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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 16/07/2015 à 03:08
» Dernière mise à jour le 16/07/2015 à 03:08

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Episode 2 - Examens d'entrée et permission de sortie.
Episode 2 – Examens d'entrée et permission de sortie.

La petite aiguille semblait bloquée. Elle devait être bloquée, puisqu'elle refusait de faire le tour du cadran. Cela faisait bien, allez, au moins vingt minutes que la seconde aurait dû s'écouler ! Lucas le savait, cela faisait bien vingt minutes qu'il fixait ce maudit engin. Inquiété de cette anomalie, il ne se rendit pas compte qu'il avait arrêté de respirer et tendu l'oreille, à la recherche du tic-tac salvateur. Elle devait être cassée et il n'entendait rien. Alors il allait être en retard à l'examen et louper cette occasion unique de sortir !

Sortir.

Lucas reprit sa respiration et baissa les yeux, le cœur battant la chamade. A ses pieds mentali et noctali ronronnaient, loin de toute la tension agitant leur dresseur.

Sortir. Il allait enfin pouvoir sortir. Quitter le Qg. Revoir le monde.

Il peinait à réaliser, à croire, à cette bonne nouvelle. Le jeune homme avait passé ces 5 dernières années à réfléchir à ce qu'il pourrait faire s'il parvenait à s'enfuir loin de Twilight. Aujourd'hui que son vœu se réalisait –et il avait bien cru ne jamais vivre jusque là- il peinait à faire le compte de toutes les possibilités. Il n'avait plus l'habitude, plus l'habitude d'avoir des projets, des choses à faire, des choses importantes.

Enfin ça, seulement s'il passait l'examen des nouvelles recrues, d'après ce que lui avait babillé Christopher. Et s'il arrivait en retard à cause de la foutue horloge du chalet et loupait sa chance…Il ne se le pardonnerait jamais !

La panique gagna Lucas qui se leva du canapé précipitamment. Mentali et Noctali eurent tout juste le temps de s'étirer qu'elles se faisaient aspirer par leurs pokéballs respectives.

-Je vais faire mon sac ! Lança-t-il à la volée dans le salon.

Personne ne lui répondit, après tout, il était seul dans la grande bâtisse, tous étaient partis travailler pour Twilight, même Thémis.

Et bientôt lui aussi, songea Lucas, il n'aurait plus jamais à rester ici comme un fantôme et attendre qu'ils rentrent tous, dans le silence. Cette idée le fit glousser –et cette fois il se réjouit d'être bien seul. Une fois dans sa chambre –qu'il ferma à clef par habitude, il éparpilla ses affaires sur le lit. Pensif, il songea à ce dont il aurait besoin.

A vrai dire il ne s'était jamais vraiment soucié de l'examen des nouvelles recrues de l'organisation et ignorait en quoi cela consistait…

Lucas se décida de se préparer comme à la veille d'un voyage initiatique. Une trousse de soins, de quoi camper, ses pokéball, son argent et sa toilette. Pendant une seconde, le jeune homme se rappela de son enthousiasme, lorsqu'à 15 ans il avait bouclé ses valises et quitté la maison de ses parents pour suivre Daniel sur les routes. Il se remémorait parfaitement de ce jour merveilleux comme si c'était hier. La tête de son meilleur ami quand celui-ci avait vu son père l'attendre à l'entrée, le voyage jusqu'au bourg palette en sa compagnie, leur départ, et puis…puis…

Daniel qui s'était perdu dans la forêt de Jade pendant des semaines. Sa rencontre avec Sam et Eléanore en le cherchant. Et tout le reste.

L'allégresse qui lui chatouillait le cœur s'évapora, remplacée par une chape de plomb. Ses entrailles se tordirent de mélancolie et Lucas plissa des yeux, tâchant de juguler son envie de pleurer, de se raisonner.

Cela ne servait à rien d'y penser, rien. Rien. Plus rien ne serait comme avant. Eléanore était morte, Daniel avait disparu et Sam l'avait oublié.

Presser la blessure de toutes ses forces, comme un garrot, comme pour en éviter le suintement sanguinolent, lui permit d'atténuer un peu la douleur. Répéter en boucle ces mots avait anéantis ses espoirs pendant cinq années, mais il ne devait pas les retrouver. Cela lui faisait bien trop mal d'y croire. Y croire signifiait prendre le risque de les perdre à nouveau.

Pourtant, le jeune homme se retrouva tout de même assis sur son lit, à ouvrir le tiroir de sa table de nuit. Là, bien rangées, patientaient un petit paquet de lettres à l'écriture sur familière : celle de Daniel. 30 missives, il en recevait en général une tous les deux mois de sa part, Thanatos les lui apportait, en même temps que le reste du courrier. Lucas n'eut pas le courage de les défaire et de les relire : il se connaissait, s'il faisait ça il allait passer le reste de la journée à se lamenter. Si seulement il lui était possible de répondre à son ami d'enfance, mais il ne lui laissait jamais d'adresse. « C'est égoïste et lâche, je sais. » avait écrit Danny une fois, « Mais je peux pas. Je peux pas encore tenir une conversation avec toi, j'ai trop honte de ce que je suis devenu, j'ai trop peur que tu me juges ».

Comme s'il était en droit de juger qui que ce soit, pensa Lucas, en se rappelant de ce qu'il cachait sous son lit. C'était pour ça qu'une fois dehors, il partirait à la recherche de son ami. Il le trouverait et il le prendrait dans ses bras, pour bien lui faire comprendre que jamais, jamais il ne se moquerait de sa souffrance. Et il espérait que celui-ci lui retournerait la même faveur. Il avait déjà perdu Eléanore, puis Samantha, il ne voulait plus perdre personne à cause d'une erreur. Il ne pourrait plus supporter d'être tout seul à attendre que l'heure passe dans le silence et les regrets.

Lucas referma le tiroir de sa table de nuit avec détermination et l'horloge du salon sonna.

***
Twilight organisait régulièrement un examen pour recruter des nouveaux membres. Marion commençait à bien connaître l'évènement, voire même à le gérer complètement. Elle y trouvait même un certain réconfort : il était rassurant de voir que, chaque année, Chris et Angie oubliaient qu'il fallait monter sur une estrade lors de la présentation, et que du coup, chaque année Angie essayait de porter Chris dans ses bras. L'handicapé, trop lourd, finissait toujours par tomber, et ils devaient systématiquement appeler leur Absol pour se hisser sur la scène. A ce stade, cela tenait presque de la tradition et tous les encadrants finissaient par regarder le spectacle avec un sourire bienveillant.

La cousine de Lucas admira la foule de jeunes recrues s'étendant près des serres de combat. Odin et Phénix, les membres de la légion qui géraient l'entraînement des nouveaux, s'occupaient de les mettre en rang. Tout semblait se dérouler sans problème. Au loin, elle vit Lucas arriver, le visage écarlate, un sac sur le dos et ses deux pokémons à sa suite. Après un moment d'hésitation il finit par rejoindre un groupe qu'Odin lui indiqua. Il semblait…Heureux.

Marion reconnut son sourire, et sut immédiatement à quel point il lui avait manqué. A quel point il datait. Lachésis avait eu raison de la mettre en garde, la championne de type glace s'en rendait bien compte à présent. Et puis, ce n'était pas comme si cela allait mal se passer. Qu'est-ce qui pouvait mal se passer ?

Pour se rassurer elle jeta un regard à Thémis, l'incarnation d'Arcéus, assise sur une chaise au centre de l'estrade. A ses côtés Peter se tenait, le regard vide et lointain. Marion essaya d'y lire un doute, ou une duperie quelconque, mais il resta de marbre.

Tout irait bien. Lucas était baptisé à présent, ce qui signifiait qu'Arcéus veillait sur lui. Que Thémis allait faire en sorte de le mener jusqu'au bonheur. Tout irait bien, se répéta la blonde, comme un sutras. Ils avaient trop soufferts ces 5 dernières années, lui comme elle, pour que cela continue. Il devait bien y avoir une sorte de karma, de règle d'équilibre à respecter pour préserver l'harmonie. Après 5 ans de galère, aujourd'hui serait le premier jour de félicité. Ils allaient remonter la pente peu à peu.

Elle observa de nouveau son cousin, perdu dans la foule, discutant avec quelques autres concurrents. Il n'arborait pas cette expression charmeuse comme lors des diners officiels de Twilight, où il ramenait la première fille venue. Il semblait juste heureux. Et elle, cela la rendait heureuse de le voir heureux. Elle se rendait compte aujourd'hui à quel point cette expression lui avait manqué et combien elle datait. Lucas n'avait plus souri comme ça depuis, au moins le départ de Cristal pour ses études, plus de deux ans auparavant.

