Back to december - Taylor SwiftCe bonus se déroule de façon concomitante avec le chapitre 160.Cassy était assise sur une chaise branlante, les avant-bras calés sur le dossier et la tête posée dessus, alors qu'elle contemplait mélancoliquement le jardin du laboratoire par-delà la fenêtre ouverte.
Le soleil de printemps caressait sa peau satinée de ses doux rayons et l'odeur de l'herbe encore humide de rosée lui chatouillait les narines. Tout ceci était son univers. Elle aurait dû être heureuse, pourtant ce matin-là, elle s'était réveillée avec le coeur lourd.
Elle observait deux Goupix, qui se poursuivaient l'un l'autre en tentant de se mordre leur pelage flamboyant. Ils avaient l'air de bien s'amuser, à la fois complices et insouciants. Ils formaient un couple parfait.
Elle se mordit la lèvre. Elle aurait tort de se plaindre : sa vie au Bourg-Palette était parfaite. Régis était adorable, ils passaient tout le temps libre ensemble et elle était désormais libérée de la menace que représentait la Team Galaxie. Les choses n'auraient pas pu aller mieux.
Depuis quelques jours, pourtant, une nostalgie nouvelle s'emparait d'elle. Elle se sentait seule, terriblement seule. Evidemment, elle l'avait cherchée en coupant les ponts avec toutes ses camarades de la Confrérie, mais ce n'était pas exactement à cela qu'elle songeait pour résoudre son problème.
Régis avait beau être son ami le plus cher, il ne réussissait pas à combler le vide qui naissait en elle. De temps en temps, elle osait espérer que Sven la retrouverait, mais la cherchait-il seulement ? Elle ne l'avait pas revu depuis que l'une des Gijinkas de Lilith l'avait emporté loin du combat qui faisait rage aux Colonnes Lances à ce moment-là.
De surcroît, quand elle sentait la peine étreindre les tréfonds de son âme, ce n'était pas à lui qu'elle pensait en premier, mais à Sylvain. Elle avait beau tenté de le chasser de son esprit, il revenait toujours, et à chaque fois plus puissamment.
Elle songeait sans cesse aux précieux instants qu'ils avaient partagé à l'Arène d'Ebénelle. Une partie d'elle-même savait qu'elle avait fini par en tomber amoureuse, bien que ses sentiments aient mis du temps à se manifester. Tout ceci, bien sûr, était antérieur à la nouvelle qui les avait tous deux chamboulés, autrement dit celle qui concernait leur lien de parenté.
***- N'aies pas peur, je te tiens !
- Tu es vraiment sûr de toi ?
Cassy était debout, perchée sur un petit tabouret qui lui-même était installé en équilibre précaire sur une chaise. Sylvain s'efforçait de maintenir la pyramide en place, tout en s'assurant qu'elle ne risquerait pas de tomber.
A maintes reprises, ils avaient quémandé à Sandra un escabeau pour la bibliothèque, mais l'information sortait aussi vite de son esprit qu'elle n'y était entrée. Ils devaient donc s'arranger comme ils le pouvaient afin d'atteindre les étagères les plus élevées.
- Tu l'as ? interrogea le Topdresseur.
- Non ! Pas étonnant qu'elle n'ait pas besoin d'échelle, personne ne doit jamais faire la poussière ici. Il y en a une couche trop épaisse qui m'empêche de lire les titres.
Elle tira un ouvrage épais de sa tablette, ce qui fit voler un nuage blanchâtre autour de son visage. Elle dut renoncer à se tenir au montant de la bibliothèque pour contenir l'éternuement qui lui chatouillait les narines. Cela ne suffit pas et, propulsée vers l'arrière par son propre souffle, elle bascula de sa pile de siège pour retomber sur Sylvain.
Lui-même s'effondra contre la table d'étude déjà remplie de livres et ceux-ci tombèrent en cascade sur lui, au point de l'ensevelir à moitié. Il poussa des petits gémissements de douleur lorsque les coins leur heurtèrent.
Cassy se redressa, affalée sur les jambes tendues du garçon. Comme ses fesses avaient heurtées le plancher après avoir fait une chute d'un bon mètre, elles la faisaient passablement souffrir. A n'en pas douter, elle se réveillerait avec des courbatures le lendemain matin.
- Tout va bien ? demanda-t-elle en se mettant debout.
Sylvain retira l'encyclopédie ouverte qui tenait en équilibre sur son crâne avant d'acquiescer d'un hochement de tête. Ils s'observèrent un instant puis, ne résistant plus, ils éclatèrent de rire face au ridicule de la situation.
Ils s'interrompirent lorsque la porte de la bibliothèque fut poussée par une Sandra énervée. Son regard passa de Cassy à son ami, encore assis par terre, puis aux livres qui gisaient épars autour d'eux.
- Je peux savoir ce que vous fabriquez ? Qu'est-ce que c'est que tout ce chantier ? gronda-t-elle.
- C'est que... Nous voulions attraper un ouvrage sur l'étagère du haut et...
