028. 3x02 - Réunion 2/2
Précédemment : Sofian veut devenir un champion d’arène et part en voyage dans Hoenn en compagnie de Flora, dont le rêve est de devenir une célèbre coordinatrice pokémon, et Timmy, un jeune garçon à la santé fragile qui doit rejoindre Vergazon. Ils croisent la route de Jessie, James et Miaouss, trois dangereux membres de la Team Rocket en mission secrète à Hoenn. À Mérouville, Monsieur Rochard, patron de l’Entreprise Devon, demande aux trois adolescents de remettre une lettre importante à son fils, Pierre Rochard, qui se trouve sur les îles Myokara, et un colis au Capitaine Poupe de Poivressel. Suite à une rencontre terrifiante contre la Team Aqua, Sofian, Flora, Timmy et Monsieur Marco vivent de terribles aventures en mer, à la suite de quoi le Békipan de Sofian part à la recherche des portés disparus, et la région entière apprend la mort de Monsieur Marco et de Picko, son vieux Goélise. Mais Monsieur Marco a survécu à l’incident et, retrouvé par Békipan, il se fait attaquer en mer par un Colhomard qui l’emprisonne dans une caverne. Une fois sortis d’affaire, Sofian défie Bastien, le champion du Village Myokara, et remporte son match revanche. Dans la Grotte Granite afin d’échapper à la police, Jessie, James et Miaouss retrouvent les trois adolescents présents et créent un éboulement qui emporte Flora et Jessie dans les sous-sols de la grotte, tandis que Timmy démarre une nouvelle crise d’angoisse en compagnie de James et Miaouss. Flora est retrouvée par Pierre Rochard en plein travaux de spéléologie. Ensemble, ils découvrent un antre mystérieux qui renfermerait des secrets sur le passé mythologique de Hoenn, dans lequel ils se retrouvent enfermés par Jessie qui vole les pokémons de Pierre Rochard avant de l’assommer. Flora et Pierre Rochard décident de creuser un tunnel fermé à la recherche d’une issue. Tandis que Sofian se rend rapidement au Village Myokara à la recherche de Roxanne, l’infirmière Joëlle et l’agent Jenny, Bastien calme Timmy, mais Jessie retrouve ses acolytes et la Team Rocket s’enfuit. Sofian retrouve son Békipan qui apporte la preuve que Monsieur Marco est toujours vivant, mais personne ne le croit. Sa maman, Nathalie, et les parents de Flora débarquent, et le Professeur Seko aide Sofian et Hélène à retrouver Monsieur Marco. Amenés à une caverne par Békipan, le groupe se fait attaquer par le Colhomard sauvage et le Professeur Seko disparaît dans l’eau.
Île Myokara
Je ne suis pas mort… Pas encore.
Ce sont les premiers mots qui me traversent l’esprit quand j’ouvre les yeux. Colhomard m’épie toujours. Je survis… J’ai froid…
Je ne suis pas mort. Ce sont les premiers mots que je prononçai lorsque j’ouvris les yeux ce jour-là. Je revois nos ennemis nous attaquer sur mon petit bateau de pêche – feu mon bateau… Je me revois tenir dans le creux de ma main la grenade qu’ils nous ont envoyée. Vous, lecteurs de mes pensées, spectateurs de mon passé, vous vous demandez probablement ce qui s’est bien passé cette nuit-là pour que je ne sois pas soufflé dans l’explosion de la grenade. Eh bien… Hélas, j’ai beau me creuser les méninges, je n’en ai pas le moindre souvenir. Tout ce qui me revient sont les images d’un paysage paradisiaque gravées dans ma rétine, d’une île idyllique, sur laquelle je me réveillé le lendemain, en fin d’après-midi.
Aujourd’hui encore, je ne comprends pas comment j’ai survécu à un tel carnage. Je ne sais pas si les enfants qui m’accompagnaient — ces pauvres créatures innocentes, plongées dans un drame qui ne leur était pas destiné, simplement parce qu’ils avaient voulu m’aider — s’en sont réchappés, je ne sais pas si mon bateau a réellement été réduits en cendres. Si, ça, je le sais. Car se trouvaient enterrés dans le sable de la plage sur laquelle je me trouvais quelques débris que je n’eus aucune peine à reconnaître. Ainsi, je me tenais debout, sur une île déserte, au beau milieu de l’océan, dans une zone de la région que je ne connaissais ni de Latias, ni de Latios, seul et sans la moindre compréhension des récents évènements. J’avais survécu, c’était le principal, certes, mais aussi la seule chose dont j’étais certain.
Je n’étais pas mort… Pas encore.
Durant les trois jours qui suivirent — ceux-ci, je m’en souviens très bien —, je me suis attelé à la création d’un signal de détresse pour que l’on me retrouve : feu de camp ou dispersions de rochers sur le sable, rien ne semblait avoir attiré l’attention sur cette île perdue. Me repérant avec une boussole primitive — ou plutôt en observant la nature, devrais-je dire — je réussis à déterminer ma position. En réalité, tout ce que je savais, c’était qu’il me fallait me diriger vers le sud si je voulais avoir une chance de trouver une quelconque île habitée au large. Ainsi, je compris qu’une traversée de l’île m’attendait et je m’avançai dans les profondeurs de la jungle. Mais comment était-il possible d’avoir de plus en plus froid à mesure que j’atteignais le centre de l’île : une gigantesque montagne infranchissable ?
Tant de questions pour si peu de réponses…
Le Colhomard nous a attaqué en plein océan… Mais que fais-je ? Je vous l’ai déjà raconté… Serait-ce la fatigue qui me jouerait des tours ? Il me faut pourtant vous témoigner tout mon parcours avant que je ne m’éteigne définitivement…
De l’autre côté de l’île… de l’autre côté de l’île… Oui, j’y suis, je m’en souviens. De l’autre côté de l’île, je fus le témoin d’une suite d’évènements mystérieux dont je n’arrivais même pas à y croire. Sans crier gare, une violente explosion a subitement soufflé le haut de la montagne qui trônait au centre de l’île. Je pensais pourtant que cette île était inhabitée. Ou peut-être étaient-ce deux pokémons qui s’affrontaient ? Mais cette théorie était peu probable, car une montgolfière — originale, je l’avoue, car elle était à l’effigie d’un Miaouss — est apparue dans la fumée et s’est dirigée vers la mer. Subitement, elle s’est arrêtée, là, au-dessus du néant bleu… De l’endroit où je me trouvais, il m’était impossible de distinguer les détails de ce qu’il se produisait au large (n’oublions pas que mon vieil âge m’a fait perdre beaucoup de ma perfection d’antan)…
Toujours est-il que le ballon fut percé et que la montgolfière chuta dans les vagues. Mais le pire restait à venir pour les propriétaires de ce moyen de locomotion, et mon cœur manqua un saut dans ma poitrine lorsque j’aperçus — ou plutôt je vis
, car sa silhouette imposante est loin d’être discrète — un énorme Wailord, le roi des océans, attaquer violemment les survivants du naufrage. Quelques secondes plus tard, plus rien… Il devait y avoir des survivants, le contraire m’était impensable !
