Chapitre 20 : Mémoire perdue
Tranchodon
Nous avions monté un centre d'opération dans ce qui fut le bureau du maire Cresuptil, en y regroupant tous les ordinateurs, radars et systèmes holographiques que la Quatrième Cohorte du major Lancargot avait amenés avec elle. Le matériel de l'armée était bien plus performant que tout ce que cette cité pourrie pouvait avoir, avec son équipement hors d'âge. Ainsi, tandis que les forces du major Lancargot étaient sur le terrain, moi et mon second Pandarbare coordonnions tout depuis la salle de contrôle.
Le major Lancargot, en survolant la zone avec ses trois skippers, avait repéré un de mes Pokemon espions que j'avais envoyé suivre les rebelles. Ce dernier, un Skelenox, avait affirmé avoir perdu les rebelles, mais être sûr de leur direction : l'Est. Direction logique, quand on savait qu'au Nord, il n'y avait que des montagnes infranchissables, à l'Ouest la mer, et au Sud le Mur de Cristal qui protégeait le Dominat Ulrien. Les skippers survolaient donc en direction de l'Est depuis des heures, mais toujours aucun signe des rebelles.
J'avais tenté de calculer la distance qu'ils auraient pu parcourir depuis. Elle n'était pas énorme. Certes, cette Solaris savait voler, mais ce n'était pas le cas des autres, et je doutais que la vieille humaine soit capable de pouvoir tous les transporter. Deux skippers avaient atterri, pour que les troupes Pokemon fouillent cités après cités, grottes après grottes. Le dernier, qui abritait le major Lancargot, restait dans les airs à faire des allées et venues. Le temps passait, et je commençais à m'impatienter.
- Maudits soient-ils ! M'exclamai-je en brisant une table de mon poing. On aurait du les localiser il y a des heures déjà !
- Oui mon colonel, acquiesça le commandant Pandarbare. Ces Paxen sont doués pour se cacher, tels les lâches qu'ils sont.
- Le Général Légionair en personne nous a chargé de l'arrestation de ces hérétiques. L'échec n'est pas tolérable.
Je pensais ce que je disais. Il aurait été inconcevable pour moi de me présenter devant le général, l'une des Cinq Etoiles de l'Empire, pour avouer avoir perdu les Paxen, alors que je les avais sous mon nez. Je réfléchis un moment. Quelque chose m'échappait.
- Major, dis-je en m'adressant à l'hologramme de Lancargot, vos Pokemon filtrent-ils les entrées et sorties de toutes les cités alentours ?
- Naturellement, mon colonel.
- Ont-ils repéré un Pokemon et un esclave humain l'accompagnant ?
- Il y a beaucoup de Pokemon avec un esclave, monsieur, répliqua Lancargot.
- Le Pokemon se nomme Frelali, de la famille des Evoli. Quant à l'humain, c'est un mâle de haute stature. Son nom est... euh...
Je questionnai Pandarbare du regard. Je n'avais aucune mémoire pour les noms humains.
- Galbar, mon colonel.
- C'est ça. Frelali est un sympathisant de l'Empire. Ils ont quitté tous les deux Ferduval de leur coté à la recherche des Paxen. Ils devraient normalement être à leur trousse.
Lancargot alla poser la questions à ses différents officiers en poste à chaque endroit. Il revint vingt minute plus tard avec la réponse.
- Nous n'avons vu aucun Pokemon de votre description, colonel. Je l'ai toutefois signalé. Si on le trouve, vous serez alerté.
Je méditai, et me tournai vers Pandarbare.
- Je connais Frelali depuis longtemps. C'est un traqueur dans l'âme, il peut sentir sa proie à des kilomètres. Si les Paxen étaient vraiment partis vers l'Est, il l'aurai su. S'il n'y est pas, c'est qu'eux non plus, ils n'y sont pas.
- Mais le rapport de ce Skelenox, colonel ?
- Peut-être une ruse des Paxen. Se sachant suivi, ils auraient pu faire en sorte de l'induire en erreur, et de changer de direction ensuite.
