Chapitre 22 : Prochaine destination
Cresuptil
Cette Vallée des Brumes et son village si pittoresque n'avaient aucune sorte d'intérêt pour moi. Déjà, aucun de ces bouseux de Pokemon n'avaient voulu acheter l'herbe que je m'étais donné tant de mal à arracher. Ensuite, j'avais fait une découverte qui aurait pu me faire redevenir riche, mais qui s'est avérée être un espoir déçu. Voyez-vous, celle qui dirigeait ce village, cette Cresselia soi-disant légendaire, elle avait le pouvoir de faire fuir les cauchemars. Les Pokemon du village m'ont appris que cette capacité lui était en réalité donné par ses plumes. Les plumes de Cresselia, nommés Lun'aile, avaient le pouvoir de chasser les mauvais rêves de tous ceux qui en portait une, ou qui se trouvaient à proximité de Cresselia.
Une Lun'aile se serait donc vendue très chère. Mais aucun des villageois n'en avait. Ils n'en avaient pas besoin, après tout, puisqu'ils avaient la vraie Cresselia à coté d'eux. J'avais eu beau chercher partout par terre là où Cresselia lévitait couramment, mais aucune plume n'était tombée de son corps que je puisse ramasser. J'ai fini par demander à Cresselia de m'en donner une, et que je lui donnerai ensuite 30% du prix de vente. Une somme juste et équitable. Mais cette idiote de Pokemon a refusé, affirmant qu'elle n'accordait pas le sommeil sans cauchemar en échange d'argent. D'ailleurs, à ce que j'ai pu voir, aucun Pokemon ici n'utilisaient de jails, ni même aucune autre monnaie. Un village sans argent. Ça pouvait s'approcher de l'Enfer pour moi.
J'avais aussi à subir mes encombrants et peu recommandables compagnons de voyage. J'étais obligé de dormir dans une petite cabane en bois, serré contre trois d'entre eux. Bon, étant un Pokemon spectre, Penombrice ne prenait guère de place. Il n'en prenait aucune en fait. Mais je devais dormir aux cotés de deux humains. Deux humains ! Rendez-vous compte ? Moi, un noble Pokemon que j'étais, être obligé de partager mon espace vital avec des esclaves ? Et en plus, ces humains n'arrêtaient pas de parler, surtout ce Tannis. Ils ne s'arrêtaient de parler que pour se mettre ensuite à ronfler.
La journée, je vivais dans un ennui meurtrier. Il n'y avait rien à faire dans ce village paumé. Aucun sac de jails à compter. Et pendant ce temps, la vieille Sol tentait de fouiller l'esprit de ce jeune simplet de Tannis en espérant y dénicher le lieu où le Seigneur Xanthos aurait caché la Pokeball de l'Empereur. Je ne savais pas encore si je croyais à ce délire ou pas, mais j'étais sûr d'une chose : je ne voulais y prendre aucune part. D'un autre coté, je ne me voyais pas terminer mes jours ici. Penombrice me l'avait proposé. Il m'avait conseillé de demander à Cresselia de pouvoir intégrer officiellement la Vallée des Brumes comme Pokemon permanent. Ça aurait certes l'avantage de me mettre à l'abri de ces fous de Paxen et du fanatisme du colonel Tranchodon, mais qu'allais-je bien pouvoir faire ici ? Comment rebâtir ma fortune ?
- Ah, mon ami monsieur le maire, mon receleur d'esclaves préféré...
Cette voix bourdonnante et désagréable vint me déranger alors que je me baladais sur l'une des rives du lac, les pensées plongées dans le souvenir de tous mes jails. Je m'arrêtai pour voir Frelali s'approcher de moi.
- Je ne recherche pas votre compagnie en ce moment, Monsieur Frelali, lui dis-je d'une voix froide.
