaginer perdre Otis.
Alors, ne trouvant pas les mots, il lui serra la main.


(We can be heroes !)
Les quatre adolescents se retrouvèrent autour du clocher avec plusieurs heures de retard et se mirent immédiatement en route vers le Ranch, déterminés. Ils arrivèrent à destination épuisés, sans avoir dîné. Heureusement qu'ils avaient commencé leur voyage en juin, sinon ils mourraient de froid. La nuit était en effet tombée, voilant le monde de gris et de bleu. Seul un dernier éclat pourpre luttait encore au loin, s'accrochant à l'horizon obscur sous les complaintes des insectes. Depuis quelques temps, des discussions avaient repris entre Élin et Oscar d'un côté, et Elsa et Syd de l'autre. 

Soudainement, Élin poussa un cri ravi.

— On y est ! elle se fit volteface et les embrassa tous du regard, le sourire aux lèvres, et après une hésitation continua... Oscar, Elsa, Syd... voilà le ranch d'Amaillide !

Elsa ne put retenir un rire heureux, rougissant de plaisir quand elle rencontra le regard noir de la blonde. Même Syd s'autorisa un rictus amusé, et, ils s'avancèrent ensemble vers le bout de la colline, dont le flanc perclus de rochers menait tout droit vers l'immense propriété... 

— Alors les gens, on y go ? proposa Oscar. On fait comme pour les Pokémon, on compte jusqu'à trois...

Ils hochèrent tous de la tête. C'est la voix claire et assurée de Syd qui commença : « un ». Puis le murmure hésitant d'Elsa... et enfin, rompant avec toute patience, l'exclamation chantante d'Élin, « troiiiis ! ».

Et sans les attendre elle partit comme une flèche vers le Ranch, dévalant la colline, la Vipelierre surexcitée d'Oscar à sa suite. Bizarrement c'est Elsa qui s'élança à sa suite, se sentant pousser des ailes, sautant par-dessus tous les obstacles, nids de poule ou rochers, qui barraient sa route ! Le ciel semblait immense au-dessus d'elle, on avait jeté un tapis d'encre et d'étoiles sur le monde ; au contraire les fenêtres lumineuses du ranch qui ne lui avaient jamais semblées aussi proches... Elle allait y arriver, elle allait se faire aimer d'Oscar, gagner plein d'amis, remporter la ligue !

— J’arrive Éliiin ! hurla-t-elle, essoufflée, mais le vent emporta sa voix.

En un coup d'œil, larmoyant sous le vent, elle put voir qu'Oscar et Syd la talonnaient. Derrière eux courraient leurs petites bêtes, sa Moustillon peinant à garder le rythme. Ne t'inquiète pas, on va y arriver, lui promit-elle, sans pour autant ralentir. On va y arriver ! 

Le groupe ralentit juste devant la porte du Ranch, au beau milieu de la pelouse fraiche et tondue du jardin. Chacun reprit son souffle, et constata en grimaçant que leurs sacs-à-dos semblaient trois fois plus lourds après la course... Un Voyage Initiatique, ça n'était décidément pas joyeux tous les jours ! Après quelques instants de silence, Élin s'approcha de l'entrée pour y toquer, un sourire confiant aux lèvres... 

Puis la porte s'ouvrit violemment et projeta Élin contre l'angle du mur.
Quatre adultes en uniformes les repoussèrent vivement et s'élancèrent vers la forêt, Ponchiot dans les bras.
Une Ponchien blessée se traîna jusqu'à l'encadrement de la porte et poussa un hurlement déchiré. 

— Élin ? s'exclama Oscar, paniqué, avant de s'élancer vers elle—mais la jeune fille se redressa avec un éclat furieux dans les yeux.
— Qu'est-ce qu'ils ont fait aux Pokémon ? s'écria-t-elle, se rapprochant doucement de la Ponchien. C'était tes bébés ?

Une femme apparut au seuil de la porte, catastrophée.

— Qui êtes-vous ? Vous êtes des complices ?
— Pas du tout, madame, intervint Syd, sa voix s'étranglant légèrement tant il était secoué. Nous sommes des... élèves de madame Bianca Lenoir, et—

Les yeux clairs de la femme s'agrandirent, et elle les balaya du regard, semblant complètement dépassée.

