Chapitre 1 - Temps et Dimension, quand tout part à vau-l'eau
Yosh, cela fait un mois (je crois) donc voici le nouveau chapitre de DL !
En sachant qu'on entame la deuxième narration (sur trois). Vous saurez donc que ça se passe dans l'autre dimension quand il y aura marqué "chapitre" et que ce sera sur Sam et compagnie quand il y aura marqué "Episode"...Quant à la dernière narration, c'est pas pour tout de suite, mais ça viendra. En espérant que cette suite vous plaira !
Bonne lecture !
Vous pouvez remercier ma muse, mon amie, la sauveuse de DL, alias Kanon, qui me fait du chantage affectif et m'encourage pour que je continue. Vous pouvez aussi remercier le site trois pages, où je suis inscrite et que j'utilise pour me motiver...Et vous pouvez remercier le Wanted Magazine qui m'a tenue occupée ces derniers mois parce que j'y publie une BD. AH-ah. Sur ce, gros bisous ! Merci de votre fidélité, au moins prochain pour la suite !
Chapitre 1 – Temps et Dimensions, quand tout part à vau-l'eau.
Eléanore Sarl, si ce nom évoquait tant de souvenirs douloureux à Samantha Joëlle, et bien d'autres de ses amis, il n'en était pas toujours de même. Pour certain il désignait un amour perdu, une amie, ou pour quelques derniers, celui de celle qu'ils avaient sacrifié sur l'autel de leurs croyances. Au final, il n'existait plus, remplacé par les regrets et le temps, oublié par le monde au détriment du nouveau : Arcéus. Gijinka d'Arcéus. Dieu. Thémis.
Blue ne connaissait aucun de ces titres, et encore moins le prénom original. Dans sa dimension, il n'y avait jamais eu d'Eléanore Sarl, encore moins d'Eléa Lars. Peu importait, à la fin, la personne qui le portait n'existait plus. Ne restait que l'absence et les ruines de ce qu'elle avait été. Alors pourquoi, aujourd'hui, une personne venait le voir pour parler de cette sinistre inconnue d'un autre monde ?
Le jeune pokédex holder, et petit-fils du renommé professeur Chen marqua un temps d'arrêt, croisant les bras. Il fixa longuement le saltimbanque juché sur la fenêtre d'hôpital. Puis son regard coula vers son amie Leaf.
Pourquoi l'avait-elle appelé ici ? Pourquoi avait-elle cru que cette demande possédait la moindre importance ?
La manipulatrice ne semblait pas inquiète par les propos de Medhi, mais pas non plus rassurée. Elle arborait son expression de chasseuse. Blue avait appris à la reconnaître entre toutes pour s'en défendre. Leaf avait trouvé un indice –même si elle en ignorait encore les tenants et les aboutissants- et elle ne le lâcherait plus avant d'avoir vu jusqu'où il pouvait les mener. Mais en cet instant, Blue ne ressentait que de la méfiance envers cet étranger :
-Il n'y a jamais eu de porteur de Pokédex portant ce nom. Répondit-il simplement au gitan.
-Bien sûr que si, puisque je suis à sa recherche.
Si Blue n'avait pas été certain de ce qu'il affirmait, peut-être aurait-il douté de lui devant tant d'assurance. Le blond n'avait même pas cillé un instant et il avait la frimousse d'un enfant à qui l'on venait de dire une absurdité si grosse, que même eux ne pouvaient y croire.
-Je crois que je suis mieux placé que toi, pour savoir à qui mon grand-père a donné son invention. Répéta le jeune homme, agacé.
-Tu n'as pas l'esprit très ouvert, non ? Demanda Medhi en toute innocence.
Leaf ne camoufla même pas son rire, et elle susurra : « Il te connait bien » ! Blue grommela. Pourquoi avait-il une telle casse-pied comme amie déjà ?
-Je ne vois pas le rapport, je ne fais que dire la vérité.
-Ta vision des choses est ton unique vérité, tu ne défends qu'un point de vu, le tien, et tu le considères comme la seule réalité possible.
Blue fronça les sourcils, agacé qu'on lui fasse la leçon. Il était prêt à reconnaître ses erreurs et écouter ce qu'on pouvait lui enseigner, mais là, clairement, tout ce que débitait ce gamin tenait de l'illogisme pur et simple. Lorsque Medhi continua, ses doutes se confirmèrent : il se trouvait face à quelqu'un qui venait de fumer tout un shoot d'herbe d'ortide.
