027. 3x01 - Réunion 1/2
Précédemment : Sofian veut devenir un champion d’arène et part en voyage dans Hoenn en compagnie de Flora, dont le rêve est de devenir une célèbre coordinatrice pokémon, et Timmy, un jeune garçon à la santé fragile qui doit rejoindre Vergazon. Ils croisent la route de Jessie, James et Miaouss, trois dangereux membres de la Team Rocket en mission secrète à Hoenn. À Mérouville, Monsieur Rochard, patron de l’Entreprise Devon, demande aux trois adolescents de remettre une lettre importante à son fils, Pierre Rochard, qui se trouve sur les îles Myokara, et un colis au Capitaine Poupe de Poivressel. Suite à une rencontre terrifiante contre la Team Aqua, Sofian, Flora, Timmy et Monsieur Marco vivent de terribles aventures en mer, à la suite de quoi le Békipan de Sofian part à la recherche des portés disparus, et la région entière apprend la mort de Monsieur Marco et de Picko, son vieux Goélise. Une fois sortis d’affaire, Sofian défie Bastien, le champion du Village Myokara, et remporte son match revanche. Dans la forêt Myokara afin d’échapper à la police, Jessie, James et Miaouss s’attèlent à la reconstruction de leur montgolfière afin de reprendre leur mission secrète. Mais la police les a retrouvés, et les trois bandits fuient dans la Grotte Granite, dans laquelle ils retrouvent les trois adolescents présents. Suite à une violente altercation dans les ténèbres des couloirs de la grotte, un éboulement entraîne Flora, Gobou, Jessie et Seviper dans les sous-sols de la grotte, tandis que Timmy démarre une nouvelle crise d’angoisse en compagnie de James et Miaouss. Flora est retrouvée par Pierre Rochard en plein travaux de spéléologie. Ensemble, ils découvrent un antre mystérieux qui renfermerait des secrets sur le passé mythologique de Hoenn, dans lequel ils se retrouvent enfermés par Jessie qui vole les pokémons de Pierre Rochard avant de l’assommer. Appelés à l’aide, Bastien rejoint Timmy en toute hâte tandis que Sofian se rend rapidement au Village Myokara à la recherche de Roxanne, l’infirmière Joëlle et l’agent Jenny. Mais une surprise l’attend au centre pokémon où Hélène, Charles et Dan l’emmènent, car son Békipan a enfin été retrouvé et il tient dans son bec la preuve que Monsieur Marco est toujours vivant.
Île Myokara
Je m’appelle Marco Fuji. Si vous lisez ces lignes, il y a de fortes chances que je ne sois plus de ce monde. Mourir dans de telles circonstances après une vie aussi bien remplie est une atrocité que je ne souhaiterais même pas à l’homme le plus détestable de la planète. Mais c’est ainsi. Le destin est le patron de toute chose. Voici le récit de ma mort.
Je suis enfermé dans cette caverne depuis maintenant une semaine. Ou peut-être deux jours. A bien y réfléchir, je ne sais même pas quel jour nous sommes. Il peut s’être écoulé un jour ou trois mois que je n’en verrais pas la différence. Ici, le temps s’est arrêté, à l’image de ma vie dans quelques instants. Mon état ne me permet pas de me déplacer. Et puis, soyons honnête, si je le pouvais, je ne bougerais pas de mon abri de fortune car il
me guète. Pendant la nuit, il
s’approche furtivement, ses yeux dépassant de la surface de l’eau, pensant pouvoir m’atteindre par un endroit encore inexploré, mais se ravise lorsque ses efforts lui sont vains. Il
pense que je ne le
voit pas, mais je garde un œil sur mon ennemi. Je préfère mourir de fatigue que de succomber à ses crocs. Et c’est bien ce qui est en train de se produire. Voilà comment sera résumée cette longue vie de notoriété et d’attention envers les autres : une mort tragique, seul dans une caverne, caché à un endroit où personne ne pourra jamais me retrouver.
Comment je me suis retrouvé dans cette caverne me demanderez-vous ? C’est étrange, mais je ne m’en souviens plus… Serait-ce dû au fait que je n’ai plus bu une seule goutte d’eau depuis bientôt quarante-huit heures ? Je me sens défaillir, comme lorsque je flottais au beau milieu de l’océan… Cet océan bleu, si pur, si colossal… Un infini d’azur qui, non content de m’emporter loin de toute civilisation, se félicitait d’une richesse de dangers incommensurable. Si je n’avais pas trouvé ce vieux bout de radeau démoli sur lequel je pus flotter sous un soleil estival ardent, j’aurais péri dans l’estomac de quelque Léviator affamé. Et ce cher ami Picko que j’ai retrouvé un jour plus tard voguant, inconscient, sur les vagues de cet infini infernal. Que lui était-il arrivé ? Pourquoi était-il autant blessé ?
Tant de questions pour si peu de réponses. Tant de terreur pour si peu d’accalmie. S’il y a bien un pokémon que je considère comme mon ami, c’est cet être cher avec qui j’ai passé la plus grande partie de ma si longue vie. Il n’a jamais évolué le bougre. Il aurait été tellement robuste et vaillant… Comme ce Békipan duquel nous avons croisé la route au hasard d’une nuit sur cet océan interminable. Békipan qui m’a sauvé la vie, une ultime fois…
– C’est impossible !
– Où est-il ?
– Mais les médias disaient que… !
– Tu es sûr de ce que tu dis ?
– Les experts étaient pourtant formels !
– Puisque je vous dis que Monsieur Marco est vivant !!
Le silence retomba dans la salle des urgences, telle la lourde enclume de la vérité. Le deuil qui avait parcouru toute la région de Hoenn à l’annonce de la mort d’une icône venait d’être renversé à la simple vue d’un bout de tissu dans le bec d’un pokémon blessé, et pourtant son maître en était sûr et certain : l’homme le plus adoré et décédé dans un accident de bateau était finalement vivant.