— Oh mes dieux, vous tombez au plus mal, mon mari a le bras cassé ! Rentrez, vous pouvez manger quelque chose, mais il faut que j'appelle l'hôpital !
— Quoi ? Vous ne partez même pas à la recherche de ceux qui vous ont volé les Ponchiot ? s'exclama Élin avec indignation, se redressant. 
— Baisse d'un ton ! C'est dangereux, et mon mari est blessé ! répliqua la gérante.
— Et votre Ponchion alors, ses enfants ont été enlevés !
— C'est une Pokémon !

Mais ceci ne calma absolument pas Élin. Au contraire, ses sourcils se froncèrent, elle serra les poings et rougit de fureur, lançant un regard outré à la chienne désespérée à ses pieds. 

— Les Pokémon ont les mêmes émotions que nous ! et elle poursuit vivement : si vous n'y allez pas, moi je le ferai !

Un silence froid s'abattit sur le groupe, tandis que chaque adolescent se demandait si la blonde allait réellement s'enfoncer dans la nuit pour secourir les chiots inconnus, avec en tout et pour tout un seul Pokémon débutant... Chaque adolescent se demanda ce qu'il ferait si Élin joignait les paroles aux actes. Et Syd se demanda combien de neurones avait réellement cette gamine, qui leur faisait maintenant la leçon sur les émotions des Pokémons alors qu'elle tabassait allègrement des Chacripan la veille. Élin n'en faisait décidément qu'à sa tête.

— Je t'interdis d'y aller, ordonna la femme. C'est le rôle de la police, et tu es sous ma responsabilité. Maintenant arrête de faire des histoires et...
— Je suis une dresseuse, rétorqua Élin, furieuse.

Tous tressaillirent imperceptiblement. Leurs compagnons se fiaient aveuglément à eux, à leurs ordres, à leurs voix. Ils renonçaient à leur indépendance pour les suivre. En tant qu'humains... ne devaient-ils pas à tout prix être à la hauteur de ce sacrifice ?

— Je ne vous force pas à me suivre, enchaîna ensuite Élin, se tendant, les fixant tous individuellement d'un air si déterminé, si tranchant, qu'Elsa eut du mal à la regarder en face.

La gérante du ranch lança un regard noir à la jeune fille, mais quand un râle s'éleva soudainement depuis l'intérieur de la maison, elle blanchit et les quitta brusquement. Élin la suivit d'un regard sombre... puis s'apprêta à continuer sa tirade, mais on la coupa net dans son élan.

— Je te suis.

C'était Syd et Oscar qui avaient parlé, d'une même voix. Alors le cœur battant la chamade, la peur serrant ses entrailles et la gorge nouée, Elsa dit :

— Moi aussi.

[...]

Elsa filait derrière Syd à l'aveuglette dans le noir, au couvert des arbres. Le froid. Le froid s'infiltrait partout, sous leurs vêtements, collait à chacun de leurs frissons. Chaque craquement des arbres les faisait sursauter, leurs branches touffues semblant receler mille dangers et manières de mourir. Chaque mouvement de Pokémon sauvages inquiétait leur cœur déjà ruisselant de peur. Ils s'affrontaient à des bandits. Des vrais.

Syd semblait savoir s'orienter, Gruikui reniflait aisément la trace des voleurs. Ils en pourchassaient deux ; Élin et Oscar traquaient les deux autres. Ils s’étaient divisés en paires selon un accord tacite, suivant ceux à qui ils s’étaient confiés durant leur journée à Amaillide. 

Moustillon était dans les bras d'Elsa, tout aussi apeurée qu'elle. Elle aussi sursautait à chaque craquement, à chaque pas trop précipité. Le visage lunaire de sa Starter rayonnait par-delà les ombres. La chaleur de leurs corps respectifs, le toucher léger de la fourrure nacrée contre la peau laiteuse de l'humaine, les réconfortaient un tant soit peu. 

C'était ça. La vie sur la route. La réalité trépidante des grandes épopées. L'inconnu. Le danger.