Là se trouve ma première erreur. Je me jetai à l’eau dans l’espoir de sauver quelque naufragé, ressassant les souvenirs de mes cours de natation une septantaine d’année plus tôt, car cela faisait un bon moment que je n’avais plus nagé. Pour un pêcheur né, c’est assez ironique me direz-vous. Mais loin des côtes de l’île que je venais de quitter, je me retrouvai bien vite emporté par les courants de l’océan, loin de la scène du naufrage, loin de l’île, loin de tout. Ma condition d’homme âgé — je le répète car c’est un critère que je n’avais malheureusement pas pris en compte — me fit défaut ce jour-là, et je me retrouvai donc au milieu du néant, tâchant de survivre sans le moindre contrôle sur ma direction.
Ces évènements se sont déroulés quelque temps avant mes retrouvailles avec Picko, mon sauvetage par le Békipan inconnu et l’attaque du Colhomard ennemi. Mes souvenirs ne me reviennent pas dans l’ordre chronologique, vous m’en excuserez. C’est que la mort perturbe les sens, savez-vous…
Mais bon, je ne suis pas mort… Pas encore. 
Sa voix perçante lui était insupportable. Comment pouvait-elle aller si haut dans les aigus sans se briser les cordes vocales ? Hélène poussait des cris de terreurs de manière hystérique qui allait le rendre dingue. Mais il n’avait pas le temps de se concentrer sur la jeune fille en crise de panique, il devait sauver sa peau, et la tâche était rudement compliquée. Après avoir projeté dans la mer le Professeur Seko d’un coup de pince fracassant, le gigantesque crabe orange s’en était pris à Sofian. On aurait dit qu’il avait juré d’avoir sa peau, car malgré tous ses efforts pour éviter ses attaques, il redoublait de robustesse pour achever sa mission.
Sofian sauta sur un énième rocher qui sortait à la surface hors de l’eau et manqua de glisser à nouveau. Mais il fallait tenir bon, car il pouvait apercevoir au loin la vieille silhouette amorphe de Monsieur Marco allongé sur le sol de la caverne.
– PROFESSEUR !! criait toujours Hélène, pétrifiée de terreur sur son rocher, jetant des coups d’œil affolés tout autour d’elle afin de retrouver l’homme dans les vagues tonitruantes qui venaient se fracasser contre la falaise. SOFIAN ! Il faut sauver le Professeur…
– T’es gentille mais j’essaie de sauver ma peau en ce moment ! s’énerva Sofian en se jetant sur un tout petit rocher pour éviter l’immense pince du Colhomard.
Son pied glissa sur la roche mouillée et son corps plongea dans l’eau glaciale de l’océan. Il eut le réflexe de se rattraper avec son bras gauche au rocher avant qu’une vague déferlât à nouveau, lui fouettant le visage. Mais Sofian tint bon et bientôt, il distinguerait à nouveau les cris hystériques d’Hélène qui ne faisait rien pour l’aider.
– Putain, mais tu vas envoyer ton pokémon ? s’emporta Sofian en voyant le Colhomard se cacher dans les vagues.
– Ba… Balignon ?? bégaya Hélène, terrorisée.
– Ça fera l’affaire ! La plante l’emporte sur l’eau !
– Mais… il est bien trop petit ! Il va se faire massacrer !
– Si ton Balignon ne l’attaque pas, c’est moi qui vais me faire massacrer, bordel ! hurla Sofian de plus belle.
Hélène sursauta et trifouilla dans sa poche avant d’en sortir de sa main tremblante une pokéball.
– Je veux bien mais… il est où ?
Et Hélène avait raison de se poser la question, car le Colhomard avait disparu. Sofian la fit taire d’un mouvement de bras et jeta des coups d’œil tout autour de lui. Le pokémon sauvage avait disparu avant de plonger dans la mer, qui était en plein mouvement de recul à présent.
– Il est malin… grommela Sofian dans sa barbe. Il attend que les vagues reviennent vers nous pour nous attaquer. Et s’il est aussi intelligent que je ne le doute, il va probablement s’attaquer à… Hélène, attention !
Une nouvelle vague s’éleva derrière eux vers la falaise et la gigantesque ombre du Colhomard sauvage apparut en son centre. Terrifiée, Hélène ferme les yeux et se protégea le visage à l’aide de ses bras au lieu d’envoyer son pokémon alors que Colhomard fusait vers elle. Toujours agrippé à son rocher, le corps à moitié immergé dans l’eau, Sofian ne pouvait rien faire et assista avec impuissance à l’attaque contre Hélène. Mais un pokémon s’éjecta depuis la surface de la mer et se dressa entre la jeune fille et son ennemi. Békipan ouvrit son bec et lança un puissant jet d’eau qui frappa de plein fouet le Colhomard qui fut dévié de sa trajectoire.
– Békipan, tu n’as rien ! s’exclama Sofian, soulagé de revoir son ami.
Békipan n’eut pas le temps de lui répondre car le Colhomard avait repris son offensive et avait décidé d’en finir une bonne fois pour toute avec le pélican.
Le violent combat aquatique qui s’ensuivit fut tonitruant et lui donna des frissons. En voyant toute la hargne que le pokémon ennemi employait pour en venir à bout, Sofian se souvint d’un pokémon quasi identique qui avait utilisé autant de hargne à défendre Picko. La similarité était frappante entre son Ecrapince, qui avait lutté une journée entière pour ne pas que ses amis et lui mettent la main sur un Picko blessé, et ce Colhomard, qui devait probablement avoir lutté quelques jours contre Békipan pour que personne n’approche Monsieur Marco. Mais dans ce cas, le but était tout autre : loin de vouloir le protéger, Monsieur Marco devait être le festin de Colhomard, et rien ne pourrait le dompter. La seule issue de cet affrontement était la victoire par KO.
Sofian tenta de se hisser sur son rocher mais la puissance des vagues ajoutée au tumulte du combat aquatique des deux pokémons ennemis l’empêchait de bouger, et tout effort menaçait ses doigts de glisser et de lâcher prise. De son côté, Hélène s’était remise de la probable attaque de Colhomard à son égard et cherchait à nouveau le Professeur Seko dans l’eau autour d’elle.
– Il est là ! s’exclama-t-elle enfin.
Cette fois-ci, ses réflexes furent plus rapides. Elle fit apparaître son petit Balignon rouge qui plongea à l’eau et remonta, difficilement au vu de sa petite taille, le corps inerte du Professeur Seko. Hélène le tira sur son rocher et inspecta son battement de cœur.
– Il vit toujours mais il est inconscient ! indiqua Hélène, dont les cris hystériques commençaient à se calmer.