À dire vrai, je n'avais jamais aimé ce Pokemon. Il avait été un de mes plus fidèles clients, mais son attitude perfide m'avait toujours répugné. J'étais un homme d'affaire avant tout. Je croyais au pragmatisme, aux promesses tenues et à l'efficacité : ces trois choses qui faisaient augmenter votre profit. Frelali ne croyait en rien de tout cela. Il agissait simplement selon ses émotions les plus basiques, dont la première d'entre elle était d'ordinaire le sadisme. Ça ne lui faisait rien de gaspiller son argent en achetant des esclaves qu'il allait ensuite tuer d'une façon ignoble juste pour son bon plaisir. Un parfait gâchis de temps et de ressource. Outre cela, la moralité de Frelali était plus que douteuse. Certes, je ne m'étais jamais embarrassé de scrupules en faisant le trafic d'esclaves humains. Mais d'un autre coté, je ne les avais jamais maltraité sans raison. Les esclaves étaient un précieux investissement. Il fallait en prendre soin.
- Allons, pourquoi tant de froideur entre nous ? Rigola Frelali.
- C'est de votre faute, tout ce qui m'est arrivé, dis-je en agitant ma queue. Si vous n'aviez pas accueilli ce colonel psychotique chez nous...
- Eh, je ne pouvais pas savoir que l'une de vos esclaves était en fait la Paxen la plus recherchée de l'Empire, protesta Frelali. Vous ne le saviez pas vous-même. Mais c'est du passé, tout ça. Je fuis Tranchodon autant que vous. Je vous ai même pardonné d'avoir utilisé vos pouvoirs psychiques contre moi ce jour là. C'était si courageux de votre part, d'avoir sauvé Cielali au mépris de votre propre sécurité.
Je ne répondis rien. C'était justement en songeant à ma sécurité que j'avais agi ainsi. Tranchodon m'aurait tué, que j'intervienne ou non. Il m'avait semblé plus judicieux de fuir avec l'aide de Cielali, qui savait voler. Comme je l'ai dit, j'étais quelqu'un de profondément pragmatique.
- Venez dans ma cabane, monsieur le maire, me proposa Frelali. Nous boirons un coup à notre réconciliation, et nous discuterons comme les deux seuls Pokemon civilisés de ce village.
Après tout ce temps passé en affaire avec lui, j'avais appris à me méfier de Frelali. Toutes ses paroles et tous ses gestes étaient calculés et avaient toujours un but bien précis. Et de plus, plus je passais du temps avec lui, plus j'avais du mal à masquer mon dégoût. D'un autre coté, il ne m'avait pas dénoncé au major Lancargot, alors qu'il aurait pu y trouver profit. Et en effet, il n'y avait que lui ici avec qui je pouvais avoir une discussion sensée. Cielali était trop jeune et trop téméraire, et son esprit menaçait d'être irrémédiablement pollué par les Paxen. Quant à Penombrice, il s'était révélé un Pokemon intéressant, mais bon, c'était un Paxen, un Pokemon qui luttait pour la liberté des humains, un concept que je ne pourrai jamais vraiment comprendre. Je finis donc par accepter l'offre de Frelali. Quel mal cela pourrait-il faire de plus, de toute façon ? Dans la cabane de Frelali, son esclave Galbar nous attendait déjà, signe évident que Frelali avait prévu cette invitation. L'humain avait réuni quelque feuilles d'arbres pour faire deux coussins improvisés.
- Je vous en prie, asseyez-vous mon ami, me dit Frelali d'un ton affable. Qu'est-ce qui vous ferez plaisir pour vous désaltérez ?
- Comme si on avait le choix ici... rétorquai-je. La même chose que vous.
Je m'attendais à ce que Frelali prenne de l'eau, car il n'y avait que ça comme boisson dans ce coin paumé. Mais Frelali se tourna vers son esclave et dit :
- Tu as entendu Galbar ? Deux verres.
L'humain hocha la tête, posa deux verres en terre cuite sur la table, et tendit son bras au dessus de l'un d'eux. Je le vis alors sortir un couteau de sa poche et se trancher l'avant-bras, faisant couler le sang dans les verres. Quand les deux furent pleins, Galbar alla nettoyer sa plaie. Frelali approcha ses mandibules de l'un d'eux avec gourmandise.
- Le sang d'humain, il n'y a que ça de vrai, comme boisson ! Fit-il. Le problème est que je ne peux pas en abuser quand il n'y a que Galbar dans les parages. À Ferduval, j'ai toujours plusieurs esclaves pour pouvoir me désaltérer à tour de rôle.