Ce moment où notre cœur bat, où l'on n'est sûr de rien, sauf de ne pas être des grands héros, on l'on sait que rien n'est donné et surtout pas l'issue heureuse... Rien n'est prévu, on ne voulait pas faire justice mais on s'est mis debout et on a couru. Alors qu'on est fatigué et qu'on a faim. Qu'on en a marre, tout bêtement.

On a suivi une amie et... et on se retrouve dans la nuit, dans le flou.

(Il existe beaucoup de mystères dans le monde, de contrées oubliées et de légendes enfouies sous les poussières de l'âge. Mais la plus grande aventure qu’on puisse entamer, le plus profond mystère qui demeure à percer, c'est le conte féérique des Pokémon !)

C'est Elsa qui entendit d'abord les Sbires. De toute évidence un Ponchiot s'était échappé et ils étaient partis à sa poursuite, mais ne savaient plus où chercher la petite créature dans l'obscurité touffue de la forêt. Jurons et exclamations frustrées résonnaient entre le bois mat des arbres. Elsa effleura l'épaule de Syd de sa main de fée, échangeant un coup d'œil vif avec lui, et lui fit signe de se concentrer. Son compagnon inhala profondément, pour se calmer, se recentrer.

— On les prend en tenaille ? souffla-t-il.

Elle acquiesça. 

Mais les batailles non plus ce n'est pas glorieux. Mais la Sbire qu'elle ciblait l'entendit largement avant qu'elle ne s'approche suffisamment pour attaquer. Elle fit volteface d'un mouvement furieux, et ne fit que s'esclaffer d'un rire méprisant devant ses attaquants chétifs. Eux, qui n'avaient que treize ans, face à une criminelle sans pitié ? L'adulte appela un Ratentif énorme qui découvrit allègrement ses crocs jaunes. Il plaqua sa Moustillon à terre et lui asséna une Morsure bien placée.

Il y a des flaques partout. Pistolet A O. Il va te charger, tu utilises Mimi Queue. Puis elle essaiera morsure alors cache-toi derrière les arbres. Ou alors ce sera Groz'Yeux et dans ce cas-là ordonne Charge.

Mais—Mais Elsa était tétanisée ! Ses pensées filaient aussi vite que son corps s'était figé, glacé, muscles lourds et pâteux, elle—elle n'y arrivait pas !

— Alors fillette, on s'est attaqué à un trop gros morceau ? ricana la sbire. Rousse vêtue d'un étrange uniforme de blanc et de gris, elle souriait de plus d'un air supérieur.
— J-j-je... bafouilla Elsa, intimidée.
— Morsure, encore ! ordonna froidement l'adulte.

Moustillon cria et Elsa tressaillit, se cachant les yeux. Était-ce du sang qu'elle venait d'apercevoir, coulant le long des minuscules bras de la Pokémon... ?

Ordonne-lui de rouler vers une flaque et un Pistolet A O assez puissant pour se dégager sera facile à exécuter ! Mais toutes les connaissances qu'elle avait accumulées à l'Académie étaient comme enfermées dans sa tête ! Impossible de communiquer, i-impossible de f-faire f-face !

— Continue de mordre, siffla la sbire avec plaisir, s'approchant du combat, avec un regard fasciné. Déchaîne-toi ! 
— Gnnn... marmonna Elsa, dépassée.

Ses yeux s'enfuirent vers Syd, qui repoussait les deux Chacripan de l'autre sbire avec son seul Gruikui et semblait sur le point de gagner. Pourquoi n'y arrivait-elle pas ? Oscar la trouverait si pitoyable s'il la voyait en cet instant ! Alors que la brune rêvait de son Voyage Initiatique pour enfin briller, elle se retrouvait complètement dépassée une fois dans le feu de l'action... Et Élin alors, elle qui devait si bien se débrouiller...

— F-fuis ! M-Moustillon fuis !

Elle prononça ces mots sans se rendre compte de ce qu'ils impliquaient réellement. Et quand elle les entendit, cristallins et tranchants dans ses oreilles de coton, il lui sembla d'abord que c'était quelqu'un d'autre qui les avait prononcés. Il fallut que la brune retrace lentement leur origine, connecte leur sens à sa personne... avant qu'elle ne prenne la mesure de sa honte. Venait-elle réellement de dire cela ? Venait-elle réellement de détruire toutes les règles d'un combat entre dresseurs par sa lâcheté ?

