La femme marchait d'un pas assuré, traversant rapidement le hall d'entrée du siège social de la société Devon. Son sac rebondissait doucement sur sa hanche à chaque pas, dans un infime bruissement inaudible. Plusieurs hommes se retournaient sur son passage, subjugués par sa beauté.
Ses longs cheveux blonds, parfaitement soignés, flottaient au milieu de son dos. Habillée d'une veste noire assortie à un pantalon élégant, elle passait pourtant inaperçue au milieu de tous les employés vêtus de la même façon qui infestaient les lieux. Mais Allindra Hunter était assurément différente. Elle utilisait à loisir cet emploi dans la société comme une couverture pour garder un œil sur sa nouvelle cible, le président Robert Rochard en personne.
Son Cizayox se tenait à ses côtés, ne la quittant pas d'une semelle. Son regard menaçant dissuadait quiconque de s'approcher de sa maîtresse. La tueuse parcourut un énième couloir, avant d'insérer une carte magnétique dans un lecteur, déclenchant l'ouverture d'une porte. Une fois dans la grande pièce tapissée de rouge, elle se laissa tomber dans un canapé de cuir noir, juste à côté d'un homme d'une cinquantaine d'années. Dans le salon privé des employés, une dizaine de personnes discutaient activement de sujets et d'autres.
- Excusez-moi... Que savez-vous de monsieur le directeur ? demanda-t-elle à l'homme assis à côté d'elle, en ayant l'air le plus naturel possible.
- Monsieur Rochard... Eh bien, assez peu je dois l'admettre, mais il est assez réservé sur sa vie privée. J'ai eu un entretien avec lui une fois, c'est quelqu'un de bien.
"Quelqu'un de bien qui va finir mort sous ma lame encore une fois... quelle ironie", songea la tueuse avec un sourire en coin.- Si vous voulez, intervint une jeune femme sur le canapé d'en face, j'ai quelques informations à son sujet...
- Oh. Eh bien, dites toujours, tout est bon à prendre.
La toute jeune employée s'étonna de voir quelqu'un porter un tel intérêt à son patron, mais ne laissa pas paraître sa gêne.
- Je... pensais que vous connaissiez au moins son fils, Pierre. Après tout il s'agit du Maître de la ligue Pokémon.
- Ah !
Allindra Hunter voulut se frapper le crâne contre le mur pour se punir de sa bêtise, mais elle n'en fit rien, privilégiant la discrétion. Pourquoi n'avait-elle pas réussi à faire le rapprochement entre Robert Rochard et son fils, le Maître actuel de la ligue Pokémon ? Pourtant, elle le savait... Peut-être que la cuite de la veille ne l'avait pas aidée à avoir les idées claires.
- Il est dans son bureau ? demanda-t-elle aux deux autres employés.
- Je crois que non, mais c'est ouvert la plupart du temps... marmonna l'homme.
La tueuse jugea inutile de remercier ses "collègues" et quitta la pièce en hâte, suivie de son fidèle Cizayox. Le siège social de l'entreprise était un dédale de couloirs et de portes, si bien qu'au bout de trois étages elle dût se résoudre à demander son chemin. On le lui indiqua le plus précisément possible, mais rien n'y fit, elle ne savait pas s'orienter dans ce genre de bâtiment. Elle opta finalement pour l'ascenseur, moyen plus rapide pour se rendre au sommet de la tour Devon.
"J'ai plus toute ma tête en ce moment... En temps normal j'aurais directement choisi l'ascenseur... Reprends-toi ma vieille !"Arrivée à destination, elle frappa d'abord à la porte, histoire de confirmer les dires de l'homme. Personne. Parfait, elle aurait l'occasion de fouiner un peu dans les documents du président. Précautionneusement, elle tourna la poignée et la porte s'ouvrit dans un grincement désagréable. Elle referma derrière elle et observa ce qui l'entourait.
Plusieurs bibliothèques hautes d'au moins trois mètres trônaient d'un côté et de l'autre de la pièce, la surplombant de toute leur hauteur. Une table d'ébène était posée sur un tapis aux motifs orientaux particulièrement jolis - selon elle, du moins. Plusieurs tableaux ornaient les murs, certains plus grands que d'autres. Le bureau, en ébène également, était tout au fond de la pièce. Une lampe était posée dessus et divers documents étaient éparpillés ici ou là.
- Pas très ordonné pour le président d'une telle société... Enfin.