- Euh... je vois... fit-je, troublé.
Bien sûr. Comment avais-je pu oublier les goûts alimentaires de Frelali ?
- Tout compte fait, je vais prendre juste de l'eau.
- Vous êtes sûr ? Le sang humain est pourtant excellent.
- Nous n'avons pas le même métabolisme, je suppose...
Je me demandais si Frelali ordonnait à ses esclaves de se couper un doigt quand il avait un petit creux. Il ne l'aurait pas fait avec Galbar en tout cas ; un bon esclave de combat se devait de rester entier pour être efficace.
- Alors, de quoi voulez-vous parler ? Demandai-je tandis que Frelali était en train de boire son gobelet de sang à renfort de bruits répugnants.
- Oh ? Eh bien, je me demandais simplement comment vous alliez, monsieur le maire. Vous traversez une terrible épreuve, en compagnie de ces criminels barbares, loin de votre ville... et de votre argent.
Frelali insista bien sur le mot « argent », sans doute pour me provoquer.
- C'est comme ça, fis-je d'un ton brusque. Je surmonterai cette épreuve comme je l'ai toujours fait, et je rebâtirai ma fortune, comme je l'ai aussi toujours fait.
- Je n'en doute pas, mon ami. Votre ténacité inspire toujours un profond respect. En réalité, j'aimerai vous aider.
- M'aider ? Répétai-je, soupçonneux.
- Comme vous avez dit tout à l'heure, c'est un peu ma faute, tout ce qui est arrivé. Il me chagrine de vous savoir dans cette situation. Je n'ai pas quitté Ferduval aussi précipitamment que vous. J'ai eu le temps de prendre avec moi le strict minimum... et un peu plus, au cas où.
Il fit signe à Galbar, qui sortit autre chose de ses habits. C'était une bourse. Quand il la posa sur la table, le son très caractéristique des jails qui s'entrechoquaient entre eux résonna en moi comme le plus doux des carillons. Je m'avançai sur la table pour voir à l'intérieur, et manqua de m'escaner. C'étaient des jails bleus. Ceux d'une valeur de cent jails. Il devait bien il y en avoir une centaine de cette bourse. Ce qui faisait une valeur d'au moins dix mille jails ! Rien que je ne possédais pas autrefois, mais maintenant, alors que je n'avais pas un seul jail sur moi, ce simple sac m'apparaissait comme le plus fabuleux des trésors.
- Juste une petite avance, signe de notre amitié retrouvée, dit Frelali en poussant la bourse vers moi. Je pourrai vous aider plus tard à retrouver toute votre fortune passée.
Frelali me donnait-il vraiment son argent ? Tout mon corps tremblait. Tous mes nerfs me suppliaient de plonger mes mains dans ce sac, de sentir les jails sous mes doigts, de respirer à plein poumons leur odeur. Le contact de l'argent avait toujours été pour moi comme une drogue. Je ne supportais plus de me savoir entièrement fauché. Je ne me sentais plus moi-même. Ce manque d'argent m'empêchait de réfléchir normalement.
- Que... Qu'est-ce que vous voulez ? Demandai-je fébrilement à Frelali.
Ce dernier fit frémir ses mandibules, signe qu'il souriait largement.
- Oh, juste quelque petites précisions. J'aimerai bien savoir ce que vos nouveaux amis rebelles préparent...
***
Tannis
En près d'une semaine, j'avais fait quelque progrès notoire sur ma recherche de mes souvenirs oubliés. Pas de localisation de Pokeball de l'Empereur à l'horizon, mais j'ai eu d'autre flash en plus de celui sur le masque de Xanthos. Ils me venaient d'un coup d'un seul, parfois après une heure entière de méditation, tandis que Dame Sol fouillait dans ma tête avec ses pouvoirs psychiques. Je voyais ces images, mais je les voyais comme si je voyais un paysage étranger. Elles ne me disaient rien. Je n'arrivais pas à les situer dans ma mémoire, et ça me frustrait.