Mais déjà Moustillon se dégageait de l'emprise de son adversaire, paniquée, et filait non pas vers sa dresseuse, mais vers la forêt ! Terrifiée, Elsa rappela la Pokémon Eau avant qu'elle ne disparaisse, reculant contre un arbre. Complètement dépassée.
Le Ratentif de la sbire la fixa, menaçant.

— Ha, c'est la meilleure ! pouffa l'adulte... donne-moi ta Pokémon, maintenant. Elle sera libérée de son asservissement. 

Quoi ? Elsa eut un hoquet dépassé, ne comprenant même pas ce que lui racontait la femme. Un asservissement, quel asservissement ? On allait lui voler sa Pokémon ? Un instinct brutal et furieux la saisit, et elle serra la précieuse Pokéball qui protégeait Moustillon dans sa main, la cachant derrière son corps tremblant... 

— N-n-n'avancez pas ! s'écria-t-elle, recherchant vainement une issue à la situation.

Elle avait perdu.
Elle n'avait pas été à la hauteur.
La femme avançait quand même, évidemment.
Et elle était terrifiée. 

Puis soudainement un « FOUS-LUI UN COUP DANS LES BOULES ! » retentit. Encore une fois Elsa ne fit pas tout de suite le lien entre ce qu'elle entendait et ce qu'elle voyait. Un Baggiguane survolté sauta sur le Ratentif, le piétinant allègrement et ricanant avec mépris ! La sbire s'étonna, faisant volte-face avant de se faire heurter de plein fouet par le pied d'une Élin furieuse, un Ponchiot dans les bras.

— Et biiim dans ta face ! Baggy, ESQUIVE-ÇA !

Elsa, choquée, se figea un instant. Elle prit quelques secondes, pour saisir le sens de l'action, en suspens. Puis elle fronça furieusement ses sourcils et, le cœur battant un tambour furieux, ressortit Moustillon de sa Pokéball, s'époumonant :

— AMARYLLIS, CHARRRGE !

Mais bientôt un troisième sbire rouquin débarqua, celui-ci avec un Ratentif et un Chacripan à la fois. Élin et Oscar en avait bien éliminé un de leur côté, mais son partenaire s'était perdu à la recherche d'un Ponchiot dans la forêt, et ils n'avaient pu l'assommer avant de rejoindre leurs amis... L’homme se rapprocha avec menace d’Elsa, qui écarquilla les yeux. De l’adrénaline l’envahit et elle cria, furieuse. Elle fit un signe à Amaryllis et—

— J’ARRIVE MELBA ! hurla Oscar.

… Et la Vipelierre de son chéri d’enfance asséna un Fouet Liane presque inefficace aux deux Pokémon ennemis. Elsa fronça les sourcils, perdue dans le combat—Melba ? Melba ? C’était le nom d’une Baie ça non ? Mais elle ne servait pas à guérir les Pokémon, pourquoi criait-il ça alors ? La couleur se drainant de ses joues, la brune comprit qu’Oscar parlait d’elle. Il croyait sérieusement qu’elle s’appelait Melba.

Quelqu’un part en elle quelque chose se brisa, et ce fut comme si un grand poids disparut de sa poitrine.

— JE M’APPELLE ELSA ! vociféra-t-elle si fort que même l’ennemi sursauta et porta une main à son cœur.

Oscar blanchit et s’arrêta net, la bataille complètement oubliée.

— H-Hein ? balbutia-t-il. M-Mais…
— ELSA ! poursuivit-elle néanmoins, trop prise dans son ire pour l’entendre ou même entendre ses propres paroles, qui l’auraient assurément mortifié. E-L-S-A ! T-T’as compris ? A-Alors tu vas répéter après moi p-parce que j'en ai M-MARRE que tu m'oublies !

Oscar resta choqué. Elle-même, Elsa, se rendit compte et resta choquée. Le Sbire cligna des yeux. Ils se fixèrent.