- Mais ils n'auraient pas d'autre direction que l'Est, mon colonel. Il n'y a rien dans les montagnes escarpés du Nord. Ils n'auraient pas pu prendre la mer, ni passer le Mur de Cristal.
- Entre Ferduval et le Mur de Cristal, il y a des choses, commandant. Major Lancargot, laissez vos Pokemon sur place, mais vous et votre skipper, revenez patrouiller vers le sud. Que voyez-vous sur vos cartes qui puissent ressembler à une planque pour les Paxen ?
Le Pokemon Acier et insecte étudia ses cartes à bord de son skipper.
- La cité de Frechta, répondit-il. Mais ils n'auraient jamais pu y entrer sans être repérés. Et il y a... la Vallée des Brumes !
Je souris.
- Oui. Quoi de plus parfait pour eux ? Il n'y a aucun avant-poste impérial là-bas.
- Vous pensez qu'ils oseraient accueillir des Paxen parmi eux ? S'indigna Pandarbare.
- Les Pokemon de la Vallée des Brumes sont indépendants de l'Empire, répondit Lancargot. Ils accueillent tout le monde qui jure de respecter la loi locale. Ils se moquent des considérations impériales ou Paxen. Et comme ils ne font pas parties à proprement parler de l'Empire, ils ne sont pas soumis à nos loi, et nous ne pouvons rien dire...
- S'il s'avère qu'ils donnent refuge à des ennemis de l'Empire, ils sont ennemis au même titre qu'eux, déclarai-je. Nous tolérons leur existence uniquement parce qu'ils ne se dressent pas contre nous. Si ça venait à changer...
Mes deux subordonnés me regardèrent avec inquiétude.
- Monsieur, fit prudemment Pandarbare, la Vallée des Brumes est un territoire indépendant et libre depuis des centaines d'années. Cresselia est influente parmi les Pokemon sauvages. Si jamais nous venions à l'attaquer...
- Je ne pense pas que le Général Légionair soit d'accord, colonel, fit Lancargot. Nous sommes ici pour capturer des traitres, pas pour déclencher une crise diplomatique.
Je fis un geste agacé de la main.
- Nous n'en sommes pas encore là. Mais nous devons savoir si les Paxen sont bien là-bas. Après cela, nous aviserons. Major, veuillez vous rendre dans la Vallée des Brumes. Vous allez enquêter sous mandat impérial, même si Cresselia n'est pas d'accord. Si vous soupçonnez ne serait-ce qu'à 1% la présence de nos cibles là-bas, faite un blocus autour de la Vallée. Personne ne devra sortir ni entrer jusqu'à que le général Légionair nous donne ses directives.
- À vos ordres, colonel Tranchodon.
***
Tannis
Encore une fois, je fus le dernier à me réveiller. Quand j'ouvris les yeux, la cabane était vide. Un coup d'œil à la fenêtre m'apprit que le soleil était déjà haut dans le ciel. Me sentant en sécurité dans ce village peuplé de Pokemon sympathiques et d'un Pokemon Légendaire pour veiller sur lui, j'avais dormi sans m'inquiéter d'une attaque impériale à tout moment. Je sortis de la cabane et déclara d'une voix portante :
- Amis du jour, bonjour !
Les Pokemon présents me dévisagèrent avec curiosité. Aucun signe de mes camarades par contre. Bah, de toute façon, ils ne partiraient pas sans moi. Notre destination était apparemment cachée dans ma tête. Je regardai le lac avec envie. Depuis combien de temps ne m'étais-je pas baigné ? Depuis mes deux années de coma ? Ça allait être dur d'attirer les filles, surtout Ludmila, avec une odeur de deux ans. Je me dévêtis donc. Après une hésitation, j'enlevai tout. Ludmila n'était pas dans les parages, et quel intérêt pouvait porter des Pokemon à mon incroyable virilité ?