– Enfin une bonne nouv…
Mais Sofian ne put terminer sa phrase, car le Colhomard avait créé un immense vague qu’il n’avait pas vu venir, et l’adolescent fut emporté par la force du jet d’eau. Il ferma les yeux de justesse et se sentit balancer de toute part dans les écumes des vagues, avalant au passage une bonne quantité d’eau de mer salée et brûlante. Un coup à sa cuisse lui fit comprendre qu’il venait de percuter le mur de la falaise, et il chercha avec ses mains une quelconque surface à agripper. Lorsque la force de la vague disparut, il arriva à sortir la tête de l’eau et reprit ses esprits.
Cependant, le calme fut de courte durée, car devant lui s’offrait un spectacle d’horreur : Békipan gisait à côté du corps inerte du Professeur Seko et Colhomard tenait dans sa pince, soulevée à quelques centimètres du sol, une Hélène au bord de l’évanouissement.
– Balignon, sauve ta maîtresse ! s’écria Sofian, le cœur serré.
Le petit pokémon terrifié se concentra et envoya une minuscule graine qui toucha l’immense crâne du homard, avant de se déployer en lianes tout autour de son visage. Le Colhomard poussa un cri de démence et relâcha Hélène qui tomba à l’eau.
– Tiens bon ! hurla Sofian.
L’adolescent plongea à son tour et nagea vigoureusement vers l’endroit où Hélène avait été rejetée. Sous l’eau, il ouvrit difficilement ses yeux brûlés par le sel marin, mais la vie de son amie dépendait de lui. Il la vit se débattre contre la force des vagues et l’aida à remonter à la surface. Lorsqu’ils émergèrent laborieusement à l’air libre, Balignon était vaincu à son tour. Rien ne semblait arrêter le monstre orange qui avançait à présent vers eux.
Sofian comprit alors l’état lamentable de son Békipan lorsqu’il l’avait retrouvé au centre pokémon, celui de Monsieur Marco toujours allongé inerte dans la caverne, et pourquoi Monsieur Marco n’avait jamais été retrouvé. Leur sort allait bientôt être scellé, et il ferma les yeux lorsque Colhomard brandit une dernière fois sa gigantesque pince.
Un flash rouge déchira les ténèbres de ses paupières, et Sofian réouvrit les yeux lorsque les vagues se calmèrent autour de lui. Le Professeur Seko se tenait debout sur son rocher, une pokéball tenue fermement dans ses mains.
– Ce Colhomard me fera un bon cas d’étude ! lança-t-il en affichant un sourire soulagé.
Le Professeur Seko venait de capturer le pokémon sauvage, ils n’avaient plus rien à craindre.
Sofian, Hélène et le Professeur Seko entrèrent enfin dans la caverne en toute hâte. L’eau montait jusqu’à la hauteur de leurs hanches.
– Monsieur Marco, on arrive ! appela le Professeur Seko.
Ils atteignirent le fond de la caverne où gisait le vieil homme, et le Professeur Seko s’agenouilla à ses côtés pour palper sa gorge à la recherche d’un pouls cardiaque. Sofian observa le corps flasque et placide de l’homme qui jadis avait été plein d’entrain : Monsieur Marco était étendu de tout son long sur une flaque séchée de son propre sang, son gilet de pêcheur déchiqueté, son pantalon noir de boue, une chaussure manquante ; sa peau était blanc comme la mort, son crâne chauve griffé de toutes parts et son corps froid et raide.
– Ne me dites pas que… supplia Hélène en se mordant les lèvres.
Le Professeur Seko se tourna vers eux, l’air grave, palpant chaque partie du corps du vieil homme.
– Il est… ? hésita Sofian.
– J’ai un pouls !
Le Professeur Seko afficha enfin un sourire. Tout était terminé.

Elle tournait en rond autour des débris de ce qui restait de leur moyen de locomotion. Assis sur un monticule de planches de bois, son acolyte se tenait la tête dans les mains, fatigué et nerveux. Le Miaouss qui les accompagnait, un Pokématos dans les mains, était tout aussi tendu.
– Je ne suis pas convaincue par cette idée, avoua enfin Jessie en brisant la tension qui les entourait.
– De toute façon, c’est trop tard, annonça Miaouss, l’appel a été lancé.
– On n’aurait pas dû, marmonnait James, on n’aurait jamais dû.
– Comment le Boss va-t-il réagir quand il va apprendre qu’on a encore besoin de son aide ? s’inquiéta Jessie.
– Surtout qu’à la base, on n’était pas censé appeler pour de l’aide ! rappela James.
– Vous voyez une autre solution ? s’énerva Miaouss. On ne fait que répéter la même conversation depuis des heures ! On n’a pas le choix ! C’est soit ça, soit on se fait attraper et jeter en prison !
– Remarque, on y serait peut-être mieux… grommela James.
Miaouss voulut répliquer, mais un grondement sourd l’en empêcha. Les trois acolytes sursautèrent et levèrent le regard vers le haut du ravin dans lequel ils étaient : une moto venait de s’y arrêter et deux femmes en étaient descendues.
– Team Rocket, plus un geste ! ordonna l’agent Jenny.
– Les flics ! s’écria Miaouss.
– Bordel de m… ! jura Jessie.
– Faut qu’on s’barre d’ici ! s’excita James en se levant d’un bond.
– Vous n’irez nulle part cette fois-ci ! avertit la femme qui l’accompagnait.
Jessie, James et Miaouss s’arrêtèrent instantanément en reconnaissant sa voix. Ils jetèrent un coup d’œil par-dessus leur épaule et découvrirent avec horreur que Roxanne, la championne de Mérouville, était de la partie. Cette fois, ils étaient bel et bien fichus.
Roxanne envoya une pokéball dans les airs et un Racaillou vint leur barrer la route au milieu du ravin.
– Un pokémon roche ? Je m’en occupe !
James envoya son Cacnéa à l’attaque, mais le Racaillou de Roxanne n’en fit qu’une bouchée.
– Comment est-ce possible ? s’horrifia James en ramassant son Cacnéa évanoui.
– Envoie ton Seviper ! s’énerva Miaouss qui voyait que Jessie ne bougeait pas.
– Oh non, j’ai une meilleure idée… dit-elle d’une voix mystérieuse.
Elle se tourna vers Roxanne et Jenny qui avaient profité de l’attaque de Cacnéa pour descendre le ravin en vitesse et les affronter en face.
– On va voir si vous allez reconnaître le pokémon que vous allez affronter ! lança-t-elle en sortant de sa poche la pokéball qu’elle avait volé à Pierre Rochard.
Le petit Galekid apparut entre la Team Rocket et la championne d’arène.
– Depuis quand ils ont un Galekid eux ? s’étonna l’agent Jenny en consultant son Pokénav. D’après les données inscrites dans leur dossier, ils possèderaient un Cacnéa, un Seviper et un récent Papinox, mais pas de Galekid ! D’où sort-il ?
– D’où sort-il ? répéta Jessie en affichant un large sourire. Nous sommes la Team Rocket, la plus puissante Team au monde, ne l’oubliez pas !
– Attends un peu ! intervint Roxanne en empêchant l’agent Jenny de faire appel à son pokémon. Ce Galekid me rappelle quelque chose… Cette posture de défense, son aura puissante qui se dégage de lui…
– C’est moi où la pokéball qu’elle tient en main est différente ? remarqua la policière.