– On doit le retrouver ! s’exclama le jeune garçon couvert de poussière et de sueur. Si Békipan l’a retrouvé, il ne doit pas être bien loin ! Mais mes pokémons sont blessés à cause du match contre Bastien… Et Poussifeu n’est pas avec moi car… FLORA ! Elle est coincée dans la Grotte Granite ! Et Timmy qui… qui est en pleine crise de…
Les yeux de l’adolescents roulèrent dans leur paupière et son corps lâcha : le garçon s’écroula au sol, succombant à la fatigue et au stress de cette longue journée angoissante.
Lorsqu’il reprit ses esprits, Sofian était allongé sur un lit d’hôpital, au calme. À côté de lui, son Békipan dormait paisiblement et le bout de tissu anciennement attaché à la veste de pêcheur de Monsieur Marco lui avait été retiré du bec. Ses vêtements crasseux et déchirés par endroit lui avaient été ôtés et déposés sur une chaise. Les sacs à dos qu’il avait apporté trônaient au sol et ses pokéballs se trouvaient sur un coin de sa table de chevet, mais il n’en comptait qu’une seule. Il faisait calme, trop calme après une révélation d’une si grande envergure. Pourquoi personne ne voulait le croire ?
Derrière le rideau tiré autour de son lit afin de lui laisser un espace privé pour se remettre de ses émotions, Sofian pouvait distinguer les ombres de trois adultes qu’il entendait chuchoter à grande vitesse. Il jeta un coup d’œil à sa montre : il n’avait sombré dans l’inconscience que durant quelques dizaines de minutes.
– Tu es réveillé ?
Sofian sursauta. Sa vision toujours floue à cause de son évanouissement, il n’avait pas remarqué qu’Hélène était restée à son chevet. D’un coup, il tira la couverture afin de recouvrir son torse nu.
– L’infirmière Joëlle s’occupe de ton Ecrapince et de ta Nirondelle, annonça Hélène. Ils sont sacrément amochés, dis donc !
La voix de la jeune fille fit interrompre la discussion dans la salle des urgences, et Roxanne apparut à son tour.
– Tu nous as fait une belle frayeur, dit-elle avec un large sourire en le voyant reprendre ses esprits.
– Il faut retrouver…
– …Monsieur Marco, je sais, termina Roxanne en soupirant. L’agent Jenny a déjà envoyé les quelques hommes qu’il lui restait sous la main pour partir à sa recherche. Comme tu le sais sans doute, toute la police fouille les moindres recoins de la forêt Myokara à la recherche des Team Rocket et Aqua, ce qui fait que l’effectif est assez réduit.
Roxanne se tourna vers le Békipan blessé et inspecta son bandage.
– Il va s’en sortir, ne t’en fais pas, répondit-elle au regard inquiet de l’adolescent. C’est une chance que je sois tombée sur lui par hasard.
Sofian fronça des sourcils, trop fatigué pour poser la question. Mais Roxanne comprit qu’elle lui devait des explications.
– Tout à l’heure, je me trouvais au port de Myokara afin d’acheter les tickets de bateau qui nous ramènerait mes élèves, mon personnel et moi-même à Mérouville quand j’ai aperçu au loin un pokémon flotter inerte dans les eaux calmes du port. C’était ton Békipan, que je n’ai reconnu qu’une fois l’avoir apporté à l’infirmière Joëlle. Je me suis souvenue de cette fameuse nuit où les trois individus de la Team Rocket se sont enfuis et où ton Békipan avait décidé de partir à la recherche de Monsieur Marco, quelques heures avant qu’on apprenne sa mort.
– Monsieur Marco n’est pas mort, répéta faiblement Sofian.
– Ce n’est qu’une supposition Sofian.
– Vous avez dit que la police était partie à sa recherche, intervint Hélène, troublée.
La championne se mordit la lèvre inférieure, hésitante.
– Il se pourrait que Békipan ait retrouvé le corps sans vie de Monsieur Marco, tout simplement, révéla-t-elle en essayant de ne pas trop les brusquer. Les experts ont enquêté et l’affaire a été classée.
– Il n’est pas mort ! insista Sofian en se relevant difficilement afin d’affronter le pessimisme de Roxanne. Il y a une raison pour laquelle mon Békipan est blessé et Monsieur Marco est en ce moment en danger. Il est vivant et il faut aller le sauver !
– Mais comment aurait-il pu survivre ? se borna Roxanne.
Sofian resta muet. À cette question, il n’avait malheureusement aucune réponse concrète à fournir. Il avait vu les décombres du bateau de pêche de Monsieur Marco et ses amis avaient été témoins de son explosion.
Des cris hystériques retentirent derrière les rideaux, interrompant l’ambiance pensive des urgences.
– Je n’ai pas pu les retenir ! s’excusa la voix de Charles.
Les rideaux furent tirés à la hâte, Sofian vit le visage désolé de Dan et une fraction de secondes, il fut serré vigoureusement dans les bras d’une inconnue.

– Maman ??
Lorsqu’il fut délivré de l’étreinte obsessive de l’inconnue, Sofian reconnut le visage ruisselant de larmes de sa maman, qu’il avait abandonnée trois semaines plus tôt pour partir sur les routes de Hoenn.
Nathalie prit le visage de son fils dans ses mains pour le regarder à souhait, et Sofian détourna le regard, gêné par la situation. Derrière sa mère se trouvait une petite femme replète qui ne tenait plus en place, soutenue par les épaules par un homme qu’il reconnut directement grâce à sa barbe hirsute et sa carrure carrée : le Professeur Seko.