Je sautai sans prendre le temps de m'habituer à l'eau. Elle était froide, mais rien de mieux pour bien se réveiller. C'est alors que, dans un instant d'abrutissement, je me rendis compte d'un petit détail : je ne savais pas nager. Ou alors, ma stase cryogénique me l'avait fait oublier en même temps que le reste. En tout cas, j'avais beau m'agiter comme un dément, je ne parvins pas à me maintenir à flot. Tandis que je coulais, je vis plusieurs Pokemon aquatique dans le lac, qui me regardaient avec surprise. Certains me saluèrent, ne voyant visiblement pas que je me noyais.
Mes poumons me brûlaient, et bientôt, j'allais finir par aspirer de l'eau. Quelle situation du premier comique ! Moi, le grand espoir de la rébellion Paxen, celui qui avait dans sa tête le seul moyen de vaincre à jamais l'Empereur, noyé alors qu'il prenait un bain dans un lac. Ludmila allait probablement démembrer mon cadavre de colère. Mais alors, je sentis quelque chose m'attraper au bras et me soulever. J'émergeai du lac et monta même plus haut, à trois ou quatre mètres au dessus de l'eau.
C'était Dame Sol qui me tenait. Elle avait déployé ses ailes blanches. Vu qu'elle était trempée, elle avait probablement plongé pour me récupérer. Ah, j'avais l'air fin, là ! Totalement nu, gesticulant, à la vue de tout le village, et sauvée par une vieille femme. Ma honte fut d'autant plus grande quand je remarquai la silhouette de Ludmila, plus bas, qui me regardait avec un mélange de pitié et d'accablement. De ma main libre, je tentais de cacher mes parties génitales. Dame Sol me ramena doucement au sol, devant notre cabane.
- Euh... merci beaucoup, dis-je d'un air embarrassé en me rhabillant en vitesse.
- Ta mémoire te joue encore des tours, jeune Tannis ? Tu as oublié que tu n'étais pas un Poissirene ? Demanda-t-elle avec un sourire malicieux.
- Eh bien, je pensais savoir nager...
- Tu sors d'un coma de deux ans. Tu as encore parfois des problèmes à marcher droit. Laisse du temps à ton corps et à ton esprit.
Dame Sol avait sans doute raison, mais je n'imaginais pas rester un légume le restant de ma vie. Si j'étais revenu d'entre les morts, c'était justement pour pouvoir profiter des joies d'être vivant.
- J'étais venue te voir pour que l'on commence nos séances, reprit Sol. Je vais m'efforcer de lire dans ton esprit pour y trouver la localisation de la Pokeball de l'Empereur. Comme tu le sais, tu es le seul à qui Xanthos a pu le dire avant de périr, et donc probablement le seul dans tout l'Empire qui le sait. Ceci dit, je dois te prévenir... Ce ne sera pas sans risque. Les impériaux ont profondément blessé ton esprit durant ta captivité. Je ne sais pas si moi-même je saurai retrouver ce souvenir précis, et j'ignore les effets que ça pourrait avoir sur toi. Il se peut que tu souffres, ou que des souvenirs que tu n'aurai pas voulu retrouver ressurgissent.
- C'est bon Dame Sol, l'assurai-je. Bon ou mauvais, tout souvenir est bon à prendre. Je veux me rappeler qui j'étais. Je veux aussi qu'on retrouve cette fichue Pokeball.
En réalité, je voulais plus me montrer utile à Ludmila que de conspirer pour le meurtre de l'Empereur. Par la même, si Dame Sol pouvait m'aider à recouvrer la mémoire, ce serait toujours ça de pris. La vieille femme hocha la tête, mais non sans anxiété. J'étais moi-même pas trop rassuré, mais elle semblait plus effrayée moi. Ça ne faisait rien pour me rassurer un peu plus. Craignait-elle de me bousiller à jamais la cervelle ? Bah, de toute façon, elle était déjà un peu bousillée. Nous entrâmes dans la cabane, et Sol me fit signe de m'asseoir. Elle se mit face à moi, et j'eu un sursaut malgré moi quand ses yeux se rétrécirent à deux feintes et prirent une teinte violette. Je ne m'habituerai jamais à ça. Elle me posa ses deux mains ridées sur les tempes, et me dit :
- Quand j'utiliserai mes pouvoirs psychiques, tu verras en même temps que moi les souvenirs qui vont ressortir. Mais il va falloir que tu m'aides, Tannis. Tu devras orienter ton esprit vers ce que l'on cherche. Songe à une Pokeball et à l'Empereur.
