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Pokemonis T.1 : La Pokeball perdue de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 04/02/2015 à 10:10
» Dernière mise à jour le 17/10/2016 à 21:13

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Région inventée

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Chapitre 15 : Esclave à jamais
Cielali



Dame Sol m'avait envoyé monter la garde au sommet d'un arbre. Il y faisait sans doute plus froid qu'en bas autour du feu de camp, mais j'étais secrètement contente de rester seule un moment. Déjà, je n'étais pas habituée à ce qu'il y ait autant d'humains autour de moi. Certains Pokemon ne supportaient pas la présence humaine. Je n'étais pas l'un d'eux, bien sûr. J'avais Kerel avec moi depuis des années, et je n'avais aucun préjugé contre les humains. Mais voilà, trois de plus d'un coup, qui surtout avaient une aptitude bien loin des standards des esclaves... Il fallait s'y habituer.

Et puis... je n'avais pas encore fait le deuil de mes parents. Je ne réalisais pas encore tout à fait, avec tout ce qu'il s'était passé. La présence de Kerel, qui ne cessait de me soutenir, était réconfortante, mais j'avais besoin d'être seule avec ma peine quelque temps. Discuter de ces sentiments personnels avec un humain, même un esclave très proche, était très inhabituel pour un Pokemon, et pour l'instant, je ne croulais pas spécialement sous la compagnie des miens. Je savais que ce ne serait sûrement pas Cresuptil qui allait me plaindre ; il était bien trop occupé à se plaindre lui-même sur son argent. Quant à ce Penombrice, je ne le connaissais pas trop, bien qu'il ait tenté de discuter un peu avec moi. Il m'a fait l'effet d'un Pokemon très érudit, sage et posé, très loin du caractère emporté de sa partenaire humaine Ludmila.

Je méditais aussi sur la suite des évènements. Bien sûr, j'étais en colère contre le colonel Tranchodon et l'injustice dont il avait fait preuve en assassinant mes parents. Bien sûr, j'aurai voulu qu'il meure, et j'étais prête à le faire moi-même si je le pouvais. Mais voulais-je vraiment faire tomber l'Empire, comme les Paxen ? Assassiner Sa Majesté l'Empereur ? C'était un peu trop pour moi. Naturellement, j'étais consciente que l'Empire Pokemonis était loin d'être parfait. La corruption, la discrimination, l'esclavage, le totalitarisme, étaient depuis longtemps des caractéristiques de l'Empire. Ce n'était pas acceptable.

Mais quand bien même... J'étais une pure Pokemon de l'Empire. Je suis née relativement privilégiée, de part mon père qui a travaillé durant longtemps pour l'administration impériale. Je n'ai jamais manqué de rien, je n'ai jamais eu l'occasion, jusqu'à récemment, d'en vouloir à l'Empire pour quoi que ce soit. Certes, le pouvoir central était pourri, mais qu'en était-il de tous les Pokemon qui vivaient normalement ? Si les Paxen menaient à bien leur plan, tout leur univers sera à jamais chamboulé. Et puis, quel genre de pouvoir mettraient les Paxen à la place ? Fallait-il craindre que les humains, enfin libérés de leurs chaînes, ne veuillent se venger des Pokemon en les exploitant à leur tour ? Des Paxen comme Ludmila ne donnaient pas l'impression qu'ils se montreraient particulièrement cléments envers les Pokemon de l'Empire.

Enfin, de toute façon, il n'y avait pas lieu de réfléchir à ça pour le moment. Par la force des choses, j'étais obligée de rester avec les Paxen. Seuls eux pouvaient nous assurer un semblant de protection, à Kerel et à moi. Et puis, penser que quelque rebelles pouvaient faire chuter le tout puissant Empire de Pokemonis relevait pour l'instant de l'utopie. Le plan des Paxen concernant la soi-disant Pokeball de l'Empereur me paraissait louche, surtout s'il dépendait entièrement de ce Tannis qui n'avait pas franchement l'air au top dans sa tête...