– J’étais morte d’inquiétude ! Je savais que je n’aurais pas dû te laisser partir à l’aventure ! Tu es beaucoup trop jeune pour vivre ce genre de choses !
– Mais qu’est-ce que vous faites là ? s’étonna Sofian en s’extirpant de l’emprise de sa mère qui avait du mal à se calmer.
– Depuis que nous avons appris votre disparition en mer il y a deux semaines et que les journaux de Hoenn vous annonçaient morts, expliqua le Professeur Seko, nous n’avons pas pu nous empêcher de ne pas croire les informations. Connaissant les médias qui recherchent de l’action pour vendre leurs papiers… Mais nous étions tout de même dans l’angoisse et la peur d’apprendre que tout cela était vrai. Grâce aux contacts qu’entretient ton père, nous avons appris que vous aviez été retrouvés ici, en état de choc, mais bel et bien vivants. Nous avons donc pris le premier bateau en direction de Myokara mais une fois arrivés, il nous était impossible de vous retrouver. On nous disait que vous étiez partis vous entraîner, mais personne ne pouvait être plus précis. Donc nous sommes restés ici, au centre pokémon, dans l’espoir que vous réapparaissiez à un moment donné…
– Où est Flora ?? interrompit la femme replète qui n’arrivait plus à contenir son angoisse.
– Flora ? réfléchit Sofian, troublé par la présence de sa maman. FLORA !!!
Et les souvenirs des évènements qui s’étaient produits dans la Grotte Granite refirent surface les uns après les autres. Comment Flora et Timmy avaient affronté la Team Rocket, comment Flora avait sombré sous un éboulement, comment Timmy avait été pris d’une crise d’angoisse et comment il s’était précipité au Village Myokara pour chercher de l’aide.
À la fin de son récit, un nouveau silence de plomb s’installa, brisé après quelques secondes par le malaise de la maman de Flora qui sombra dans les bras de son mari. Un brouhaha assourdissant s’ensuivit, mais Sofian ne l’entendit pas, trop préoccupé par son Békipan qui s’était réveillé. Sofian n’entendit pas l’agent Jenny et Roxanne s’arranger pour partir le plus vite possible aider Bastien à la Grotte Granite, il ne distingua pas le Professeur Seko et son épouse crier à qui voulait l’entendre qu’ils allaient sauver leur fille, ni même n’ouïe-t-il sa mère lui promettre de le protéger et l’interdire de remettre les pieds dans cette grotte. Car Sofian avait une idée en tête. Flora et Timmy n’avaient pas besoin de lui, la présence de deux champions, d’un agent de police et d’un médecin leur serait suffisants. Et puis, sa conscience était soulagée lorsqu’il se souvint qu’il leur avait laissé son Poussifeu. Car lui allait s’occuper de quelque chose beaucoup plus important. Sofian croisa le regard d’Hélène, et son amie comprit directement.
Les urgences du centre pokémon paraissaient bien vides à présent. L’agent Jenny et Roxanne parties vers la Grotte Granite, l’infirmière Joëlle s’occupant des pokémons blessés de Sofian allongés sur un lit. Le calme revenu, le Professeur Seko se laissa tomber sur une chaise vide.
– SOFIAN ?? hurla Nathalie.
Le Professeur Seko bondit de sa chaise en sursautant. Nathalie pointa du doigt le lit de son fils, vide, et celui de son Békipan, vide aussi. Les vêtements du garçon avaient disparu eux aussi.
– Où est mon fils ?? s’inquiéta Nathalie. Je lui ai pourtant interdit de se rendre à la Grotte Granite !
– Je ne pense pas qu’il y soit allé… intervint Dan.
Les trois adultes se tournèrent vers les deux adolescents restants.
– Personne ne voulait le croire, poursuivit Charles. Je suppose qu’Hélène et lui voulaient se rendre utile en partant à la recherche de Monsieur Marco.
L’incompréhension prit place.
– Monsieur Marco est… vivant ? s’abasourdit le Professeur Seko.
Nathalie s’effondra en pleures sur le lit d’hôpital.
– Il va… encore… s’attirer des ennuis, bredouilla-t-elle entre deux hoquets.
– Je vais les ramener, décida le Professeur Seko.
Sa femme lui lança un regard inquiet.
– Je ne peux pas rester sans rien faire ! Notre fille est en ce moment ensevelie sous les rochers de la Grotte Granite, et on m’a interdit d’aller la sauver car j’allais « gêner ». Ne t’en fais pas, je connais la région par cœur ! Je vais retrouver Sofian et le ramener.
Le Professeur Seko embrassa son épouse et quitta la salle des urgences en toute hâte, en laissant les deux femmes s’épauler en compagnie des deux étudiants.

En ouvrant les yeux, il s’était attendu à être baigné d’une lumière apaisante qui lui apporterait le réconfort d’un lit douillet. Mais il n’en était rien car seules les ténèbres l’entouraient, et rien de plus. Le sol froid et poussiéreux sur lequel il était allongé lui martyrisait le dos et une douleur aigue derrière le crâne l’empêcha de se relever directement. L’air était frais et de temps à autres résonnait le son d’une gouttelette d’eau tombant du plafond.
Pierre Rochard trouva la force nécessaire pour ramper jusqu’à un mur et s’y adosser lentement. Il soupira d’aise en se frottant le crâne lorsqu’il entendit enfin les reniflements de la personne qui se trouvait près de lui.
– Vous êtes réveillé ? demanda d’une voix brisée une jeune fille quelque part sur sa droite.
Pierre Rochard mit un certain temps pour se souvenir de la voix de la jeune fille qu’il avait trouvée dans les couloirs sombres de la Grotte Granite et qui l’avait aidé à découvrir un antre mystérieux.
– Flora ?