— E-L-S-A, murmura Oscar, choqué. Elsa. E-euh écoute Elsa, pardo—vraiment, je suis désolé de ne pas avoir retenu ton prénom... Ça ne me ressemble pas, d’habitude quand je rencontre quelqu’un je…

Ils ignoraient totalement le combat et même leur adversaire semblait fasciné, comme devant un « soap opéra ».

— C-comment t-tu peux dire ça, o-on se c-connaît depuis qu'on a sept ans !
— Hein ? s'exclama de nouveai Oscar, éberlué.
— M-mais on est dans la même classe d-depuis des années ! L-L'Académie N-Nationale de Dressage d-de Volucité !
— HEIN ?
— O-Oui !
— O-on a dû se croiser que quelques fois, et nos classes sont immenses...
— T-tu trouves que c'est b-beaucoup, vingt élèves ?
— Ah mais euh... ben en fait je... balbutia le beau-gosse, complètement dépassé. FAIS GAFFE AU CHACRIPAN ! hurla-t-il soudain.

L’ennemi était peut-être un romantique dans l’âme, il n’allait pas attendre éternellement pour autant. Elsa ordonna à Amaryllis d’éviter le chat Ténèbre d’un geste brusque de la main et elle se recentra sur le combat, la mâchoire crispée. Oscar, perdu, s’occuper de ligoter le Ratentif dans des lianes. L’adrénaline du combat revenait. Il fallait sauver les Ponchiot encore dans les griffes des Plasma !

Pendant ce temps, Élin et Syd s’étaient rapprochés. Ils collaboraient eux aussi face à un Chacripan et un Ratentif, leurs styles de combat ne se mariant pas très bien—Élin était imprévisible et peu compréhensible… 

— Baggy, tape-le ! Maintenant saute et attrape une branche ! Bon ok t’étais trop lourd, oui je sais ça fait mal de tomber, mais maintenant sers-toi de la branche pour assommer l’adversaire !

Syd tenta de l’ignorer, se concentrant sur une tactique plus conventionnelle. Lors d’un combat, Syd jugeait qu'il valait mieux exécuter des Attaques simples mais précises. Il ne comptait pas se laisser marcher sur les pieds par des stratégies compliquées !

— Gruikui ! Charge !

Le cochon de feu fusa à toute vitesse sur le Chacripan adverse. Son corps potelé et résistant devrait largement lui permettre d'envoyer le matou malingre vers d'autres cieux, c'était un coup parfait à ordonner. Malheureusement, le Chacripan plus agile esquiva, griffant le flanc de Gruikui au passage. Le chat poussa un Rugissement déterminé, hérissant les poils.

— Gruikui, tiens bon ! grogna Syd, déçu, serrant les dents. Il réfléchit à tout de vitesse, et repense à la Capacité que le starter avait appris aujourd'hui : Utilise Flammèche !

Gruikui avait appris cette attaque dans l'après-midi. Syd espérait que le cochon arrive à la reproduire. Il fallait réussir ! Courageusement, le Pokémon se raidit et, se concentrant, enflamma les feuilles mortes qui se trouvaient autour de lui. D'un coup de tête déterminé il les envoya voltiger vers l'ennemi, droit sur son museau et sa face sensible. Mais Chacripan fusait déjà vers Gruikui, et faisant fi des projectiles brûlant, laboura gorge de son Pokémon d'entailles furieuses. 

Syd siffla, la panique montant en lui. Pourquoi se faisait-il dépasser maintenant, il avait pourtant bien entraîné ses Pokémon ! Le dresseur ne comptait pas perdre son premier match contre des sbires Plasma ! Puis il comprit le problème : son Pokémon s'était déjà battu contre plusieurs adversaires, et était trop affaibli pour durer longtemps... surtout contre un opposant plus agile, compliqué à battre au vu de sa lourde corpulence. 

De son côté le Baggiguane d'Élin peinait à atteindre le Rattentif qui, quand il se faisait toucher sur les pattes arrières, retombait immédiatement sur ses quatre membres, et ce sans dommage. Élin, qui ne connaissait pas les Attaques de son starter, peinait à exploiter avec plus de précision la puissance de sa créature...