-Marion, il est 16h, lui déclara simplement Lucio, le membre du conseil de Sinnoh.

Il était donc temps de commencer et d'expliquer les règles de l'examen. La championne admira la troupe de maîtres qui patientaient sur l'estrade, mis à disposition par l'organisation pour l'évènement. Lucio, Adrien pour ceux de Sinnoh, Aldo et Peter, pour Kanto, Aragon et Spectra pour Hoenn –elle déplorait l'absence de Marc ou Steven, mais ils avaient d'autres problèmes à régler. Il y avait également pas mal de champions d'arènes, mais ils prenaient un café dans leurs chalets respectifs en attendant le signal de départ. Unys n'était pas encore un allié de Twilight, tout comme Kalos, aussi il n'y avait aucun représentant de ces régions, contrairement à ceux qui parcouraient les rangs des recrues. Ce n'était pas bien grave : s'ils arrivaient à toucher la jeune génération, alors la précédente finirait bien par suivre. Marion grimaça, en se rappelant que la dernière fois qu'elle avait dit ça, Steven lui avait envoyé un regard noir et une réplique acerbe :

« Tu ne crois pas que nous avons les moyens aujourd'hui d'engager autre chose que des jeunes ? Tu n'en as pas assez de faire risquer leurs vies à des enfants ? »

Mais quand elle voyait cette foule d'adolescentes, les yeux brillants et prêts à se lancer dans la bataille, Marion ne pouvait s'empêcher de lui répondre mentalement « Et que suis-je censé faire d'autres ? »

Toutes les recrues ici présentes voulaient se battre. Ils voulaient empêcher les Teams de reprendre le contrôle du monde comme avant. Tous avaient perdus un proche, ou un ami. Pour certains Twiligth était un moyen de se venger, pour d'autres de faire leur deuil, et enfin, pour quelques autres comme elle, juste de trouver un ami à qui en parler. Un ami qui comprendrait, qui savait, un ami qui ne supportait plus le tabou et le silence de sa propre famille, comme si parler de sa souffrance la rendait plus douloureuse encore, plus venimeuse. Oui.

Si ces jeunes choisissaient Twilight aujourd'hui, c'était parce que l'organisation leur permettait de faire ce que la génération précédente leur interdisait : agir. Elle ne les diminuerait pas en les prenant de haut comme une adulte : après tout n'incarnaient-ils pas la relève, ce qui prendrait le pouvoir après eux ? Et puis, si le monde existait encore aujourd'hui, c'était grâce au courage de certains enfants.

Du coin de l'œil elle admira de nouveau Thémis, jolie poupée enrubannée assise sur son trône, le regard absent, l'attitude servile. La vision fugace de Lucas, dans le même état, lui arracha un frisson.

Son cœur se serra et elle secoua la tête. Non, ils avaient appris de leurs erreurs et cela ne se reproduirait plus. Jamais.

Confiante, Marion s'avança vers la foule et ouvrit les bras.

-Bienvenu au Qg de Twilight !

Les enfants qui, jusqu'alors, s'agitaient, se turent. Tous les regards obliquèrent dans sa direction. Parmi eux, il y avait celui de Lucas, réalisa-t-elle, sans parvenir à le discerner dans la masse. Il la regardait et la jugeait.

Je t'en prie, le supplia-t-elle mentalement, ne fais pas de bêtise. Tiens-toi tranquille, obéis aux règles. Ne cherche pas à t'enfuir une fois dehors, montre-toi loyal envers l'organisation. Je ne veux pas te perdre toi aussi.

Le laisser sortir signifiait l'envoyer sur le front, risquer de le perdre pour de bon. Mais Lachésis lui avait fait comprendre une chose : à le tenir enfermé ici, elle le perdrait également. Il n'y avait pas d'alternative heureuse. Elle devait confier son destin à Arcéus, à Thémis, et croire de toutes ses forces en le dieu qu'elle avait choisi.

Puisque, depuis bien longtemps à présent, elle avait perdu sa foi en Peter.

Marion ouvrit les bras d'un geste théâtral :

-Si vous êtes ici c'est pour passer l'examen pour entrer dans les rangs de Twilight ! Nous serons ravis d'accueillir toutes les personnes capables dans nos rangs. Mais vous devez comprendre que porter notre uniforme est à la fois un honneur et une grande responsabilité.

Peter s'avança d'un pas mécanique, comme il avait l'habitude de le faire à ce moment-là du discours. Marion tenta de trouver une lumière au fond de son regard, la flamme passionnée qui l'avait séduite. Rien. Ses prunelles dorées ne reflétaient rien d'autre qu'une froide détermination : le maître de Twilight semblait contempler un avenir lointain, invisibles pour tous sauf pour lui. Ce n'était plus Peter Lance, mais le chef de crépuscule et rien d'autre.

-Vous êtes le rempart de notre monde, c'est grâce à vous que la paix pourra être maintenue et l'équilibre préservé, commença-t-il d'une voix forte. Les teams ont failli détruire notre monde il y a 5 ans, et seule la venue d'Arcéus nous a permis de survivre. Aujourd'hui, les membres de Twilight ont pour devoir d'empêcher une telle situation de se reproduire !

Il montra Thémis de la main et celle-ci s'approcha d'un pas dansant, Thanatos derrière elle, telle une ombre protectrice, comme à son habitude. Peter posa une main sur l'épaule de la gijinka, comme pour prouver sa relation privilégiée avec le dieu, puis se tourna vers la foule.

-Protéger Arcéus est votre premier devoir. Protéger les plaques du destin des croyants votre second. Ensemble vous devrez également empêcher les organisations malfaisantes de revenir sur le devant de la scène. Pour cela, il vous faudra réguler la propagation des méga-gemmes, gérer les captures des pokémons, transporter les légendaires endormis et surtout, anéantir toute forme de rébellion. Celles-ci mettent en danger la paix que nous goûtons à peine. Leurs actions mets en danger chaque individu ici présent, elle ne vaut pas mieux que les Teams que nous avons anéantie auparavant. Elles ne méritent aucune pitié !

Seul un silence solennel lui répondit, tandis que des expressions graves se dessinaient sur des frimousses encore innocentes quelques mots auparavant. Tous ici savaient. Tous ici craignaient exactement la même chose que Peter. Jaugeant la masse de recrue du regard, le chef de Twilight finit par opiner du chef et se retourna : satisfait.

-Marion, informe-les des règles de l'épreuve. Je rentre.

La blondinette le vit descendre de l'estrade, le visage pâle et la respiration rauque. Pendant une seconde elle crut revoir l'homme dont elle était amoureuse, dont l'expression torturée trahissaient les sentiments conflictuels. Mais cela ne dura qu'une seconde et elle retrouva presque immédiatement la statue, l'exemple de leader, qu'elle côtoyait depuis l'arrivée d'Arcéus. Elle ne chercha pas à le retenir : cela n'aurait fait que semer le doute et la zizanie. Une scène devant toutes ces recrues n'aideraient pas à garder l'organisation soudée. Résignée, elle revint vers les bleus et déclara d'une voix forte :

-Nous allons vous remettre une pokéball peinte en dorée. Celle-ci contient un Abra particulier. Il a pour ordre de vous téléporter en sécurité si vous lui en donnez l'ordre ou s'il vous juge en trop grand danger.

Odin, le membre de la légion, passa entre les rangs avec son coffre remplis de pokéballs. Déjà, quelques personnes plus avides de faire leurs preuves, piochaient leur propre exemplaire.

-Vous avez pour ordre de protéger cette pokéball coûte que coûte. Pour cela vous allez être mis en équipe et vous partirez dans le mont argenté pour cinq jours. Des membres de Twilight seront présents dans la montagne eux aussi, et ils auront pour but de vous voler votre abra. Si vous parvenez à protéger votre pokémon tout en restant unis, si vous parvenez à défaire un membre officiel de l'organisation, si vous revenez au QG dans 5 jours, indemnes et avec l'abra : alors vous serez admis parmi nous.

Marion laissa ses instructions faire son chemin, tandis que Phénix, un autre membre de la Légion, venaient communiquer aux bleus les noms de leurs coéquipiers.

-Si en revanche, vous êtes battus en combat par un de nos membres, si un de nos membres juge votre comportement inapte, ou si, vous vous faites voler votre Abra, alors vous serez recalés et renvoyé chez vous. Ai-je été claire ?

Les enfants et adolescents répondirent comme une seule entité : Oui. Marion hocha du chef avec satisfaction : ils agissaient déjà en soldats de la paix et de l'ordre. Pour le rituel elle se tourna vers Thémis, et lui fit signe de donner le départ. L'incarnation d'Arcéus hocha alors du chef et leva le bras en l'air avant de lancer d'une voix forte :

-Que l'examen commence.