Elle s'attela à sa tâche, à savoir fouiller le meuble. Les documents posés dessus n'étaient que des coupures de journaux relatant les exploits de son fils en combat Pokémon, des informations peu utiles pour elle. Le premier tiroir ne contenait que des médicaments, et le second des documents relatifs à son travail. N'avait-il donc rien de vraiment personnel ? Pas même une carte d'identité ? D'ordinaire, ses cibles avaient toujours ce genre de document dans leurs affaires, jamais sur eux. Robert Rochard faisait visiblement exception à la règle.
Clic.
Le bruit de la poignée que l'on tourne alerta Allindra, qui, d'un regard, fit comprendre à son Pokémon qu'il devait se tenir prêt. Un homme âgé d'une cinquantaine d'années probablement fit son entrée, un porte-documents dans les mains. En voyant l'intruse dans son bureau, il paniqua et laissa tomber tout ce qu'il tenait au sol.
- Qui..?
- Navrée mais je n'ai pas le temps pour les présentations. Cizayox.
Robert Rochard serra les dents. A peine eut-il appuyé sur l'interrupteur de l'alarme, que Cizayox lui trancha la gorge d'un coup de pince précis, faisant gicler du sang sur le tapis oriental. La sonnerie incessante de l'alarme commençait à sérieusement agaçer la tueuse, qui grimaça.
- Quel dommage de ruiner un si beau tapis... Bon, on s'arrache !
- - -
- Ce tableau est d'une beauté qui dépasse une bonne partie de ce que j'ai pu voir avant aujourd'hui... A true masterpiece.
NDLA : Alyas Knightley est un personnage originaire d'Angleterre, il lui arrive donc de s'exprimer en anglais parfois.Jeune homme appréciant particulièrement le raffinement de la peinture, Alyas Knightley observait d'un œil attentif le tableau qui s'offrait à sa vue. Celui-ci représentait une dresseuse sacrifiant sa vie pour préserver celle de ses Pokémon, un Chapignon et un Skitty. Le fond, composé de couleur très pâles, faisait penser à une plage. Cette œuvre intéressait énormément le revendeur de tableaux, qui nota dans un coin de sa tête les références, histoire de se le procurer ultérieurement.
- Je suis déçu par ce tableau... marmonna un vieil homme à côté de lui. John Carver offrait des tableaux de qualité avant celui-ci.
Alyas ne voyait pas les choses sous le même angle que le vieux monsieur, puisqu'il s'empressa de le contredire.
- Je vois que vous ne savez pas reconnaître une œuvre digne d'intérêt lorsque vous en voyez une, old man. John Carver est l'un des peintres Hoennais les plus intéressants de notre époque, ses toiles très controversées offrent un aspect nouveau du monde...
Le vieil homme s'empressa de partir sous l'œil amusé du jeune homme blond, un sourire énigmatique fixé à son visage.
- Je ne comprends pas pourquoi les sites touristiques décrivent ce lieu comme un "rendez-vous incontournable des intellectuels de la région"... Tant d'incultes viennent souiller les lieux de leur présence, ça me donnerait presque envie de vomir... marmonna le marchand d'art.
Ayant fait le tour de la galerie, il s'autorisa une pause sur l'un des bancs du musée, très prisés par les enfants qui n'appréciaient pas franchement leur visite. Il s'adonna alors à l'un de ses passe-temps favoris, à savoir l'observation des autres personnes. Un couple de personnes âgées, des parents et leurs trois enfants, des groupes d'étudiants en arts... Et une personne qu'il n'eut pas de mal à reconnaître, bien qu'il ne l'aie jamais rencontrée.
Celui qui avait attiré l'attention du jeune amateur d'art était Horace Machfield, trentenaire tristement célèbre pour avoir fait partie de la mafia américaine. Une "star" dans le milieu criminel, en somme. Des rumeurs circulaient parmi les criminel du monde entier : Machfield se serait retiré de ce mode de vie bancal et dangereux pour mener une vie ordinaire.
Alyas sourit et rajusta son chapeau noir. Ce serait l'occasion de vérifier si ces rumeurs étaient fondées. Il se leva et, avant que l'ancien mafieux ne quitte le bâtiment, le rattrapa par la manche de sa veste.
- Quoi ? demanda-t-il, plus violemment qu'il ne l'aurait souhaité.
- Horace Machfield, yes ? chuchota le jeune blond.