Intriguée, Jessie posa son regard sur la pokéball de l’homme à qui appartenait réellement le Galekid. Étrangement, sur la surface rouge de la sphère était gravée la représentation d’une minuscule pokéball en or.
– C’est la pokéball de Pierre Rochard ! reconnut Roxanne.
– Ils ont volé Pierre Rochard ?? s’exclama l’agent Jenny, déconcertée.
– Miaouss, qui est Pierre Rochard ? demanda James discrètement.
– Je n’en ai aucune idée, répondit le chat, mais apparemment, on vient de commettre notre plus beau larcin.
– Allez Galekid, attaque ! ordonna Jessie.
Mais le petit pokémon acier ne bougea pas et Roxanne éclata de rire.
– Pourquoi qu’y veut pas ? s’inquiéta Jessie.
– Tu as sûrement dû oublier la formule magique, qui sait si ce Pierre Rochard l’a bien éduqué ? supposa James.
– Imbéciles, vous n’avez aucune idée de qui est Pierre Rochard ! s’amusa Roxanne. Vous voyez l’insigne gravée sur sa pokéball ? C’est un petit plus octroyé aux dresseurs qui le méritent par leur statut, et Pierre Rochard en fait partie. En gros, le pokémon relié à cette pokéball n’écoutera aucune autre personne que son maître, son nom étant programmé dans le système informatique de la pokéball. Alors je vous conseille de vous rendre si vous ne voulez pas qu’il vous attaque !
Galekid s’était à présent retourné et menaçait les trois malfrats de leur foncer dessus, sa tête en acier en première. Pris aux piège, Jessie, James et Miaouss levèrent les bras et Jessie fut forcée de rendre les pokéballs qu’elle avait réussi à dérober.
– Remonte-les, Racaillou ! ordonna Roxanne en plaçant les pokéballs de Pierre Rochard dans sa poche.
Le pokémon roche souleva les trois bandits à l’aide de ses poings musclés et suivit Roxanne et Jenny qui grimpèrent hors du ravin.
– Voilà une bonne chose de faite ! se félicita l’agent Jenny. Je vais les ramener au poste de police directement et je te rejoindrai dans la Grotte Granite tout de suite après, d’accord ?
– Pas de problème, accepta Roxanne, mais je doute qu’il nous faille beaucoup d’aide pour sortir Flora de là.
Jessie pouffa de rire.
– Quelque chose à ajouter ? demanda Roxanne d’un ton froid et dur.
– Non, non…
– Bien, on se retrouve dans une demi… reprit l’agent Jenny.
– Quoi que… interrompit Jessie. Je doute fortement que vous arriviez à sortir Flora de la Grotte Granite.
– Qu’est-ce que ça veut dire ? répliqua violemment Roxanne.
– Même si vous arrivez à descendre dans les sous-sols, expliqua Jessie de son air machiavélique, vous ne pourrez jamais la retrouver. Je me suis occupée d’elle et je l’ai enfermée dans une salle spéciale que personne ne saura trouver sans qu’on lui décrive le chemin.
– Mensonge ! rugit l’agent Jenny.
– Ah bon, vous pensez ? Pourtant, ce sont bien les pokémons de Pierre Rochard que j’ai volé. Pierre Rochard étant un spéléologue, sa présence dans la Grotte Granite n’était pas anodine. Et les spéléologues vivent dans le but de trouver des endroits jamais visités par l’homme dans les grottes et cavernes, non ? Vous pensez toujours que je mens ?
Roxanne et l’agent Jenny échangèrent un regard anxieux. Si elle disait vrai, et Roxanne savait pertinemment bien que la Grotte Granite était un véritable labyrinthe inexploré, alors ils n’auraient aucune chance de les retrouver vivants.
– Où sont-ils ? interrogea-t-elle avec autorité.
Jessie sourit à nouveau, ce qui eut le don d’agacer Roxanne. Maintenant qu’elle avait le pouvoir, c’était la Team Rocket qui dominait, et cette idée ne lui plaisait pas.
– Voilà ce qu’on va faire : je vous dis comment sauver Flora et Pierre Rochard en échange de notre liberté, marchanda Jessie. Vous effacez le dossier que vous avez monté sur la Team Rocket, vous rappelez près de vous vos collègues qui nous recherchent, vous nous donnez cette moto et vous nous laissez partir simplement, et vous obtiendrez toutes les informations que vous désirez.
James et Miaouss affichèrent un sourire vainqueur en voyant les visages désemparés des deux femmes qui venaient de les arrêter.
– Marché conclu ? proposa Jessie en tendant sa main devant elle.
Roxanne jura dans sa barbe et lui serra la main contre sa volonté. Sans plus attendre, James et Miaouss bondirent sur la moto tandis que Jessie resta retenue par Racaillou.
– Allez, parle ! ordonna l’agent Jenny.
– Vous n’oubliez pas quelque chose ?
L’agent Jenny soupira et chipota sur son Pokénav. Elle entra un code et poussa un grognement de déception en voyant que tous les éléments relatifs à la Team Rocket venaient de disparaître des bases de données de la police de Hoenn. Jessie donna un petit coup d’épaule au Racaillou de Roxanne qui lui indiqua de relâche sa proie. Jessie monta délicatement sur la moto, surveillant le pokémon, et s’accrocha à James avant de révéler l’endroit exact où se trouvaient Flora et Pierre Rochard, et le chemin pour y parvenir. Respectant leur marché, l’agent Jenny et Roxanne laissèrent filer la Team Rocket entre leurs doigts, et regardèrent la moto de Bastien disparaître entre les arbres de la Forêt Myokara.
– Et merde ! hurla Roxanne de rage.

Poussifeu se sentait mieux au vu de son plumage qui reprenait sa couleur orange éclatante. Bastien venait de terminer de l’asperger de Super Potion, et passa enfin à ses propres pokémons.
– Qui sait sur quoi on va tomber là en bas, s’expliqua le champion d’arène.
Arcko et Tarsal aidèrent Timmy à se remettre debout. Le jeune garçon, fragile à cause de son état de santé, et épuisé par l’attaque de la Team Rocket, avait préféré resté assis pour reprendre des forces.
– Poussifeu, Meditikka, « flash » ! ordonna Bastien.
Poussifeu fit apparaître une boule de feu dans son bec tandis que Meditikka s’illumina d’une lumière étincelante, les deux baignant d’une vive lumière les tunnels rocailleux de la Grotte Granite. Devant leur pied s’éclaira enfin le boyau étroit qu’ils avaient réussi à creuser un peu plus tôt, et duquel s’en était extraite Jessie avant de leur avouer l’étendue de ses crimes.
– Soyez honnête, demande Timmy, vous pensez réellement qu’il soit possible de retrouver Flora ?
