La pièce était sombre, la seule source de clarté environnante étant la lampe vacillante qui pendait au plafond, diffusant une lumière faible. Divers meubles - y compris certains dont la présence paraissaient incongrue dans un tel endroit - ornaient les lieux. Les étagères s'étendaient du sol au plafond, contenant divers ouvrages juridiques et relatifs au crime. Le bureau, un meuble à l'allure élégante, finement sculpté dans un bois presque noir, probablement de l'ébène, disparaissait sous les tas de papiers désordonnés qui occupaient sa surface.
L'homme à qui appartenait ce modeste bureau, qu'il ne prenait que rarement la peine de ranger, était assis dans son fauteuil, les jambes croisées sur le meuble, froissant ainsi quelques documents. Ses cheveux étaient déjà grisonnants, bien qu'il aie une allure jeune. Cigarette à la bouche, il parcourait distraitement les pages du journal qu'il tenait en main, guettant de temps à autre l'arrivée de l'un de ses surbordonnés.
La sonnerie stridente du téléphone lui arracha un grognement de surprise. L'appareil ne se trouvant pas à sa portée, il dut se lever pour l'atteindre, gratifiant au passage son interlocuteur d'un soupir lassé. Il devait bien s'agir du dixième coup de fil de la matinée, qui lui annoncerait, comme d'habitude, que l'enquête était au point mort. Être l'inspecteur en chef de Mérouville ne lui réussissait pas beaucoup, ces derniers temps.
- Jay Waters, j'écoute.
- Ici l'inspecteur Jones, de la sortie Sud, au rapport.L'inspecteur Waters plissa les yeux, redoutant déjà un énième rapport non concluant de la situation. Il fut pris par surprise en entendant la suite :
- La fugitive a été arrêtée, ainsi que trois personnes supposées complices. Parmi elles se trouve Horace Machfield, monsieur.- LE Machfield ? s'étonna Waters, en lâchant son mégot de cigarette.
- Et c'est pas tout, on a quatre criminels sur les bras, boss...Jay, assommé par toutes ces nouvelles successives, se laissa retomber lourdement dans son fauteuil, avant de demander d'une voix blanche :
- A qui avons-nous affaire cette fois ?
- Un certain Warren Skye, un chirurgien clandestin, et le jeunot a dit s'appeler Alyas Knightley.- Merci Jones...
L'inspecteur en chef Waters reposa le combiné et se passa une main sur le visage, peu rassuré par la tournure des événements.
- J'espère que ça va s'arranger, tout ça...
- - -
La terrasse du café dans lequel s'était arrêtés Lucyndia et Ronald Keats était le coin favori des policiers du quartier. La jeune femme, sachant pertinemment cela, en avait conclu que le meilleur moyen de collecter des informations sur l'enquête était d'écouter les conversations des agents.
- Lucy, je sais que tu admires vraiment madame Hunter, mais... c'est un peu inconsidéré, de prendre autant de risques juste pour la suivre.
La rouquine leva les yeux au ciel, quelque peu affligée par la crainte quasi-permanente que son frère ressentait vis-à-vis du monde extérieur.
- Ecoute Ronnie, on a presque trente ans, reprends-toi ! Je te promets qu'il ne t'arrivera rien, d'accord ?
- Oui... excuse-moi... souffla le jeune homme.
Un duo d'agents de police s'installa à la table voisine, leur permettant ainsi d'écouter les discussions à loisir. Surtout que l'un des agents s'avérait particulièrement loquace...
- T'as entendu la rumeur ?
- Quelle rumeur ?
- Jack, t'es pas au courant ? Il paraît que Jones a dégoté quelque chose d'intéressant...
Le dénommé Jack demanda à son collègue d'approfondir, ce qu'il s'empressa de faire.
- Tu sais, il a été affecté à la sortie Sud, et comme c'est la plus empruntée pour quitter Mérouville... enfin tu vois quoi, il avait toutes ses chances de mettre la main sur Hunter.
Les jumeaux se regardèrent, l'une satisfaite, l'autre étonné de l'efficacité de la méthode choisie par sa sœur.
- On y va Lu...
- Chut ! la coupa-t-elle. Ils ont pas fini !
Ronald acquiesça, penaud.
- Finalement ça s'est avéré plutôt facile... constata Jack.
- Surtout qu'en plus, il a mis le grappin sur trois autres criminels, dont le très redouté Machfield. Tu sais, l'américain ! s'enthousiasma son collègue.