-Le pokédex que je recherche n'a pas été donné par ton grand-père. Du moins pas la version que tu connais.
-Il y a donc plusieurs versions de mon grand-père dont j'ignorais l'existence, de mieux en mieux, ricana Blue, sarcastique.
Le ton caustique de son interlocuteur ne sembla pas atteindre le saltimbanque qui hocha du chef spontanément, comme à un enfant.
-Oh pas seulement de ton grand-père, ce serait un peu égocentrique de penser ça. Il serait plus juste de dire qu'il existe plusieurs versions de cette réalité. Plusieurs dimensions avec des professeurs Chen, plusieurs dimensions avec des Blue ou des Leaf, certains ne portent même pas votre nom, d'autres ont juste fait des choix différents. Il y a aussi des dimensions où les pokémons n'existent pas, ou ne sont que des histoires, des légendes, des jeux, ou même une simple idée qu'un enfant se raconte le soir avant de s'endormir en espérant l'écrire un jour.
Cette fois le célèbre petit-fils du scientifique écarquilla les yeux et se tourna vers son amie. Vu sa tête, elle n'était pas au courant de tout ça et trouvait ça aussi abracadabrant que lui. Leaf avait gardé sa main sur sa bouche depuis son rire, mais cette fois elle paraissait plus embêtée qu'amusée, peut-être regrettait-elle d'avoir troubler son ami champion d'arène pour ça. Tant mieux, cela lui apprendrait à le piéger pour lui présenter le fou du village. Blue n'espérait pas d'excuses -il n'en aurait jamais venant de sa part- mais si elle retenait la leçon, se serait déjà bien.
-Le pokédex que je cherche a été remis par le professeur d'une dimension différente de la votre, à une jeune fille nommée Eléanore Sarl, même si à l'époque, elle s'était fait passée pour une Eléa Lars. Expliqua toujours aussi sérieusement Medhi. -C'est un peu compliqué, mais ce pokédex a sûrement pris la place d'un pokédex de votre dimension et j'en ai besoin. C'est lui qui cause toutes les perturbations que vous rencontrez ici.
-J'en ai assez entendu.
C'était plus de bêtises qu'il ne pouvait en supporter, Blue tourna des talons prêt à quitter la pièce et retourner à ses activités, mais à sa plus grande surprise, Leaf sauta de son lit pour lui attraper le bras et le retenir.
-Blue, lui murmura-t-elle, je sais que ça parait fou, et je ne te demande pas de le croire. Mais c'est un indice. Un indice pour retrouver Yellow. C'est un des enfants disparus, comme elle. On ne peut pas passer à côté !
Le champion de Jadielle baissa les yeux et plongea son regard dans celui de son amie. Pendant une seconde il faillit lui dire ce qu'il pensait : ce gamin pouvait très bien n'être qu'un fugueur mythomane, pas un des kidnappés, et seul son physique avait permis cette confusion, mais il n'y parvint pas. La jeune femme arborait une mine peinée qu'il lui voyait rarement, et qui lui brisa le cœur. Ou peut-être fut-ce ses propres espoirs qui lui vrillèrent la poitrine, des espérances qu'il ne voulait pas décevoir, mais qu'il ne supporterait pas de voir partir en fumée encore une fois. Cela faisait trop mal d'échouer.
Mais en admirant son amie brune, en sentant ses mains tremblantes autour de son bras, Blue se rendit compte d'une chose : l'inaction était aussi douloureuse. L'attente, l'incertitude, la résignation, depuis quand ces sentiments avaient-ils établis leur refuge en lui ? Yellow avait-elle abandonné tout espoir lorsque Red avait disparu ?
Mais que pouvaient-ils faire de plus au juste ? Les battues qu'ils avaient organisés dans la forêt de Jade n'avaient servi à rien, tout comme les appels de Red après chaque victoire à la ligue. Les demandes en direct durant leurs interview, survoler les continents, fouiller les villes, demander à chaque connaissance, chaque champion d'ouvrir l'oeil...Si tout cela avait échoué, alors que restait-il à faire ? Si Yellow était toujours vivante, pourquoi ne les contactait-elle pas ? Si elle était séquestrée, qui la retenait ? Si elle était...morte, où se trouvait son corps ?