Le concerné haussa un sourcil, intrigué, et hocha faiblement la tête, avant d'ajouter sur un ton plus serein :
- Ecoute, je sais pas qui tu es, mais quoi qu'il en soit j'ai changé de vie. Si je suis venu aussi loin de mon pays natal, c'est pour vivre normalement.
- Ainsi les rumeurs sont fondées... Intéressant. Mais sachez que vous êtes mondialement connu, ce ne sera pas une partie de plaisir pour vous, am I right ?
- Tss. Tu as du culot, toi... Je devrais te demander ton nom, au moins... grommela Horace.
- Knightley. Alyas Knightley, se présenta le blond en s'inclinant poliment.
L'ancien criminel s'étonna. Il avait déjà entendu ce nom, mais où ? Le souvenir mit quelques dizaines de secondes à remonter à la surface.
- C'est toi ! Le revendeur de tableaux volés...
- Serais-je donc si connu que cela ? C'est un honneur.
- Je te voyais plus vieux que ça, honnêtement... tu as quoi, vingt ans ? interrogea Machfield.
- Vingt-six pour être exact.
- Eh, vous, avec le costume rouge ! cria un policier.
Horace serra les dents. Si la police d'un endroit aussi éloigné qu'Hoenn le connaissait... Alyas, son éternel sourire énigmatique aux lèvres, sortit un Noctali.
- Flash, my friend.
Ni une, ni deux, le Pokémon obscur s'exécuta et une lumière aveuglante illumina la galerie d'art du musée. Le revendeur de tableaux en profita pour s'éclipser, tirant Horace Machfield par le bras. Maintenant qu'ils avaient des ennuis, ils ne pouvaient que fuir...
- - -
Deux personnes, une jeune femme et son frère jumeau, marchaient, l'une la tête baissée vers le sol, l'autre regardant à droite ou à gauche, nerveux. Lucyndia et Ronald Keats étaient plutôt pauvres, aussi devaient-ils subvenir à leurs besoins par le vol.
- Lucy...
- Quoi encore ? grommela la concernée en rajustant son bonnet sur sa tête.
- Je me demandais...
La jeune femme suivit le regard de son frère et observa un long moment la grille du cimetière de la ville, avant de secouer vivement la tête d'un air désapprobateur.
- Nan. Pas aujourd'hui, je suis pas d'humeur.
- Ouais... D'accord.
Ronald était plutôt craintif, ne sortant jamais sans sa sœur, de peur d'être reconnu par la police. Pas qu'ils soient de très dangereux criminels... Juste des voleurs. Lucyndia jeta un œil au ciel. Bleu, sans nuages. Comme souvent dans cette région qu'ils n'avaient jamais quittée. Les rues étaient bondées, tous les employés de la Devon, située non loin de là, y passant pour se rendre à leur travail.
Un bruit, semblable à un coup de feu, fit sursauter les jumeaux. Cela semblait provenir du siège de l'entreprise, duquel s'échappaient quelques épais volutes de fumée noire.
- Un truc a sauté ? s'étonna la jeune femme.
- Je sais pas... Allons voir.
Elle hocha la tête et se mit à courir en direction de la source du bruit, suivie de près par son frère. Ils arrivèrent bientôt sur la grand-place, juste en face de l'immense tour. Des policiers barraient le passage et d'autres tiraient des coups de feu pour essayer de toucher une silhouette rouge qui se déplaçait à une vitesse phénoménale.
- C'est un Cizayox... souffla Ronald, impressionné.
- Hm. Et je crois l'avoir déjà vu quelque part, ajouta sa sœur.
Le Pokémon Insecte et Acier trancha le bras d'un agent de police, sous le regard effrayé des passants attroupés. Le pauvre homme agonisait au sol, se tenant ce qu'il restait de son membre mutilé. Le voleur roux se retint de vomir, alors que sa sœur observait calmement la scène.
- Je sais. C'est Allindra Hunter... La tueuse au Cizayox.
- L-la... la tueuse au Cizayox... bredouilla Ronald, effrayé.
Cette tueuse à gages avait fait l'objet, plusieurs fois déjà, d'articles dans la presse. Mais telle une ombre, elle était insaisissable. Pour cela Lucyndia l'admirait énormément, bien que ses actes soient hautement répréhensibles. Les jumeaux aperçurent la silhouette de la femme blonde, qui fuyait vers le centre-ville en compagnie de son Cizayox. La jeune femme regarda son frère.
- On va l'aider !