- Je vois oui... ils sont à la sortie Sud alors ?
- Je suppose qu'à cette heure-ci, ils ont dû appeler Waters...
Lucyndia, en ayant entendu assez, se leva, entraînant son frère avec elle, bien déterminée à aider cette femme qui l'impressionnait énormément. Son frère, moins enthousiaste, la suivit malgré tout.
- - -
- Putain sérieux j'en ai marre d'être ficelée comme un vulgaire morceau de charcuterie ! bougonna Allindra Hunter.
- Mais arrête donc de te plaindre, tu fais plus de bruit qu'un troupeau de Brouhabam ! répliqua Horace Machfield.
Tous deux étaient à l'arrière d'une voiture de police, ligotés de sorte à ce qu'ils ne bougent pas en attendant que les agents reviennent. Le véhicule, n'étant pas très grand, contrariait fortement les deux criminels, friands de liberté.
- Mais pourquoi nous on est pas interrogés comme les autres ? Je m'ennuie comme un Rattata mort ! grommela la tueuse, vraisemblablement très remontée.
- ...m'files la migraine... marmonna son acolyte.
- T'es pas content tu te casses !
- Seigneur...
Allindra haussa un sourcil, étonnée.
- Ouah... t'es catho ?
- Hm hm... ouais mais c'est pas le sujet, faut trouver un moyen de se détacher...
- Purée j'ai une idée géniale ! s'exclama la blonde avec un sourire éclatant. Je vais essayer de faire sortir un de mes Pokémon ! Ces flics sont trop cons !
Peu emballé par l'idée, le mafieux se contenta d'observer les tentatives maladroites de la jeune femme pour déplacer un tant soit peu ses mains. Elle renonça au bout de quelques essais, les Pokéballs se trouvant hors de sa portée. Elle ne se gêna pas pour faire part de sa frustration, poussant un soupir bruyant.
- Pas si géniale que ça, l'idée... résuma le trentenaire brun avec un sourire en coin.
- La ferme, Machfield ! Essaie, toi, pour voir ! Enfin si tu as des Pokémon...
- Bien sûr que j'ai des Pokémon... bon, entendu, je tente le coup.
Le mafieux eut plus de chance que sa complice, l'une des sphères bicolores se trouvant juste derrière lui, sur la banquette arrière. La tueuse afficha un sourire victorieux, qui s'effaça bien vite à la vue de la créature qui jaillit de la Pokéball...
- Un SPINDA ? Non mais tu te fous de ma gueule ?! Pourquoi un mafieux redouté comme toi a ce... machin ? Je me serais attendu à un Mackogneur, ou encore un Dimoret, mais ça, doux Arceus...
- Oh ça va, je te signale qu'il est aussi bien que n'importe quel autre Pokémon ! Et puis c'est pas gentil, je l'aime bien mon Spinny, moi... soupira l'homme.
- Dis-moi qu'au moins, il sert à quelque chose... maugréa la blonde.
- A ma connaissance, il ne connaît aucune capacité susceptible de trancher des liens solides comme ça...
La tueuse serra les dents, ne voulant pas se résigner au triste sort qui l'attendait.
- En revanche, si ça peut te rassurer, il est capable d'hypnotiser et d'endormir des gens. C'était sa principale fonction lors de nos missions... expliqua le mafieux.
- Tu veux dire... qu'il peut aller hypnotiser les flics et leur piquer les clés ? s'étonna la femme, des étoiles plein les yeux.
Horace la regarda comme si elle était folle, puis s'empressa de la corriger :
- Pas totalement, je pensais plus à... ramener les deux autres, histoire qu'ils nous libèrent !
Le visage de la tueuse traduisait tout l'étonnement qu'elle éprouvait à ce moment-là, mêlé à un intérêt certain pour le mafieux ficelé à côté d'elle, sur la banquette arrière d'une voiture de police peu confortable. Elle allait répliquer quelque chose, mais se ravisa, pour finalement demander :
- Tu sembles leur accorder ta confiance, n'est-ce pas un peu précipité ?
Le trentenaire considéra la question de son acolyte, puis haussa les épaules - autant qu'il le pouvait, étant entravé par les liens -, regardant très sérieusement la tueuse.
- Je pense que ça ne coûte rien d'essayer.
- Oui, enfin espérons que les portes ne soient pas verrouillés tout de même...