– En toute honnêteté, je ne peux pas te cacher qu’un travail titanesque nous attend, avoua Bastien qui retroussait ses manches de sa chemise en lambeaux. Comme je vous l’ai dit ce matin, la Grotte Granite est un véritable labyrinthe si grand que des parties de la grotte sont encore aujourd’hui inexplorée. Mais ne t’en fais pas, ton Tarsal peut capter les émotions des humains auxquels il se sent proche. S’il se concentre bien, il pourra sentir Flora.
– Si elle est vivante, précisa Timmy au bord du désespoir.
– Si elle n’est pas trop loin, rectifia Bastien en ajoutant une pointe d’optimisme. Avec tous nos pokémons, la tâche sera plus simple. Arcko peut laisser des graines derrière lui pour qu’on se souvienne du chemin qu’on aura parcouru, Poussifeu et Meditikka nous éclairerons, et Hariyama et Charmillon nous protégeront du danger.
– Et si le labyrinthe faisait 15 kilomètres de long et de large ? s’inquiéta Timmy.
Bastien ne répondit pas, préférant espérer qu’il ne l’était pas. Il avança vers le boyau qu’ils avaient creusé et s’apprêta à s’y glisser dedans.
– Attendez ! cria une voix derrière eux.
– On sait où se trouvent Flora et Pierre Rochard ! ajouta une seconde.
Roxanne et l’agent Jenny du Village Myokara les avaient enfin rejoints.
– Jen… marmonna Bastien en reconnaissant son ex compagne. Comment… ?
– Longue histoire ! interrompit l’agent Jenny.
– Pierre Rochard ? Le fils de Monsieur Rochard de l’entreprise Devon ? s’étonna Timmy. Qu’est-ce qu’il fait dans cette hist… ?
– Très longue histoire ! interrompit Roxanne. On vous expliquera en chemin ! Allez, go avant qu’il ne soit trop tard et qu’ils meurent étouffés !
Sans plus attendre et plongés dans l’incompréhension, ils se faufilèrent chacun à leur tour, suivis de tous leurs pokémons, dans le boyau étroit creusé dans la roche de l’éboulement, avant d’arriver dans les sous-sols de la grotte, là où Flora et Jessie avaient probablement atterri.
– Tout le monde est là ? inspecta Roxanne. Bien… Il faudrait prendre ce couloir d’après…
Mais elle s’interrompit car le sol s’était ébranlé dans une petite secousse qui ne dura que quelques secondes.
– Qu’est-ce que c’était ? s’alarma Timmy.

– Je crois que c’est terminé… chuchota-t-il.
– J’ai eu peur ! soupira-t-elle.
Flora se frotta le front tout en sueur et s’accorda une pause. Pierre Rochard lui tapota le dos afin de la rassurer.
– Ça devait être un Onix qui passait dans un boyau près d’ici… marmonna Pierre Rochard. En tout cas, j’espère que ce n’est pas un système de défense de la Grotte qui comprend que nous creusons un passage vers la chambre secrète.
– C’est possible, ça ? s’apeura Flora.
– Tout est possible quand on s’introduit illégalement dans le monde des pokémons…
Déglutissant d’anxiété, Flora reprit leur travail de forage à mains nues dans le couloir bloqué par les rochers de l’antre dans laquelle ils se trouvaient. Plongés dans les ténèbres les plus obscurs, le travail était lent et quasi impossible. Sans compter qu’il lui fallait sans cesse s’essuyer le visage, mouillé toutes les dix secondes par une goutte d’eau qui tombait du plafond. Étant donné que c’était leur seule option, elle préférait ne pas se plaindre ; il valait mieux mourir de fatigue en essayant de survivre plutôt que de mourir d’ennui en attendant la mort.
– C’est étrange tout de même… marmonna Pierre Rochard. Est-ce que toi aussi tu as l’impression que certaines parties du mur sont recouvertes d’une fine couche de glace ?
– Je n’osais pas vous en parler, je pensais que je devenais folle !
– Si je n’étais pas menacé par la mort, j’en serais fasciné…
Flora pouffa de rire. Mais la nervosité, la tension et le stress transforma son amusement en véritable éclat de rire, que Pierre Rochard eut bien du mal à comprendre.
– Vous savez ce qui est le plus marrant dans toute cette histoire ? expliqua-t-elle en n’arrivant pas à contrôler son fou rire. C’est que mes amis et moi avons passé tellement de temps à nous demander où vous pouviez bien vous cacher, car nous avions une lettre de votre père à vous confier, et je n’aurais jamais pensé me retrouver enfermée avec vous autant de temps ! Mais l’ironie de la situation est encore plus hilarante ! C’est pas moi qui ai la lettre, et vu qu’on va probablement crever étouffés ici, tous nos efforts ont donc été inutiles !
Flora éclata à nouveau de rire, mais Pierre Rochard n’en fut que plus troublé. Il préféra rester silencieux en poursuivant ses travaux de forage. Flora n’arriva à se calmer que lorsqu’elle reçut un jet d’eau en plein visage.
– Qu’est-ce que… ?!
L’eau coula à flot depuis le sommet de la pile de rochers, et Pierre Rochard plaqua sa main pour empêcher l’eau de se glisser dans l’antre.
– Comme je l’avais senti, nous sommes sous l’océan… grogna-t-il.
– Et maintenant, on fait quoi ? demanda Flora.
À court d’idées, Pierre Rochard ne répondit pas et se contenta de bloquer l’accès à la salle au flot d’eau de mer.
Elle est en danger…
Á Mérouville, sur mon bateau, perdu sur l’île, en plein océan, dans cette caverne… Partout où je vais, ma vie est en danger. Je me sens partir, mon corps est faible, j’ai froid, je ne sais plus bouger, j’hésite encore si les voix que j’entends sont des hallucinations ou les appels de la Mort qui m’invite à la suivre. Pourtant, je ne me souviens toujours pas de ce qu’il m’est arrivé. Il faut que je sache, avant de partir. Deux minutes, je vous en prie, laissez-moi deux minutes de vie avant de m’emporter dans votre monde. Je dois m’en souvenir, mais je n’en ai que quelques flashs…
La Team Aqua a enlevé mon Picko. Ils le gardent en guise de rançon. Ils veulent des plans maritimes de Hoenn. En leurs mains, ces données provoqueraient d’énormes catastrophes. Trois enfants veulent m’aider. Timmy est si gentil et attentionné. Sofian élabore un plan stratégique compliqué. Flora a peur. Moi aussi, Flora. Moi aussi, j’ai peur.
Nous embarquons sur mon bateau de pêche. Hors de question de leur donner les plans. Nous allons sauver Picko. Ils sont bien plus rusés que nous. Alors nous le serons davantage. Mais s’ils se rendent compte de la supercherie ? J’ai peur pour Picko.
Confrontation au beau milieu de la nuit et de l’océan. Ils sont venus. Je suis impressionné, je te dois cinquante pokédollars. Où est mon Picko ? Arrêtez avec vos sarcasmes et… nous allions vous le rendre aussi facilement… Intrus !… Vous allez regretter… du gosse en-dessous, nous on leur fait payer les plans à l’eau ! Ils ont emmené comme prévu Sofian plonge à la poursuite de la Team Aqua !