- H-hein ? s'étonna le jeune homme, pris au dépourvu.
- La police est notre ennemi, autant lui mettre des bâtons dans les roues... Comme ça ils seront trop concentrés sur elle pour s'occuper de nous ! expliqua Lucyndia.
- Oui ça se tient...
N'ayant pas le temps de tergiverser plus longtemps, elle empoigna son frère par le bras et s'élança à la suite de la tueuse, à travers les ruelles sombres et peu fréquentées de la capitale Hoennaise.
- Hunter !
- Vous m'aurez pas, sales flics ! hurla cette dernière sans se retourner.
- Non, on est pas des flics ! se défendit la rousse. On veut vous aider.
Intriguée, Allindra risqua un coup d'œil derrière elle et, exténuée, s'arrêta.
- Vous êtes quoi, des adolescents ?
- Je sais qu'on fait jeune mais on a vingt-huit ans... grommela Ronald.
- Mes excuses... Et pourquoi voulez-vous m'aider au juste ? Je suis une criminelle dangereuse et mondialement recherchée.
- On est des voleurs. Pas de grands voleurs de trucs de valeurs, mais on a des combines disons... expliqua Lucyndia. On veut semer la pagaille chez les flics, vous aider serait la solution idéale pour ça.
La tueuse à gages considéra la possibilité un moment, puis hocha la tête.
- Je vais mettre ma fierté de côté et tenter le coup. Après tout, après avoir rempli un contrat, rien de tel qu'une petite séance d'amusement...
- Euh... c'était un employé de Devon, votre cible ? questionna le jeune homme roux.
- Robert Rochard lui-même !
- Ouah... elle rigole pas, elle ! sourit Lucyndia, admirative.
- Allez les mômes, on se tire d'ici.
- - -
"En direct de la tour Devon. La tueuse à gages insaisissable, Allindra Hunter, aurait été repérée par la police locale..."
Warren Skye vida son verre de vodka-orange et détourna les yeux de la télévision. Eternel habitué du restaurant The Black Swan, situé en plein cœur de la métropole Hoennaise, il y mangeait une fois de plus, seul, à sa place habituelle près de la fenêtre.
- Alors Skye, toujours pas de copine ? demanda le patron du restaurant, bon ami de Warren.
- Pas mon problème pour le moment... marmonna le concerné.
- Hm hm. Dingue cette histoire avec la tueuse, Hunter.
- Elle aime bien attirer l'attention, peut-être. En tout cas je crois qu'elle a réussi son coup.
Le patron haussa un sourcil. Warren lui désigna d'un mouvement de tête la télévision, qui affichait à présent une photo de Robert Rochard.
"Nous vous informons avec regret que le président de la société emblématique de notre ville a trouvé la mort dans son bureau, la gorge tranchée, vraisemblablement par le Cizayox de la tueuse à gages..."
- Bah merde alors... souffla le propriétaire du restaurant, peiné.
- Ca va, c'est... Putain ma caisse !
Deux hommes, Horace Machfield et Alyas Knightley, étaient en train de voler la voiture de Warren Skye, qui les regardait à présent s'échapper avec sa précieuse voiture. Sans prendre la peine de régler sa note, il se rua dehors et assista, impuissant, au départ des deux inconnus. Des policiers accoururent, visiblement à la poursuite des deux fugitifs.
- Ils ont volé ma bagnole ! grommela le chirurgien.
- Calmez-vous, lui intima un des agents de police. Votre nom ?
Warren plissa les yeux.
"Et puis quoi encore ? J'ai un casier judiciaire les gars..."- Laissez tomber, je m'en fous... dites-moi juste le nom de ces types, ça suffira.
- Nous ne connaissons que l'un d'eux, Horace Machfield. Le visage du second nous est inconnu.
- Horace Machfield, rien que ça... un criminel en cavale mondialement connu me pique ma voiture, eh ben...
Warren regarda le ciel et s'alluma une cigarette, étrangement serein après le vol de sa voiture.
- - -
CASIER JUDICIAIRE NUMERO H-43660
NOM : HUNTER
PRENOMS : ALLINDRA, HELEN
DATE DE NAISSANCE : 15/03/1982
LIEU DE NAISSANCE : AUTEQUIA, HOENN
PROFESSION : TUEUSE A GAGES
- CRIMES REPROCHES -
MEURTRES
- POKEMON -
CIZAYOX ; PERSIAN ; MASSKO