Les paupières closes, le souvenir encore vif de la petite fille déterminée s'imposait encore, net malgré les années. Il avait été son professeur, son mentor, lors de son aventure à l'époque. Plus que quiconque, Blue connaissait la détermination indéfectible de son élève. Rien ne l'aurait découragé, rien ne l'avait découragé, ni le temps, ni les ennemis, ni les nouvelles catastrophiques ou sans-aucun sens.
Je n'ai pas le droit de renoncer maintenant, sinon, comment pourrais-je encore me considérer comme son maître ? Se dit-il.
Alors, après un soupir las, il lâcha la poignée et se retourna vers l'étranger. Leaf lui envoya un sourire de félicité totale, et se blottisant dsicrètement contre lui -pour l'empêcher de s'enfuir- elle envoya à Medhi :
-Peux-tu préciser ta pensée s'il te plait ? Je n'ai pas bien saisi ce que tu essayais de nous dire.
Blue grommela, lui, il avait bien compris, c'était juste que le propos n'avait aucun sens. Pendant un instant, le blondinet se contenta de les regarder, comme pour les jauger. Il dû se dire qu'ils étaient toujours dignes de confiance malgré tout et croisa les jambes d'une manière très féminine avant de reprendre :
-Ce serait un peu complexe à expliquer. Mais je vais essayer de faire au plus simple et au plus court. Il existe une infinité de dimensions, en plus de la votre. Mais il n'y a qu'un seul Arcéus.
-C'est un cours de catéchisme ? Demanda Leaf, ironique.
-Non, pourquoi ? Demanda Medhi.
Apparemment l'humour ne l'atteignait pas, et Leaf ricana, gênée, avant de lui demander de continuer en ignorant la remarque.
-Une des dimensions a malheureusement fait un rituel pour appeler au secours Arcéus, et ils l'ont...Piégé, en quelque sorte. Depuis, Arcéus ne se soucie plus que de cette réalité et délaisse les autres, comme celle-ci. Plus le temps passe, plus son absence se fait sentir et des divergences apparaissent. Le temps et les dimensions sont en train de se disloquer sans Arcéus et ses légendaires pour les soutenir.
Malgré lui, Blue ne put s'empêcher de songer à toutes ces fois où les gens perdaient connaissance en pleine rue, à cet accident où Yellow avait disparu, aux pokémons légendaires évaporés et à ces moments où des trous noirs apparaissaient en pleine rue. Oui le monde allait mal, cela, il ne pouvait le nier. Mais on blâmait n'importe qui sans preuve. Pendant un instant, le prodige se demanda si Medhi faisait parti d'une des sectes ayant émergé ces derniers mois, qui essayaient de comprendre tous ces phénomènes surnaturels. Personnellement, il préférait se fier à des faits, scientifique, comme son aïeul malgré son choix de carrière.
-Et en quoi un pokédex va changer quoique ce soit à tout ça ?
-Je ne sais pas.
La réponse les surprit tous.
-Je sais juste que je suis coincé ici tant que je n'aurais pas trouvé cet objet. Il faut que je le trouve si je veux rentrer chez moi. Et je sais que si je ne le trouve pas, votre dimension va continuer à se disloquer jusqu'à s'effondrer complètement.
-Qu'est-ce que tu entends par s'effondrer ? Demanda Blue.
Ce n'était pas la première fois qu'on menaçait leur monde de se finir et qu'ils devaient se retrousser les manches pour l'en empêcher, bien que généralement, ils n'avaient eu qu'à combattre un ennemi bien spécifique, et non pas une menace générale. Medhi émit un petit son, comme un fredonnement et prit le temps de réfléchir avant de répondre :
-Et bien, ce seront d'abord des changements insidieux, le Temps va capoter, certaines personnes vont vieillir en l'espace de quelques jours pour vous. Ce qui paraîtra des secondes à certains ne seront guère plus que des années à d'autres. Il se peut que des incohérences apparaissent dans la ligne temporelle et que des gens qui ne sont pas censés être là arrivent....Hum, vu qu'Arcéus et Giratina ne sont plus là, le cycle de réincarnation va sûrement capoter et du coup les âmes se perdront, les naissances vont diminuer. Ensuite je suppose que quand on approchera de la fin, la dimension en elle-même sera détraquée et un pas permettra de franchir une mer alors qu'il faudra plusieurs jours pour simplement traverser une pièce. Et puis je suppose qu'au bout d'un moment, ça va juste, s'arrêter.