***
-Que l'examen commence !
Le signal de départ venait d'être donné. Dehors, Sam fit signe à Gardevoir d'arrêter et la corne de son Pokémon cessa de briller. Elle envoya une œillade à Gabriel, mais celui-ci visiblement occupé sur son ordinateur, ne lui rendit pas son geste. Il surveillait déjà les prémices de l'épreuve. Elle se détourna donc.

La pièce adjacente au bureau restait froide, même s'ils avaient, en plus d'installer le système informatique minimal, fabriqué quelques radiateurs archaïques. La jeune femme passa devant les espèces de tentes où le gros des troupes dormaient, dispersés, avec pour seul moyen d'avoir un peu d'intimité la toile de leurs affaires de voyage. Aujourd'hui, tout le monde était occupé par les préparatifs du test des nouveaux, aussi, personne ne traînait dans les parages. Il restait tout de même quelques pokémons flânant à droite et à gauche, profitant du silence pour se reposer ou jouer entre eux. Sam s'en approcha pour leur attribuer quelques caresses et décida de monter à la surface pour suivre les informations.

Maintenant que le test avait débuté, il ne restait plus qu'à en attendre la fin.

Elle s'appuya contre une table, tâchant d'imaginer qui pourraient intégrer leur rang.

Pas beaucoup. Ils avaient tous l'air bouleversés, peut-être la métisse, avec les deux autres de tout à l'heure. Ils étaient les seuls à demeurer calmes. Avec ces trois-là, ils atteindraient peut-être la trentaine de résistants ?

Sam secoua la tête, tachant de ne pas faire de plan sur la comète, c'était le meilleur moyen d'être déçue. Mais l'idée de laisser l'épreuve se dérouler, sans pouvoir intervenir, juger elle-même les nouvelles recrues, la faisait bouillir intérieurement. Sam ne se considérait pas comme une femme patiente : elle savait plutôt bien endurer le temps et les tracas, mais apparemment, la plupart de son entourage pensaient le contraire. Aussi, elle se mit à la recherche d'une activité pour l'occuper. Ne pas penser à tous ces visages inconnus, à leurs potentiels et ce qu'ils pouvaient apporter à leur combat, non juste une tâche, simple, répétitive, ne nécessitant aucune réflexion, mais prenante et longue.

Comme le ménage. C'était bien le ménage. Cet endroit avait besoin de ménage en plus.

Malheureusement, elle se souvint presque immédiatement ce qui avait résulté de sa dernière tentative de faire le ménage. Elle, perdue à la recherche d'un balai, dans un complexe souterrain encore méconnu. Et toute la résistance qui l'avait cherché pendant une journée et une nuit. Gabriel et chinchidou détestaient en plus quand elle rangeait quoique ce soit, et ils passaient systématiquement derrière elle pour faire tout comme il le fallait –d'après eux. Travailler pour s'occuper, d'accord, mais travailler pour rien ? Moins d'accord.

Donc. Que lui restait-il à faire ? Samantha resta un moment songeuse, puis ses pensées s'égarèrent, avant de s'échouer sur l'image d'un petit garçon couvert de boue de la veille.

Que lui avait-on dit sur lui ? Qui s'en était occupé hier ? Sam constata avec honte qu'elle l'ignorait totalement. A vrai dire, hier, elle avait eu d'autres choses en tête, plus urgentes. Mais plus maintenant.

D'un pas décidé elle se dirigea vers le rez-de-chaussée, montant les marches quatre à quatre, et déboula dans la partie « cuisine » du restaurant leur servant de repaire. Plusieurs visages obliquèrent dans sa direction, certains juste étonnés, d'autres plus effrayés. Cela n'empêcha pas une grande rousse à l'air sévère de lui envoyer en guise de bonjour :

-Sam, tu tombes bien, j'ai fait l'inventaire ce matin, du coup j'ai la liste de courses à faire.

Alice Kazamatsuri s'occupait globalement de la cuisine avec ses frères, Aaron et Gaëtan, et d'ailleurs, avec son pyroli, elle s'occupait actuellement de faire cuire quelques gâteaux à l'odeur alléchante. L'estomac de Sam ne put que protester, lui rappelant soudainement que son réveil tardif lui avait fait sauter non pas un, mais deux repas !

-Tu as faim Sam ?

Occupé à pétrir la pâte, Gaëtan leva la tête vers elle, et toujours aussi aimable, lui sourit.

-Je t'ai préparé quelque chose quand on m'a dit que tu étais réveillée. C'est dans le micro-onde. Lui assura-t-il.

Sam l'aurait bien bénie sur place mais sa dignité l'en empêcha, réfrénant ses ardeurs, elle lui demanda :

-Est-ce que les autres aussi ont eu le droit à une part ?

Elle ne désirait pas avoir un traitement de faveur. Le jeune homme, haussa des épaules et il se dirigea simplement vers le comptoir de la cuisine pour envoyer un « Si quelqu'un a faim, il y a tout ce qu'il faut dans le frigidaire, dites-nous et je vous fais réchauffer de la tisane ». Avec Gaëtan tout avait une réponse simple. Après avoir réglé la question de principe de sa compliquée de « boss », le rouquin sortit un verre et lui servit une boisson chaude –une vieille habitude qu'il avait.

-Je retourne au jardin potager, je n'ai plus de feuilles pour le thé.

Et il disparut sur ces mots, sans même attendre un merci. Pour rejoindre son jardin si cher à son cœur. Sam s'en voulait un peu dans ces moments-là, fils de fermier, Gaëtan était certainement celui qui regrettait le plus son ancien foyer. A chaque nouvelle cachette, la jeune femme le voyait reprendre à zéro ses plantations, bêcher la terre, surveiller la pousse…Son regard concentré durant l'effort valait tous les discours du monde. Âgé de 28 ans, il aurait déjà dû avoir sa vie, sa maison, son propre champ et son propre élevage. S'il avait eu une vie normale. S'il n'avait pas rejoint la résistance.

Ses regrets furent interrompus par Alice déposant une merveilleuse pâtisserie au miel sous son nez, à côté de sa tasse fumante.

-Tu m'en diras des nouvelles. Lui envoya Alice avec un air fier.

Elle aussi, comme son frère triplé, elle aurait pu monter son commerce à elle, sa boulangerie, si les circonstances avaient différées. Samantha lui envoya une œillade désolée, le cœur gros, et la concernée, aussi rousse et aux yeux aussi noir que Gaëtan, fronça les sourcils.

-Et tu es priée de tirer une autre tronche en mangeant mes gâteaux.

Et le retour de la sœur Kazamatsuri autoritaire qui tuait d'une seule réplique lui rappela de ne pas s'attarder sur de tels songes mais sur l'essentiel. Faire des ronds, chercher ce qui aurait pu être et ce qui ne le serait jamais était une mauvaise habitude. Une tare paralysante à laquelle elle ne devait pas s'accrocher. C'était le présent qui comptait. Rien d'autre.

Sam inspira longuement avant de dévorer son repas et de tout faire passer par une goulée de thé. Le goût délicieux passa vite avec le liquide brûlant. Elle dût haleter un moment pour épargner un peu sa langue gonflée, avant de pouvoir de nouveau parler :

-Je cherche le petit garçon d'hier. Vous savez où il est ? Akira m'a dit qu'il était avec Kain et vous ce matin.

Alice arqua un sourcil, les mains dans la farine et elle envoya un regard interrogateur à son frère, celui dont elle était le plus proche : Aaron. Celui-ci interrompit la réparation du four qui l'occupait dans la cuisine, puis haussa des épaules en réponse. Par mesure de précaution, il vérifia l'intérieur du four, puis en ressortit le visage maculé de graisse.

-Il est pas avec nous en tout cas ! Jetèrent-ils en conclusion.

En voilà une réponse intéressante : ça, elle l'avait devinée toute seule. Sam prit ses couverts et les plaça dans l'évier, avant de marmonner :

-Bon je vais voir les autres alors.

Elle sortit et rejoignit la partie bar du restaurant. Comme d'habitude, Kain se trouvait là, attablé, à discuter avec quelques autres, dont Akira. Elle n'eut qu'à faire quelques pas dans sa direction pour attirer l'attention de son amant-aveugle. Il semblait toujours reconnaître son pas, le discerner de la masse. Il tourna la tête dans sa direction –plus par réflexe que besoin, et lui lança :

-Sam.

Son cœur fit un bond dans sa poitrine : tout comme il savait quand elle entrait dans une pièce, elle devinait à son ton que quelque chose le tourmentait.

-Un problème ?

Son ancien professeur fit la grimace et se gratta la nuque en poussant un soupir.