Perchée sur mon arbre, je tâchai d'observer les alentours. Ma vue était relativement bonne dans l'obscurité, mais là où j'excellais particulièrement, c'était au son. Pour un Cielali, ses oreilles étaient la partie la plus importante de son corps. Outre le fait qu'elles me permettaient de voler et d'utiliser la plupart des attaques Vol que je possédais, elles étaient aussi très sensibles au bruit, et je pouvais sans mal repérer tout intrus qui approcherai du campement, surtout avec la neige sur le sol.

À moins bien sûr que l'intrus en question ne marche pas, et ne fasse aucun bruit. Cette fois, ce fut ma vision nocturne qui me prévint la première. Quelque chose approchait plus loin, entre les arbres. Quelque chose de difficile à voir, car elle semblait immatériel et sombre, mais je ne m'y laissai pas tromper. Ce devait être un Pokemon Spectre. Dame Sol nous avais prévenu qu'il y avait un risque que le colonel Tranchodon nous colle quelque Pokemon discrets aux basques. Le Pokemon espion - un Skelenox, en l'occurrence - avait vu le feu de camp et se dirigeait silencieusement vers lui, mais il ne m'avait pas remarqué en haut de mon arbre, dissimulé derrière une grosse branche recouverte de neige. Mon pelage crème me fournissait une bonne couverture dans ce paysage.

J'observai ce que faisait le Skelenox. Il avait l'air seul, et donc, à moins d'être particulièrement suicidaire, il n'allait sûrement pas tenter une attaque contre le groupe. Il recueillait sans doute des renseignements pour le compte du colonel Tranchodon. Il serait bon pour nous aussi d'en avoir sur son compte. Dame Sol avait dit qu'elle était capable d'utiliser des pouvoirs psychiques pour lire les pensées. Si jamais nous pouvions capturer cet espion, nous pourrions apprendre des choses sur Tranchodon.

Je décidai d'agir seule. Réveiller les autres, c'était prendre le risque de faire fuir le Skelenox. Je n'étais pas un Pokemon capable de rivaliser avec un fou des combats et du meurtre comme le colonel Tranchodon, mais je n'étais tout de même pas dépourvue de quelques capacités. Un petit Pokemon comme un Skelenox ne m'effrayait pas. Planant sans bruit quelque mètres au dessus de lui, j'attendis qu'il soit totalement aligné en dessous de moi pour surgir. Il entendit le bruit de mon attaque, et leva sa face de fantôme pour voir ma Lame d'Air lui tomber dessus. Il se la prit de plein fouet, rebondit contre un arbre, et je l'attrapai au vol, avec mon attaque Acrobatie. Je l'éloignai du campement de mes compagnons. Le Skelenox tenta de se défendre avec une Ball-Ombre, mais je contrai avec Tranch'Air.

Ce Skelenox ne pouvait rien contre moi. Il avait beau sûrement faire partie de l'Armée Impériale, il était nul. Moi, je m'étais régulièrement entraînée au combat avec Kerel. Mon père disait que c'était une perte de temps pour ceux qui ne comptaient pas faire carrière dans l'armée, mais selon moi, les Pokemon n'avaient pas tous ces pouvoirs pour rien. Je songeai avec un amusement sinistre que j'aurai facilement pu devenir officier rapidement si je m'étais engagée.

- Je p-proteste, balbutia le Skelenox. Pourquoi m'avoir attaqué ?! Je n'ai rien fait qui puisse...

- C'est ça, moquez-vous de moi, répliquai-je de façon menaçante. Vous pensez que j'ignore qui vous envoi ? J'aimerai bien que vous transmettiez mon bon souvenir au colonel Tranchodon, mais je pense que vous allez rester un peu avec nous pour le moment.

Je le gardai bien en vue, prêt à lui jeter une attaque au moindre geste suspect. Et pas grand monde pouvait rivaliser avec mes attaques de vent question vitesse. Le Skelenox était coincé, il le savait, mais il n'en conserva pas moins son arrogance toute militaire.

- Sale traîtresse ! Vous osez braver Sa Majesté l'Empereur en vous associant à ces criminels, ces terroristes, et ces sales humains ?! Le colonel vous fera payer votre insoumission ! Il vous fera souhaiter de ne jamais être née, pendant qu'il dévorera votre pauvre humain sous vos yeux !

Je secouai la tête.

- Ce n'est pas acceptable, dis-je tout simplement.