La jeune fille renifla à nouveau avant de répondre par l’affirmative.
– Nous sommes toujours dans la salle que nous avons découverte ? questionna Pierre Rochard, inquiet de ne pas se souvenir des récents évènements.
– Oui.
– Je ne comprends pas… Que s’est-il passé ?
Des bruits de pas lui firent comprendre que Flora s’était rapprochée de lui.
– La femme que vous avez sortie des décombres, la maîtresse du Seviper qui a provoqué l’éboulement tout à l’heure, expliqua Flora de sa voix brisée par la peur, elle nous a attaqués par surprise. Son pokémon vous a assommé et elle en a profité pour vous voler les vôtres avant de s’enfuir en nous enfermant dans la salle.
D’un coup, comme si sa vie en dépendait, Pierre Rochard fourra ses mains dans ses poches et découvrit que la jeune fille avait bel et bien raison. On lui avait ôté ses pokéballs, on lui avait dérobé ses plus chers amis. Il ne connaissait pas ses ravisseurs, mais il se promit que s’il arrivait à les retrouver, il leur ferait payer le prix de leur crime.
– Nous sommes coincés dans cette salle… annonça Flora, avant de sombrer à nouveau dans les larmes.
– La porte ! s’exclama Pierre Rochard. Ton Gobou peut l’ouvrir en utilisant une attaque aquatique !
– On a déjà essayé. Mais Gobou est trop faible, son combat contre la Team Rocket l’a exténué. Et puis, même si la porte s’ouvrait, il faudrait la tirer. La pousser était une chose, mais la tirer serait bien trop compliqué, surtout avec ma jambe blessée et votre coup sur le crâne.
Pierre Rochard resta silencieux.
– Vous ne dites rien… marmonna Flora.
– Qu’est-ce que tu veux que je dise ?
– Je ne sais pas ! Il faut trouver une solution pour sortir d’ici !
– Sortir d’ici ?
Pierre Rochard éclata d’un rire nerveux.
– Ma pauvre, mais tu ne comprends donc pas que nous allons périr ici ? lança-t-il d’un ton déterminé, comme s’il avait accepté l’issue de la problématique. J’ai consacré dix ans de ma vie à effectuer des recherches spéléologiques dont personne ne trouvait l’utilité, à tel point que lorsque mes découvertes me paraissaient fascinantes, je les ai gardées secrètes afin d’en tirer le maximum d’information avant de les rendre publiques. Cette salle dans laquelle nous nous trouvons, seules trois personnes en connaissent l’existence car jamais personne ne s’est aventuré dans de telles profondeurs de la Grotte Granite : deux d’entre elles y sont enfermées en ce moment-même, et la troisième est celle qui les y a renfermées. Je doute que quiconque ne nous retrouve de sitôt. Tu veux une solution pour sortir d’ici ? Prie, car c’est la dernière chose que nous puissions faire.
Pierre Rochard ferma les yeux, posa sa tête endolorie contre le mur poli et froid, et soupira. Si seulement il avait pu sentir le danger d’une telle découverte et se protéger au lieu de partir dans ses rêveries. Il ne serait pas emprisonné dans les fins fonds d’une grotte dont personne ne connaissait l’existence. Il allait mourir, et il ne pourrait rien y changer.
– Non.
– Comment ça, non ? demanda Pierre Rochard, las.
– Je refuse de me laisser crever dans cette grotte !
– J’en suis bien navré…
– Je n’ai pas survécu à un naufrage pour clamser dans une salle inconnue à des dizaines de mètres sous le sol ! J’ai un concours pokémon qui m’attend à Poivressel et j’ai une famille et des amis qui comptent sur moi pour leur revenir en entière ! Y’en a marre de ces situations d’horreur dignes d’une série à suspense, de ces attaques de la Team Je-Ne-Sais-Quoi, et de ces schémas où on risque notre vie à chaque fois ! Alors on va se battre pour sortir d’ici, et vous n’avez pas le choix !
Flora tira sur le bras de Pierre Rochard pour l’inciter à se lever, mais l’homme employa la force qui lui restait pour se maintenir au sol.
– Vous allez vous lever à la fin ??
– Pourquoi faire ?! s’emporta le spéléologue à bout de force.
– Parce qu’on ne va pas abandonner ! Depuis que votre père nous a confié la lettre à vous remettre, je n’ai pas arrêté de penser à vous et de m’imaginer qui vous étiez. Et jamais j’aurais pensé que vous étiez le genre de personnes à abandonner aussi facilement, à laisser d’autres personnes décider de son avenir à sa place. Vous n’êtes pas du tout à l’image de votre père qui n’a pas hésité une seconde à venir en aide à un vieil homme à qui on lui avait volé un pokémon. Il a pris son courage à deux mains et il est allé affronter le danger pour aider son ami. Et vous ? Vous n’êtes même pas capable d’affronter le danger pour vous aider vous-même !
Pierre Rochard resta silencieux. Peut-être était-elle allée trop loin, blessant un homme qu’elle ne connaissait même pas avec des paroles trop rapides. Constatant que son discours n’avait eu aucun effet, Flora décida de le laisser de son côté. Après tout, il était assez grand pour faire ses propres choix. Maugréant contre la terre entière, elle s’avança dans les ténèbres en titubant sur sa jambe endolorie et en palpant les murs afin de trouver un quelconque passage secret qu’ils n’auraient pas encore découvert.
– Tu as raison.
Flora sursauta. La voix de Pierre Rochard venait de retentir juste à côté de son oreille. L’homme s’était levé et avait consenti à agir plutôt qu’à rester passif. Elle sourit pour elle-même.