-Le gosse sait pour ses parents. Scarlet lui a dit.

Sam baissa les yeux, mais elle ne sut dire si elle était triste, compatissante pour le gamin, encore aujourd'hui. Elle avait vu tant d'horreur en 5 ans qu'il devenait de plus en plus rare qu'un drame l'émeut un tant soit peu. En revanche, elle savait ce que cela signifiait. Rosalia était tombée, les habitants pétrifiés. Le jugement d'Arcéus venait de s'accomplir. Encore.

Et encore une fois, Sam ne voyait dans ce verdict que des larmes et la mort. La fin de l'enfance et ses illusions naïves.

-Et où est-il ?

Akira soupira.

-Dans la chambre du rez-de-chaussée. Il pleure.

Evidemment. Samantha tourna des talons pour rejoindre le gamin, mais la vieille voix bourrue de Kain l'avertit :

-Laisse-le ptiot cuver la nouvelle. Il a pas b'soin d'nous voir en c'moment. C'même la dernière chose qu'il veut voir, vot' tronche.

Il avait sûrement raison. Samantha connaissait ce sentiment : l'apathie qu'apporte le chagrin. Celui qui poussait à se recroqueviller sous la couette et espérer que le temps et la vie nous oublie.

-Non. S'il ne se relève pas maintenant, il ne se relèvera plus jamais. Le dorloter ne sert à rien.

Elle, on l'avait dorloté. On lui avait laissé cuver son chagrin, et au final qu'est-ce que cela lui avait apporté ? Toute cette douceur, cette compassion ? Rien. Elle avait pris cette attitude pour acquis et s'était fiée à ce sentiment de sécurité. Mais la vie est dangereuse.

-C'est un gamin, Sam. Lui murmura doucement Akira.
-Plus maintenant.

Oh elle n'en voulait pas à Akira de l'avoir serrée dans ses bras, durant les nuits de peur. Elle n'en voulait pas à ses amis, qui avaient fermés les yeux sur ses mauvais choix, mis ça sur le compte de la tristesse et laissé couler. Elle n'en voulait à personne, sauf à elle. Et peut-être à Eléanore.

Samantha les laissa donc derrière elle et se dirigea vers la chambre –la seule viable du restaurant, celle du propriétaire absent. Petite et carrée, elle possédait l'objet le plus luxueux du repaire : un vrai lit. En bois, en pied, avec un sommier et un matelas. Des couettes et des oreillers même.

Elle s'attendait à trouver le petit garçon enroulé dans l'une d'elle, terré au milieu des coussins à pleurer silencieusement. Elle ne rencontra que des draps défaits et le silence.

La pièce était abandonnée, vide. Pas la moindre trace du petit.

Sa première réaction fut de regarder derrière la porte –pour voir s'il ne s'y cachait pas. Puis de vérifier sous le lit. Petite, elle se souvenait avoir aimé se planquer dans quelques recoins sombres qui lui donnaient l'impression de devenir invisible. Mais il n'était pas là non plus.

C'est alors qu'elle sentit un vague courant d'air lui caresser la joue. Et elle avisa la fenêtre ouverte, comme la voyant pour la première fois. Son cœur rata un battement.

Et pendant une seconde, Sam se souvint de toutes les décisions stupides qu'elle avait déjà faite sous le coup de la colère, ou pire, de la souffrance et du deuil.

Et pendant une seconde, Sam réalisa qu'elle cherchait un petit garçon d'à peine dix ans, à qui l'on venait d'annoncer la mort de ses parents. Un petit garçon qui n'avait pas de corps comme preuve, juste des mots d'une bande d'inconnus et d'une héroïne masquée.

Est-ce qu'il était assez stupide pour tenter d'aller à Rosalia à pied ? Essayer de retrouver, de sauver ses parents, tout seul ?

Oui certainement. N'importe qui dans sa situation se serait montré stupide. Elle, elle s'était montrée stupide pour beaucoup moins que ça !

Samantha se précipita aussitôt vers le rebord de la fenêtre et ses doigts se portèrent instinctivement à sa bouche : prête à siffler pour appeler ses pokémons et commencer les recherches. Mais elle n'eut pas à le faire.

Parce que le gamin se trouvait juste là. Sous son nez, coincé dans le buisson de rosiers à-tenant aux murs du restaurant. Il sursauta dès qu'elle posa son regard sur lui et se recroquevilla dans un hoquet. Un petit lixy, noir de suie, lui tournait autour et voulut certainement vérifier s'il allait bien, mais dès qu'il s'approcha, le petit émit une nouvelle plainte apeurée. Il préféra se plaquer contre les ronces et les épines plutôt que d'être de nouveau approché par le Pokémon.

Etait-ce la raison pour laquelle il n'avait pas pu aller loin ?

Samantha ne chercha pas à savoir et elle le rejoignit en un bond, sautant par-dessus le parapet. Lorsqu'elle s'agenouilla devant lui, pour être à son niveau, le petit garçon lui envoya une œillade noire, les yeux rougis par les larmes et le reste de son être tout couvert de boue.

Personne n'avait pris la peine de le laver apparemment, et ce, depuis hier. Elle s'en voulut de l'avoir laissé dans cet état.

Il serrait contre lui une sorte de pull à la laine roussie, et un sac à dos bien maigre. Etait-ce avec ça qu'il comptait rallier la ville ? S'aventurer sur la route ? Affronter Twilight ?

C'en était désespérément risible et affreusement familier pour la chef de la résistance.

-Allons, tu n'iras pas bien loin avec ça, viens-là. Lui murmura-t-elle d'un ton doux, lui tendant la main.

Il se tassa un peu plus contre les roses, quitte à s'égratigner de toutes parts les cheveux emmêlés dans les branches végétales et les vêtements déchirés. Son regard oscillait entre elle et le petit lixy, comme jaugeant lequel des deux serait la plus grande menace.

Sam se rendit compte avec une certaine honte qu'elle ne se souvenait même pas du nom du petit.

-Comment tu t'appelles ?

Le garçon leva la tête vers elle, et ses épaules tressautèrent, il serra la mâchoire, refusant de coopérer.

-Moi, c'est Samantha. Tu peux m'appeler Sam, tenta-t-elle, pour le mettre en confiance, elle regrettait de ne pas avoir pris le temps, la veille, pour se présenter à lui.

La seule réponse de l'enfant fut son regard qui s'emplit de nouveau de larmes. Puis un borborygme incompréhensible qui devait être fait de mots avant qu'ils ne soient noyés par les sanglots. Le petit se mit tout simplement à pleurer à s'en déchirer les poumons sans autre avertissement.

Samanha paniqua légèrement, elle voyait bien qu'il tentait de communiquer avec elle, entre deux hoquets, mais il lui manquait de toute évidence un dictionnaire pour traduire ces baragouinements.

-Essaye de faire une phrase cohérente, je ne comprends pas ! Balbutia-t-elle.

Lixy, attristé par les larmes de l'enfant voulu certainement le réconforter, et il s'approcha pour lui lécher le visage, se fut le déclic. De toute évidence entre le Pokémon et Sam, ce qui l'effrayait le plus, c'était le petit fauve. Aussi, il se jeta dans les bras de l'adulte et s'y agrippa de toutes ses forces.

La chef de la résistante eut une grimace en sentant la boue qui maculait le gamin s'étaler sur ses vêtements, mais elle prit sur elle.

Le petit Pokémon électrique miaula piteusement et s'approcha pour lécher les doigts de Sam. Le petit garçon poussa un gémissement et se contorsionna en tous les sens pour ne pas être touché –même par inadvertance par la bestiole.

Sam ignorait ce que les Pokémon lui avait fait, mais il en avait une peur bleue. La dresseuse jeta un regard au petit félin qui ne demandait rien d'autre que de l'affection, et soupira.

Elle se leva donc, assurant sa prise sur le petit bonhomme sanglotant, et fit signe à Lixy de la suivre tandis qu'elle rentrait dans leur repaire.

Heureusement, la chambre du propriétaire donnait sur une salle de bain personnelle, dotée d'une petite baignoire. Elle mit un bain chaud à couler, pendant qu'elle débarbouillait le visage de l'enfant, le débarrassait de sa morve. Elle ignorait si se laver l'aiderait à se sentir mieux, mais honnêtement, elle ne voyait pas quoi faire d'autre. Il ne pouvait pas rester si crasseux, non ? Et tant qu'il n'arrivait pas à articuler correctement, à calmer ses pleurs, elle n'obtiendrait aucune réponse.

Le petit se montra étonnamment docile tant que le lixy restait loin de lui.

-Léon.