— Élin ! On échange ? s'exclama-t-il, se retournant vivement.
— Hein ? Pourquoi ? se rebiffa-t-elle immédiatement. Tu veux me voler mon Pokémon ?
— Mais non ! C’est juste que tu ne vas réussir à ce rythme pitoyable et MOI NON PLUS, alors il faut faire un compromis !
— J’aime pas les obligations ni les compromis !
— Rah mais force-toi quelques fois ! siffla-t-il rageusement face à tant de gaminerie. 
— Non ! sourit la gamine. 

Syd serra les dents et sentit son orgueil frémir avant de mentir : 

— Bon OK, j’ai BESOIN D’AIDE !
La jeune fille fut ravie de cette fausse admission.
— Super on échange ! s’exclama-t-elle en levant le poing. Baggy GO !

Ils exécutèrent une large manœuvre. Baggiguane fonça vers Gruikui, prit appui sur son dos et descendit en piquée sur Chacripan, qui n'eut pas le temps de cracher qu'on lui enfonçait le crâne dans le sol humide d'un coup de pied bien placé. Gruikui, boosté par le mouvement de Baggiguane, entra quant à lui brutalement en collision contre Ratentif et l'envoya brutalement bouler contre un arbre ! 

Cependant, les sbires n'avaient pas dit leur dernier mot. Chacripan, véloce, exécuta une nouvelle Griffe vicieuse. Rattentif bien qu'étourdi, faucha Gruikui d'une Charge. Syd et Élin serrèrent les poings d'un seul mouvement, leurs yeux brillant de défis. Les Pokémon adverses tenaient peut-être encore debout, mais eux non plus n'avaient pas abattu toutes leurs cartes, et ils comptaient bien écraser leurs adversaires.

En tout, il leur restait une dernière chance. Il fallait conclure le match maintenant, ou périr. 

— On ré-échange pour les surprendre ? marmonna Élin, corps chaud collé contre lui, se fondant à ses côtés, telle une équipe parfaite.

Syd lui-même s'avoua surpris, il aurait sans doute préféré garder l'adversaire qui lui convenait le mieux. Mais instinctivement, il se fia à la blonde ignorante.

— Ok. 

Alors, Baggiguane se glissa sous Gruikui, s'agrippa à ses flancs qui se gonflaient déjà d'une Flammèche dévastatrice. Au moment où le cochon relâchait un torrent de flamme, l'iguane se balança aux côtes de son partenaire comme à une balançoire, et percuta Rattentif les pieds les premiers, comme il l'avait fait lors de leur premier match. Les Sbires, surpris, n’ordonnèrent pas à leurs Pokémon d’esquiver car ils n’avaient pas anticipé ce nouveau changement, complètement illogique. S'en suivit une lutte acharnée pour la victoire, les bruits mouillés de morsures, de griffures raclant la chair fatiguée s'étalant mollement sur le terrain. Gruikui enhaîna sa Flammèche d'une autre Charge, pour bonne mesure.

Aucun opposant ne s'en releva. 
... Les deux adversaires étaient K.O.

Alors il y eut un instant de flottement. Les sbires roux les fixèrent avec choc, et les ados, complètement surpris, se figèrent et s'entre-regardèrent avec une expression confuse. Venaient-ils de gagner ? Et... et après ? Fallait-il arrêter les sbires ou un truc comme ça—les apporter ligotés-saucisonnés à la police ?
Mais Élin et Syd n'eurent pas besoin de réfléchir plus longtemps. Quelqu'un d'autre le fit pour eux.

— R-Rendez-nous ces Ponchiot ! s'écria furieusement Elsa, chargeant la troisième Sbire à bras-le-corps comme l'avait fait Élin plus tôt. 

Imitant son exemple, Oscar arracha un Ponchiot à son adversaire, grâce à un violent coup de pied placé là-où-il-ne-faut-pas. C'était un mec après tout, il connaissait parfaitement les points sensibles à exploiter.

— Ouais, genre vous avez cru pouvoir voler des Pokémon innocents !
— Nous ne faisons que les libérer de leur asservissement, rétorqua avec véhémence une Sbire. Vous ne pouvez pas comprendre notre cause, vous autres dresseurs ! Vous maintenez vos Pokémon en esclavage !
— Et alors, vous aussi vous utilisez des Pokéball ! se défendit Oscar.
— Elles sont spécialement conçues pour que les Pokémon puissent en sortir quand ils le veulent !