Ça y est ! Je m’en souviens à présent ! Les évènements de cette froide nuit me reviennent d’un coup ! Que c’est bon de s’en souvenir ! Que c’est bon d’enfin savoir comment je suis mort ! L’instant précis de ma mort me revient avec une netteté indescriptible. C’est comme si je me voyais vivre les évènements que j’avais déjà vécus. Cycle de la vie ? Vision de la vie avant la mort ? Purgatoire ? Ou simple explication ? Je m’en contre-fiche, laissez-moi revivre ma mort !
Les bandits de la Team Aqua refont surface devant le bateau de pêche qui m’appartient. Ils profèrent des menaces et nous lancent un objet avant de disparaître à nouveau. Quel est-il ? Je ne vois pas de l’angle auquel je… Ah, merci, je vois mieux. Une grenade se trouve à mes pieds. Elle est dégoupillée. Mais que fais-je ? Pourquoi ne bougé-je pas ? Les enfants l’ont compris eux ! Regarde Marco, ils se jettent à l’eau ! Pourquoi ne bouges-tu pas ? Allez, suis-les et saute ! Il le ramasse… L’imbécile, il va se faire sauter ! Saute dans l’eau, pas dans l’explosion ! …
…
… Ce vieil homme, désespéré de ne plus revoir son ami Picko, ramasse l’objet qui va mettre fin à ses souffrances… On pourrait penser qu’il n’est qu’un vieil homme sénile, mais finalement, pourquoi le jugerait-on. Moi-même, n’étant que lui-même finalement, je le comprends. Comment terminer une vie sans le soutien d’un ami de toute une vie ? Comment écrire l’épilogue de son récit lorsque la plume nous a été arrachée des mains ? Autant se faire arracher le bouquin en même temps…
Mais le suicide ne Lui plait pas. L’abandon n’est pas permis, le reset est invalide.
Lorsque j’ai ramassé la grenade et que je l’ai observée durant des heures qui ne furent finalement que quelques secondes, ce n’était pas la Mort que je défiais dans le blanc des yeux, mais la Vie. Cette glace qui s’est emparée de moi, ce corps qui devient si lourd, cette sensation de fraîcheur et de simplicité, cette téléportation hors de ce bateau par cette puissance qui me dépasse… C’est donc une seconde chance qui m’a été accordée. Et je L’en remercie de tout mon être.
Mais… pourquoi ?
Elle est en danger… Elle est en danger. Elle est en danger...
– Elle est en danger ! hurla-t-il.
Il ouvrit les yeux subitement et se crispa dans son lit d’hôpital. Tous sursautèrent. L’infirmière Joëlle et le Professeur Seko durent plaquer ses membres contre le matelas pour lui éviter une mauvaise chute. Sofian, Hélène, Charles, Dan, Nathalie et Gaëlle accoururent dans la chambre de Monsieur Marco alors que celui-ci, avant de s’évanouir, s’écria une dernière fois :
– Flora est en danger !!

– Attendez une seconde !
Timmy agrippa Roxanne et l’agent Jenny, et les obligea à s’arrêter dans leur marche.
– Comment savez-vous que c’est par ce couloir que nous devons nous rendre pour retrouver Flora ? questionna-t-il.
– La Team Rocket nous a donné l’information en échange de leur liberté, expliqua rapidement l’agent Jenny en sautant sur les détails. Mais nous n’avons pas le temps ! Si ce qu’ils nous ont dit est vrai, ils peuvent étouffer à tout moment renfermé dans cette salle !
– Quelle salle ? Qui ça « ils » ?
– Flora et Pierre Rochard ! s’impatienta Roxanne. Pourquoi tu ne nous fais pas confiance ?
– Parce que vous avez justement laisser filer nos ennemis en leur faisant confiance !
– Timmy… essaya d’intervenir Bastien.
– On s’est assez fait avoir aujourd’hui, pas besoin d’une nouvelle trahison ! se défendit Timmy. Où est Sofian ? Pourquoi n’est-il pas revenu avec vous ? Pourquoi l’infirmière Joëlle n’est pas venue étant donné que Sofian était censé l’apporter pour moi ?
– Parce que son Békipan a été retrouvé et on pense que Monsieur Marco est toujours vivant ! s’énerva Roxanne. Tu veux que je te raconte tous les faits divers de cette ville ou tu veux que j’aille sauver ton amie ?
– Monsieur Marco est… vivant ?
Mais Timmy n’eut pas le temps de digérer l’information, car une nouvelle secousse ébranla les sous-sols de la Grotte Granite.
– Mais enfin, qu’est-ce qu’il se passe ici ? s’exclama Bastien en essayant de ne pas perdre l’équilibre.
Les pokémons poussèrent un cri de peur à l’unisson lorsque le couloir que Roxanne voulait emprunter fut enseveli par un nouvel éboulement.
– Le couloir… !! s’écria l’agent Jenny.
– FLORA !! hurla Timmy en courant vers le mur de rochers.
Mais la Grotte Granite était en proie à un véritable effondrement. De toutes parts, les murs se fissuraient et le plafond menaçait de tomber à tout moment.
– Il faut qu’on dégage avant qu’on ne soit nous aussi ensevelis ! ordonna Bastien en courant vers le boyau qu’ils avaient creusés et qui remontaient dans les couloirs principaux de la grotte.
– Mais… mais… bégayait Timmy en voyant tout le monde remonter la pente. ET FLORA ??
– On ne peut plus rien pour elle ! s’écria Bastien pour se faire entendre. Viens !
Mais Timmy resta paralysé sur place alors que la Grotte Granite s’ébranlait de plus belle. Bastien courut vers lui et essaya de le tirer vers le boyau alors qu’il ne restait plus qu’eux deux, mais le jeune garçon refusa de le suivre.
– Le combat que vous avez livré avec la Team Rocket a fragilisé la grotte, sans parler des dégâts que Sofian et moi avons engendré en livrant notre match ! expliqua Bastien à toute vitesse pour essayer de le raisonner. La Grotte Granite repose sur un labyrinthe de couloirs creusés par des Onix à travers le temps. Il est normal qu’à un moment donné, le tout ne tienne plus en équilibre et s’effondre. Mais on a encore le temps pour sortir d’ici, alors tu vas venir avec moi et tu n’as pas le choix !
Bastien souleva Timmy au-dessus du sol et le força à remonter le boyau qui les amènerait hors de la grotte qui se refermait sur elle-même.
* Dans l’antre secret, les secousses étaient des plus violentes et Flora chuta au sol inondé sous la force du tremblement de terre.
– Qu’est-ce qu’il se passe ?! cria-t-elle, terrorisée.
À défaut de le voir dans l’obscurité, elle entendit Pierre Rochard défaillir à son tour et tomber à côté d’elle alors que le flot d’eau de mer se déversa de plus belle dans la salle.
– Pierre, qu’est-ce qu’il se passe ?? répéta-t-elle en hurlant.
– La Grotte Granite protège ses trésors… marmonna-t-il. Elle s’assure qu’aucun intrus ne viennent déterrer le passé de Hoenn.