-S'arrêter ? Répéta Leaf.
-S'arrêter d'exister. Compléta Medhi. -Bien que je ne sache pas vraiment à quoi peut ressembler le processus de fin.
Tout cela ne paraissait guère réjouissant. Heureusement pour eux, cela ne paraissait pas vraiment réaliste non plus.
-Et tu sais ça comment, dis-moi ?
-Je ne sais pas. De la même façon que je sais que je dois trouver le pokédex d'Eléa.
-Tu as des preuves de ce que tu avances ?
-Pas vraiment. Je suppose que si les incohérences ont commencé à apparaître vous serez plus à même de les voir vous-même puisque vous vivez ici. Une fois que l'on pointe du doigt un problème, on le voit mieux dans notre quotidien, maintenant que je vous l'ai révélé, vous devriez pouvoir le distinguer...
C'en était vraiment trop pour Blue.
-Si tu veux vraiment suivre ce garçon Leaf, je ne t'en empêcherai pas, mais moi, j'ai de vrais affaires à régler. Je vais chercher Yellow autrement. Tout ça n'a aucun sens !
-Blue !
-Les choses n'ont pas à avoir du sens pour êtres vraies. Déclara simplement Medhi.
-Et bien si, justement !
Blue n'avait pas voulu hausser le ton, mais il était fatigué, fatigué par cette histoire sans queue ni tête, fatiguée par l'attitude de cet étranger et celle de son amie. Fatigué d'essayer et d'échouer, fatigué de voir ses espoirs constamment déçus. Continuer la recherche de Yellow, oui, mais de là à se fier à n'importe quoi ? Non.
Il trouverait bien une autre solution qui ne nécessiterait pas de croire un fou. D'un geste agacé il se dégagea de l'emprise de Leaf. Cette dernière lui adressa à nouveau un regard presque suppliant, mais il l'ignora -c'était encore une ruse de sa part pour le manipuler, tout comme cette rencontre.
-Blue, je...
Il saisit la poignée et lui tourna le dos. Alors qu'il pénétrait dans le couloir aseptisé de l'hôpital, il entendit les paroles de la jeune femme, tremblant de détermination :
-Je ne veux pas abandonner.
-Moi non plus, lui répondit-il.
Et il claqua la porte.
Enfant, on croit naïvement que les promesses sont inébranlables, qu'elles fondent notre avenir et sont gage de certitude. On nous enseigne que le mensonge est mal et qu'il suffit d'éviter d'en proférer pour s'en sortir. Malheureusement, en grandissant, ces illusions se dissipent, on comprend rapidement que, parfois, les promesses ne sont pas franches. Qu'elles nous échappent et nous déçoivent, deviennent un mensonge malgré nous. Ce n'est pas pour autant de la malveillance ou une marque de méchanceté, mais parfois, l'oubli, le temps, la vie font qu'elles sont impossibles à tenir.
"Je n'abandonnerai pas", lorsque Blue avait lancé ça à son amie, il y croyait sincèrement, il désirait vraiment s'y tenir.
Mais contrairement à Yellow, il n'avait pas disparu. Le quotidien, son quotidien, l'attendait fermement. Ses devoirs, comme des chaînes à ses pieds, restreignait ses mouvements et ses efforts. Il y avait toujours quelque chose à faire à l'arène de Jadielle, des challengers à affronter, des pokémon à nourrir, des rapports à envoyer au comité...Ce n'était pas qu'il conférait plus 'importance à ces menus travaux plutôt qu'à son amie, mais ces charges-là avaient quelque de chose de concret, de palpables. Chercher la soigneuse, c'était comme battre l'air du bras, on se fatiguait beaucoup, on s'agitait, mais au final on ne voyait pas du tout ce que cela changeait. Tout au plus, on chassait sa culpabilité en rétablissant l'équilibre de sa conscience. Maigre consolation.