- - -
Warren Skye et Alyas Knightley étaient tous deux assis à même le sol, dans le camion des policiers, qui leur servait aussi de lieu où manger et prendre leur pause. Ils avaient été contraints à un interrogatoire par l'intégralité des policiers, qui n'avaient pas jugé bon de laisser un agent en poste près de la voiture où étaient retenus Hunter et Machfield.
Le chirurgien persistait à rester dans un mutisme déstabilisant. Après tout, même ficelée dans une voiture de police qu'il supposait verrouillée, Allindra Hunter le faisait, disons le franchement, flipper.
Le jeune homme blond, quant à lui, répondait plus ou moins aux questions des policiers, avec un calme impressionnant. Son extrême politesse agaçait parfois les représentants de l'ordre, qui s'efforçaient de rester impassible.
- Du calme Jones, encore un peu et le patron va venir te débarrasser de ces deux tarés... songea l'inspecteur en charge de la sortie Sud, tandis que ses collègues s'acharnaient sur les deux criminels.- Pourquoi êtes-vous à Mérouville ? questionna un agent.
Warren se contenta de rester inexpressif, les yeux dans le vague, à la recherche de la moindre faille dans le système de sécurité, qu'il ne trouva pas. La remorque du camion, dans laquelle ils se trouvaient, était bien ouverte pour éviter le manque d'oxygène, mais avec tous ces agents qui rôdaient, impossible de sortir par là.
- Pour ma part, je venais me renseigner sur l'art Hoennais, étant un amateur du peintre John Carver... De vraies...
masterpieces* sont exposées ici, expliqua Alyas.
- Dis plutôt que tu voulais dérober des œuvres, oui ! fulmina le policier.
- No. Je ne dis que la vérité, sauf dans les cas ou elle risque de me compromettre. En l'occurence il s'agissait de la vérité.
Really.- Ce type m'énerve, patron ! grommela l'agent.
- Débrouille-toi jusqu'à l'arrivée de l'inspecteur Waters et... mais c'est quoi cette envie de dormir qui me prend ?!
*masterpieces : des chefs d'œuvres
L'inspecteur Jones s'écroula, suivi de ses collègues qui tombèrent comme un château de cartes. Les deux criminels se regardèrent, interloqués, pour finalement observer l'issue qui s'offrait à eux. Un Spinda se tenait fièrement là - du moins, autant que le permettait sa démarche chancelante -, les saluant d'une main. Les deux hommes ne se le firent pas dire deux fois, et quittèrent leur cellule provisoire, récupérant au passage les Pokéballs leur ayant été confisquées.
- - -
Les jumeaux Keats, enfin arrivés à la sortie Sud de Mérouville, étaient exténués. Mais pas le temps de se reposer, ils devaient secourir cette femme, qui avait tant de valeur aux yeux de la jeune femme. Son frère suivait le mouvement, bien qu'il ait beaucoup trop couru à son goût.
Ils tombèrent nez à nez avec deux individus plutôt singuliers : un type à l'apparence plutôt négligée, vêtu d'une blouse de scientifique, et un second très élégant, portant un chapeau qui couvrait ses cheveux blonds. Instinctivement, s'attendant à un membre de la police scientifique et un haut-gradé, ils envoyèrent chacun un Pokémon au combat.
- C'est d'un ennui... des gosses qui nous défient en combat Pokémon dans un moment pareil... souffla Warren, excédé.
- On a vingt-huit ans et on est certainement pas des gamins ! s'emporta Lucyndia.
-
Yes, mister Skye, ne les énervez pas, cela me rendrait la tâche encore plus difficile. Allez donc secourir les deux autres, je m'occupe d'eux.
- Présomptueux... marmonna Ronald.
- Reviens vite quand même, je compte pas rester trois heures à t'attendre ! précisa le médecin avant de suivre le Spinda jusqu'à la voiture de police.
Alyas sourit et regarda les deux Pokémon en face de lui. Un Kaorine plutôt impressionnant, accompagné d'un petit Riolu au regard empli de détermination, qui contrastait fortement avec son dresseur.
-
Well, je ne me retiendrai pas. Ectoplasma.
Le gros spectre au regard rougeoyant apparut, prêt à ridiculiser ses adversaires. Une lueur mauvaise illuminait ses yeux, et son sourire éclatant avait quelque chose de malsain.
- Quoi, tu comptes nous agresser avec un seul Pokémon ? T'es bien sûr de toi !
- Un combat deux contre un...
unfair*, mais je n'ai pas envie de blesser mes fidèles amis plus que de mesure, je suis certain que vous pouvez comprendre, miss.