– Dit comme ça, vous me donnez l’impression qu’on va mourir incessamment !
Pierre Rochard éclata de rire.
– Je ne sais pas ce qu’il y avait dans cette lettre, mais je suis bien triste de ne plus avoir la chance de la lire un jour, dit-il entre deux rictus.
Le fou rire de Pierre Rochard dans de pareilles circonstances catastrophiques contamina Flora qui éclata de rire à son tour en se couchant au sol qui se remplissait petit-à-petit d’eau. Tous deux rigolaient franchement, à tel point qu’elle en avait mal aux côtes. Elle se tint le ventre afin d’apaiser sa douleur et sentit un objet métallique dans sa poche. Une pokéball. Celle de Gobou, son premier ami, le pokémon aquatique…
* La nuit était tombée au-dehors, et le petit groupe sortit juste à temps de la grotte avant que le mince passage ne se referme sur lui-même. Timmy prit une bonne bouffée d’air frais, respirant enfin de l’oxygène sans poussière après une journée enfermée dans la Grotte Granite qui n’existait plus désormais. Une pensée égoïste lui traversa l’esprit : il était heureux d’enfin en être sorti. Une autre, beaucoup plus violente, le pétrifia sur place : son amie Flora allait périr sous les rochers.
Le temps s’arrêta. Plus rien n’avait d’importance. Sa meilleure amie n’était plus là, et il ne pouvait plus se relever. Cela ne servait à rien de le tirer, de le forcer à se mettre debout, d’appeler son nom, de l’obliger à tourner la tête vers la mer, de lui montrer quelque chose au loin sur les vagues. Qu’ils arrêtent ! Son amie était décédée, il n’avait pas le temps d’écouter leurs cris de joie.
Pourquoi étaient-ils joyeux en fait ?
Timmy releva les yeux. Marchant lentement sur le sable, sortant des vagues de la mer, deux personnes et un pokémon étaient apparus sur la plage de la Grotte Granite. Tarsal, Arcko, Poussifeu et Charmillon coururent vers eux et bondirent de joie sur le Gobou qui les accompagnait, qui accompagnait un homme aux cheveux grisonnant mais plutôt jeune, et… Flora !
Timmy ne comprit pas par quel exploit il l’avait fait, mais une fraction de secondes plus tard, il se trouvait dans les bras de son amie. Une autre fraction de seconde s’écoula et ils fêtaient tous ensemble leur survie. Timmy écouta à peine les explications de Flora sur leur découverte d’une salle secrète, sur leur enfermement, leur tentative de s’en extraire, leur perforage, leur inondation, les exploits de Gobou qui les avait tirés hors de la salle en remontant le courant de l’eau de la mer… Il avait retrouvé son amie, vivante. Tout était terminé.

Le groupe qui entra dans les urgences attira les regards des patients. Assis sur une chaise en plastique, Sofian releva les yeux et il lui sembla se trouver dans une scène d’un film où l’action se déroulait au ralenti et où tout se terminait bien. L’homme qui entra en premier faisait peine à voir : sa chemise en lambeaux laissait afficher un torse musclé couvert de poussière et une entaille profonde sous le téton droit, ses longs cheveux de surfeur plaqué contre son front en sueur. Il portait dans ses bras en bêton une jeune fille dont la tenue bleue azure était mouillée de bas en haut, serrant dans ses mains un foulard bleu encrassé. Le cœur de Sofian bondit de joie dans sa poitrine en reconnaissant Flora, saine et sauve, et se leva lentement, n’en croyant pas ses yeux. Lorsque Bastien la déposa au sol, la jambe gauche de l’adolescente défaillit et l’infirmière Joëlle courut à sa rescousse avant de l’asseoir d’urgence sur une chaise roulante.
Derrière eux apparut une jeune femme qui soutenait quelque peu un jeune garçon qui paraissait exténué. Les cernes foncés qui coloraient le bas de ses yeux rouges de fatigues semblaient annoncer une maladie avancée. Son teint de peau très pâle et sa difficulté à marcher n’arrangeaient rien. Roxanne aida Timmy à s’allonger sur un lit inoccupé des urgences et, lorsque Sofian croisa le regard de son ami, celui-ci lui tira la langue et dessina à l’aide de ses deux doigts le signe de la victoire.
Enfin, l’agent Jenny fit son entrée dans la vaste salle bien remplie, accompagnée d’un homme que Sofian ne connaissait pas. Ses cheveux gris remplis de sable humide le faisaient paraître beaucoup plus âgé que ce qu’il n’était en réalité. Son costume noir dégoulinait d’eau sale, comme s’il revenait d’une baignade. Mais ce qui troubla le plus Sofian, c’était l’air déconfit que l’on pouvait lire sur son visage et qui décrivait une déception incalculable.
Sofian trouva enfin la force nécessaire dans ses jambes pour courir vers ses deux meilleurs amis et leur sauter dans les bras. Il fut tiré rapidement en arrière par les parents de Flora qui ne laissèrent à leur fille qu’un minuscule espace pour respirer tant ils la serraient avec entrain. Derrière eux, un vieil homme se releva quelque peu sur son lit d’hôpital et fit un bref signe de main avec le peu d’énergie qu’il lui restait. Flora et Timmy reconnurent instantanément l’homme qu’ils avaient vu décéder sous leurs yeux, l’homme dont ils avaient accepté la mort : Monsieur Marco. Les cris de joie explosèrent, les sourires se dessinèrent, les larmes coulèrent,… Tout était rentré dans l’ordre.
– Papa, maman, j’ai quelque chose d’important à vous annoncer, dit Flora en tirant ses parents un peu en retrait du groupe.
Le Professeur Seko et sa femme échangèrent un regard inquiet, mais gardèrent leurs mains dans celles de leur fille, trop heureux de l’avoir retrouvée vivante que pour la lâcher.
– Papa, quand tu m’as offert Gobou et que tu m’as laissée partir à l’aventure dans Hoenn, c’était principalement pour que je collectionne les badges d’arène et que je brille à la Ligue Pokémon, résuma-t-elle.
– Oui, et ? s’inquiéta le Professeur Seko.
Flora prit un bon bol d’air avant de se lancer.
– Je sais que c’est important pour toi, mais… je n’ai pas l’aspiration de devenir Maître de la Ligue Pokémon, avoua-t-elle enfin. En réalité, notre prochaine destination est Poivressel où je compte m’inscrire au Grand Festival des Coordinateurs. Mon rêve est de gagner tous les rubans de la région et de faire rêver les spectateurs avec mes pokémons.
Une fois la révélation terminée, Flora se mordit la langue en se crispant, attendant le verdict final. Ses parents affichèrent un large sourire.
– Quoi que tu fasses, nous serons toujours fiers de toi, promit le Professeur Seko.
– Tant que tu me ramènes un beau trophée pour décorer la cheminée, je serai toujours à tes côtés, blagua sa maman.
– Trois semaines que tu es parti et tu as déjà deux badges ? s’étonna Nathalie en félicitant son fils.