Mais au moins je voyais des choses. De plus en plus de choses. Des visages parfois. Certains qui étaient, selon Dame Sol, mes anciens amis Paxen. J'avais vu une espèce de tour géante qui surplombait une jungle : la base Paxen, m'avait appris Sol. J'avais vu des batailles entre humains et Pokemon. Pas mal de trucs pas très jolis. Et aussi des trucs très beaux. Par exemple, une fois, j'avais vu Ludmila telle qu'elle était il y a deux ans, quand j'avais encore tout mon esprit.
C'était très bien tout ça. Ces visions spontanées se manifestaient de plus en plus au fur et à mesure de nos séances. Mais elles se dispersaient aussi. J'avais beau me concentrer sur la notion de Pokeball et sur le personnage de Xanthos, je ne voyais plus aucune image à ce propos. Pourtant, c'étaient les dernières paroles de Xanthos, que je voulais. Ayant été témoin de la trahison de son allié Daecheron, et sachant sa mort imminente, il m'a révélé à moi, seule personne consciente alors, où se trouvait la Pokeball de l'Empereur, de façon à pouvoir se venger de lui indirectement.
- Dîtes, je pense à un truc... fit-je tandis qu'on se reposait un peu après quatre heures d'affilés passées dans ma tête.
- Je t'écoute, m'encouragea Sol.
- Est-on sûr à cent pour cent que Xanthos m'a bien dit où se trouvait cette fichue Pokeball ? Je veux dire... Ludmila était inconsciente à ce moment là, et moi je m'en rappelle pas. Comment vous savez donc que Xanthos m'a parlé ?
- Tu l'as dit à Ludmila après qu'elle se soit réveillée, m'expliqua Sol. Vous étiez en train de prendre la fuite de la base de Xanthos, qui était attaquée par l'armée de l'Empereur. Selon Ludmila, tu as dit que Xanthos t'avait révélé quelque chose de très intéressant. Mais avant que tu n'ais pu en dire plus, les impériaux sont arrivés, et t'ont capturé. Ludmila a réussi à s'en sortir in extrémis.
- Je vois...
J'étais un peu inquiet, à vrai dire. Tout cela se jouait donc que sur ma propre parole ? Ou plutôt, de celle du gars que j'étais avant. Il était possible que mon ancien moi était un véritable trou du cul, habitué à mentir aux filles pour se la jouer mec important.
- Xanthos avait-il son masque quand il est mort ? Demandai-je. Je veux dire, est-ce que j'ai vu son visage ?
- Oui. Ludmila a retiré son masque juste après l'avoir poignardé, et après seulement elle s'est évanouie. Quand Xanthos t'a parlé, il était à visage découvert.
- Bon, alors, pourquoi ne me décririez-vous pas sa gueule ? Peut-être qu'y penser va faire ressurgir ce souvenir en question. Parce que j'ai beau penser à une Pokeball, mais si j'en ai jamais vu en vrai, je peux chercher longtemps.
- Ce sera pareil. Tu ne pourras pas t'imaginer le visage de Xanthos si tu ne te souviens pas de lui. En outre, je l'ai connu il y a six cent ans de cela, quand il était encore un jeune homme. Il a dû quelque peu changer depuis tout ce temps.
- Tiens, voilà un autre truc bizarre. Comment ce type a-t-il fait pour vivre si longtemps, alors qu'il n'était qu'un humain ?
Sol hésita, comme si elle pesait le poids de ses paroles, puis dit :
- Beaucoup de mystères entourent encore la personne du Seigneur Xanthos. Nombreux sont ceux qui resteront irrésolus, je pense. Xanthos a été effectivement un humain comme les autres jadis. Mais il s'est passé quelque chose au commencement de la Guerre de Renaissance. Quelque chose qui l'a transformé en un être au-delà de l'être humain. Son immortalité n'était pas la seule chose surnaturelle en lui. Il avait aussi des pouvoirs.
- Genre, comme vous ?
Sol secoua la tête.