- J'en ai assez entendu ! Dépêchez-vous de me nettoyer tout cela ! Je reviens dans dix minutes et je ne veux pas voir un grain de poussière sur le sol, c'est clair ?
Les deux adolescents hochèrent la tête ne silence. Il valait mieux pour eux ne jamais contredire Sandra, encore moins lorsqu'elle était de mauvaise humeur, comme cela semblait être le cas. Dans un soupir, Sylvain affirma :
- Au moins, nous ne nous en sortons pas si mal. Elle aurait pu nous envoyer passer la nuit dans l'Antre du Dragon.
- Elle le fera sûrement si tout n'est pas rangé à son retour.
Ils affichèrent tous deux un air blasé puis, sans ajouter le moindre mot, entreprirent de réparer les dégâts qu'ils venaient de causer.***Sylvain referma dans son sillage la porte de la bibliothèque de l'Académie des Topdresseurs, où il venait de mener de longues recherches. L'examen qui devait conclure sa première année de formation en tant que futur professeur aurait lieu dans quelques semaines et il fallait qu'il soit fin prêt.
Pourquoi ses souvenirs avaient-ils choisi précisément cette période pour refaire surface ? Il avait besoin de se concentrer sur sa tâche, or il passait son temps à songer à Katharina et aux jours heureux qu'ils avaient coulés ensemble à Ebénelle, en dépit d'une Sandra pas toujours vivable.
Cette époque lui manquait. Il la regrettait sans cesse, mais il ne pouvait revenir en arrière. On lui avait appris à toujours dire la vérité, or c'était elle qui avait tout gâché. Si Eric n'était pas intervenu ce soir-là, à l'Elite des Quatre, ils seraient peut-être encore ensemble. Au lieu de cela, ils s'étaient découverts non seulement cousins, mais de surcroît ennemis.
Elle lui avait pardonné leurs différents quand ils s'étaient brièvement aperçus, à Unionpolis, pourtant il savait que cela ne suffisait pas à tout effacer. Ils s'étaient battus l'un contre l'autre, lui pour le compte de la Team Galaxie, elle au sein de la Confrérie. D'ailleurs, depuis, il n'avait pas eu la moindre nouvelle d'elle, preuve qu'en dépit de ses paroles, elle lui en tenait encore rigueur.
Avant elle, il ne s'était jamais intéressé à la moindre fille. Pourquoi avait-il fallu qu'il jette son dévolu sur... elle ? Elle, la soeur de celui qu'il considérait autrefois comme son meilleur ami. Elle, l'amante de Sven Niklausson. Elle, le dragon.
Il secoua la tête. Il devait absolument se sortir Katharina dans l'esprit, sans quoi il deviendrait fou à ressasser ce bonheur éphémère qu'il avait connu à ses côtés. Elle-même l'avait sûrement oublié, remplacé. Cette idée lui était insupportable, mais elle était la plus réaliste de toute.
Sylvain rajusta la lanière de son sac, puis prit la direction de la salle de pédagogie, une matière dans laquelle il excellait. Il avait toujours aimé enseigner et c'était son objectif de pouvoir pratiquer cette vocation tous les jours. Il voulait se prouver à lui-même qu'il était digne de faire partie de l'Académie de Mauville, et non pas qu'il l'avait intégré uniquement parce qu'Hélio avait, d'une certaine façon, intercédé en sa faveur.
Il espérait simplement que le cours du jour serait aussi intéressant que tous les autres, du moins suffisamment pour éloigner un instant durant ses pensées de la jolie Katharina Galaksija.
***- Allez, du nerf ! A ton âge, j'en portais le double !
Cassy haletait bruyamment en portant des seaux remplis d'eau à ras-bord à bout de bras, tout en traversant de long en large la salle de combat de l'Arène d'Ebénelle. Son teint avait rougi sous l'effort, les veines de ses bras saillaient, bleuâtres, et une douleur de grimace tordait sa bouche.
Sandra, assise dans les gradins où elle picorait des nouilles dans un emballage cartonnée à l'aide de baguette, l'observait. Elle mâchait fermement à chaque soupir de fatigue de la jeune fille et la réprimandait lorsqu'elle paraissait faiblir.
Sylvain était installé au premier rang, mais un peu à l'écart du centre. Il admirait le courage dont elle faisait preuve en luttant contre l'épuisement et la souffrance. Il aurait craqué depuis longtemps s'il s'était retrouvé à sa place, or elle résistait depuis plus d'une bonne dizaine de minutes.
L'état de ses muscles finit par avoir raison de sa volonté. Elle s'effondra sur le côté, tomba sur l'un des récipients métalliques qui se renversa sous son poids tandis que le deuxième déversait son contenu glacé sur elle, la trempant quasiment de la tête au pied. Elle crachota aussitôt l'eau qui avait pénétré dans sa bouche.
- Je me sens d'humeur généreuse, aujourd'hui, alors je me contenterai de dire que c'est médiocre plutôt que mauvais.