– Ma théorie serait que certains pokémons élus auraient eu accès à cette antichambre, réfléchit le spéléologue en évitant de revenir sur le sujet. Et s’il leur était impossible d’en ressortir, c’est qu’il y avait forcément un autre passage, une sorte d’« exit » à sens unique.
– Le couloir au fond de la salle !
– Je le pense aussi. Mais le problème étant qu’il est bloqué par des rochers qui ont sûrement dû tomber il y a des centaines d’années.
– On n’a qu’à essayer de creuser un passage ! Ça ne coûte rien d’essayer.
– Autant faire ça que de ne rien faire, en effet ! Je n’ai plus mes pokémons, donc je suppose qu’il va falloir creuser à la main.
Flora et Pierre Rochard se déplacèrent précautionneusement dans les ténèbres profondes de l’antre et arrivèrent au mur de rochers dont ils venaient de parler. Flora plaça ses mains contre le mur et un froid intense envahit ses doigts, comme si quelques gouttes d’eau qui étaient tombées du plafond avaient gelé mystérieusement ci-et-là. Ensemble, ils entreprirent ainsi leurs travaux de forage.

Les cinq pokémons avaient préféré rester en retrait du petit groupe, laissant le champion d’arène évaluer l’étendue de la situation. Alors que Poussifeu se blottissait contre ses amis Tarsal, Arcko et Charmillon pour les réconfortés dans leurs blessures, Cacnéa restait attaché aux jambes de son maître, près de Miaouss qui se contentait d’attendre la suite des évènements. Agenouillé au chevet de Timmy, Bastien tentait de relaxer le jeune garçon pour calmer sa crise d’asthme. Petit à petit, la respiration saccadée de Timmy semblait s’apaiser, et ce-dernier fut complètement remis de sa crise de panique lorsqu’il fut certain qu’il n’était plus en danger.
En voyant leur maître se sentir mieux, Tarsal et Arcko coururent se jeter dans ses bras.
– Ne vous inquiétez plus, je vais bien, rassura-t-il en souriant faiblement.
Bastien l’aida à se relever et l’appuya contre un mur pour qu’il reprenne ses esprits.
– Bon, je ne veux pas essayer de chercher un coupable à toute cette situation catastrophique, commença-t-il en se dirigeant aux deux membres de la Team Rocket. Le fait est que notre amie et votre amie sont toutes deux dans le même pétrin et qu’il va falloir que nous nous unissions pour les sauver. Qu’en pensez-vous ?
Le champion du Village Myokara tendit la main vers James et attendit un geste de sympathie, qui mit du temps à arriver.
– Je suppose qu’il faudra bien en arriver là pour sortir Jessie des décombres, grommela-t-il en échangeant un regard tendu avec son acolyte.
Miaouss acquiesça, sans autre plan, lui donnant ainsi le feu vert pour amorcer une trêve dans les hostilités.
– Rassurez-vous, je n’aime pas plus cette idée que vous, avoua Bastien en remettant sa chemise en lambeaux sur son torse musclé. Je n’ai pas oublié que vous êtes recherchés par la police et que vous avez détruit un restaurant et prit en otage des enfants. Et dès que nous aurons sauvé nos amies, je vous inviterai à me suivre au poste de police. Mais en attendant les secours, il va falloir qu’on s’entraide.
James et Miaouss déglutirent.
– Comment allons-nous procéder ? s’interrogea Timmy, un sourire en coin en voyant les mines déconfites de ses deux ennemis.
– Mes pokémons ne nous seront d’aucune utilité, annonça Bastien, Sofian les a épuisés jusqu’au dernier souffle. Et malheureusement, mes Machoc s’entraînent dans mon arène. Timmy, il va falloir compter sur tes pokémons.
– Les amis, je sais que vos blessures sont importantes, dit ce-dernier à l’égard de ses pokémons faibles, mais nous avons besoin de toutes vos dernières ressources pour sauver Flora.
– Sofian nous a confié son Poussifeu, il va pouvoir aider à briser les rochers avec son attaque « charge » doublée de son attaque « puissance ». Vous — Bastien se tourna vers James —, votre Cacnéa et votre Miaouss peuvent aussi porter des rochers.
– Eh ! Je suis un Miaouss indépendant !
– Mais tu n’en restes pas moins un pokémon, rappela froidement le champion d’arène. Allez ! On va essayer de creuser un passage dans la roche !
Et les trois humains s’attelèrent à la tâche, aidés des six pokémons. Le travail fut rude et chaque rocher ôté venait être remplacé par un autre qui glissait depuis le haut de l’amas. Ils creusèrent ainsi pendant des heures, jusqu’à parvenir à créer un tunnel étroit mais assez stable. Bastien, qui dirigeait les opérations, se glissa précautionneusement dans le tunnel qui descendait dans les étages, et frappa un bon coup sur le dernier rocher qui bloquait l’accès. De l’air s’échappa de l’ouverture et une voix retentit derrière le mur de rocher :
– Mew soit loué ! Aidez-moi !
Une main apparut dans l’étroite ouverture que le champion venait d’élargir et Bastien l’empoigna vigoureusement.
– Elle est vivante !
– FLORA ? hurla Timmy au-dessus d’eux. Flora, c’est nous !
Bastien tira de toutes ses forces vers lui tout en avançant à reculons, et sortit du boyau creusé dans l’éboulement de rochers. Une touffe de cheveux roux en émergea et Timmy faillit s’étouffer de stupeur en reconnaissant la silhouette crasseuse de…
– JESSIE ! crièrent en chœur James et Miaouss en lui sautant dans les bras.
Le trio de la Team Rocket était à présent réuni.
– Flora, tiens bon, on arrive ! cria Timmy dans le boyau. Pourquoi c’est vous qui êtes venue en premier ? ajouta-t-il en se tournant violemment vers Jessie.