Le murmure faillit lui échapper, tant il était faible. Elle le regarda, étonnée, attendant la confirmation qu'il s'agissait bien là de son nom, mais le dénommé Léon évita son regard et se mit à admirer le parquet comme s'il avait devant lui la huitième merveille du monde. Elle se contenta donc de ce prénom et continua à lui ôter toute la terre qui s'incrustait sur sa peau.

Quand l'eau eut fini de couler, elle lui retira sa chemise et ses chaussettes. Il ne réagit pas. Elle lui laissa son boxer par pudeur. Quand Sam esquissa un geste pour lui enlever le pull sale qu'il serrait contre lui, il eut un mouvement de recul protecteur.

-Je te le rends. Lui promit-elle. –Mais après le bain. Il faut te nettoyer. Tu ne vas pas prendre un bain avec ça, non ?

Léon hésita et le cœur de Sam se serra.

-Si tu te laves avec il ne conservera pas longtemps son odeur, tu sais ?

Le petit tressaillit, et enfouit son nez dans la laine. Comme elle le pensait : il s'agissait bien d'un mémento de ses parents. Elle aussi, avait longtemps serré ce qui lui restait de ses proches, cherchant encore leur présence, leur flagrance…Tout ce qui lui rappelait leur existence, lui donnait l'impression qu'ils se tenaient encore à ses côtés.

L'argument fit mouche, et, avec une réticence, il finit par lui tendre son trésor. Elle le posa donc sur le lavabo, juste à côté de lui, bien en évidence comme pour lui prouver sa bonne volonté. Puis elle le prit par la main et le mena jusqu'à la baignoire. Elle ne lui demanda pas s'il pouvait se laver seul. Elle ne voulait pas le laisser seul. Pas après sa tentative de fuite avortée, pas après ce qu'il venait d'apprendre.

Alors Sam attrapa le savon et le shampoing et entreprit la toilette du petit garçon. L'eau claire se teinta progressivement de gris, la boue et le sang séché finit par s'écouler et stagner à la surface. Plus elle frottait, plus la peau du petit garçon reprit sa couleur rose claire, ses cheveux, moins noirs, révélèrent une teinte verte foncée similaire à celle des algues. Ils ne prononcèrent pas un mot durant toute l'opération. Le petit garçon se contenta de regarder la saleté disparaître progressivement, emporté par les bulles, le regard vide.

Est-ce qu'il voyait dans les volutes de savon sale les derniers vestiges de sa vie d'avant ? Comprenait-il qu'on ne pouvait pas simplement prendre une éponge et effacer tout ce qui venait de se produire ? Saisissait-il, que même s'il retrouverait exactement la même apparence qu'auparavant, propre et net, cela ne s'appliquerait qu'à son apparence ? Plus rien ne serait jamais comme avant.
Sam ignorait si Léon était capable de tels constats en cet instant, mais ses sanglots silencieux, alors qu'il se laissait sécher, enrouler dans une serviette, son regard lointain alors que l'eau se vidait, lui laissa croire que oui. Même un enfant pouvait comprendre quand son univers se disloquait.

Sam aurait juste souhaité que l'univers puisse leur envoyer des signes reconnaissables avant de s'effondrer. Mais elle avait appris, cinq ans auparavant, que voir les indices ne permettaient pas toujours d'empêcher un évènement horrible d'arriver.

Mais alors qu'ils retournaient dans la chambre, le petit remarqua le lixy qui s'était tout simplement lové dans son trésor : le pull. Cela eut pour effet de sortir immédiatement le petit de sa torpeur.

-Non ! Va-t-en !

Il se débattit et réussit à s'extirper de l'étreinte de Sam pour se ruer sur son habit. Le lixy, effrayé, bondit et alla se cacher sous le lit, tremblant, poussant un miaulement piteux. Léon serra son trésor contre son cœur tout en le foudroyant du regard.

Sam prit en pitié le petit fauve et elle le prit dans ses bras pour le cajoler. Cette fois, ce fut à elle, que Léon adressa un regard empli de rancœur. Comme si elle venait de passer un pacte avec l'ennemi.

-Il ne voulait pas te voler ton trésor, tu sais. Lui expliqua-t-elle simplement. –Il est sûrement aussi terrifié que toi, et il a vu que le pull te faisait du bien alors…
-C'est le pull de ma maman, pas le sien !

Samantha contempla longuement Léon, pensive. Le petit garçon la fixait à présent, la toisait, de son regard couleur émeraude, si expressifs. Si douloureusement familiers. Elle y trouvait une incompréhension, une douleur, une rage qui cherchait un responsable : tous ces sentiments qu'elle avait déjà ressenti, qui tourmentaient bon nombre d'entre eux à la résistance.

-Et alors ? Il ne l'a pas abimé que je sache ? Ton pull va bien, ce n'est pas la peine de le gronder. Il n'est pas responsable de ce qui t'arrive.

Lixy miaula dans ses bras, et Sam lui gratta l'oreille pour le consoler. Le petit fauve se blottit alors contre elle et se mit à ronronner. Léon secoua la tête avec véhémence :

-Je m'en fiche ! Je veux pas qu'il s'approche de moi ! Je veux pas qu'il touche à mes affaires ! Je veux pas…
-Ce lixy t'a rendu un grand service en t'empêchant de t'enfuir. Asséna-t-elle sans détour. – A quoi pensais-tu, au juste, en sautant par la fenêtre comme ça ?

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre, et quand elle vit sa moue renfrognée –encore une fois affreusement familière- elle se dépêcha d'ajouter :

-Tu crois sincèrement pouvoir rallier Rosalia comme ça ? A pieds ?
-PAPA ET MAMAN SONT ENCORE LA-BAS ! JE NE PEUX PAS LES LAISSER LA-BAS !

Samantha dû poser sur lui un regard particulièrement froid, car il recroquevilla aussitôt après avoir hurlé.

-Et qu'est-ce que tu aurais fait, au juste, une fois là-bas ? Est-ce que tu sais, à quoi ressemble Rosalia, en ce moment ?

Elle s'agenouilla à nouveau devant lui et il se plaqua contre le lit, enroulé dans sa serviette, apeuré. Il fallait pourtant bien que quelqu'un le lui dise, que quelqu'un lui explique, la bêtise de son geste : pour qu'il ne recommence pas dès qu'ils avaient le dos tournés.

- Les gens sont pétrifiés. Arcéus les a jugés et ils ont l'apparence de statues.

Elle essaya de ne pas voir la lèvre du petit, secoué d'un nouveau trémolo, comme pour réfréner un nouveau sanglot.

-Papa et maman ils…
-Si Scarlet n'a pas pu te ramener tes parents, c'est qu'ils ont sûrement subi ce sort.
-Mais, ils vont revenir, non ? Twilight va les faire redevenir normaux, non ?

Sam secoua la tête : elle ne désirait pas que le petit se fasse de faux espoirs. Tout dépendait malheureusement d'Arcéus, s'il jugeait que ses parents étaient innocents, étaient « fidèles ». Et malheureusement, ces concepts se révélaient bien trop flous, relatifs et changeants, pour être les fondements de la moindre certitude. Sam savait que voir des enfants souffrir brisait le cœur de son ancien mentor. Elle lui prit la main tendrement. Ensemble, ils retournèrent donc simplement derrière le comptoir, allumèrent la télé sur une chaîne tournant en boucle les dernières actualités, et attendirent.


***
Lucas fendait déjà la foule depuis un moment, serrant entre ses doigts les noms de ses coéquipiers. La lanière de son sac à dos lui meurtrissait les mains : il la serrait trop fort. Nerveusement. Finalement ce fut les autres qui le trouvèrent, alors que le brun scrutait le côté ouest de la foule, on lui tapota gentiment l'épaule.

-C'est toi Lucas, non ?

Le jeune homme se retourna pour faire face à une jolie brunette à la coiffure improbable. Deux macarons imposants lui encadraient le crâne et pourtant, deux mèches longues s'en échappaient encore pour lui arriver à la taille. Il n'osait même pas imaginer leur longueur une fois dénoués. Ses grands yeux bleus le dévisagea un instant, perplexe et pour la rassurer, Lucas lui montra son étiquette avec son nom. Celle qu'on lui avait remis en arrivant. Elle sourit de toutes ses dents.

-Oh je savais que c'était toi ! Tu es exactement comme mes amies t'ont décrit ! Justement il ne manquait plus que toi ! Viens je t'emmène voir les autres !

Lucas n'eut pas le temps de lui demander qui étaient ses amies et comment elles le connaissaient, déjà l'étrangère lui prenait le poignet et l'emportait avec elle. Se faire ainsi mener par le bout du nez lui permit de l'identifier un peu plus : elle devait avoir une quinzaine d'années, et avaient vaguement un air familier, même s'il ne parvenait pas à se souvenir en quoi exactement. Noctali et Mentali suivirent leur dresseur au petit trop, jusqu'à ce que celui-ci s'extirpent de la foule et rejoigne un autre groupe : plus réduit. Confiants, les pokémons s'allongèrent alors pour laisser les humains faire connaissance.