Ce fut l'unique phrase que Sandra prononça avant de quitter la salle. Sylvain attendit que la porte se soit refermée dans son sillage pour se précipiter auprès de Cassy. La Championne était vraiment très dure avec elle. Elle lui infligeait toutes les tortures possibles et inimaginables qui lui passaient par la tête.
La dresseuse, elle, avait cessé de se plaindre depuis longtemps. Les progrès qu'elle faisait, dans tous les domaines quels qu'ils soient, prouvaient à eux seuls que Sandra agissait pour son bien, même si ses méthodes d'éducation étaient peu louables.
- Tout va bien ? s'enquit Sylvain, agenouillé à côté de son amie.
Elle se redressa péniblement, les muscles endoloris. Ses bras lui faisaient si mal qu'elle avait l'impression de les sentir irradier de l'intérieur. Quant aux paumes de ses mains, les anses des seaux les avaient sévèrement brûlés. Sa chair était à vif aux endroits où le métal l'avait frottée.
- On devrait te bander cela, affirma-t-il après avoir remarqué ses blessures. Tu risques d'attraper une infection, sinon.
Depuis qu'elle se trouvait à l'Arène, Cassy apprenait à devenir dure au mal, pourtant elle accepta sans rechigner que Sylvain la raccompagne jusqu'à ses appartements, où il pourrait la soigner.
Dans la salle de bain exiguë, il désinfecta ses plaies à l'aide d'un produit alcoolisé, puis entoura chacune de ses mains d'une longue bande stérilisée. Il adressa ensuite un sourire encourageant à Cassy, qui le lui rendit.
- Je ne la déteste plus, tu sais, avoua-t-elle au bout d'un moment de silence. Je dirais même que c'est tout le contraire. Elle a su gagner mon respect, mon admiration et surtout ma reconnaissance. C'est vrai, ce n'est pas toujours une partie de plaisir, mais je progresse plus avec elle que je ne l'aurais fait avec n'importe qui.
- Tu n'as jamais songé à renoncer ? Après tout, tu as déjà acquis un bon niveau ici. Tu pourrais partir sur les routes ou...
- Je n'en ai pas envie. Je veux devenir la meilleure et la seule capable de faire de moi ce que je dois être, c'est Sandra.
Sylvain acquiesça d'un hochement de tête. La relation qui les liait l'une à l'autre était ambiguë, d'une certaine façon, mais il pouvait la comprendre. Il voyait Cassy évoluer chaque jour au contact de la Championne. La dureté de celle-ci lui était bénéfique.
Il allait quitter la salle de bain quand, après avoir posé précipitamment la serviette avec laquelle elle s'était essuyée ses cheveux encore trempés, elle l'interpela et déclara dès qu'il fut retourné vers elle :
- De toute façon, je ne peux pas renoncer.
- Pourquoi ?
- Parce que même si j'y songeais, tu saurais toujours me convaincre de rester.***Cassy soupira lorsque, au moment de porter leurs rations quotidiennes aux pokémon du jardin, d'ordinaire sa tâche favorite, elle manqua de trébucher sur le Pikachu qui se faufila entre ses jambes.
Elle poussa un grognement mécontent alors que Sacha se dirigeait vers elle en courant à demi, la respiration rendue saccadée par l'effort. Il avait ôté sa casquette et passa une main dans ses cheveux d'un air gêné lorsqu'il s'immobilisa à sa hauteur.
- Je suis désolé, nous étions en train de nous amuser et...
- C'est bon, je n'ai rien lâché. Si cela avait été le cas, de toute façon, c'est au professeur Chen qu'il aurait fallu t'expliquer, pas à moi.
Depuis que Sacha était revenu au Bourg-Palette, désireux de prendre un repos qu'il jugeait bien mérité après sa longue succession d'échecs auprès de Ligues diverses, il passait la majorité de son temps au laboratoire.
Chaque jour, Cassy se jurait de faire des efforts pour se montrer aimable envers lui, mais à chaque fois, elle finissait toujours par songer que Sven et Marion auraient plus de chance de devenir les meilleurs amis du monde qu'elle d'être capable de supporter le petit ami de Régis.
Elle s'efforça de détourner les yeux pour lui dissimuler son expression dédaigneuse et passa devant lui sans le regarder, alors que lui l'observait avec insistance. Bien qu'il soit sot, il ne l'était tout de même pas assez pour ne pas comprendre que cette antipathie ne s'éteindrait jamais.
La jeune femme raffermit sa prise sur les anses des paniers qu'elle portait, puis pressa le pas. Prendre l'air dans le parc lui ferait le plus grand bien. Elle espérait que cela l'aiderait à dénouer le noeud de son estomac.
La présence de Sacha lui était d'autant plus insupportable qu'elle lui rappelait sa propre solitude. Régis, une fois n'était pas coutume, lui consacrait tout son temps, sans garder une seule minute pour elle. Si cela ne lui causait plus la même peine qu'autrefois, sûrement parce qu'elle avait mûri et appris à se détacher de lui, elle en éprouvait quand même un petit pincement au coeur.