– Ça fait plaisir d’être accueillie aussi chaleureusement ! répliqua celle-ci, sarcastique. Et pour ta gouverne, ça m’étonnerait que tu arrives à la sortir de là-dessous.
– Qu’est-ce que ça veut dire ?
Jessie ignora la question de l’enfant et pressa ses acolytes à déguerpir.
– Mais… Jessie, on a promis qu’on aiderait à sauver leur amie, hésita James.
– C’est une blague ? rétorqua la jeune femme, amusée. Pourquoi on ferait ça ?
– Ben… Parce qu’ils nous ont aidés à te sortir de là… s’expliqua Miaouss.
– Tant mieux pour nous, tant pis pour eux ! dit Jessie sur un ton qui ne laissait droit à aucune contradiction. Dépêchons-nous ! A l’heure qu’il est, la police doit sûrement être en chemin pour nous arrêter. J’ai réussi à voler des pokémons qui pourront certainement nous aider à quitter cette île !
Mais James et Miaouss lancèrent un regard inquiet derrière eux. Bastien et Timmy préféraient attendre une décision de leur part, sentant que s’ils étaient brusqués, ils suivraient Jessie dans la trahison.
– Et si leur amie est blessée… ? marmonna James.
– Espèce d’imbécile, je me suis occupée personnellement de son cas et elle n’est pas près de sortir de là de sitôt ! avoua Jessie. En tout cas, elle sera morte avant qu’on ne la retrouve !
– QU’EST-CE QUE VOUS LUI AVEZ FAIT ? explosa Timmy qui ne pouvait plus se contenir.
Hors de lui, il se jeta en avant vers ses ennemis afin de les plaquer au sol mais deux flashs rouges illuminèrent les couloirs de la Grotte Granite et les pokémons de Jessie lui bloquèrent le chemin. D’un battement d’aile, Papinox propulsa Timmy contre le sol et Seviper balaya tous les autres pokémons d’un faible coup de queue, dû à ses blessures.
Lorsque Timmy s’était relevé grâce à l’aide de Bastien, la Team Rocket s’était déjà enfuie.
– TRAITRES !! hurla Timmy, désespéré.

Les soins que lui avait prodigués l’infirmière Joëlle avaient été très efficaces, car Békipan ne ressentait aucune peine à voler à toute vitesse à travers le village. Suivi de près par Sofian et Hélène, le pélican quitta la ville et emmena les deux humains dans une partie peu fréquentée de l’île, en les faisant traverser une plage isolée que Sofian ne connaissait que trop bien : c’était à cet endroit que ses amis et lui avaient abandonné dans les vagues de l’océan le corps sans vie de Picko. Devant eux, Békipan leur montrait une falaise qui paraissait infranchissable ; mais le pokémon semblait vouloir les y conduire coûte que coûte.
– Où comptez-vous aller ainsi ?
Sofian et Hélène firent volte-face. Le Professeur Seko les avait suivis au pas de course.
– Vous ne comprenez donc pas à quel point votre fugue peut être dangereuse pour vous ? les disputa-t-il.
– Personne ne voulait me croire, mais je sais que Monsieur Marco est toujours vivant ! se défendit Sofian sur l’offensive. Békipan nous amène à lui.
– Et même si vous voulez nous en empêcher, on ne se laissera pas faire ! soutint Hélène avec bravoure.
Le Professeur Seko avança vers eux lentement, épuisé par la course-poursuite.
– Quand j’ai décidé de te sponsoriser dans la Ligue Pokémon, Sofian, je ne pensais pas que j’allais mettre tout mon argent et mon espoir dans un ado aussi hardi que toi, et si je l’avais su, je ne l’aurai probablement pas fait. Dois-je te rappeler où se trouve ma fille en ce moment ? Je ne sais même pas si je la reverrai un jour vivante…
La voix du Professeur Seko se brisa et Sofian respecta ce moment de silence, bien qu’il eût l’envie de lui répondre qu’il s’en fichait de son discours.
– Je n’en reviens pas que je vous aie laissé voyager dans Hoenn alors que vous êtes si inconscients… reprit le Professeur Seko.
– Vous allez nous ramener au centre pokémon ? demanda Sofian, impatient.
– C’est ce que j’ai promis à ta maman… Mais je vais devoir rompre cette promesse.
Hélène bondit de joie et Sofian ne put s’empêcher d’afficher un sourire de victoire.
– Je doute que la police, qui est occupée par plusieurs affaires de recherches, puisse retrouver un jour Monsieur Marco sans l’aide de ton Békipan qui est le seul à savoir où son corps se trouve, avoua le Professeur Seko. Je ne peux rien faire pour ma fille, mais si je peux aider une icône de Hoenn, je ne vais pas m’en priver !
– Merci Professeur ! remercia Hélène de sa voix hystérique.
– Bon allez, ne restez pas plantés là ! pressa ce-dernier. S’il est toujours vivant, il faut se dépêcher ! Békipan, montre-nous le chemin !
Mais l’enthousiasme du Professeur Seko fut vite mis à l’épreuve lorsqu’il comprit qu’ils allaient devoir franchir une falaise colossale.
La pente était ardue, et la montée infernale car les prises dans la roche étaient humides et glissantes en raison de la proximité de la mer qui se jetait contre la falaise. Grâce à l’aide précieuse de Békipan qui n’avait de cesse de soutenir les trois humains à chaque fois qu’un d’entre eux semblait en mauvaise posture, ils arrivèrent très vite au sommet de la falaise.