-Je l'ai trouvé ! Hurla l'adolescente d'une voix fluette.
-T'en as mis du temps, je croyais que tu le connaissais ? Maugréa un second, l'air renfrogné.

Si la brunette avait une tignasse impressionnante, le garçon qui l'attendait n'avait rien à lui envier. D'ailleurs ils se ressemblaient énormément : tous les deux châtains aux yeux foncés, et certainement d'à peu près le même âge. Peut-être la même famille ? Sa théorie se confirma quand sa guide répondit indignée, de la seule façon dont se permettent un frère et une sœur :

-J'ai dit que je le connaissais un peu, si t'es pas content, t'avais qu'à le faire toi-même, gros naze.
-J'aurais certainement été deux fois plus rapides que toi, grognasse ! Rétorqua aussitôt le garçon en lui tirant la langue.

Et bien ça promettait pour le travail d'équipe…Heureusement, ils devaient être six en tout, pour former une équipe. Et d'ailleurs celui qui semblait s'être nommée le chef s'approcha de Lucas pour lui tendre la main.

-Enchanté. Moi c'est Kalem Ylian. Et ceux qui se disputent là, c'est Mathis et Echo Dianthéa.
-Dianthéa, comme l'actrice de Kalos ? S'étonna Lucas.
-Notre mère, répondirent d'une même voix les deux frangins, avec un air mécontent.

Ah pas étonnant qu'ils lui aient semblés familiers : il avait souvent vu leur mère à la télé, et même une ou deux fois lors des galas de charité organisé par Twilight. Kalem en revanche avait un physique totalement inconnu, bien que banal. Des cheveux noirs, mi-longs, une casquette et un simple jogging. Il avait un air détendu et affichait un sourire serein. A côté des deux enfants qui se disputaient, il paraissait d'autant plus adulte. Lucas lui prit la main avec soulagement : heureux de trouver un allié plus calme.

-Ptit K est trop classe, hein ? Mais interdit de tomber amoureux de lui, d'accord, c'est mon chéri, hu-hu !
-Je ne suis pas ton chéri Sannah…Se défendit mollement Kalem.

Une jeune métisse aux yeux verts surgit de nulle part pour lui serrer la main. Son air affable et son sourire contrastant avec la mise-en-garde. Le garçon qui était vraisemblablement son amour à sens-unique, soupira.

-Ne t'en fais pas, les hommes ne m'intéresse pas, la rassura aussitôt Lucas avec patience.
-Ils disent tous ça, puis ensuite ptit K fait un truc là et ils sont tous en mode « han-han » après, genre.
- Ne l'écoute pas, elle dit n'importe quoi, le prévint Kalem, qui prenait de plus en plus une expression désabusée.

Lucas ne parvint pas à savoir si elle était sérieuse ou si elle blaguait, dans le doute, il préféra sourire et ne prendre aucun parti : après tout ils allaient devoir vivre en groupe pendant 5 jours, mieux valait partir sur des bonnes bases.

-Et du coup, qui a la pokéball contenant l'Abra parmi nous ?
-C'est moi. Je m'appelle Claude Dupuis.

Encore un adolescent, âgé d'à peu près 15 ans lui aussi, s'avança en lui tendant la main. Il avait un air beaucoup plus sérieux. Sous sa frange blonde, Lucas discerna des yeux caves et flamboyants. Il avait l'air intelligent, et vaguement familier à nouveau. Peut-être une autre célébrité vu à la télé ? Cela n'importait pas au final.

-Est-ce que cela te dérangerait de me laisser la porter ? Hasarda-t-il. –Je te la rends dès que l'épreuve commence, ne t'en fais pas.

Claude haussa des épaules et lui remit le précieux bien.

-De toute façon j'avais prévu de le donner à tour de rôle à chacun d'entre nous, pour que notre adversaire ne puisse pas deviner qui le porte.

Lucas approuva la tactique d'un signe de tête : ce gamin avait de la ressource. Du bout des doigts il admira la sphère dont on avait peint la face supérieure en doré. Petite, elle tiendrait dans une poche. L'objet ne paraissait pas sortir de l'ordinaire, elle devait fonctionner comme toutes les autres pokéballs à son sens. Cela l'arrangeait.

-J'ai hâte de voir quel champion va nous prendre en chasse, murmura Kalem, le regard brillant. –J'espère que ce sera Peter.
-Hein-hein, si c'est lui, je suis sûre que tu peux le dérouiller ptit K !
-J'espère que vous avez des pokémons glaces avec vous alors, ou fée, parce que ça reste un maître du type Dragon, les prévint Claude, plus sceptique quant à leur victoire.
-Mon manager dit que les pokémons fées c'est trop main-stream, informa Echo Dianthéa.
-Et le mien pense que les pokémons dragons sont trop encombrants, enchaîna Mathis sur le même ton que sa sœur.

Lucas se demanda bien comment deux enfants si jeunes pouvaient avoir des managers, mais il jugea plus judicieux de rassurer ses futurs coéquipiers :

-Peter ne sera pas à notre poursuite, il sort rarement de son chalet. Il y a plus de chance que nous affrontions la légion ou d'autres concurrents.
-Hééééé ? Pourquoi nous affronterions d'autres concurrents ? S'étonna Kalem avec des yeux ronds.

Claude soupira. A part lui, seule Sannah ne semblait pas surprise par sa déclaration : ils devaient avoir compris également. Mais il s'agissait d'une équipe de six, trois membres au courant ne suffisait pas. Aussi l'ancien stratège expliqua prudemment aux plus lents :

-Ils ont clairement expliqués que si on nous volait Abra, l'examen était fini. Ils n'ont pas précisés qui devaient nous voler notre Abra. Donc il faut s'attendre à ce que des recrues essayent de nous voler notre pokéball, sûrement pour éliminer la concurrence.

Kalem grimaça, et secoua la tête, comme si ce genre d'attitude le dépassait complètement. En revanche les jumeaux eux –enfin ils devaient être jumeaux, supposa Lucas- sourirent.

-Comme au music-halles quoi, tous les coups sont permis, ça me va, j'connais ça. Souffla Mathis, le garçon.
-Le pokéwood suit exactement les mêmes règles. Qu'ils essayent donc de nous faire un coup de bitch ! Enchaîna sa sœur avec un sourire effrayant.

En voyant ce groupe se forger sous ses yeux, le cœur de Lucas se gonfla d'amertume. Une vague de mélancolie le prit à la gorge tandis qu'il se remémorait les débuts difficiles de son voyage en compagnie de Daniel, Sam et Eléa. Il réalisa alors pleinement une chose : tout allait recommencer. Déjà, la foule de recrue s'éclaircissaient et les membres de Twilight donnaient le signal pour partir. Bientôt ils allaient arpenter les sentiers escarpés du mont argentés.

Il allait sortir. Il allait sortir. Cette réalité se rapprochait dangereusement, et son cœur battait la chamade rien qu'à cette pensée. Il allait enfin être libre et pouvoir tout recommencer.

Alors qu'ils emboitaient tous le pas, les uns derrière les autres, Lucas hésita, sur le seuil du QG. Les membres de son équipe se retournèrent, étonnés, et le dévisagèrent étrangement. Pendant un instant, le brun ne vit pas Claude, Kalem, Sannah ou les jumeaux Dianthéa. Mais Ses anciens amis. Sam, Daniel, Yuki, Silver, Gold…Eléa.

Tout allait recommencer. Réalisa-t-il alors amèrement.

L'euphorie qui montait en lui se transforma en une langue de feu, un brasier acide lui déchirant les entrailles et lui lacérant la poitrine. Pendant une seconde, il ne parvint plus à respirer.

Et si tout recommençait ?

Si Yuki était blessé, si Silver était capturé, si Gold commettait une erreur, si Sam l'abandonnait encore, si Daniel disparaissait ? Si Eléanore se sacrifiait à nouveau ?

S'il prenait une mauvaise décision et qu'il perdait à nouveau tout ce à quoi il tenait ? Tout ce qui lui restait ? Si encore, par sa faute, tout se finissait mal ?

Sa prise se resserra sur la pokéball dorée et il sentit la sueur rendre le métal glissant, instable. Le poids du trésor lui parut presque insoutenable. Pendant un instant, sa situation apathique de prisonnier lui parut enviable. Ne pas choisir avait quelque chose de reposant. Quelque chose d'apaisant, rassurant. C'était la sécurité. La certitude de ne pas être responsable de ses erreurs. Il ne voulait plus faire d'erreur. Il ne voulait plus de regret. Mais il ne pouvait plus supporter cette apathie perpétuelle, cette passivité qu'on lui imposait.