– Ouaip ! répondit fièrement Sofian. J’ai vaincu Roxanne il y a deux semaines et je viens de gagner mon match contre Bastien ce mat… Eh !
Sofian se tourna violemment vers Bastien qui se faisait désinfecter son entaille.
– Bastien, il me semble que tu as oublié de me donner quelque chose ! rappela-t-il.
Bastien lui sourit et lui montra d’un signe de tête de regarder sur sa droite. Le Hariyama du champion entra dans la salle des urgences et s’approcha de Sofian en tendant sa main. Au creux de sa gigantesque paume trônait le badge Poing brillant de mille feux. Sofian prit sa récompense, qu’il attendait maintenant depuis une semaine, et appela ses pokémons pour fêter sa nouvelle acquisition. Nathalie ne put réprimer un petit rire, amusée de voir l’excitation de son fils.
– Je ne doutais pas que tu allais bientôt gagner ce badge, avoua Roxanne.
– Deux badges alors que tu ne connais rien en théorie des combats, se plaignit Hélène. Si tu n’étais pas mon ami, je ferais de toi mon rival !
– Pour ça, il faudrait que tu partes à la conquête des badges d’arène, précisa Charles.
– Et n’oublie pas que son père est Norman Match, fit remarquer Dan.
– Les gars, rappelez-moi pourquoi vous êtes mes amis ? rétorqua Hélène de mauvaise humeur.
Sofian ouvrit son sac à dos et en sortit sa pochette à badge, dans laquelle il plaça délicatement son nouveau badge, à côté du badge Roche. Lorsqu’il rangea sa boîte métallique dans son sac à dos, sa main toucha une feuille de papier qui l’intrigua. Ce ne fut qu’une fois qu’il l’a sorti de son sac qu’il reconnut la lettre de Monsieur Rochard qui la leur avait confiée dans le but de la transmettre à son fils qui se trouvait dans les îles Myokara. Son fils, Pierre Rochard, qui ne pouvait pas être contacté à cause de son travail. Le déclic se fit.
Sofian s’approcha de Pierre Rochard. Assis sur une chaise en plastique, il naviguait sur son Pokénav de manière agitée, comme s’il tentait d’écrire le plus d’information possible en un minimum de temps.
– Excusez-moi, tout va bien ? interrompit Sofian.
Pierre Rochard sursauta et releva la tête.
– Aujourd’hui, j’ai fait une découverte qui va bousculer toute notre compréhension de l’histoire de la genèse de Hoenn, expliqua-t-il de mauvaise humeur, mais la Grotte Granite n’est plus accessible et ma découverte est vouée à périr dans les décombres. Comment je vais, d’après toi ?
– Plutôt mal, je dirais… Vous êtes Pierre Rochard ? Votre père nous a demandé de vous remettre ceci.
Sofian lui tendit la lettre de son père et Pierre Rochard afficha enfin son premier sourire.
– Qu’est-ce qui est si important aux yeux de mon père pour qu’il me fasse arriver une lettre confidentielle dans le plus grand secret de toutes les autorités ? se demanda Pierre Rochard.
À la vue de son air déconfit à la lecture de la lettre, rien de bon, pensa Sofian.
– Je suis désolé pour tout ce qui vous est arrivé, dit Timmy en s’asseyant au chevet de Monsieur Marco.
Le vieil homme ouvrit un œil mais lui afficha un sourire.
– Tu n’as aucun reproche à te faire, Timmy, tu n’y es pour rien, lui assura-t-il.
– Bien sûr que si. Je suis celui qui vous a poussé à vous battre contre la Team Aqua pour récupérer votre Picko. Si nous avons fait naufrage, si vous avez dû vivre la semaine la plus terrifiante de votre vie, c’est de ma faute.
– Ce n’était qu’une suite d’évènements qui partait d’une envie d’aider un vieil homme triste, réconforta Monsieur Marco.
– Monsieur Marco… J’ai quelque chose à vous annoncer…
Une larme coula sur la joue de Timmy.
– La semaine passée, mes amis et moi avons retrouvé votre Picko très blessé. Malheureusement… ses blessures étaient trop profondes et… et… il s’est éteint ce jeudi huit septembre.
Timmy fondit en larmes. Monsieur Marco posa sa main sur une épaule de Timmy.
– Mon grand, j’ai eu la chance de pouvoir faire mes adieux à mon vieil ami, expliqua-t-il. Cela faisait quelque temps que sa santé lui faisait défaut, et sa survie autant de jours après notre naufrage relève du miracle. S’il y a bien des années que je me demande si j’arriverais à supporter le départ de mon meilleur ami, aujourd’hui je sais que cette épreuve est redoutable. Cependant, je ne vais pas me laisser sombrer dans la dépression comme je me l’imaginais. On m’a offert une seconde chance, on m’a sauvé la vie cette nuit-là sur mon bateau de pêche. Je ne sais pas qui ou quoi, je n’en connais pas les raisons, et je ne sais même pas comment je me suis retrouvé sur cette île mystérieuse. Mais à présent, j’ai un but qui va me permettre de compléter mon deuil : je vais tâcher de découvrir le secret qui se cache au creux de cette île si j’arrive à la retrouver un jour.
Timmy sécha ses larmes et arriva à afficher un sourire grâce au regard bienveillant du vieil homme.
– La vie est parfois très rude, avoua Monsieur Marco, mais elle se révèle tellement simple quand on en accepte ses règles.

Enfin libres ! C’était tout ce à quoi ils pensaient, allongés sur la plage. La police ne les recherchait plus et ils n’étaient plus fichés dans les documents des autorités de Hoenn. Jessie, James et Miaouss s’étaient octroyés quelques minutes de répit sur le sable fin, dans la nuit fraîche de l’île Myokara.
Soudain, des bruits d’hélices retentirent au loin et très haut dans le ciel, un point rouge traversa la plage jusqu’à s’arrêter au-dessus des premiers arbres de la forêt, avant de disparaître dans les ténèbres de la nuit. Ils étaient arrivés.
La Team Rocket enfourcha la moto qu’ils avaient gagnée et fusèrent à toute allure vers l’orée de la forêt, avant de s’arrêter brusquement. Devant eux, entre les épais troncs d’arbres, reposait une gigantesque nacelle en métal argenté. Elle était reliée par des câbles puissants et tendu vers le ciel, vers un ballon à l’effigie de Miaouss, resplendissant.
– Elle est magnifique… admira Miaouss en palpant de ses pattes leur nouvelle montgolfière.
– Finalement, ils ont accepté de nous aider… constata James, soulagé.
– Vous savez ce que cela signifie ? demanda Jessie.
Ses deux acolytes se tournèrent vers elle. Affichant son plus beau sourire machiavélique, Jessie leur annonça :
– On va enfin pouvoir se remettre au travail.
Les trois membres de la Team Rocket grimpèrent dans leur montgolfière flambant neuve, allumèrent les gaz, et s’envolèrent vers d’autres cieux, loin, très loin de l’île Myokara.
À suivre dans : « Des pokémons à la mer »