Le paysage était magnifique. De l’endroit où il était, Sofian avait une vue imprenable sur le Village Myokara, et devant lui s’étendait un infini de bleu azur au bout duquel le soleil orangé osait à peine toucher la ligne de l’horizon. Mais le moment était mal choisi pour contempler le paysage. Békipan voleta vers le bout du précipice ; trente mètres plus bas, les vagues se jetaient avec brutalité contre les rochers de la falaise. Mais sur la droite, les vagues semblaient plus calmes, comme si elles suivaient un parcours tout tracé dans l’océan. Sofian examina plus précisément les environs et remarqua que l’eau de la mer s’infiltrait entre les rochers, dans une espèce de cavité à l’intérieure de la falaise.
– Une caverne ! lança Hélène à sa gauche en criant afin de se faire entendre à cause du vent qui soufflait en rafale.
– Il était si près de nous depuis le début ! constata Sofian avec horreur.
Les faits dont je me souviens datent probablement de la semaine passée. Comme je vous l’ai déjà précisé, j’ai perdu toute notion du temps dans cette caverne humide, dans ce tombeau de roche. Cela pouvait être la semaine passée, comme il y a deux mois, comme hier seulement. Non, peut-être pas hier. Soit, je vais vous laisser tirer au clair la suite logique des évènements, je suis beaucoup trop exténué pour cette tâche.
Nous avions passé une nouvelle nuit en mer, mais cette fois, Picko et moi étions rassurés par la présence de notre sauveteur, ce Békipan inconnu. Beaucoup se demanderont pourquoi ce pokémon ne nous avait pas ramené sur une terre, et je vous interromps de suite : ses tentatives furent courageuses, mais vaines. D’après mon savoir, il devait être très jeune et sa force ne devait pas être assez élevée pour porter un vieillard plein d’expériences tel que moi.
C’est ainsi que nous poursuivions notre route en voguant sur les vagues de l’incertitude, en direction d’une destination inconnue. Mon seul espoir était que nous trouvions une terre dans les vingt-quatre heures suivantes, car ma déshydratation se faisait déjà sentir et sa douleur en était insupportable. Mais j’aurais préféré de loin dessécher sous un soleil radieux plutôt que de vivre les évènements qui se succédèrent ensuite.
Je ne sais plus à quel moment, car finalement, tous les moments se ressemblaient ; notre ennemi est apparu de nulle part et s’est attaqué au pauvre Békipan. Peut-être nous avait-t-il suivi depuis le début, peut-être était-il affamé, peut-être simplement de mauvaise humeur… Je ne préfère pas jeter la pierre, car nous avons tous pécher pour survivre une fois dans notre vie, donc je préfère rester objectif : un Colhomard nous a attaqués, certainement dans le but d’en finir avec nos vies pour une raison qui doit probablement lui être justifiable. Toujours est-il que les deux pokémons se sont livrés à une lutte sans merci : l’un nous défendant, l’autre nous offensant. Les chocs violents de leurs attaques aquatiques nous ont fait dévier vers cette caverne humide — finalement, notre ennemi nous aura fait trouver terre, je devrais le remercier pour son aide…
Mon état s’empire car je me sens perdre la notion d’aide et de hasard…
Ne m’en veuillez pas, n’allez pas croire que je n’ai pas tenté d’aider Békipan notre sauveteur à nous défendre. Mais notre entrée dans la caverne ne fut pas de tout repos. « Les vagues déferlent et les Krabbi s’envolent » comme le veut l’adage. Et il n’est pas bon d’être un Krabbi sur les côtes d’une île rocailleuse, ma jambe peut en témoigner. Enfin, si j’étais certain qu’elle se trouve toujours attachée à mon corps, car la sensation de douleur a totalement disparu à présent…
Picko était toujours très blessé. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, pourquoi je l’ai retrouvé inconscient sur les vagues alors que je le pensais enfuis à des kilomètres dans les profondeurs de l’océan, emprisonné dans un sous-marin en détresse.
Un Ecrapince, loin de partager le caractère exécrable de notre ami qui luttait toujours pour nous atteindre, était caché près de nous. Le pauvre, on aurait dit que le Colhomard le terrorisait. Et pourtant, il paraît que c’est de sa famille qu’il faut le moins se méfier…
Quoi qu’il en soit, le combat qui s’offrait à nous le terrifiait. Ne pouvant pas bouger à cause de ma jambe ensanglantée (c’est mon tendon ou mon os qui est atteint ?), je ne pouvais le rassurer. « Toudoudou investi d’une mission est un Toudoudou moins ronchon », paraît-il… C’est ainsi que je confiai une tâche à cet Ecrapince paralysé par la peur : celle de s’enfuir avec mon Picko par les entrailles de la caverne. Dans ce genre de milieu naturel, une caverne est très souvent reliée à la surface par un couloir minuscule, créé par les fissures dans la roche. Pour un humain tel que moi, il est impossible de s’y glisser. Pour un pokémon tel qu’Ecrapince, l’effort est quasi nul.
C’est le dernier regard que j’échangeai avec mon Picko : lui, emporté dans la roche, moi, abandonné sur la roche. Je ne le reverrai jamais, mais je l’aurai protégé. Toute chose est vouée à disparaître un jour, les plus belles amitiés n’en sont pas exemptes.
Une fois notre ennemi vaincu, Békipan m’aida à me cacher derrière les rochers en attendant de trouver de l’aide (en déchirant mon si beau veston, quelle déception…). Blessé par son combat, ce n’est que deux jours plus tard qu’il trouva la force de se relever. Oh ! Je suppose que les faits que je vous raconte ne date finalement pas d’hier…
Mais notre ennemi aussi s’était fait une nouvelle santé. Le bougre attendait impatiemment que Békipan sorte de sa cachette pour avoir sa revanche, revanche qu’il gagna malheureusement. Une vague déferlante a emporté Békipan dans l’infini de l’océan… Ayant une dernière pensée pour les Krabbi, je compris que j’étais la dernière proie, celle qu’il ne laisserait pas passer, celle qui étancherait sa soif.