-Lucas, tu attends quoi, le déluge ? Lui envoya Claude.

Lorsque le brun releva les yeux, il n'y avait plus que Claude, Kalem, Sannah, Mathis et Echo. Plus de fantômes, plus de souvenir. Il avait déjà fait un pas en avant pour les rejoindre et passé la porte du QG. Son rythme cardiaque s'était calmé, et Mentali se frottait dans ses jambes en ronronnant. Ce bruit le rassura, le berça lentement vers l'évidence :

Tout ce qu'il avait à faire pour ne plus souffrir, c'était de ne pas s'attacher.

***

Gold soupira devant les jeunes recrues de la résistance. Depuis que les lumières s'étaient éteints et que l'examen avait commencé, une sorte de bourdonnement sourd avaient commencé à s'élever. Comme dans nid d'aptrini qu'on secoue, peu à peu, les adolescents s'agitaient, tournoyaient, s'affolaient. Prêts à piquer sans trop savoir qui.

C'était là leur premier défi : privés de leurs pokémons, sans le moindre objectifs, plongés dans le noir pour un temps indéfinissable, sans eau, ni nourriture, la tension allait s'élever. Seuls les plus robustes et forts mentalement sortiraient du lot.

Patient, le recruteur secret s'installa dans un coin, et observa la ruche. L'examen des Résistants avait lieu en même temps que celui de Twilight pour une raison fort simple : pendant cinq jours l'organisation concentrait sa force ailleurs. Tous les membres importants de crépuscule se trouvaient actuellement au QG du mont argenté pour juger et jauger leurs nouveaux soldats au lieu de battre la campagne à la recherche de leurs ennemis.

Mais cela, les bleus devant lui l'ignoraient. D'habitude, ils s'activaient pendant une petite heure, paniqués et anxieux, attendant un indice, avant que les premiers ne craquent sous la pression. L'ignorance : voilà ce qu'ils devaient combattre. Ce à quoi ils devaient tous se préparer. Gold se tint tranquille, au milieu de la foule grouillante, dont la panique croissait un peu plus chaque seconde. Il abaissa la visière de sa casquette, tâchant de camoufler son expression et aussi son activité d'espion. Il ne désirait pas être repéré et lynché par une foule en furie, dont la force se trouvait exacerbée par l'enfermement.

Les recrues tremblaient de terreur, lançaient des regards éperdus autour d'eux, parfois criaient, s'activaient frénétiquement, nerveusement, inutilement. Dans la masse qui grommelait, se mouvait autour de lui, il ne constatait rien. Personne ici n'avait les tripes pour faire partie de la résistance.

Ils n'étaient que des enfants sans histoire, dont le plus gros drame de leur vie était certainement le divorce de leurs parents. Ils ne savaient pas réagir en état de crise, en groupe, sans leurs Pokémons. Ils ignoraient qui ils combattaient, et même comment se débattre pour simplement survivre. Ils n'étaient pas soldats, n'avaient jamais vu de vie s'éteindre devant eux et leurs bêtises n'avaient jamais conduit à autre chose qu'une légère remontrance de leur parent, au pire en public.

Ils étaient naïfs.

A une époque, lui aussi, se rendit-il compte, avait été aussi insouciant. Il y avait bien longtemps maintenant...

Il se déplaça lentement, recula, pour se fondre un peu plus dans l'ombre, son esprit déjà absent. Intuitivement son regard coula en direction du gamin blond et de sa compagne brunette habillée en cuir, qui avaient déjà attiré son attention tout à l'heure. Ceux dont il avait reçu une description sur son appareil. Ceux que Gabriel voulait qu'il tienne à l'œil. Une part de lui se montrait curieux, quelle réaction allait être la leur ?

Il les découvrit simplement, assis, au même endroit qu'il les avait laissé. Assis en tailleur, ils discutaillaient, le blondinet affichait un sourire niais, pas du tout angoissé, et la brunette paraissait plus lassée qu'angoissée.

Gold arqua un sourcil, et ne pouvant plus entendre ce qu'ils disaient à cause de la panique montante tout autour d'eux, il tenta une approche discrète. Il ne fut pas le seul à avoir cette idée, il se fit bousculer et dépasser par une brunette coiffée d'une casquette rose et blanche.

Un gamin un peu plus jeune que l'autre, portant lui une casquette rouge et blanche, la suivait, et quand il passa près de Gold il s'inclina rapidement.

-Désolé, elle est un peu brute.

Avant de la rejoindre. Tous les deux pas du tout stressés par l'enfermement. Ils n'eurent pas non plus le moindre culot, et s'installèrent à côté du blond et de la rebelle comme s'ils les connaissaient depuis des lustres.

Une fois la surprise retombée, Gold ne put retenir un rictus.

Finalement il y avait peut-être quelques recrues envisageables. Il décida de tenter exactement la même approche que les deux autres. Il s'assit sans retenu dans le cercle. La rebelle grommela peu ravie :

-Putain mais qu'est-ce que j'ai fait pour tous les attirer là ?!
-C'est parce que tu es magnifique. Tu sembles comme émettre une aura qui attire irrémédiablement l'attention vers toi.

Etonnement ces mots-là, sortis de la bouche du blondinet, et ce, même si ce dernier les prononçait en souriant, n'avaient pas du tout l'air de compliment.

-Comme une pute quoi ! Ajouta-t-il d'ailleurs pour confirmer les idées de Gold.

La rebelle eut un ricanement étrange, pas vraiment choqué par l'insulte, juste amusée.
Encore plus inquiétant en un sens. L'angelot aux paroles horribles rigola en concert avec elle, et bientôt se furent deux rires qui s'entremêlèrent, allégeant l'ambiance...Jusqu'à ce la rebelle foute un coup de pied au blond en plein estomac. L'angelot continua de rigoler par terre, en se tenant ses côtes blessées.

Gold commença à se demander si le duo n'était pas juste timbré. Peut-être qu'il s'agissait de malades mentaux en fuite et que c'était la raison pour laquelle Gabriel l'avait mis en garde.

-Vous êtes ceux les plus à l'aise ici. Lança simplement la brune à la casquette rose en guise d'explications sur sa présence. Et après le spectacle de la seconde précédente, nul doute qu'elle avait raison : ces deux là prenaient leurs aises, pas du tout inquiétés.

Gold remarqua les deux yeux bleus de la fille à la casquette rose, quelconques mais étonnamment brûlant de détermination.

-Vous avez un plan pour être aussi calmes ?

Cette fois c'était la question de l'autre garçon, il ressemblait beaucoup à la jeune fille, même s'il émanait de lui une certaine quiétude, inexistante chez l'autre. Son regard brun ne montrait aucune peur, mais il ne s'illuminait pas de joie ou ne brillait pas de volonté non plus.

-Un plan ? Ouais, j'en ai un. Relança la rebelle, en croisant les bras.

Ah ? Tous se penchèrent vers elle.

-Je vais tuer le blondinet qui m'a foutue dans une telle merde. Affirma-t-elle, avant de choper son compagnon par les cheveux et de le plaquer face contre terre.

Le pire ; c'est que le blondinet ricana mollement suite à ce geste. D'ailleurs il leur lança à tous un regard tout en ricanant, comme si sa position était bien plus enviable que la leur. Il manquait une case au gamin de toute évidence.

...D'ailleurs pourquoi il le traitait de gamin, il devait avoir dans les 20 ans ?! Gold, perplexe, observa encore le blondinet, et ne put que constater l'aura enfantine qui émanait de lui...très rapidement car la motarde lui enfonça un peu plus la tête contre le ciment en grognant :

-Mais arrête de rigoler !
-Hum...Moi c'est Ludwig !

Le garçon à la casquette venait de lancer-ça à la va-vite, comme pour mettre fin au tourment du blond. Il avait d'ailleurs les mains levées comme en signe de reddition avant même que la bataille ne commence. Il est du genre à accepter les compromis pour éviter les conflits, songea dans un premier temps Gold.

Pas le genre qu'il leur fallait.

-E-Et vous c'est comment ? Ajouta le recalé d'office, après le bide qu'il venait de produire.
-Fang.
-Antonin !

De nouveau la dénommée Fang enfonça la tête du blondinet dans le béton.

-Tu m'en veux, mais avoue que tu regrettes de pas avoir balancé un faux prénom toi aussi ! Ricana le brutalisé, toujours aussi enjoué.

...D'accord.

