Les Ombres de l'Histoire - 3/4
Doucement, le luxray colla sa tête contre le petit porte-bonheur pour le calmer.
-Qu'est-ce qui est horrible ? Qu'est-ce que tu as vu ?
-Dedans... Des sta... sta... tues...
Altaïr se concentra pour détecter d'autres présences, mais il ne sentit que celle de ses deux compagnons. D'un autre côté, la pierre était si épaisse qu'elle faisait comme un écran noir qui l'empêchait de percevoir tout ce qui se trouvait derrière.
CorLéonis se tourna vers le mur. Ses yeux se mirent à briller. Puis il s'éloigna, se ré-avança... avant de déclarer :
-Hm, j'ai du mal à voir à travers le mur. Il est trop épais, et la fenêtre est trop haute, si je recule, je suis trop loin pour voir à travers... Mais il y a d'étranges formes derrières. Il faut qu'on trouve un moyen d'entrer !
Ce qui scandalisa l'absol :
-Quoi ? Alors qu'il y a un truc affreux qui a même réussi à faire peur à Lesath ? Allons-nous en oui !
Calmement le vieux lion répondit :
-Il dit qu'il a vu des statues. Ça n'est pas dangereux des statues. Tu n'es pas curieux de savoir ce qui ferait si peur à Lesath ?
-Je ne veux pas me retrouver truffe à truffe avec un machin horrible !
-Lesath n'a peut-être pas la même conception que nous de l'horreur.
-Ha ! Dans un château hanté ?
CorLéonis tenta un autre argument.
-Ce serait dommage de faire demi-tour maintenant. On aurait fait tout ce chemin pour rien ?
Lesath se mit de la partie :
-Mais c'était trop horrible !
Avec malice le vieux lion renchérit :
-Et tu n'as pas envie de ré-affronter cette vision d'horreur avec tes amis pour qu'elle te paraisse moins terrifiante et que tu n'en fasses pas des cauchemars plus tard ? Tu imagines si on rentre maintenant, tu seras le seul avec cette vision dans la tête, le seul à avoir peur de ce que tu auras vu et les autres qui ne pourront pas te comprendre ?
Hésitant, le togetic demanda :
-Tu... tu crois ?
Sourd aux protestations de l'absol, le luxray acheva de le persuader avec l'argument ultime :
-Et puis, dans les histoires, les héros affrontent le danger, aussi terrifiant soit-il. Ils ne reculent devant rien et n'abandonnent jamais...
Lesath sembla cogiter un moment sur cette dernière affirmation. Lentement, il sembla se calmer, reprendre de l'assurance, et lentement un sourire s'épanouit sur sa figure.
-C'est vrai ! On est pas des froussards ! Et puis il ne peut rien arriver puisque Altaïr est là !
-QUOI !?
-Et on a pas encore vu le dragon à trois tête ! Allons-y !
-Non mais je rêve ! C'est une blague !
-Il faut trouver l'entrée de derrière !
-Quelle entrée de derrière !?
Semblant enfin remarquer que le pokémon porte-malheur lui répondait, le porte-bonheur affirma :
-Ben, dans un château, y a toujours plein d'entrées, des passages secrets... et la porte des cuisines ! Alors comme les passages secrets, ça va être dur de les trouver parce que ben... ils sont secrets, on peut aller voir la porte des cuisines.
Et ainsi fut fait. Ils longèrent l'épais mur aux teintes surnaturelles. Ils finirent par tomber sur une petite porte en bois épais, clouté, mais pourri, qui branlait sur ses gonds. Celle-ci n'offrit aucune résistance lorsque CorLéonis s'appuya dessus.
Lentement, le morceau de bois s'ouvrit dans un long, très long, trop long grincement sinistre. La première chose qui frappait dans cette cuisine, c'était l'odeur. Une odeur lourde, d'intérieur fermé pendant des siècles à prendre la poussière. On aurait presque dit qu'elle avait développé sa propre personnalité. Dès que la porte fut entrebâillée, elle leur sauta aux narines comme un fauve affamé sur sa proie.
