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Journal d'un condamné [One-Shot] de Yukkin



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Informations

» Auteur : Yukkin - Voir le profil
» Créé le 29/07/2015 à 22:38
» Dernière mise à jour le 04/08/2015 à 21:23

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Journal d'un condamné
Le bâtiment était désert. L'atmosphère étouffante. L'odeur de sang prenante.

Personne n'aurait souhaité se trouver à cet endroit là après ce qu'il s'y était passé : un meurtre de masse perpétré par l'un des "pensionnaires" le 17 février. Il faut dire que la situation n'était plus très stable aux Etats-Unis depuis l'incident du 22 novembre 1963, il y avait trois mois de cela.

Les enquêteurs chargés de l'affaire n'avaient rien trouvé de bien intéressant en farfouillant ici et là, à la recherche du moindre indice pouvant incriminer le coupable. Mais à quoi bon de toute façon ? C'est ce que répétait l'inspecteur en chef Ackley depuis le début. Il n'avait pas tout à fait tort : le responsable de ces actes s'était lui-même donné la mort après avoir quitté le bâtiment, soit une dizaine de minutes après le décès de la dernière de ses victimes.

Seulement, comme il en faut bien un à chaque fois, l'un des inspecteurs était sceptique. Il voulait en savoir plus au sujet de cet établissement plus étrange que n'importe quel manoir hanté. Alors l'inspecteur Egger avait tenu à faire une dernière inspection avant la démolition officielle du bâtiment qui aurait lieu la semaine suivante.

Finalement, il n'avait réussi qu'à se dégoûter lui-même de son idée. Les quelques cadavres de Pokémon - qui appartenaient sans doute au personnel - lui donnaient des haut-le-cœur. Son regret fut de courte durée cependant : il trouva, dans l'une des cellules à présent occupées par des cadavres inertes, ce qui semblait être un journal intime en très bon état. Seules quelques pages étaient arrachées, mais ça ne semblait pas déranger l'inspecteur Egger, en bon jeunot enthousiaste qu'il était. L'intérieur de la couverture contenait l'inscription W. Yates. Probablement le nom du propriétaire. Egger, trop impatient, s'assit contre le mur et démarra sa lecture.


1963, 27 novembre

Je m'appelle Winston Yates, trente-deux ans. Je viens d'arriver ici... le directeur, Monsieur Hart, m'a conseillé de tenir un journal. Il m'a dit un truc comme quoi ça me permettrait de pas perdre la boule. Ce maigre préambule marque le début d'une histoire insignifiante. Si vous voulez mon avis, la lire serait pas super intéressant... Bref.

1963, 28 novembre

Bon, commençons par le commencement. Il faut bien, parce que si vous lisez ça, je dois être mort - à soixante-dix ans au moins, j'espère ! On est en 1963, les Etats-Unis sont plus instables que jamais suite à l'assassinat de Kennedy, il y a six jours à peine. Pauvre gars, se faire trouer la cervelle dans sa voiture, ça devait pas être agréable... Ici, c'est un hôpital psychiatrique. Je le sais parce que même si les infirmières ont refusé de me le confirmer, y'avait des tarés avec des camisoles de force, enfermés dans des cellules. Charmant comme endroit pour finir ma vie. Ah oui, faudrait que je vous dise pourquoi je suis là, aussi. Je suis suspecté d'avoir fait partie de ceux qui voulaient la mort de Kennedy. Bah voyons, j'y suis pour rien, mais vous pensez bien, c'était ma parole contre la leur...

1963, 29 novembre

J'aime pas des masses cet endroit. La bouffe est franchement dégueulasse - en dehors du fait que c'est des fous qui la préparent en guise "d'activité physique". Non, sans rire, le pain est vraiment dur et sec. Si je me mettais à vous parler des haricots j'écrirais trois pages. Je vais abréger en disant qu'ils sont immangeables. J'ai déjà envie de partir, vous y croyez vous ?

1963, 30 novembre

C'est bien gentil de devoir écrire un journal, mais avec tous ces tarés qui rôdent dans des chambres ajdacentes à la mienne, je risque pas de rester sain d'esprit encore longtemps. Je me donne pas une semaine en tout cas. Je paierais cher pour avoir tort, mais malheureusement, la vie est une salope. Bah ouais, c'est pas facile d'être heureux. Je dois avoir l'air d'un vieux grincheux qui n'aime rien, là... Si vous voulez pas devenir fou, stoppez la lecture !



Egger, en lisant ces quelques lignes, esquissa un sourire. Non. Pas le temps de t'apitoyer, cet auteur est mort dans d'atroces souffrances. Continue ta lecture, va, et évite de faire du sentimentalisme.


1963, 4 décembre

Désolé de ne pas avoir écrit pendant plusieurs jours. Mais j'ai subi des tests médicaux : pas joli à voir, les électrochocs ça fait vachement mal. Je crois que l'anesthésie c'est du luxe pour eux. Le médecin est un cinglé, je suis certain d'être plus sain que lui... Je commence à avoir de sérieux doutes sur la nature véritable de cet endroit.

1963, 5 décembre

Mince. En voyant le Pokémon d'une des infirmières, je me sens vachement triste, d'un coup. Moi aussi, j'avais des Pokémon, et je les aimais... putain, ça fout un coup au moral. Ne pense plus à ça, Winston, mets-toi au pieu et fais une sieste, t'es bon qu'à ça de toute façon.