Et on leur montra la Ball : complètement noire, dessus était inscrit un symbole complexe... Et c'est alors qu'Élin sursauta.

— Hey mais vous êtes de l'ancienne Team Plasma vous ! La toute première ! Pourtant je croyais que vous aviez renoncé au crime !
— Ce que vous appelez un crime, nous appelons une lutte pour la libération des Pokémon d'Unys, cracha un des sbires. Vous ne pouvez pas comprendre.

Il lança une boule à terre et soudain tous les Sbires disparurent, corps et Pokémon.  
Les adolescents restèrent seuls dans la nuit noire.


(... but just for one day...)
Habituellement, Bianca dormait d'un sommeil très, très lourd. Elle s'enfonçait avec bonheur dans ses grosses couettes et ses oreillers moelleux, s'abandonnait aux étoiles dans la fraicheur et la blancheur des draps, que jamais aucun mauvais songe ne venait souiller... Mais cette nuit-là tout était différent.

Toutes les lumières de son appartement étaient allumées, se déversant en flots dorés dans la ruelle obscure qui menait à son immeuble ; et elle n'était pas allongée mais tantôt assise, tantôt debout, recherchant tel ou tel tome de sa nouvelle bibliothèque pour ses recherches... Dans le jour artificiel de sa chambre, elle tapait furieusement à l'ordinateur, inscrivant ses hypothèses, ses statistiques, ses conclusions et ses espoirs sur son document Word. Document déjà copié sur un disque externe et une clé USB, par précaution... 

Son portable pourfendit brusquement le silence d'un « I CAME IN LIKE A CHARIZAAAARD ! », et la scientifique manqua de faire une crise cardiaque. 

— Allô oui, ici Bianca Lenoir... marmonna-t-elle, calant l'appareil entre sa joue et son épaule.
— Allô Bianca ? C'est Marie Camus, du ranch d'Amaillide, nous nous sommes fait attaquer !

Encore une fois, on frôla l'accident cardiovasculaire. 

— Quoi ? s'écria la jeune adulte. Mais par qui ?
— La Team Plasma.

Cette fois, Bianca se figea et son portable chuta, oublié, à terre. La Team Plasma ? Non, impossible. Elle avait été défaite il y a plus de quatre ans par Mélis. Et même avant cela, par White. Il devait y avoir une erreur. Se calmant, elle ramassa le téléphone.

— Tu es sûre ?
— Oui ! Et tes élèves sont partis les arrêter !
— Quoi ? s’écria Bianca d’une voix suraiguë. MES ÉLÈVES ?
— O-Oui…
— Mais qu’est-ce qu’ils font chez toi ? Je leur avais dit de rester au Centre de Pavonnay ! Ils vont bien au moins ?
— Non ne t'inquiète pas ils sont tous sains et saufs !
— Mais comment— 
— Tout va bien !
— Ils ont quand même fait face à des bandits !
— La Team Plasma, coupa de nouveau la gérante. 

Bianca prit quelques profondes inspirations, s'écroulant contre le dossier de sa chaise, se fixant, cernes, cheveux décoiffés et lunettes de travers, dans le miroir. Elle n’aurait jamais, jamais dû laisser Élineera Hei intégrer son Voyage Initiatique Encadré. Jamais.

— C'est impossible, Marie, répéta-t-elle d’une voix blanche. La Team est dissoute.
— Bianca, c'est la vérité que je te dis, répondit la femme, doucement et sérieusement. La petite blonde les a reconnus. Et tous les quatre témoignent que les bandits voulaient « libérer » les Pokémon...

Brusquement, Bianca pâlit. 

— Attends deux secondes.

Elle lâcha brutalement son portable sur son bureau, puis s'élança vers le salon crépusculaire, arrachant presque son téléphone fixe de son support. Rapidement, le cœur ratant des battements, elle composa un numéro qu'elle connaissait depuis sa plus tendre enfance. 

— Tcheren ?
— Bianca ? Qu'est-ce—
— La Team Plasma est de retour.