- Euh... je veux bien, mais je n'ai vu ni l'un ni l'autre...
- Une Pokeball est une boule métallique. La partie supérieure est rouge, tandis que celle inférieure est blanche. Il y a un bouton en son centre. Quant à l'Empereur, il est...
Elle hésita, et dit finalement :
- Non. Vaut mieux éviter de penser à Daecheron. Peut-être a-t-il pris part lui-même à ta torture, quand tu étais prisonnier. Faire ressurgir ce genre de souvenir ne serait pas très indiqué. Concentre-toi seulement vers le souvenir d'une Pokeball. Ferme les yeux.
J'obéis, en tâchant de visualiser dans mon esprit la boule que Dame Sol avait décrite.
- Songe à elle comme étant quelque chose de très important, fit la voix de Sol. Toi seul sait où elle se trouve. Xanthos l'a gardée cachée, même de l'Empereur. Personne ne sait. Seul toi. Tu sais où elle est...
Je me concentrai de toute mes forces, mais rien du tout. Je sentis une espèce de vibration en provenance des doigts de Dame Sol sur ma tête, signe qu'elle utilisait ses pouvoirs psychiques pour fouiller mon subconscient, mais moi, aucun flash d'aucune sorte ne me venait en tête. J'ouvris les yeux, déçu, et Sol me regarda avec un léger sourire.
- Tu t'attendais à te souvenir de quelque chose dès la première minute ? Pas moi. C'est un travail de longue haleine, Tannis. Il peut se passer une heure voir plus avant qu'un souvenir, même infime, puisse émerger. On est là pour plusieurs jours, comme je l'ai dit.
Je soupirai, puis refermai les yeux. Et le temps passa. Concentré comme j'étais sur la notion de Pokeball et d'importance, je n'avais aucune du temps qui s'écoulait, et je commençais moi-même à devenir somnolant. C'est alors que - une heure ou une année plus tard - une image émergea de mon esprit. Elle fut très rapide et éphémère. Ça ne dura qu'une seconde à peine, mais elle se grava dans mon cerveau comme si je l'avais devant moi. C'était un masque. Un masque noir, avec une petite corne jaune au milieu, et une visière verte en forme de V. En même temps que je voyais ceci, un profond sentiment de malaise m'étreignit, et j'ouvris les yeux en sursaut. La respiration saccadée, je regardai Dame Sol d'un air interrogateur.
- Oui, j'ai vu, dit-elle. Une image dangereuse, mais on est sur la bonne piste.
- C'était quoi... ou qui ?
- Le Seigneur Protecteur Xanthos. Son masque est célèbre dans tout l'Empire.
Ce fichu masque m'avait fichu la trouille, mais d'un autre coté, j'étais content de l'avoir vu. Ça signifiait vraiment que mes anciens souvenirs étaient là, quelque part. Tannis Chalk avait existé. Il avait vu des choses, dont le terrible Xanthos en personne.
- Pourquoi ce type portait-il un masque, demandai-je, curieux. C'était un humain, non ?
- Xanthos a porté ce masque dès le début Guerre de Renaissance, il y a un peu moins de six cent ans. Je pense que c'était justement pour qu'on oublie son statut d'humain, et qu'on pense plus à lui qu'avec ce masque, en tant que symbole de peur et d'autorité. Mais oui, sous ce masque, il y avait bien un homme.
- Ludmila a vu son visage quand il est mort ?
- Oui. Ils sont peu ceux qui aujourd'hui peuvent se targuer de connaître le visage de Xanthos. Il y a Ludmila. L'Empereur. Et moi...
- Vous avez connu Xanthos ? M'étonnai-je. Avant qu'il ne porte ce masque ?