Les cris outrés et vengeurs du Skelenox avaient réveillé les autres, qui se précipitaient déjà. Kerel était en tête, et était très inquiet.

- Maîtresse ! Vous allez bien ? On vous a attaqué ?!

- Je ne sais pas si on peut dire ça comme ça. J'ai juste trouvé ce petit fureteur. J'ai pensé vous l'offrir, Dame Sol.

La vieille humaine sourit.

- C'est fort aimable à toi, mon enfant. Beau travail.

Elle s'approcha et se mit à genoux devant le Skelenox prisonnier, qui commençait un peu à ressentir la peur.

- Ne m'approchez pas ! Erreur de la nature ! Abomination !

Ludmila lui écrasa la tête sous son pied, l'empêchant de continuer.

- Tu t'adresses à Dame Sol avec respect, ordure d'impérial.

- Bah, on m'a traité de bien pire, depuis le temps, fit légèrement Sol.

La vieille humaine pencha le visage vers le Skelenox, prenant le Pokemon à deux mains, et ferma les yeux. Le Skelenox cessa bien vite de se débattre, comme apaisé. Mais quand Sol rouvrit les yeux d'un coup, le Skelenox poussa un gémissement de pur terreur. Moi-même, je frissonnai, et Ludmila eut un mouvement de recul. Les yeux de Sol, d'ordinaire verts et doux, s'étaient comme transformés. Une pupille verticale fendait désormais deux orbes violets, brillant d'un feu terrible. Je n'avais jamais vu de tels yeux, même chez les plus terribles Pokemon. Ce regard, cette sauvagerie contenue, me rappelait un peu les yeux rouges du colonel Tranchodon. Devant ce changement soudain chez les yeux de la vieille femme, Tannis, déjà pas très équilibré, en tomba carrément sur les fesses.

- W-wow, balbutia-t-il. C'est méga-giga-flippant, ça... Vous voulez bien arrêtez, m'dame Sol ? J'vais mouiller mon pantalon...

Sol referma les yeux, et quand elle les rouvrit, ils étaient redevenus comme avant, d'un vert émeraude accueillant, et à la pupille normale pour un humain.

- Celui-là ne sait pas grand-chose, dit-elle enfin. Il a reçu ordre du commandant Pandarbare, le second de Tranchodon, de nous suivre discrètement, sans intervenir, afin de pouvoir communiquer notre position le moment venu. Il sait qu'il y a quelque autres Pokemon sur le coup, mais il ne sait pas lesquels ni combien.

- Tuons-le, et reprenons notre route, proposa Ludmila. Nous avons assez dormi, si on se dépêche, on peut les distancer. Et peut-être que quand ils verront le cadavre de leur copain, ils n'insisteront pas.

Sol soupira en secouant la tête, comme accablée par la sottise de la jeune Paxen.

- Tu as décidément l'esprit bien étriqué, jeune fille. Je te l'ai déjà dit : la mort résout rarement quelque chose. De plus, quand ils meurent, les Pokemon Spectres ne laissent pas de cadavre, leur corps s'évapore dans le néant. La prochaine fois que tu veux proposer une solution impliquant obligatoirement le meurtre de quelqu'un, abstiens-toi.

Ludmila fut de toute évidence vexée, mais eut la sagesse de se taire. J'entrevis le sourire narquois de Kerel, toujours ravi quand Ludmila se faisait rabattre le caquet par Sol.

- Tout comme je peux utiliser des pouvoirs mentaux pour lire en lui, je peux lui fabriquer de faux souvenirs. Si jamais il croise ses amis ou fait un rapport à Tranchodon, il leur indiquera la direction opposée à la nôtre.

Sol se reconcentra sur le Skelenox. Quand elle eut fini son œuvre, la lueur rouge dans le crâne de Skelenox s'éteignit, signe qu'il était inconscient. J'étais toujours éberluée à chaque fois que Dame Sol faisait usage de ses mystérieux pouvoirs. Mais je sentais aussi quelque chose. Kerel n'avait rien remarqué, pas plus que Ludmila, mais eux étaient humains, ils n'avaient pas la même sensibilité que moi. Cresuptil aurait pu, s'il n'était pas si effrayé. Mais moi, je sentais comme une seconde présence qui venait en quelque sorte se substituer à Sol quand elle se servait de sa magie. Une présence immatérielle, mais qui laissait une trace, comme une pression dans l'air.