L'idée de voir encore s'éloigner son meilleur ami lui posait moins de problème que celle de n'avoir plus personne à qui parler. Elle passait ses journées seules, murée dans le silence, sans la moindre parole attentionnée, sans le moindre geste tendre.
Cela ravivait dans son esprit les semaines qui avaient suivi la disparition de sa famille. En dehors de Cynthia, elle les avait passées seule. Elle avait l'impression d'être revenue à cette époque, où elle ne pouvait compter sur nul autre que sur elle-même pour se donner la motivation de se lever chaque matin.
Elle aurait pu renouer le contact avec les membres de la Confrérie, à l'exception peut-être de Marion qu'elle n'avait aucune envie de revoir, mais c'était au-dessus de ses forces. Elle avait tiré un trait sur son rôle de meneuse. Le glyphe dragon n'était plus qu'une simple marque un peu étrange sur son bras, désormais.
En fait, elle ne tenait pas à souffrir plus longtemps de cet isolement dans lequel elle s'était volontairement plongée mais, d'un autre côté, elle ne désirait pas voir quiconque. A une exception près.
Il y avait une personne qui représentait tout, à ses yeux. Comme Régis, il était un ami fidèle. Comme Eric, bien qu'il ait perdu ce titre, il était sa famille. Et comme Sven, il était un peu plus que tout cela. C'était Sylvain.
***Les grilles métalliques se baissèrent devant l'entrée officielle de l'Arène afin d'en condamner l'accès. C'était un moyen qu'avait Sandra pour indiquer son absence aux éventuels dresseurs qui voudraient la défier. En effet, elle quittait le bâtiment durant tout l'après-midi.
- C'est bon, elle est partie, affirma Sylvain, le nez à la fenêtre de la cuisine.
- Parfait, cela nous laisse le champ libre !
Cassy ne perdit pas un instant et ouvrit tous les placards pour en sortir des sacs de farine, des sachets de sucre, des ingrédients divers, des ustensiles en tout genre. Elle les déposa en pêle-mêle sur le plan de travail, puis installa un épais livre de pâtisserie face à elle.
- Pourquoi vouloir t'entraîner aujourd'hui ? Noël n'est que dans trois semaines.
- Parce que je sais qu'elle tient absolument à ce que tout soit parfait, puisque Peter sera présent.
- Cela le sera forcément. Elle veillera au grain.
- Et elle me tuera si elle découvre que je n'ai jamais fait de bûche de ma vie ! Je ne voulais pas la décevoir...
Cassy afficha une mine dépitée. Elle connaissait les bases de la cuisine, mais ce qu'elle avait promis à Sandra pour le réveillon dépasser de loin ses compétences. Elle devait s'exercer à l'avance si elle tenait à être prête le moment venu.
- Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ? interrogea Sylvain.
- Tu seras mon assistant. Tu me passeras tout ce dont j'aurai besoin et tu réaliseras les tâches ingrates.
Il n'émit aucune réaction à l'écoute de ce mot. Il s'était habitué depuis longtemps au sens de l'humour un peu cynique de Cassy et surtout, il n'aimait pas la contredire. Elle lui aurait ordonné d'aller se jeter dans le lac de l'Antre du Dragon qu'il l'aurait fait sans hésiter.
Le résultat fut un désastre. La génoise accrocha complètement au fond du plat et la dresseuse laissa fondre le chocolat tellement longtemps dans une casserole placée au-dessus du four qu'il finit par brûler. L'odeur était telle que le système anti-incendie se déclencha dans une alarme tonitruante. Une bruine fine se mit à tomber à l'intérieur même de la cuisine.
- Il faudra attendre un peu pour ta première étoile, railla Sylvain, les bras croisés, alors que Cassy observait les dégâts d'un air dépité.
Non seulement une pile de vaisselle, presque aussi haute et deux fois plus bancale que la Tour de Pise, s'entassait dans l'évier, mais à présent, le sol était également inondé. Des flaques de plusieurs centimètres d'épaisseur se formaient par endroit tandis que la sonnerie stridente continuait de leur vriller les tympans.
- Nous devons absolument nettoyer les dégâts avant que Sandra ne rentre, sinon elle nous tuera.
- Nous ? répéta le Topdresseur, les sourcils froncés.
- Même si c'était mon idée, elle ne fera pas particulièrement la différence. C'est autant dans ton intérêt que le mien qu'elle ne découvre rien.
- Je n'arrive pas à croire que je me laisse toujours entraîner dans tes plans abracadabrants. Comme si je n'avais pas retenu la leçon depuis le temps... Tu trouves toujours le moyen de nous enfoncer dans les ennuis jusqu'au cou.
- C'est pour cela que tu m'apprécies, non ? répliqua Cassy avec un clin d'oeil.