- Avant même qu'il ne se fasse appeler Xanthos, affirma Sol. Je suis plus vieille que lui. C'était un homme bon autrefois. Un bon dresseur, qui aimait les Pokemon, mais qui aimait aussi sa famille et ses amis humains. Ses convictions l'ont transformé, l'ont rendu fanatique, à moins que ce ne soit l'attrait du pouvoir... Mais qu'importe ! Il est mort aujourd'hui. Ce qui nous intéresse, c'est de trouver où il a caché la Pokeball de Daecheron.
J'acquiesçai, et nous nous replongeâmes dans les méandres de mon esprit. Mais au bout d'une heure, ma vision du visage masqué de Xanthos fut le seul évènement notable. Sol n'en fut pas découragée pour autant.
- Comme j'ai dit, cela peut prendre du temps. Nous resterons ici tant que nous n'aurons pas trouvé. Mais je suis soulagée ; je suis capable de ressortir ces anciens souvenirs sans te blesser. Nous reprendrons demain, à la même heure.
- Demain ? On a toute l'après-midi, Dame Sol.
- Non. Il vaut mieux ne pas trop tirer sur la corde. Ton esprit est encore fragile. Demain. Ce soir, avant de t'endormir, songe à ce qu'on veut trouver. Qui sait, peut-être que quelque chose émergera de tes rêves.
Je hochai la tête, me levant pour sortir, quand un bruit sourd, de plus en plus fort, se fit entendre dans tous le village. C'était quelque chose qui venait du ciel, qui allait vite, et qui était en train de nous survoler. Je ne reconnaissais pas ce bruit, mais Sol si apparemment, car elle ferma les yeux et soupira d'inquiétude.
- Un skipper impérial.
Ça ne me disait pas grand-chose, mais les autres devaient connaître, car Ludmila et Penombrice entrèrent dans la cabane, l'air affolés.
- Dame Sol !
- Je sais. Faite vite rentrer les autres. On se cache ici et on ne fait pas de bruit.
- Mais ils vont atterrir ! Protesta Ludmila. C'est nous qu'ils cherchent, sans l'ombre d'un doute !
- Et tu voudrais affronter une unité entière à toi toute seule, mon enfant ?
- Ils vont nous trouver ! Insista Ludmila. Ces Pokemon vont nous dénoncer !
- Les Pokemon de la Vallée des Brumes ne trahissent jamais ceux qui viennent chercher refuge ici. Cresselia ne pourra pas empêcher les impériaux de fouiller le village, mais elle ne nous dénoncera pas.
À cet instant, Cielali et Cresuptil entrèrent à leur tour. Cresuptil avait pour idée d'aller se rendre, d'affirmer que Ludmila et les autres l'avaient enlevé, et implorer la pitié de l'Empire. Une idée que Ludmila lui passa bien vite après l'avoir assommé.
- Si Cresselia ne nous trahit pas, j'en connais d'autres qui le feront, reprit-elle. Le Pokemon aux mandibules et son armoire à glace.
Cielali hocha la tête d'un air sombre. Moi-même, je ne connaissais pas ces Frelali et Galbar, mais vu tout le bien qu'on disait d'eux ici, ils ne devaient pas être des personnes totalement recommandables.
- Même s'ils parlent, ils ne pourront pas nous trouver, répliqua Sol.
Pour prouver ses dires, la cabane commença à être envahie de brume. Et pas la brume légère qu'on pouvait trouver partout dans le village, mais une brume épaisse, dense, dans laquelle on ne voyait rien. Bientôt, même les occupants de la cabane ne virent rien à part le gris. J'avais l'impression de flotter dans un nuage.
- C'est quoi c't'affaire ?! Fis-je.
- Cresselia, répondit la voix de Sol. Elle utilise son attaque Brume sur la cabane, la cachant totalement aux yeux de quiconque.
- C'est absurde ! Répliqua Ludmila. Les impériaux remarqueront forcément quelque chose.
- C'est là que mes pouvoirs psychiques entrent en jeu, jeune fille. Je peux faire en sorte d'occulter le paysage pour le fondre totalement dans la brume. Personne ne verra la cabane, et personne n'ira imaginer qu'il y en a une.