Je vois seulement ses yeux dépassant de la surface de l’eau, pensant pouvoir m’atteindre par un endroit encore inexploré, mais se ravise lorsque ses efforts lui sont vains.
J’attends ma mort, et l’attente est longue. J’espère que la lecture ne l’est pas trop, et je m’en excuse d’avance. Ce sont les mots d’un vieil homme mourant, et il est temps d’en venir à bout.
Sofian atterrit avec agilité sur un énorme rocher au milieu des vagues déferlantes provenant de la mer, et faillit perdre l’équilibre et chuter dans l’océan.
– Tout va bien ? s’exclama le Professeur Seko qui avait du mal à tenir en équilibre sur son rocher.
Sofian répondit d’un bref hochement de tête : tout mouvement brusque pouvait lui coûter la vie. Devant lui, les vagues se fracassaient avec férocité contre la paroi rocheuse de la falaise qu’il venait de descendre. Une petite ouverture dans la roche, dissimulée de temps à autre par les vagues qui s’y glissaient, donnait accès à une caverne sombre et glaciale.
– Il doit être là ! annonça-t-il, sentant son cœur battre la chamade dans sa poitrine.
– Sofian ! appela Hélène ne pointant du doigt vers le fond de la caverne. C’est… du sang ?!
Sofian plissa des yeux. Dans le fond de la caverne obscure, une flaque d’une substance plus foncée que l’eau de la mer colorait le sol rocailleux. Plus loin, une jambe en lambeaux d’où naissait la tâche sombre sur le sol, reliée à un corps maigre et frêle, caché par un tissu brun déchiqueté qui recouvrait presque le visage d’un vieil homme dont les yeux ouverts ne reflétaient plus rien. L’estomac de Sofian se noua dans son ventre. Puis, un clignement d’œil. Le vieil homme venait de fermer les yeux.
– IL EST VIVANT !!
Sofian ne perdit pas une seconde de plus. Il bondit sur les rochers devant lui, puis sur le suivant, avançant avec rapidité et agilité vers l’entrée de la caverne. Les vagues se retiraient, mais elles allaient bientôt revenir. Il fallait profiter de ce mouvement de recul !
– Sofian, attends ! appela la voix inquiète du Professeur Seko derrière lui.
Sofian s’arrêta au moment où la mer se déchainait à nouveau contre la falaise. Manquant à nouveau de glisser à l’eau, Sofian fut rattrapé de justesse par le Professeur Seko qui avait senti le danger. L’adulte avait bondi sur son rocher et l’avait rattrapé de justesse.
– Voilà ce qu’il se passe quand on agit sans réfléch…
Une immense vague, très peu naturelle cette fois-ci, se dressa entre eux et l’entrée, et un gigantesque homard apparut entre les gouttelettes d’eau. Son énorme pince orange balaya la scène, Sofian se baissa de justesse mais le Professeur Seko ne fut pas assez rapide. Le coup que Békipan reçut le projeta contre le Professeur Seko qui glissa de son rocher, et tous deux chutèrent dans la mer, entre les rochers, et disparurent dans les profondeurs de l’océan.
– PROFESSEUR SEKO !!! hurla Hélène dont la voix hystérique brisa les cieux.

La police avait déserté les lieux. En fait, ils n’avaient croisé aucun membre de la police, comme si tout l’effectif avait été appelé sur une autre affaire, ce qui arrangeait bien leurs projets. Jessie, James et Miaouss avaient retrouvé l’emplacement de leur montgolfière en ruine, au milieu d’un ravin entouré de banderoles de la police mais non-surveillé.
– La montgolfière est inutilisable, répéta Miaouss qui n’était pas convaincu par l’idée de Jessie.
– Je sais, tu nous l’as répété au moins mille fois sur le trajet ! rétorqua son acolyte de mauvaise humeur.
– C’est parce que je ne comprends pas pourquoi on est revenu ici !
– Tu as une meilleure idée, peut-être ? répondit Jessie en se retournant violemment vers le chat.
– Oh là ! du calme ! intervint James en essayant de modérer le conflit.
– Comment veux-tu être calme dans une telle situation ? On est recherché par la police, j’ai failli crever dans cette foutue grotte, nos pokémons sont épuisés, notre montgolfière est lamentable, les pokémons que j’ai volés ne vont surement pas nous écouter, et on n’a toujours rien fait pour avancer dans notre mission ! Sans moyen de locomotion, on ne peut pas quitter cette putain d’île, et si on ne quitte pas cette île, on ne pourra pas avancer dans notre mission ! Et tu sais ce qu’il se passe quand le Boss n’est pas content !
– Dans les pokéballs que tu as volées, il y a peut-être un pokémon psy qui nous permettrait de léviter dans les airs… supposa James.
– Mais ouvre les yeux, crétin ! s’énerva Miaouss. Cette idée était foireuse depuis le début ! Rares sont les pokémons psy capables de faire voler trois êtres vivants sur une distance aussi longue sans tomber de fatigue ! À moins que Jessie ait volé le dresseur le plus puissant de Hoenn, du genre… le Maître du Conseil Quatre !
– Laisse-moi rire, ricana Jessie avec dédain, ce type n’était même pas capable de se rendre compte que je l’attaquais. Tout au plus, on se retrouve avec un Aspicot dans l’équipe !
Le trio de la Team Rocket plongea dans le silence, devant leur montgolfière inutilisable, les yeux rivés au sol, dépités. Miaouss soupira et ses deux acolytes lui lancèrent un regard interrogatif.
– Je crois que… réfléchit-il. Je sais que l’idée n’est pas la plus parfaite mais nous n’avons pas d’autres choix… Il est temps d’appeler le QG à Kanto pour demander de l’aide.
À suivre…