Sylvain sentit ses joues s'embraser et il se hâta de prendre la direction du couloir pour aller chercher un seau et une serpillère avant qu'elle ne le remarque. Un jour, peut-être, trouverait-il le courage de lui avouer les sentiments qu'il éprouvait à son égard. En attendant, il se contentait de lui obéir. Il savait qu'elle aimait sa docilité, et lui, il aimait lui faire plaisir.***Le Topdresseur acheva d'enfoncer les punaises sur le tableau d'affichage. Il venait d'y suspendre une grande feuille de papier format A3 aux couleurs éclatantes qui attiraient l'oeil. Personne ne pourrait la manquer. Elle était visible depuis les deux extrémités du couloir.
Ses supérieurs avaient décidé d'organiser un concours pour les dernières années et ils l'avaient chargé de s'occuper du déroulement. Sylvain n'avait pas l'habitude des responsabilités, toutefois il s'efforcerait de faire de son mieux. Il ne tenait pas à les décevoir, d'autant que cela pourrait lui rapporter quelques points supplémentaires au moment de son examen de mi-parcours.
Un mini tournoi allait être organisé à l'Académie de Mauville, où seuls les élèves âgés de plus de quinze ans pourraient s'inscrire. Il regrettait qu'une telle initiative n'ait pas été prise lorsqu'il était encore étudiant en dressage d'élite, mais il avait tout de même eu la chance de participer au programme des stages, qui l'avait conduit chez Sandra durant plusieurs mois.
Il sourit. Tout lui rappelait cette époque, en particulier la récompense du concours pour laquelle les futurs Topdresseurs allaient se battre. Il s'agissait d'un oeuf mystère, contenant un pokémon. C'était exactement le même cadeau que la Championne avait fait à Katharina lorsqu'elle avait relevé le défi de l'Antre du Dragon.
Il se souvenait bien de Draby, puisque c'était lui qui l'avait fait éclore. A l'exception de Draco, d'ailleurs, il avait élevé et éduqué l'ensemble de l'équipe de sa cousine. Même s'il ne le regrettait pas vraiment, à l'époque, il n'aurait jamais pu penser qu'elle lui servirait à se battre contre lui.
Il poussa un soupir bruyant. Katharina était une fille comme on en rencontrait peu. Il avait tenté de s'intéresser à d'autres demoiselles, mais aucune d'elles ne lui avait semblé digne de prendre sa place dans son coeur.
Il souffrait beaucoup de cette indifférence qu'elle avait toujours paru éprouver à son égard et dont il gardait le souvenir avec lui. Elle lui avait assuré qu'elle aurait sûrement pu l'aimer s'ils n'avaient pas été de la même famille, mais il était convaincu qu'elle avait tenu ces propos uniquement pour éviter de lui causer une peine trop grande.
Il s'efforçait donc de se concentrer sur ses études, sur son examen et sur le tournoi. Cela lui occupait l'esprit et comblait d'une certaine façon le vide béant que Katharina avait laissé dans son coeur. Il devait se faire une raison. Tant qu'il n'en serait pas capable, il continuerait de s'éreinter à la tâche.
***Cassy et Sylvain se promenaient dans les environs de l'Arène quand il se mit à neiger. Elle avait découvert ce climat pour la première fois au Bourg-Palette, car les températures descendaient rarement aussi bas au sud de Sinnoh, où elle avait pratiquement passé toute sa vie. Ce spectacle ne cessait de l'émerveiller.
- Bientôt, elle tiendra au sol, et nous pourrons en faire des Grodoudou.
La jeune fille ferma les yeux un instant, en s'efforçant de visualiser la scène, et elle finit par éclater de rire. Le Topdresseur à côté d'elle se renfrogna, persuadé qu'elle se moquait de lui.
- Oh non, ce n'est pas à cause de ton idée que je ris, le rassura-t-elle précipitamment. En fait, j'essayais de m'imaginer Sandra, mais l'associer à une phrase qui contient le mot "Grodoudou", je crois que c'est impossible. Un Sharpedo, peut-être, et encore.
Sylvain pouffa à son tour et Cassy passa son bras autour du sien alors qu'ils se dirigeaient vers un bosquet de sapins. Elle aimait beaucoup cette région, presque autant que le Bourg-Palette, pourtant elle savait qu'elle ne devait pas s'attacher à cet endroit. Tôt ou tard, elle devrait le quitter à son tour et elle ne voulait pas briser son propre coeur encore une fois.
Le garçon aussi lui manquerait. Elle avait noué des liens très forts avec lui. Il était devenu pour elle un second Régis. Elle appréciait sa compagnie et leurs discussions, ainsi que le réconfort qu'il lui offrait lorsqu'elle avait le mal de son meilleur ami. Comme s'il lisait dans ses pensées, Sylvain déclara de sa douce voix :
- Je ne suis pas pressé que mon stage se termine. Je me sens bien ici. Je ne sais pas comment je pourrais me résoudre à vous quitter, Sandra et toi.