*** ***
Lentement, les trois compagnons s'avancèrent prudemment et jetèrent un coup d'œil, au cas où une vision d'horreur leur sauterait sur la vue. La poussière avait tout envahi, et formait comme un tapis sur le sol et les meubles. Dans le mur gauche s'ouvrait l'immense âtre d'une cheminée, telle l'immense gueule d'un démon affamé endormi. Mais le plus dérangeant, c'est que tous les ustensiles étaient sortis, il y avait de vielles assiettes et gobelets en bois sur l'immense table lourde, une marmite d'où dépassait une louche en bois pendait sur l'âtre telle la glotte de la gueule du démon, d'une batterie de casseroles en cuivre ternies pendaient sur un mur, certaines s'étaient détachées et gisaient par terre. Sur un immense comptoir on devinait sous l'épaisse couche grise la forme d'ustensiles. Un monticule infâme de trucs indéfinissable stagnait dans un évier en pierre. Ce qui dérangea le plus l'absol, ce fut l'assortiment de couteaux et de hachoirs en cuivre qui pendait au mur à un râtelier miniature. L'absol était à peu près sûr que les tâches sombres sur les lames n'étaient pas dues à la rouille, et il n'aimait pas ça.
Et pire que tout, il y avait le silence, remplis de souvenirs de sons, des ustensiles s'entrechoquant, du ronronnement des marmites sur le feu, des cris des chefs sur les commis, tous ces sons suggérés mais tus, toute une agitation qui n'était plus que du vide.
L'absol n'aimait pas ça du tout.
Quelques marches dans un coin permettaient d'accéder à une porte toute aussi vieille et miteuse que la précédente. CorLéonis prit un peu d'élan et l'enfonça sans problème. Les trois compagnons se retrouvèrent face à un couloir sombre, éclairé seulement par la faible lumière qui provenait de hautes fenêtres sur leur gauche, entrecoupé parfois de flashs parce qu'il en fallait fatalement dans ce genre de décor. Sur leur droite, on y trouvait trois portes en bois, qui gisaient entrouvertes.
Prudemment, le trio s'avança dans le couloirs. Joyeusement, Lesath demanda :
-Vous croyez qu'il y aura des pièges ?
Altaïr soupira.
-J'espère que non. C'est un château, pas un temple ancien à la Massachusetts Jones !
La première porte ouverte sur la droite révéla une salle immense remplie de tables longues et de chaises aussi poussiéreuses que l'avait été la cuisine, encombrées de couverts dans un état tout aussi pitoyable, de pièce d'armures posée là, tels des casques troués et ce qui avait dû être des gantelets, et même ce qui avait dû être des jeux de cartes, et qui n'étaient plus qu'un malheureux tas de confettis en carton. Sur le mur d'en face, on y voyait de grande fenêtres au travers desquelles les visiteurs virent la forêt sinistre et des éclairs. De grosses gouttes se mirent à s'écraser sur les carreaux accompagné par un roulement de tonnerre des plus dramatiques.
Sur les autres murs et entre les fenêtres, l'absol pouvait voir d'étranges meubles qui semblaient servir de présentoir à des armes rouillées, brisées, et pourries depuis longtemps. Il put distinguer des restes de haches, de lances, d'épée et d'autres trucs avec des pointes et des tranchants. CorLéonis le tira de la contemplation des râteliers.
-On dirait un ancien réfectoire. Il n'y a rien ici...
Et c'était bien le problème. La salle suggérait une activité, des humains en armures qui dînaient, buvaient, parlaient, riaient, astiquaient leurs armes, jouaient au cartes, vivaient. Tout ça avait disparu, et il ne restait plus que du vide, silencieux. Encore une fois, l'absol réprima un frisson puis retourna dans le couloir, suivi par ses deux compagnons. Quelque chose troublait l'absol. Quelque chose de pire que le vide.
Il y avait des armes et des armures. Des couverts. Des tables des chaises...
Il n'y avait pas de pokéballs. Elle n'existaient sûrement pas à l'époque, mais il n'y avait pas d'armure pour pokémon. Il en avait déjà vu une fois dans un livre d'Histoire avec un H majuscule que Lesath avait dégoté. Pas de gamelle posée sur le sol. Il n'y avait que des traces d'activités humaines.
La deuxième porte du couloir s'avéra être une autre entrée dans la salle de réfectoire.
La troisième porte se révéla être un bureau. Un grand bureau avec un tapis élimé jusqu'à la trame et qui était plus composé de poussière que de tissu, un grand bureau et un fauteuil. Sur les murs des meubles avec des objets en métal doré et terni ou rouillés. Cette pièce avait dû être le bureau du capitaine des gardes, une pièce luxueuse. Les trois pokémon voulurent l'examiner, mais ils découvrirent quelque chose qui leur glaça le sang.
Sur le mur à leur droite, il y avait deux trophées. Deux... têtes, clouées sur un rond de bois.
Mais ce qu'il y avait d'horrible, de plus horribles que cette vision de têtes clouées au mur c'est qu'ils ne savaient absolument pas à quel créature elles appartenaient.