*unfair : déloyal
Le jeune homme blond ne prit pas la peine de donner un ordre à son Pokémon : un regard lui suffisait à comprendre les intentions de son dresseur. Ronald serra les dents, peu sûr de lui, alors que l'attaque Bomb-Beurk allait s'abattre sur son Riolu.
- E-euh... Aurasphère !
Lucyndia secoua la tête, alors qu'Alyas se tenait le menton, l'air songeur.
- Il me semble que les attaques de ce type n'affectent pas mon Pokémon...
- Mais Ronny, reprends-toi ! Tu le sais ça, pourtant, on l'a vu à l'académie !
- On avait quinze ans ! se justifia le rouquin. Et puis au moins, j'ai réduit les dégâts de la Bomb-Beurk !
Le blond les regardait se disputer gentiment, amusé par la situation. Son esprit de manipulateur ne connaissait pas de limites, aussi avait-il prévu de se servir de leur différend pour s'éclipser... jusqu'à ce qu'un événement inattendu se produise.
- Police, personne ne bouge ! avertit l'inspecteur en chef Jay Waters, qui venait d'arriver avec une petite brigade d'agents.
- Merde... grommela Lucyndia.
-
It seems that*... Well, faisons une trêve, nous reprendrons ce combat plus tard. Enfin, faites comme bon vous semble, mais moi, je m'en vais, assura Alyas.
- On... devrait le suivre, Lucy, non ? demanda Ronald.
- Mais crétin... bien sûr qu'on se tire d'ici !
- C'est fini ce cirque ? intervint l'inspecteur.
it seems that :il semble que
Avant qu'il ne puisse donner un seul ordre, les trois criminels prenaient déjà la fuite. Regagnant aussi vite que possible la voiture de Warren, ils furent soulagés lorsque celui-ci démarra le véhicule, qui s'enfonça dans les tréfonds du Bois Clémenti, véritable dédale de sentiers en tout genre...
L'inspecteur et ses subordonnés, dépités, ne purent que vérifier les environs. Ils ne retrouvèrent que des policers endormis, sous l'effet de l'attaque précédemment lancée par le Spinda.
- - -
Au quartier général de la police de Mérouville, une ambiance morose régnait dans les locaux. La plupart des inspecteurs, les yeux rivés sur leurs écrans ou leurs dossiers, avaient la mine sombre et le teint pâle, consommant des litres de café pour se maintenir éveillés et ne pas craquer sous la pression.
L'inspecteur en chef Waters, n'ayant pas souhaité retourner comme un reclus dans son bureau, était resté dans la pièce principale, observant nerveusement les mouvements de tel ou tel employé. Il était bien trop fatigué pour travailler, mais avait tenu, pour ne pas paraître plus faible qu'il ne l'était vraiment, à rester à son travail. Le son de la double porte automatique qui s'ouvre attira son attention, mais surtout, l'étonna.
La personne qui venait d'entrer suscitait le respect, même chez les plus haut-gradés de la police Hoennaise. Malgré son jeune âge, il en imposait, de par son élégance et son statut prestigieux. Assez grand, et mince, ses cheveux grisonnants, très légèrement teintés de bleus, ne passaient pas inaperçus. Son regard d'un bleu azur se voulait perçant et trahissait une peine certaine. Il était vêtu d'un costume noir, et son foulard rouge sang le rendait bien reconnaissable aux yeux des enquêteurs.
Après tout, personne n'ignorait qui était le Maître Pokémon de Hoenn, Pierre Rochard. L'inspecteur Waters avait tout de suite deviné la raison de sa présence ici, celle-ci lui paraissant évidente. Cependant, il l'écouta avec attention lorsqu'il prononça les quelques mots auxquels ils s'attendait :
- Je prends en charge cette enquête personnellement à partir de maintenant. J'espère que vous êtes tous prêts à donner le meilleur de vous-même.
- - -

CASIER JUDICIAIRE NUMERO H-44870
NOM : KNIGHTLEY-WINCHESTER (se fait appeler KNIGHTLEY)
PRENOMS : ALYAS, EDWARD
DATE DE NAISSANCE : 31/12/1988
LIEU DE NAISSANCE : LONDRES, ANGLETERRE
PROFESSION : MARCHAND D'ART
- CRIMES REPROCHES -
VOLS ET REVENTE D'OEUVRES D'ART
- POKEMON -
NOCTALI ; ECTOPLASMA ; AIRMURE