"Il y aura forcément un jour, un véritable indice, une vraie piste à suivre, plutôt que de nouvelles chimères." Se répétaient Blue chaque soir. Ce jour-là il serait prêt.
Un sms de Leaf lui apprit qu'elle était fâchée contre lui, et qu'elle, elle partait sur les routes avec Medhi. Elle avait vaguement essayé de le motiver en titillant sa jalousie d'un : "Peut-être que Red, lui, sera de la partie". Mais ils savaient tous les deux qu'il s'agissait d'un blanc mensonge. Red ne bougerait pas plus que lui. Pendant un instant, Blue hésita à appeler les forces de polices pour dénoncer Medhi. Après tout il s'agissait d'un enfant disparu, dont les parents s'inquiétaient forcément, et le jeune homme ne souhaitait pas qu'il embarque sa camarade dans des ennuis alors qu'elle, venait juste de retrouver les siens. Mais il se ravisa. Peut-être par espoir que, malgré tout, cette aventure les mène à leur disparue. Puis, se disait-il, Leaf se rendrait bien vite compte de la supercherie et le dénoncerait elle-même. Il valait mieux que cela se termine ainsi, sinon, ce serait la dresseuse qu'il se mettrait à dos. Personne ne souhaitait se mettre Leaf à dos.
Le champion de Jadielle était en train de reposer son téléphone quand les portes de l'arène s'ouvrirent. Il soupira un instant, plissant les yeux, vraiment, il n'avait pas une minute à lui, puis se tourna vers son challenger.
Il s'agissait d'une fillette, encore en uniforme d'école, elle jetait un regard légèrement paniqué autour d'elle, l'air stressé. Sûrement son premier challenge, songea le jeune champion.
-Bienvenue à l'arène de Jadielle, je suis l'actuel champion, Blue Chen. Combien as-tu de badges en ta possession ? L'aborda-t-il, un peu trop franchement.
La petite sursauta, et son visage devint blafard, comme s'il s'apprêtait à la dévorer toute crûe. Red lui disait souvent qu'il se montrait trop prompt et qu'un "comment vas-tu, que puis-je faire pour toi ?" aurait aidé à détendre l'atmosphère. Mais Blue avait déjà dit bonjour, et ils étaient là pour combattre, il ne voyait aucun intérêt à jouer les hypocrites. Si cette fille n'avait pas le niveau, autant ne pas perdre son temps en blabla poli.
-J'en...J'en ai sept. Balbutia la gamine, en montrant même le nombre avec ses doigts.
Cela le surprit un peu, elle aurait pu être plus confiante alors, ce n'était pas son premier match officiel.
-Bien, alors commençons ; de combien pokémon disposes-tu ?
-Q...Quatre. Monsieur Blue, v-vous ne me reconnaissez pas ?
Le jeune homme s'arrêta et la dévisagea à nouveau. Cheveux bruns, yeux chocolat, queue de cheval en arrière, non vraiment, elle ne lui disait vraiment rien.
-Je devrais ?
-Je suis originaire de cette ville, je...je, j'étais venue visiter l'arène avec ma classe quand vous avez été nommé champion et vous m'avez fait des compliments sur mon nidoran.
Ainsi donc elle avait un nidoran, un pokémon sol. Cette info lui serait utile. Outre ce fait là, elle ne lui disait toujours rien. Il avait effectivement souvenir de classes invitée dans son arène, mais il s'agissait toujours de primaires, de petits enfants de l'école de Jadielle. Il n'était en charge de cet endroit que depuis trois ans, et cette challenger avait bien quatorze ans, si ce n'est quinze.
Les menaces de Medhi se frayèrent un chemin jusqu'à lui, mais il les chassa d'un simple mouvement de la main.
-Si je t'ai fait des compliments, c'est que tu les méritais. C'est tout ce qui importe, après tout. Commençons le combat pour ton badge, je n'ai pas beaucoup de temps à t'accorder aujourd'hui, que dirais-tu d'un un contre un ?
L'expression de la fillette passa par toutes les nuances, du rose vif ravi au blanc déçu pour finir par le vert de l'appréhension. Elle se dirigea d'un pas hésitant à l'emplacement réservé au challenger, de l'autre côté du terrain. Comme il s'en doutait, elle envoya un Nidoqueen magnifique, sûrement son starter. Il avait eu raison de la complimenter sur son dressage, le pokémon avait les écailles lustrées et des muscles saillants, dénonçant un entrainement rigoureux et pourtant affectueux.