- Non, pas comme moi. Moi, je tire mes pouvoirs et ma longévité des Pokemon. Ou plutôt, d'un Pokemon en particulier. Ce n'est pas chose commune et ce serait très difficile à expliquer, mais les raisons de ce que je suis sont connues des Paxen. Le pouvoir de Xanthos, en revanche, n'était pas d'origine Pokemon. Il ne pouvait pas lancer d'attaques comme moi. C'était un pouvoir plus discret, mais pourtant bien plus puissant que le mien. Quelque chose qui lui accordait force et robustesse, une santé parfaite et un corps inchangé. C'était comme s'il était marqué par quelque chose de divin. C'est ce pouvoir qui lui a permit de fédérer tous les Pokemon derrière lui, et de leur accorder l'intelligence nécessaire pour la parole et pour s'approprier les technologies des humains. On présume que Daecheron, qui fut son Pokemon durant la Guerre de Renaissance et qui a vécu aussi longtemps que Xanthos, dispose du même pouvoir, en plus de ses capacités de Pokemon qui sont déjà bien supérieures à la moyenne. Ce qui fait de lui probablement l'être le plus puissant de ce monde.
- Hum. En clair : on a aucune chance de se le faire, cet empereur de mes deux.
- Pas de façon directe, non. C'est pour cela que nous cherchons sa Pokeball.
Donc, tout revenait encore à moi. Si je n'arrivais pas à me rappeler où Xanthos m'avait dit que se trouvait cette Pokeball, l'Empereur ne pourra jamais être vaincu, et à terme, les Paxen disparaîtront. Je m'étais réveillé d'un sommeil de deux ans, sans aucun souvenir, et le sort du monde reposait sur mes épaules. Si d'ordinaire j'aimais bien ce qui pouvait me donner de l'importance, ça, je m'en serai bien passé.
Cette cabane commençait à me gonfler, et j'avais mal aux fesses à force de rester assis toute la journée. Que n'aurai-je pas donné pour pouvoir sortir dehors et rejoindre ma tendre et chère Ludmila qui, depuis quelque jours, semblait occuper ses journées à jouer avec de jeunes Pokemon du village, en particulier avec un petit Flabébé qui la suivait désormais partout. Elle le faisait discrètement pour pas qu'on la voit, mais pas assez de toute évidence. Je trouvais ça troooooop mignon, bien que j'avais du mal à associer cette image à la féroce et effrayante Ludmila.
Tandis que je songeais à elle durant ma méditation, j'entrevoyai quelque images la concernant de mon passé oublié. Je la vis à coté de moi dans ce qui semblait être une salle d'entraînement géante. Elle n'avait alors que quatorze ans, et semblait me regarder avec un air de respect, voir même d'admiration. Très loin du regard qu'elle me réservait aujourd'hui, froid, moqueur et parfois furieux. Ça me rendait fou. Normalement, j'avais deux ans de plus que Ludmila, mais à cause de cette foutue stase cryogénique qui avait figé mon corps dans le temps, elle m'avait rattrapé. Si elle avait éprouvé quoi que ce soit pour la personne plus âgée, plus expérimentée que j'étais autrefois, c'était fini. Ah, monde cruel...
Sachant très bien que Sol pouvait voir tout ce que je voyais, je tâchai de diriger mes pensées loin de Ludmila. Je repensai plutôt à la salle que j'avais vu une fois. Xanthos y était. Pas seulement son masque, mais tout entier, dans son armure noire et sa cape blanche. Je voyais la scène comme un spectateur, sans me voir moi-même. À coté de moi, il y avait Ludmila, qui regardait Xanthos avec une expression de haine absolue. Ça devait être le moment de notre combat contre lui. Effectivement, derrière Xanthos, il y avait une grande vitre, qui laissait entrevoir une bataille qui se déroulait au dehors. Celle de Balmeros, où Xanthos trouva la mort.