- C'est sûr qu'après un séjour ici, n'importe quel lieu au monde te paraitra calme. Trop calme. Tu n'aurais plus à supporter ses mémorables colères et mes humeurs houleuses. Il faudra que tu trouves une fille bien capricieuse pour compenser notre absence à toutes les deux.
Il l'approuva d'un hochement de tête. Visiblement, ils avaient tous deux les mêmes préoccupations : celle d'un départ prochain. Cela leur faisait un autre point commun, en plus de tous ceux qu'ils possédaient déjà.
- Tu m'as apporté beaucoup, affirma Cassy en venant caler son visage contre son épaule. Je serais certainement devenue folle de chagrin si je ne t'avais pas rencontré.
- Je dirais même folle tout court si tu avais dû vivre seule avec Sandra au cours de ces dernières semaines. Vue l'animosité qui régnait entre vous au début, vous vous seriez entretuées.
Ils échangèrent un sourire amical. Sylvain était comme une bouffée d'air frais dans la vie de la jeune fille et elle-même était devenue le soleil de la sienne. Ils s'étaient chacun attachés à l'autre d'une façon qui dépassait leur imagination.***- Cassy ?
L'intéressée sursauta lorsque la voix du professeur Chen lui parvint. Quelques feuilles volantes s'échappèrent du classeur qu'elle avait sous le bras et elle s'empressa de s'accroupir pour les ramasser.
- Cassy !
- Une petite minute, j'arrive !
Elle abandonna les documents sur un meuble de rangement dans la petite pièce qui faisait office d'archive, puis la quitta en hâte sans prendre la peine d'éteindre la lumière dans son sillage. Son employeur semblait vraiment s'impatienter et elle ne voulait pas le faire attendre davantage.
- Qu'y a-t-il ? s'enquit-elle, de retour dans la salle de recherches.
Le professeur Chen affichait une expression contrariée, une main plaquée contre son front. Il était assis sur un tabouret à roulettes, les jambes tendues devant lui et le dos accoudé à une paillasse.
- Régis t'a sûrement dit qu'il partait me capturer un pokémon dont j'ai impérativement besoin pour mes recherches.
- Je l'ai entendu en discuter avec Sacha.
Le jeune homme ne lui révélait plus rien, que ce soit au sujet de son travail ou d'autre chose. Il oubliait certainement de le faire. Une fois que son petit ami était au courant de tout, les autres ne comptaient plus, elle inclue.
- Il devrait déjà être rentré depuis une grosse demi-heure, or il n'y a aucune trace de lui dans les environs.
"Vous n'auriez pas dû le laisser partir avec ce bras cassé qu'il considère comme l'homme de sa vie" songea amèrement Cassy, les lèvres pincées. Sacha, dans ses meilleurs jours, parvenait au maximum à ne pas attirer d'ennuis autour de lui. Dans les pires, ils provoquaient des catastrophes.
- Et alors ? J'avoue ne pas comprendre votre inquiétude, affirma-t-elle en s'efforçant de conserver une attitude naturelle plutôt qu'irritée. Il a peut-être simplement eu du mal à capturer le spécimen que vous désiriez.
- Ce n'est pas le problème, Cassy ! Il pourrait bien prendre tout le temps qu'il lui faut pour l'attraper, je m'en moque.
- Où est le soucis, alors ?
- Le voici.
D'un revers de la main, il désigna la couveuse portative installée sur l'une des tables adjacentes. Un oeuf trônait fièrement sous la cloche de verre, ce qui n'était pas sans rappeler à la dresseuse la naissance de son Draby, offert par Sandra alors qu'il se trouvait encore dans sa coquille.
- Régis devait livrer cet oeuf à ma place car, hélas, j'ai trop de travail pour songer à m'éloigner du laboratoire en ce moment. A cause de son absence, il n'arrivera pas à temps à destination.
- Que voulez-vous que je fasse, professeur ? s'enquit Cassy.
- Prévenez ses destinataires que nous aurons du retard, que j'en suis bien navré, mais qu'un ennui indépendant de ma volonté me pousse à différer le transport de l'oeuf.
- Bien. Qui dois-je contacter ?
Elle n'avait pas fini de poser cette question qu'elle prenait déjà la direction du visiophone, situé un peu à l'écart de la zone de recherche afin de ne pas troubler les scientifiques en pleine réflexion durant une éventuelle communication.
- Le directeur de l'Académie des Topdresseurs, à Mauville.
- L'Académie des Topdresseurs... murmura-t-elle distraitement en feuilletant l'annuaire. Une minute... Quoi ?
Le professeur Chen était si préoccupé qu'il ne s'aperçut même pas avec quelle surprise elle venait de s'exclamer. Cassy fronça les sourcils, la main figée sur le combiné de l'appareil qu'elle n'avait pas encore décroché.
- Vous savez... commença-t-elle d'une toute petite voix. Si cela vous mine à ce point le moral, je peux l'emmener moi-même, cet oeuf.