Blue sortit son pokédex, plus pour vérifier le niveau de son adversaire que par besoin d'en apprendre plus sur l'espèce. Niveau 53, un peu trop faible pour qu'il lui envoie un membre de son équipe officielle pour la ligue. Il devrait donc se contenter de ceux de sa réserve. A la place il se dirigea vers son pc et après quelques manipulations, un rayon rouge fit apparaître la pokéball d'un staross. Elle était peut-être douée en élevage, mais qu'allait-elle faire contre le pire match-up que pouvait rencontrer son pokémon ? Il était curieux.
L'avantage d'être un des finalistes de la ligue et le dernier rempart avant celle-ci, c'était qu'il n'avait pas à respecter la loi limitant une arène à un seul type. Il lança son pokémon et celui-ci s'anima sur le terrain, effectuant une roue, ravi d'être appelé.
La fillette grimaça, consciente du désavantage. Elle avait été un peu trop rapide et n'avait pas attendu qu'il envoie son pokémon en premier, elle en payait les conséquences à présent, tant pis pour elle.
-Queen, attaque toxic !
La nidoqueen bomba la poitrine et vomit un torrent hautement nocif sur son adversaire. Une bonne tactique, elle comptait l'avoir à l'usure. Mais encore fallait-il que cette attaque le touche :
-Staross, attaque surf !
L'étoile frémit et ses branches projetèrent un violent jet d'eau qui forma en l'espace d'une demi-seconde une énorme vague. Les éclats empoisonnés heurtèrent la vague et s'y diluèrent, lui donnant une couleur violacée, malsaine. La challengeur recula, les yeux écarquillés. Elle ne pensait sûrement pas qu'un mouvement offensif puisse se révéler défensif. Elle avait encore beaucoup à apprendre. Il profita de son ahurissement pour continuer l'attaque :
-Psyko !
Grâce à ses pouvoirs psy, le pokémon permit à son tsunami de ne pas se dissiper et il l'envoya se fracasser contre son opposant. Dans un moment de panique, la dresseuse balbutia une phrase incompréhensible derrière le tumulte de l'eau.
Nidoqueen en revanche, dû le comprendre car elle frappa le sol de son poing et une faille énorme fendit le terrain. La vague s'engouffra en grande partie dedans, et seule une toute petite partie aspergea le pokémon.
Blue fronça les sourcils, plus intrigué que vexé : la petite apprenait vite. Malheureusement cela ne la sauverait pas. La toxicité de l'eau avait atteint le starter de la challenger et sa stratégie se tournerait bientôt contre elle. Il n'avait qu'à gagner du temps.
-Staross onde-fol-
Le sol se remit à trembler et Blue se mordit la langue. La maudite venait de relancer un séisme ? Il jeta un coup d'oeil à son adversaire, prêt à répliquer, mais découvrit avec stupeur que sa challengeuse était tombée sur les fesses, elle aussi surprise par la secousse.
-Un tremblement de terre...Maugréa-t-il. -Petite, il y a un abri dans le centre pokémon ! Dépêche-toi d'y aller.
-Mais, et le match ?
-On reprendra plus tard !
Et comme elle ne semblait pas vouloir rappeler son pokémon en premier -comme si cela signifiait avouer sa défaite- il le fit. Staross retourna dans sa pokéball sagement. Le sol tremblait toujours, et Blue se précipita vers l'ordinateur pour enclencher le transfert en urgence des pokémon de l'arène. Le temps de la manipulation, sa challengeuse avait rappelé sa nidoqueen et se dirigeait vers la sortie en courant, il s'apprêtait à la suivre quand un hurlement retentit sur le parvis.
Il la retrouva inanimée sur le bitume. Dehors, juste en pleine ville, une sorte d'énergie noire crépitait, trônant au milieu de la place comme le soleil au centre du système solaire. Des éclairs bruns grésillaient, longeant les murs et se réverbérant entre les bâtiments. Pourtant, il n'y avait pas le moindre bruit, pas le moindre cri supplantant le grondement terrestre : tous les passants gisaient, inconscients, sur les trottoirs, ou assis à leurs tables sur un café, tenant encore leurs couverts. Blue voyait leurs écharpes et leurs cheveux battre follement l'air, résistants à la force d'attraction de l'orbe noire.