-Lui c'est Sho, d'après ce qu'il m'a dit.
-Sho pour toi, Antonin pour le mec à la casquette, Vincent pour celle en rose, et pour l'autre silencieux se sera William. Mais vous pouvez m'appeler « Hey toi ! ».

C'était pas possible un type aussi peu sérieux...Gold supposait qu'il se croyait drôle.

-Hum. Elle c'est Hilda. Ma sœur... ! Envoya Toya, qui de toute évidence faisait de son mieux pour que l'ambiance se tasse. Gentille attention, mais échec cuisant.

Gold se rembrunit néanmoins. Si on lui avait laissé le choix, jamais il n'aurait autorisé des familles entières à entrer dans la résistance. Les chances de les voir s'entredéchirer, se séparer dans le sang était bien trop grand. La perte et la douleur bien trop insupportables.

Finalement il remarqua que tous l'observaient, et il sursauta. On attendait sa présentation. Il ne risquait rien à donner le sien, il était censé être mort depuis des années et n'était guère célèbre dans la résistance.

-Erm...Moi c'est Gold.

Silence. Peut-être que son prénom ne convenait pas à leurs gouts...En tout cas le regard du blondinet toujours souriant, lui fila des frissons sans qu'il ne parvienne à savoir pourquoi. Fang se détacha enfin de sa victime pour pointer du doigt les frangins. Elle commença par la fille.

-Toi tu as le prénom d'un personnage d'un super yaoi !

Puis elle sourit et regarda Ludwig.

-Et toi tu as le prénom du prince dans les contes de fées d'une auteur gothique. Le gay.

Ludwig fit une drôle de tête à cette annonce, mais il n'osa pas proférer la moindre remarque. Gold lui tressaillit. Aie, une Yaoiste. C'était dangereux.

-Bon analysons la situation.

Ludwig semblait s'être attribué le rôle de chef de projet, et contrairement à ce qu'aurait pensé Gold : il se débrouillait bien. Il ne se laissait pas déstabiliser par les âneries des autres, un bon point pour lui.

-Woooh, comment il se prend pour le chef. Commenta vaguement la rebelle nommée Fang.
-Et je dois subir ça tous les jours moi. Ajouta Hilda dans un soupir.

Les deux filles échangèrent une drôle d'œillade, presque complice.

-Moi ! Moi j'peux analyser la situation ! Moi j'peux !

Sho avait beau lever la main et la secouer de toutes ses forces, Ludwig ne lui accorda pas la parole, et Gold en fut reconnaissant, car il trouvait le blond assez dérangeant.

-Ce test semble plus complexe qu'on ne le prévoyait. Marmonna –t-il, en pleine réflexion.
-Moi je ne prévoyais rien ! Contesta sa sœur. – Puis, il n'est pas si dur que ça, il suffit juste de trouver un moyen de sortir.
-Tu peux réfléchir des fois avant de parler ?
-Ouais, Sho, écoute les conseils du type, réfléchis toi aussi avant de parler.

Hilda et Sho gonflèrent leurs joues, avec synchronisme, vexés tous les deux.

Ludwig lui croisa les bras une seconde puis observa les lieux où la foule de recrues continuait de paniquer, il secoua la tête.

-Ce test doit être avant tout une épreuve psychologique.

Gold sourit. Bingo.

-Comment ça ? Envoya sa sœur.
-Réfléchissez un peu, nous sommes plongés dans le noir, jusqu'à il y a quelques minutes nous étions inconscients. Nos pokémons nous ont été pris. La résistance nous montre à quel point elle dispose de nous comme elle le désire. C'est une gigantesque épée de Damoclès. Ensuite, elle nous a laissé là, tous ensemble, sans indice. Le meilleur moyen pour créer un mouvement de panique, parmi nous, et donc pour certains d'avoir des actions incompréhensibles.

Gold hocha gravement du chef. Ce gamin était fort en déduction.

- On ne sait pas pour combien de temps ils comptent nous laisser là, ni depuis combien de temps nous avons été inconscient. Nous avons donc le problème des vivres, et surtout de l'eau qui se pose. En aurons-nous besoin ? Surtout que nous ne savons pas où nous sommes ! Dans un bunker ? Sous terre ? Comment trouver de quoi survivre ici ? Si encore nous avions nos pokémons, mais ils ont été pris, aucun moyen de se repérer, on ne peut compter que sur nos forces personnelles pour le moment. Sans aucune certitude que nos pokémons nous soient restitués comme promis.

Sa sœur et la rebelle tiquèrent devant cette éventualité, mais pas le blondinet. Pour la première fois, Gold entrevit de l'inquiétude dans leurs regards. Son cœur se serra dans sa poitrine : il ne connaissait que trop bien la peur qui montait par vague dans ces moments là. Ne pas savoir comment se portait son pokémon, dans quel état il se trouvait, s'il était blessé ou pire, appelait à l'aide. Cette incertitude faisait également parti du test. Heureusement, l'espion savait que chaque créature était bien traité et à l'abri, mais cela ne l'empêchait pas d'avoir la nausée en imaginant ce que devaient traverser les dresseurs.

Les pokémons qu'ils élevaient, qu'ils aimaient, leur avait été arraché. Si jamais il leur arrivait quoi que ce soit, jamais ils ne se le pardonneraient. Gold ne s'était jamais pardonné lui, d'avoir manqué à ses responsabilités de dresseur.

- Et puis surtout...Continua le futur sherlock Holmes, ne laissant rien paraitre. - ils disent qu'il y a une sortie, mais...

Ludwig fronça les sourcils.

-Ils peuvent mentir.

Gold grimaça. Ah non, là par contre, ils n'étaient pas si cruels. Il y en avait bien une.

-Je ne pense pas qu'ils mentent. Quels intérêts auraient-ils à nous enfermer ici ? Ils ne feraient que nous pousser à nous entretuer, et la résistance ne doit pas avoir besoin de ce genre de réputation sanglante.

C'était Sho, le blondinet qui venait de parler, et de tomber dans le mille. Ludwig se tût, comme pour soupeser l'hypothèse.

-Peut-être bien...Mais Pas forcément...Peut-être aussi qu'il y a un espion dans la foule qui sélectionnent ceux ayant un comportement...
-RAAAH ! Tu m'énerves avec tes déductions flippantes ! On a juste à trouver la sortie et c'est réglé ! Voilà c'est tout !

Hilda se redressa, l'air visiblement perturbée par ce déluge d'informations : elle ne devait pas être du genre à réfléchir trop longtemps. Un point en moins pour elle, car si gold avait été de ce genre à son âge, il en avait payé le prix et apprit le coût de cette erreur.

-Je vais inspecter les murs ! Vous vous...

Elle marqua une pause.

-Vous trouvez un moyen pour le faire sauter si jamais mon super kick ne marche pas !

Et elle s'en alla longer les parois de leur « prison ». Gold ricana : un super kick ? Comme si la force de ses jambes pouvaient perforer le béton, elle était bien idéaliste cette gamine. Ludwig devait penser de même sur sa sœur, car il soupira, et décroisa les bras.

-Bon, il faut trouver un moyen...Vous avez quoi dans vos sacs vous ?

Mais la rebelle se méfia, et serra un peu plus son sac contre elle, plissant des yeux avec méfiance.

-Genre je vais te le dire, pour que tu profites de la confusion pour me chourer mes affaires !
-Moi j'ai des vêtements, une bouteille d'eau, heu, j'ai aussi mes rollers, une carte...Oh, j'ai un briquet et des cigarettes, mon argent et...
-Sho ! Siffla Fang à l'encontre de son coéquipier.
-Quoi ? S'il nous vole nos affaires on connait son visage on aura qu'à le massacrer après !

L'argument sembla fonctionner car Fang ouvrit la fermeture éclair de son sac en bougonnant. Ludwig quant à lui, jeta un regard soupçonneux à Gold.

-Je n'avais pas de sac, je ne pensais pas en avoir besoin. Déclara-t-il en haussant des épaules.

De toute évidence son mensonge n'éveilla aucune suspicion puisque le garçon à la casquette se détourna pour étaler ses propres affaires par terre. Mais il n'y avait rien d'intéressant, peut-être un couteau suisse qui trainait, mais à part ça, rien qu'une tente, de quoi faire la cuisine, l'attirail pour campeur habituel.

-Moi j'ai un Mp3...Et j'ai...Ah, j'ai une bombe de laque. Déclara soudain Fang.

Elle retint sa respiration et son regard d'un bleu électrisant s'illumina.

-ON VA FAIRE UNE BOMBE ! S'écria-t-elle avec enthousiasme de concert avec Sho.
-OH OUI UNE BOMBE ! S'enchanta le blondinet bien après elle, en sautillant.

Et ça, ni Gold, ni la résistance ne l'avait prévu.