1963, 8 décembre

Je m'ennuie comme un rat mort dans ce trou. J'ai bien essayé de les convaincre que j'étais pas fou. Tu parles, ils n'ont rien voulu savoir. Je dois vraiment avoir une tête de coupable alors. Aussi, je me pose des questions, vraiment, parce que je pouvais même pas appeler mes parents pour prendre des nouvelles. Bizarre quand même, de ce que je sais, on a le droit à un coup de fil de temps en temps dans ce genre d'endroit.



L'inspecteur Egger soupira en voyant que les pages du 9 au 15 décembre avaient toutes été arrachées. L'écriture, auparavant soignée et droite, était à présent beaucoup moins lisible.


1963, 16 décembre

Une patiente, Helen, est morte sous mes yeux à l'endroit qu'ils appellent l'infirmerie - là où ils pratiquent des tests médicaux. Je l'aimais bien, Helen, elle était un poil alcoolique mais elle savait vous faire comprendre que vos problèmes étaient insignifiants comparés aux siens : toute sa famille était morte et elle avait failli se faire tuer par un troupeau d'Ursaring. Elle y a laissé un bras d'ailleurs. Je sais qu'ici, l'amitié c'est un luxe, mais ça fout quand même un sacré coup. On se croirait en enfer, je peux plus supporter.

1963, 20 décembre

La période de Noël approche. C'est typiquement le genre de moment que je déteste : on va se réunir plus souvent, avec les autres patients et le personnel, pour partager des moments de bonheur, où je sais quelles salades. Sérieux, on est loin de connaître le bonheur dans ce trou à rats. Je devrais crever, tiens, ça leur montrerait que le bonheur n'existe pas ici.

1963, 26 décembre

J'ai pas trouvé de temps pour écrire ces derniers jours. Principalement à cause de ces foutus repas collectifs - préparés par nous en plus - et toutes ces conneries. Je déteste vraiment Noël. Vraiment, ouais. New York me manque, ça aussi, je peux pas m'empêcher de me le répéter.

1964, 2 janvier

C'est parti pour une nouvelle année, des promesses de bonheur et de succès... Tu parles, je suis enfermé dans ce trou à rats depuis plus d'un mois. C'est pas net, comme endroit, je suis pas fou. Ils devraient franchement faire gaffe avant d'accepter des patients, sérieusement.

1964, 8 janvier

Bordel, j'en peux plus, je deviens taré. Je deviens comme eux, un pauvre taré. Maintenant que je connais la vérité sur lui, j'ai peur de me retrouver à l'infirmerie. Je sais ce qui est arrivé à Helen, mon dieu...

1964, 14 janvier

La mort. J'ai dû y songer au moins trois fois par jour depuis que je suis là. J'sais pas trop ce qui m'a permis de tenir le coup. La peur, j'imagine. La peur, même les hommes les plus courageux l'ont déjà vue. Elle est infernale et elle vous noue l'estomac dans les pires moments de votre vie.

1964, 19 janvier

Comme je m'y attendais, je suis retourné faire un saut à l'infirmerie. De mon côté, rien de préoccupant. C'est surtout la seringue que le doc' a utilisée sur Joe, un autre patient, d'à peine vingt ans. Il a été pris de convulsions juste après, et la crise cardiaque a pas tardé. Bon dieu de merde, dans quel pétrin tu t'es fourré, Winston ?!!

1964, 25 janvier

J'écris vraiment peu en ce moment, mais comprenez-moi : en plus de la cuisine, on doit faire le ménage, maintenant. Ca, c'est à cause des morts qui se multiplient depuis peu. Les crises cardiaques se succèdent au rythme d'une par jour si ce n'est plus. Je flippe, là. Cette foutue seringue, elle me sera destinée un jour...

1964, 10 février

C'est pire que je le pensais. La situation s'est aggravée : Dave, un type qui aurait tué sa famille, commence à avoir des accès de colère et des pulsions meurtrières. Pas rassurant du tout... Maintenant, on sort plus de nos cellules, on est cloitrés dedans comme du bétail. Putain, j'ai vraiment besoin de me dégourdir les jambes...

1964, 13 février

J'en peux plus, j'en peux plus, j'en peux plus. Dave perd vraiment les pédales, on a eu douze crises cardiaques en trois jours... La mort nous aura tous. Tous. Ils seront punis pour leurs actions. Tous ces crétins de médecins qui tuent des patients, ils croient qu'on a pas compris ? C'est eux les fous, pas nous.

1964, 17 février

C'est la fin, je veux plus continuer. Je dois m'échapper. Bien entendu c'est impossible. Nan, je veux m'échapper de ce monde. Je crois que cette page sera la dernière que je remplis. Et je vais y consigner la vérité. Ce sera bref. Ils sont tarés. Moi, je suis encore un tant soit peu normal, mais eux... Ils sont dangereux. C'est pas un hôpital. C'est un foutu laboratoire. Un laboratoire d'expérimentation pou-



Egger grimaça. Le mot n'avait pas été entièrement écrit. Le stylo avait dérapé, faisant un long trait descendant jusqu'au bas de la page. Ce devait être l'instant de sa mort. Alors cet homme condamné n'avait même pas eu le temps de révéler la vérité sur cet endroit ? Maintenant que tout le monde était mort, plus personne ne pouvait savoir.

La mort, elle est douée. Elle a des droits sur absolument tout. Même sur la vérité. Oui, la mort est plus puissante que la vérité. Plus puissante que toute chose. Elle est absolue.