C'était pas vrai, encore un de ces foutus phénomènes ! C'était le deuxième de la semaine !
Blue grimaça, furieux, et il allait sortir son Akwakwak pour murer ce foutu trou sous quatre protections quand une nouvelle secousse ébranla la ville, plus violente que les précédentes.
-Attention !
On le tira en arrière juste à temps, plusieurs blocs de pierres s'écrasèrent là où il s'était tenu la seconde auparavant. Blue avait placé ses bras en avant, pour se protéger des éclats, mais ceux-ci furent tous aspirés par l'orbe noire avant de l'atteindre.
-Merci, murmura-t-il, à l'attention de son sauveur, juste étonné de ne pas être le seul éveillé ici, comme c'était le cas d'habitude.
-Oh, c'est rare de t'entendre dire Merci, quel dommage j'aurais aimé t'enregistrer pour le montrer à tout le monde ! Enfin, tu me devras un service !
La voix rieuse de son amie Leaf lui confirma ses doutes. C'était bien la jeune femme qui, d'une prise ferme, l'avait sauvé. Celle-ci, dans son ensemble de voyage, lui fit un clin d'œil complice. Il allait entendre parler de cette histoire jusqu'à la fin de ses jours, et pendant un instant, Blue regretta qu'elle ne soit pas assoupie comme tous les autres civils...
D'ailleurs, pourquoi n'était-elle pas...?
-Medhi, tu peux faire quelque chose contre ça ? Demanda Leaf, en pointant du doigt le trou noir ravageant la place.
Le vacarme autour d'eux devenait assourdissant, la force du vent enflait dangereusement. Le chapeau de la dresseuse, d'ailleurs, lui échappa. Leaf essaya de le rattraper mais ses cheveux battant au vent durent la gêner et elle le loupa de peu. Il fut aussitôt aspiré par le trou noir, comme happé. Juste avant qu'il ne disparaisse dans un grésillement malsain, Medhi s'en saisit et le sauva in extremis.
-Merci Medhi ! Lui envoya-t-elle, et ce dernier lui répondit d'un signe victorieux, tout sourire.
Blue fronça des sourcils. Le saltimbanque se trouvait à quelques centimètres du soleil ténébreux, et il ne paraissait pas du tout affecté -ni effrayé- par sa présence.
Non, se corrigea-t-il. Pire que ça, les cheveux de Medhi ne fouettaient même pas son visage, malmené par les courants, ses vêtements ne gênaient pas ses mouvements, c'était comme si, rien de ce qui se produisait ici ne l'affectait.
-Co...Comment ?
Et malgré les plaintes de la terre, les sifflements du vent et les crissements des objets happés par la force d'attraction du trou noir, Medhi sembla parfaitement l'entendre :
-Je te l'ai dit, je ne suis pas de cette dimension.
Pendant une seconde, Blue ne comprit plus rien du tout.
-Comment fait-on pour arrêter ce truc Medhi ? On a besoin d'un pokémon ? Quelque chose ? Lui cria Leaf.
-Non, vos pokémon ne serviraient à rien ici. Ils risqueraient juste de se faire avaler et de se retrouver dans une dimension inconnue. Ce truc est apparu parce qu'il cherche à corriger une divergence. Quelque chose ici n'appartient pas à cette dimension et il essaye de le trouver.
-Tu veux dire, à part toi ? Lança Leaf.
Medhi pencha la tête sur le côté, imperméable à ce trait d'humour.
-Il doit y avoir quelque chose qui l'attire ici. Ces trucs apparaissent toujours près des divergences et...
Le blond s'interrompit et son regard se posa sur Blue.
-Bien sûr ! Murmura-t-il abasourdi. -C'est toi qui l'a !