- Tu n'es pas sérieuse, j'espère ? C'est un objet particulièrement fragile et délicat. Le moindre faux mouvement pourrait le briser. Régis en a déjà convoyé à plusieurs reprises, mais toi, tu n'as pas la moindre idée des précautions que cela nécessite.
- Sauf votre respect, monsieur, je crois au contraire avoir quelques connaissances à ce sujet. Draby n'avait pas éclos lorsqu'il est entré en ma possession. Je m'en suis occupée pendant un certain temps et il ne lui ai jamais arrivé malheur.
- Tu as eu un oeuf, toi ? D'où provenait-il ? Ils sont d'une extrême rareté.
- C'était un cadeau de Sandra, au terme de ma spécialisation dans le dressage des dragons. Elle me l'a offert en guise de récompense.
Le scientifique parut soupeser le pour et le contre de sa proposition. A travers ses arguments, Cassy avait apparemment réussi à l'inciter à lui accorder sa confiance. Un sourire se dessina sur son visage lorsqu'il déclara dans un soupir :
- Je te préviens, tu seras responsable de cet oeuf. S'il lui arrive n'importe quoi, si tu le perds ou s'il se brise, c'est toi qui devras rendre des comptes, d'accord ?
- Rassurez-vous, professeur Chen. Il sera entre de bonnes mains.
***- Je croyais que la température d'une couveuse ne devait pas être inférieure à trente degrés ?
- Qui t'a dit cela ?
Sylvain acheva de paramétrer le système électronique de la cloche de verre avant de s'emparer d'un chiffon humidifié dont il se servit pour nettoyer la paroi translucide. Cassy l'observait, avide de partager ses connaissances, car il en avait beaucoup sur l'élevage des pokémon.
- Je l'ai lu dans un livre, il y a déjà un certain temps.
- Ce livre avait tort, alors, indiqua le garçon. C'est vrai pour la plupart des espèces, sauf trois exceptions. Elle doit se situer à vingt pour les dragons, car ils ont le sang froid, à dix pour les types glaces afin de ne pas leur provoquer de lésions et à quarante pour les types feu, pour permettre un bon développement de leur organisme.
- Parfois, j'aimerais savoir autant de choses que toi, avoua-t-elle, admirative.
- Je n'ai aucun mérite. L'Académie de Mauville est la plus réputée au monde. J'y ai tout appris. A ton avis, qu'est-ce que ce sera ?
D'un mouvement du menton, il désigna l'oeuf, bien à l'abri à l'intérieur de sa couveuse. Cassy l'observa à son tour. Des motifs bleutés le striaient par endroit, mais cela demeurait assez vague pour permettre une éventuelle description.
- J'espère qu'il s'agira d'un Tylton. Je pourrais le faire évoluer en Altaria.
- Tu aimes ce pokémon ?
- Oui, il est magnifique. Il possède une majesté et surtout une pureté que les autres n'ont pas. Je le trouve vraiment sublime.
- Pourquoi ne pas essayer d'en capturer un, si tu y tiens tellement ?
- Oh, je... Sandra me l'a interdit. Elle veut que j'attende encore un peu avant de me constituer une équipe à proprement parler. Je me demande d'ailleurs comment je vais faire avec deux pokémon lorsque cet oeuf aura éclos. C'est presque trop pour moi.
- Tu t'en sortiras très bien, je n'en doute pas. Je ne sais pas si je te l'ai déjà dit, mais tu es une fille exceptionnelle.
- Trois fois, se moqua Cassy en lui donnant une tape amicale sur l'épaule. Tu radotes.
Ils éclatèrent de rire et Sylvain se laissa tomber sur le lit. La dresseuse, elle, était assise sur la chaise de son bureau, sur lequel ils avaient installé la couveuse. Ils se regardèrent un long moment jusqu'à ce que le garçon ne détourne les yeux, gênés.
Un jour, il faudrait qu'il prenne le temps et l'énergie nécessaire pour lui avouer ses sentiments, mais il ne se sentait jamais prêt pour cela. Il était convaincu qu'elle le repousserait, or il ne voulait pas prendre ce risque.
Il ne savait pratiquement rien de Cassy, elle demeurait toujours mystérieuse, mais il avait pu déduire une chose à force de l'étudier : elle avait sûrement beaucoup souffert par le passé. Ce n'était donc sans doute pas le genre de personne qui accordait facilement sa confiance ou même se permettait d'ouvrir un coeur endurci par les épreuves à quelqu'un d'autre.
- Je... commença-t-il avant de s'interrompre. J'ai un petit creux, pas toi ?
- Oh si ! Par contre, je crois que nous allons devoir nous rendre au supermarché d'Ebénelle.
- Pourquoi ?
- Je n'arrivais pas à dormir, cette nuit, alors je me suis levée et... Ahem... J'ai englouti les deux paquets de biscuits qu'il restait dans le placard.