C'était ça que je voulais. Mais je ne voyais jamais rien de plus de ce moment. Selon Ludmila, Xanthos m'avait envoyé dans les vapes rapidement. Je ne m'étais réveillé qu'une fois le combat fini, quand Xanthos gisait à terre, mortellement atteint par le poignard de Ludmila, et que Ludmila elle-même s'était écroulée, épuisée et blessée. Comme j'avais vu Xanthos en entier, je m'efforçai de l'imaginer à terre dans cette salle faiblement éclairée. J'arrivai à me le représenter, mais son visage restait dans le flou. Je ne vis que son masque. Et à ce moment, Xanthos ne portait plus son masque. J'essayai de songer à l'Empereur, Daecheron. Il avait trahi Xanthos. Il avait attaqué son centre de commandement, permettant à Ludmila de l'avoir par surprise. Mais Xanthos avait une arme contre lui, son ancien Pokemon. Il n'avait pas relâché Daecheron, pour avoir un moyen de pression contre lui, au cas où. Lui seul savait où il avait caché sa Pokeball. Un endroit secret. Un endroit connu que de lui-même, où personne n'irai fouiller. Et cet endroit, c'était...
Je vis alors défiler des montagnes à toute vitesse, comme si j'étais en train de voler. Il y avait des monts enneigés, et une minuscule vallée située au plus profond de la montagne. De vieilles ruines s'y trouvaient. Un temple. Je ne le voyais pas bien, comme si je n'arrivais pas à me le représenter. J'ignorai où pouvait se trouver ces ruines. Mais je savais qu'on ne pouvait pas y accéder. Du moins directement. Il fallait quelque chose pour y aller. Quelque chose qu'on pouvait trouver autre part... J'ouvris les yeux, refaisant surface brusquement. Mon cœur battait à tout rompre. Jamais je n'avais vu autant de chose. Sol, en face de moi, souriait de façon victorieuse.
- Eh bien, ce fut un net progrès. On tient quelque chose.
- Cet endroit... ce temple... Ce serait là que Xanthos aurait caché la Pokeball ? Demandai-je en me massant le front.
- Très probable. Je connais cet endroit, même si je n'y suis jamais allée. On le nomme les Ruines Sinjoh. On dit que c'est un endroit hors du temps et de l'espace, qu'on ne peut atteindre que part une voie magique. Ce lieu est décrit dans l'ancienne mythologie comme le point d'ancrage entre deux mondes : le nôtre, et celui du Créateur de l'Univers, Arceus. Un lieu idéal pour cacher un objet précieux. J'ignorai que Xanthos connaissait le moyen de s'y rendre.
- Mais nous, on l'ignore, soupirai-je. Même si Xanthos m'a dit que la Pokeball se cachait là-bas, si on ne sait pas comment s'y rendre...
- Xanthos te l'a peut-être dit. Ou peut-être est-il mort avant. Mais au moins, nous avons une piste. Tu sais, avant la Guerre de Renaissance, l'Empire Pokemonis se nommait Johkan, un pays divisée en deux régions : Kanto et Johto. Johkan est devenue méconnaissable aujourd'hui, à cause de toutes les modifications et changements que l'Empire a effectués. Mais il y a des choses des anciennes régions qui ont pu perdurer. À Johto, il y avait un endroit notable, chargé de mystère et d'histoire : les Ruines Alpha. Elles étaient liées elles aussi à Arceus le Créateur. Peut-être là-bas, pourrions-nous trouver un indice quelconque sur la façon de se rendre dans les Ruines Sinjoh. Et peut-être cela déclenchera-t-il un reflux de ta mémoire à ce sujet, si Xanthos t'en a parlé.
La vieille femme se leva et fit le tour de la pièce, comme à chaque fois qu'elle réfléchissait intensément.
- Je pourrai retrouver les Ruines Alpha, si elles existent encore. Xanthos et Daecheron ont déclaré hors-la-loi toutes recherches sur l'Histoire d'avant la Guerre de Renaissance, et ont détruit plusieurs lieux antiques, mais je crois me souvenir qu'il y avait plusieurs passages pour se rendre aux Ruines Alpha. Peut-être l'un d'entre eux a-t-il survécu à la purge impériale. Ça vaut la peine d'aller chercher.
Je hochai la tête. Ça valait mieux que prendre racine ici. J'avais besoin de bouger. Ludmila encore plus que moi, sans doute. Il restait cependant un petit problème. Comment pourrions nous quitter la Vallée des Brumes avec le blocus qu'a instauré tout autour le major Lancargot ?