En deux pas il les rejoignit et, d'un geste précis, le jeune homme se saisit du médaillon du champion. Celui qu'il tenait de son grand-père, la chaîne simple en fer se rompit avec une facilité déconcertante et dès que Medhi referma son poing sur l'objet, tout bascula.
la sphère poussa un hurlement strident, si puissant que Blue et Leaf se recroquevillèrent, les mains sur les oreilles. La chose tripla de volumes, comme la poitrine d'un enfant qui pleure, en trois fois, plusieurs sursaut, plusieurs crises, comme un hoquet. Et puis ce fut le choc, le trou noir se referma, se roula en boule et disparut. La terre, le vent, tout s'arrêta. Les parasols qui se tordaient sur les cafés retrouvèrent leurs positions initiales, les feuilles retombèrent sur les pavés, et il n'y eut plus aucun bruit. Juste le silence abasourdi.
Blue se redressa, encore secoué, il avait toujours l'impression que le sol vacillait sous ses pieds, et n'entendait plus très bien. Autour de lui, les civils se réveillaient un à un se frottant les yeux, s'étirant, s'étonnant d'avoir la tête dans leurs assiettes ou d'être allongés sur le bitume.
Il vit les lèvres de Leaf bouger, mais ne perçut pas distinctement les sons, la tête lui tournait. Et Medhi tenait toujours son médaillon.
-C'est à moi. Parvint-il à articuler, dans le brouillard.
L'étranger secoua la tête négativement, et, à sa plus grande surprise, il appuya sur la bande bleue qui couvrait le pendentif. Cela n'aurait rien dû faire, il s'agissait d'un loquet après tout, fait pour s'ouvrir latéralement et afficher une photo de son grand-père. La bande bleue n'était que décorative, cela n'aurait rien dû faire. Et pourtant il se produisit quelque chose : un mécanisme réagit et fit sortir l'embout d'une prise usb.
Ce n'était pas son trésor, son souvenir.
Mais alors, où était le sien ? Quand lui avait-on subtilisé et substitué ? Blue ne comprenait plus rien du tout.
-Qu'est-ce que cela signifie ? A qui c'est ce truc ? Marmonna-t-il, en examinant la chose qu'il avait porté à son cou pendant toutes ses années sans en connaître la nature.
-C'est la divergence. C'est à Eléanore.
Blue lança une oeillade à Leaf, pour qu'elle lui traduise ce que disait son ami, mais celle-ci haussa des épaules, tout aussi perdue. Ils allaient lui demander de préciser -en espérant ne pas recevoir un de ses "je ne sais pas", quand Medhi porta la main sur son front dans un gémissement. Le pendentif glissa de ses doigts et le saltimbanque chuta.
-Medhi ? Medhi !
Leaf se précipita vers l'étranger et le prit par les épaules, essayant de le redresser. Et aussi chamboulé que Blue était, il se souvint des consignes de sécurités. Reprendre le contrôle de la situation lui fit du bien, lui permit de reprendre prise avec la réalité, la normalité :
-Non, mets-le sur le côté, en chien de fusil, il ne faut pas le bouger. Je vais appeler l'hôpital.
Le champion chercha son portable, avant de se souvenir qu'il l'avait laissé à l'arène avant son match. Furieux, il siffla entre ses dents. Agacé, il prit sa pokéball et un dracaufeu en émergea, fièrement, prêt à obéir à son dresseur.
-On doit l'emmener à l'hô...
-Ah, il reprend connaissance ! L'interrompit Leaf. -Tu nous as fait peur Medhi !
Le blondinet battait des paupières dans ses bras, comme émergeant d'un long sommeil et non pas d'un malaise de quelques minutes. Il poussa un nouveau gémissement, et fronça les sourcils :
-J'suis...où ? marmonna-t-il, la voix pâteuse et l'esprit embrumé.
Leaf ricana :
-Jadielle. T'en fais pas, on...
-T'es qui toi ?
L'incompréhension totale déforma ses traits, alors qu'il jetait des coups d'oeil paniqués autour de lui. D'un geste un peu brusque, il repoussa l'étreinte de Leaf, et trébucha sur le béton. Blue observa le manège, de plus en plus perplexe, et ma foi, pour la première fois, il ne douta pas une seconde des paroles de l'étranger et ne crut pas en un jeu de fou. Il s'était passé trop de choses pour qu'il continue de douter.
Lorsque Medhi se remit sur ses jambes et commença à appeler sa mère et à réclamer la police, il n'eut plus aucun doute : le garçon kidnappé de l'affiche venait de revenir. Et quoique ce fut, ce qui l'avait possédé et qu'ils avaient rencontrés, venait de disparaître sans laisser de trace.