C n'étaient certainement pas des têtes humaines, car elles étaient couvertes de fourrure.
La première créature avait une tête allongée, un groin triangulaire en dessous duquel émergeaient deux défenses. Seulement il n'avait rien d'un roitiflam ou groret, dans sa forme ou dans sa couleur d'un marron sombre uni, ni même dans ses yeux jaunes bien enfoncé dans son crâne, ou dans ses grandes oreilles pointues mais couvertes de poils longs.
La seconde avait une tête un peu aplatie, un museau allongé, une grosse truffe et une fourrure blanche et noire qui formaient des bandes qui courraient du bout du museau jusqu'à la base du crâne. Ses oreilles étaient rondes et minuscules.
Altaïr ne connaissait aucun pokémon qui ressemblait à ça. Lesath balbutia :
-C'est... c'est comme les statues... C'est horrible !
-Je... Je n'ai jamais vu de pokémon qui ressemble à ça... Ni même entendu parler...
Altaïr était plus indigné que terrifié.
-Comment des humains ont pu faire ça à des pokémons ! Quelles créatures immondes !
Ils contemplèrent cette vision d'horreur un certains temps, mais furent tirés de leur état de stupeur par un rugissement venu des profondeurs obscures et inquiétantes de ce château. Le trio sursauta, les trois compagnons se serrèrent, prêt à faire face à toute attaque... qui n'arriva pas. Seul un peu de poussière se décrocha du plafond pour tomber par terre dans un silence parfait.
Altaïr était en alerte, mais sa corne ne ressentait rien. Aucune vibration, aucun signe de vie. Comme s'ils étaient seuls dans ce bâtiment. CorLéonis suggéra d'une petite voix :
-On devrait peut-être continuer ?
-On pourrait peut-être faire demi-tour, avant de se faire dévorer ?
Il lança un regard effrayé aux têtes sur le mur. Il le savait, il ferait des cauchemars pendant longtemps.
-Ou pire...
Il leur fallut un moment pour se décider. Le rugissement semblait encore résonner dans le château aux échos silencieux. Lesath fut le premier à reprendre du poil de la bête.
-C'était peut-être que le tonnerre, hein ? On va voir les statues ?
Redoublant encore de prudence, les trois aventuriers revinrent dans le couloir. Dehors, la pluie avait redoublé de violence, et les fenêtres semblaient trembler comme secouées par des centaines de mains invisibles. Le vent s'engouffrait dans quelque chose d'étroit qui le faisait résonner et emplissait les lieux d'une plainte sinistre et fantomatique. Altaïr aurait vraiment préféré avoir à affronter une armée de spectres belliqueux. Il supportait de moins en moins le vide ambiant.
*** ***
Ils arrivèrent assez vite au bout du couloir, ou une porte semblable aux précédentes pendait sur ses gond. Comme ses sœurs, elle grinça lorsque CorLéonis s'appuya dessus pour l'ouvrir.
Ils entrèrent alors dans une salle immense : le hall du château. Altaïr aperçut sans y faire attention la lourde porte massif et blindée de l'entrée. Un escalier double permettait d'accéder à l'étage, où il y avait une grande double porte qui faisait face à l'entrée, et une balustrade qui courait le longe de la pièce et permettait d'accéder aux parties supérieures des ailes du château. Mais Altaïr s'en fichait. Il n'avait d'yeux que pour les statues. Il y en avait des centaines. Certaines étaient immenses, d'autres minuscules. Presque toutes avaient de la peinture qui s'était en très grande partie écaillée avec le temps. Elles représentaient toute sorte de pokémons, mais aucune ne semblait représenter une espère qu'Altaïr connaissait. Bouche bée, il s'avança parmi elles, essayant de reconnaître une espèce ou une autre de pokémon. Il sentit à peine Lesath qui s'était collé cotre sa fourrure en tremblant et l'entendit à peine murmurer :
-Les voilà. Les statues elles sont terrifiantes !
Il en repéra une minuscule. Elle ressemblait à une multitude de volcaropod, mais aucun ne semblait dégouliner de lave. Elles semblaient juste en avoir la forme, bien nette et définie, même si aucune ne ressemblait à une autre. Et toutes étaient minuscules.
Il s'approcha d'une autre statue. Elle ressemblait vaguement à un grahyena, en avait a peu près la taille, mais la forme du museau était différente. Tous les poils étaient courts et de forme unis. Les griffes étaient plus petites. La queue était tombante. Les yeux étaient jaunes, cerclés de noir.