Sylvain leva les yeux au ciel avant de se mettre debout. Il se dirigea vers la patère, fixée derrière la porte, à laquelle la cape de Cassy était suspendue. Elle lui avait toujours semblé familière, il était certain que quelqu'un, à la Team Galaxie, en portait une identique, mais il n'arrivait jamais à se souvenir de qui il s'agissait.
Il la jeta dans sa direction et, grâce à ses bons réflexes, développés par l'entraînement de Sandra, elle réussit à l'attraper au vol. Elle l'installa sur ses épaules tandis qu'il déclarait d'un ton amusé :
- Allons acheter de quoi compenser tes insomnies.***Sylvain s'immobilisa dans une longue glissade devant l'accueil de l'Académie et se pencha par-dessus le comptoir pour attirer l'attention de la réceptionniste. Elle l'observa derrière les verres épais de ses lunettes avec un regard blasé. Il la harcelait depuis le début de la matinée.
- Par pitié, dites-moi que mon oeuf est arrivé ! Je ne comprends pas, ce n'est pas dans les habitudes du professeur Orme, il est toujours très ponctuel. La finale du tournoi commence dans une demi-heure. Mes superviseurs vont me pénaliser si la récompense n'est pas là à temps.
- Calme-toi, Sylvain. Il y a une fille qui est arrivée, il y a quelques minutes à peine. Elle patiente là-bas, en salle d'étude. Je savais qu'il n'y aurait personne, alors je l'y ai envoyé attendre.
- Une fille ? s'étonna le Topdresseur. Je croyais qu'Aurore avait quitté le laboratoire pour prendre une année sabbatique ?
Son interlocutrice haussa les épaules afin de lui indiquer que la réponse à cette question lui était parfaitement égal et Sylvain ne perdit pas une seconde supplémentaire pour tourner les talons. D'un pas rapide, il se dirigea vers l'endroit où la convoyeuse devait se trouver.
- Katharina ?
Il ouvrit des yeux ronds et son coeur rata un battement lorsque, en poussant la porte, il découvrit sa cousine assise sur l'un des pupitres, la couveuse qu'il guettait tant posée avec soin à côté d'elle.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Je croyais que... Le professeur Orme...
- Il est actuellement en séjour à Sinnoh pour y donner une série avec le professeur Sorbier. Il a confié cet oeuf au laboratoire du Bourg-Palette et mon ami Régis devait vous l'apporter, mais il est parti sur le terrain ce matin et il n'était pas encore revenu lorsque j'ai décidé de le remplacer.
- Je... Tu savais où il fallait le livrer avant de te proposer ? interrogea Sylvain, la voix rendue tremblante par le doute.
- C'est même ce qui m'a convaincue de le faire.
Ils échangèrent un sourire réservé et le garçon vint s'emparer du précieux objet, qu'il ne cessait d'observer avec un profond soulagement. Tout était parfait, désormais. Il obtiendrait sans doute le maximum de points pour son organisation.
- Je te remercie, Katharina. Tu viens certainement de me sauver la mise.
- En famille, il faut bien s'entraider, non ?
- En famille... Oui...
Ils s'observèrent un instant, soudain aussi mal à l'aise l'un que l'autre. Une voix s'éleva au même moment dans tout l'établissement, diffusée par le biais des hauts-parleurs répartis dans les couloirs et qui indiquait l'imminence de la finale.
- Tu veux rester un peu pour assister à la fin du tournoi ?
- C'est gentil, mais je ne peux pas. Il faut que je rentre très vite au Bourg-Palette. Régis... Régis sait que tu es élève ici et il va sûrement me poser beaucoup de questions lorsque je rentrerai, encore plus si je m'attarde.
- D'accord, je comprends.
Un silence gêné s'installa entre eux. Sylvain allait soulever précautionneusement la couveuse quand, au dernier moment, il se ravisa. Il se tourna plutôt vers Cassy autour de qui il passa ses bras pour l'étreindre avec tendresse. Elle pressa doucement son dos, puis ils se relâchèrent.
- Je suis content de t'avoir revue, affirma-t-il, les joues légèrement rosies.
- Moi aussi.
Son oeuf à la main, il s'éloigna en direction de la porte. Il devait faire de gros efforts pour ne pas regarder par-dessus son épaule. Il avait presque franchi le seuil lorsque sa cousine l'interpela.
- Tu me manques, déclara-t-elle simplement.
- Toi aussi.
Ils n'avaient pas besoin d'en dire plus, tous les deux. Il apparaissait désormais clairement à Sylvain que les sentiments qu'il éprouvait à l'égard de Cassy étaient réciproques, mais maintenant qu'ils se savaient parents, cela ne servait plus à rien de se l'avouer, sauf à s'infliger encore plus de mal.
Elle lui adressa un signe de la main, le visage triste, juste avant qu'il ne disparaisse dans le couloir. Le coeur du Topdresseur était lourd, pourtant il ne pouvait s'empêcher d'éprouver une certaine pointe de joie. Au moins, il l'avait revue, lui qui croyait la chose impossible lorsqu'ils s'étaient fait leurs adieux à Unionpolis.