- Sauf si l'un des impériaux connait l'attaque Anti-brume, Dame Sol, intervint Penombrice.
- Les étrangers ont interdiction d'utiliser la moindre attaque ici. L'Empire n'osera pas violer les lois de la Vallée.
Je priai pour que Dame Sol ait raison. Je commençais tout juste à entrevoir des images de ma mémoire perdue. Je ne voulais pas que les impériaux remettent la main sur moi et supprime tout à jamais. C'est alors que je me rendis compte que quelqu'un n'avait pas encore dit mot.
- Euh... Kerel est là ? Demandai-je.
Silence. Puis Ludmila se mit à insulter Kerel dans plusieurs langues différentes.
***
Kerel
J'étais parti chercher de quoi nous nourrir. Je n'avais vu aucun marchand dans ce village, et même s'il y en avait, à supposer qu'ils utilisent ici les jails impériaux, nous n'avions pas d'argent. Cresselia nous avait offert l'hospitalité - elle allait donc sûrement se charger de nous nourrir - mais je tenais à avoir quelque chose en plus, au cas où. Pas pour moi bien sûr, mais pour ma maîtresse. Elle avait des besoins et des gouts très précis. Hélas, j'allais avoir du mal à dénicher les légumes qu'elle aimait bien manger ici. Mais quelque chose me coupa dans ma recherche : le bruit inquiétant d'un engin volant qui s'approcher. J'ai rarement vu de skippers à Ferduval, mais assez pour m'en rappeler. C'étaient les vaisseaux de base de l'Empire.
Le skipper alla se poser sur la rive nord du lac. Ce n'était sûrement pas une coïncidence si des troupes impériales se pointaient ici maintenant. Peut-être était-ce même Frelali et Galbar qui les avaient prévenu. Quoi qu'il en soit, je devais à tous prix m'assurer qu'ils ne trouvent pas ma maîtresse. Je me mis à courir vers le village, en voyant de loin des Pokemon de l'Armée Impériale descendre de l'appareil. Mais arrivé au milieu des cabanes, je fus incapable de repérer la mienne. Il y avait bien celle que ma maîtresse avait partagé avec Sol et Ludmila, mais celle des garçons était tout simplement introuvable. M'étais-t-ai-je trompé d'endroit ? Ou étaient donc les autres ?!
Les troupes impériales, menées par un Lancargot, un Pokemon Insecte qui lévitait au dessus du sol et qui portait une véritable armure de chevalier et une lance, envahissaient le village, sous les regards inquiets et suspicieux des Pokemon de la Vallée. Ils ne mettraient pas longtemps à remarquer un humain aux cheveux rouges, qui devait être sur tous les avis de recherches de l'Empire à présent.
Je décidai de ne pas m'inquiéter pour ma maîtresse, mais pour moi. Maîtresse Cielali devait sûrement être avec les autres, et je faisais confiance à Sol pour la protéger. Moi en revanche, j'étais dans la merde, n'ayant nulle part où me cacher. C'est alors qu'un des Pokemon du village, un Kecleon, me fit signe de la main. Qu'importe la situation : toute une vie passée à répondre prestement et docilement quand un Pokemon m'appelait fit que je me dirigeai vers lui avec respect.
- Vite, humain, dit le Kecleon. Prends moi sur ton dos.
- Euh...
- Tu ne veux pas qu'il te trouve, non ?
Je ne compris pas, mais j'obéis néanmoins, comme j'y étais habitué. Le Kecleon grimpa sur mon dos, et aussitôt, je vis mon propre corps disparaître, comme si j'étais devenu transparent. En réalité, mon corps était bien là, mais il se fondait totalement dans le paysage derrière moi.
- Maintenant, tu ne bouges plus, et tu ne fais pas de bruit, m'intima le Kecleon.
N'ayant aucune intention de désobéir, prenant sur moi pour résister aux fourmis dans les jambes qui me guettaient, je respirai à peine et je ne fis plus aucun geste, observant la troupe de Pokemon impériaux qui se dirigeaient vers Cresselia.