Altaïr se rendit compte que quelque chose était écrit sur le socle. « CANIS LVPVS LVPUS».
Il tenta de lire, mais il n'avait jamais été doué avec les lettres.
-Lesath regarde, y a un truc marqué. Tu peux me lire ?
Le togetic releva la tête de la fourrure de son ami, et traduisit les symboles :
-Canis lupus lupus.
-Qu'est-ce que ça veut dire ?
-Aucune idée.
-Tu crois que ça pourrait être une langue ancienne ?
Le togetic se contenta de trembler un peu, puis déclara :
-Elles me font peur. Allons-nous en !
Mais Altaïr n'avait pas envie de partir. Ces statues l'intriguaient. Ces créatures représentées venaient d'un temps, où les humains accrochaient leurs têtes comme trophée. D'un temps où on parlait une autre langue. Il soupçonna ces créatures d'être des espèces éteintes. Il trouva une grande statue massive, représentant un Tauros. Sauf que la créature semblait un peu moins massive que le pokémon actuel, et n'avait qu'une seule queue. Peut-être cette espèce-ci avait elle muté au lieu de disparaître...
-Lesath ? Je crois... que ces créatures sont nos ancêtres.
Intrigué, le petit pokémon releva une nouvelle fois la tête de la fourrure de son ami.
-Tu es sûr ?
-Oui. Regarde celle là !
Il lui montra le tauros à une queue.
-On dirait une sous évolution de tauros.
Le porte bonheur contempla un moment l'objet de pierre. Avant de déclarer :
-Mais le canis lupus lupus... On dirait des pokémons déformés. Comme si les humains nous avaient représentés mais en... en...modifié. Comme des chimères ou des monstres. Comme ce que font les scientifiques de la team Carna. Je n'aime pas ça Altaïr. Si c'était des créatures que... que les humains avaient créé ? Et qu'ils les avaient transformé en pierre ou quelque chose parce qu'ils ne les aimaient pas ? Allons nous-en !
-Tu crois que les humains peuvent créer des pokémons ?
-Et porygon ? Il a été créé par des scientifiques !
Altaïr dû reconnaître que la théorie du petit pokémon pouvait être juste aussi, même s'il ne voyait pas comment les humains auraient pu pétrifier des pokémons. Peut-être s'agissait-il simplement des statues de leurs créations aujourd'hui disparues.
Il réfléchit. Les pokémons les plus anciens qu'il connaissait c'était les kabutos et les ptéras et autres pokémons préhistoriques. Mais il n'en voyait aucun ici. Peut-être Lesath avait raison, ces pokémon en statues n'étaient que des fictions, issues de l'imagination humaine et de la pierre ? Mais dans ce cas, d'où venaient les têtes dans le bureau ? Ces créations avaient-elles pu voir le jour par le passé ?
Peut-être pouvait-il pour une fois demander son avis au vieux luxray ?
-CorLéonis ?
Il n'y eu aucune réponse du lion bleu. Altaïr cru un instant que le pokémon électrique avait été enlevé ou avait disparu pendant qu'il contemplait les statues et oubliait dans quel endroit ils se trouvaient. Mais sa corne l'informa que le luxray se trouvait un peu plus loin. Il était monté à l'étage et contemplait une statue contre un mur. Elle représentait deux créatures à quatre pattes ayant la taille et la forme approximative d'un luxray. La peinture écaillée était de couleur sable. L'un avait une immense crinière, l'autre pas. Sur le socle, Altaïr parvint, avec moult efforts et concentration à déchiffrer « PANTHERA LEO ». Gravement, et sans détacher son regard de la statue de lion, CorLéonis demanda :
-Dis p'tite truffe... A ton avis, que sont ces créatures ?
-Hm. Je pensais que ce pouvait être d'anciennes espèces de pokémons, mais Lesath pense que ce sont des créatures issues d'expériences scientifiques ou de l'imagination des humains.
-Je me demandais aussi...
-J'ai regardé. Il n'y a pas de pokémons fossiles.
-Elles sont peut-êtres moins anciennes... Ou peut-être qu'elles sont juste disparu, on trouve encore des relicanths et certaines espèces fossiles, c'est pour ça qu'ils n'y sont pas ? Mais peut-être que Lesath a raison... Tu imagines, si celui-ci était mon ancêtre ?
Altaïr regarda encore la statue, puis le vieux pokémon. La ressemblance était frappante, mais leurs différences également. Il ne répondit pas. Il n'y avait rien à répondre.