J'étais sûre que les pouvoirs de Sol ne venait pas d'elle, du moins pas directement. Elle cachait quelque chose en elle... ou quelqu'un. Très perturbant. Mais d'un autre coté, je ne pouvais m'empêcher d'avoir confiance en cette vieille humaine. Après tout, jusque là, elle avait toujours été gentille, même avec moi, un Pokemon de l'Empire, et elle pensait toujours aux vies des autres. Et puis, Kerel la connaissait depuis longtemps, et la considérait un peu comme sa seconde mère. Elle avait sans doute bien des secrets, mais je ne pensais pas qu'elle soit mauvaise.

- Notre petit ami spectral se réveillera sans aucun souvenir de notre rencontre, dit enfin Dame Sol en se relevant. Et il sera persuadé nous avoir vu aller vers l'Est. Ceci dit, si d'autre espions sont sur nos traces, il vaut mieux ne pas traîner.

Nous reprîmes donc notre route sous le froid et la nuit. Les autres avaient peu dormi, et moi pas du tout. Kerel me proposa que je me pose sur sa tête ou dans ses bras où je pourrai piquer un somme pendant qu'il me transporterait. La proposition était tentante, mais je n'aurai pu l'accepter en une pareille situation. Les autres me regardaient. Même Cresuptil avançait sans se plaindre. De quoi aurai-je l'air si j'utilisais Kerel comme oreiller ? Rien de moins que la petite princesse esclavagiste que dépeignait Ludmila.

- Non Kerel, c'est gentil, mais ça ira, répondis-je.

- Maîtresse, vous n'avez pas dormi depuis deux jours, insista Kerel.

- Je me reposerai quand on sera à l'abri de Tranchodon et de ses sbires.

- Maîtresse, il faut que vous vous ménagiez. Attaquer ce soldat seule comme vous l'avez fait était très dangereux, et...

- ASSEZ !

Kerel s'arrêta, surpris. Je n'avais pas eu l'intention de crier comme ça, mais autant mettre les choses au point avec Kerel dès maintenant. Je laissai les autres devant prendre un peu d'avance, puis je dévisageai mon esclave. Mon ancien esclave.

- Je veux que tu arrêtes de me couver, Kerel. On est plus à Ferduval. Nous sommes tous les deux des traîtres en fuite. Nous voyageons avec des Paxen. Alors arrête d'être toujours aux petits soins avec moi ! Arrête de me donner du « Maîtresse » à chaque phrases ! Ce n'est pas acceptable !

Kerel me regardais comme si j'étais folle et enragée.

- Maîtresse... Il s'est passé beaucoup de choses malheureuses. Nos vies ont été bouleversé. Mais, quoi qu'il arrive, je reste votre esclave. Je le suis depuis des années, et je continuerai à l'être. Je ne sais faire que ça. Je ne veux que vous servir, quelques soient vos décisions ! Vous voulez rejoindre les Paxen et lutter contre l'Empire ? Fort bien. Je serai prêt même à travailler avec Ludmila si c'est votre volonté. Vous voulez trahir ces rebelles pour les livrer à Tranchodon dans l'espoir qu'il vous pardonne ? Fort bien aussi. Je livrerai même Sol si vous me le demandez. Je ne veux seulement que vos ordres, maîtresse. Je veux continuer à vous être loyal, comme je l'ai toujours été.

Je secouai la tête, sans pouvoir retenir mes larmes. J'avais envie de me jeter dans ses bras, mais aussi de le cogner aussi fort que je le pouvais.

- Tu n'es plus obligé de faire tout ça... Plus rien ne te retiens en esclavage, Kerel. Oui, si je n'ai pas d'autre solution, je rejoindrai les Paxen, mais si je le fais, ils n'accepteront certainement pas que je conserve un humain comme esclave. Chez eux, Pokemon et humains sont égaux, tu le sais.

- Je me contrefiche de leur coutumes débiles, répliqua Kerel. Un maître, c'est tout ce que possède un esclave. Un maître, et la volonté de bien le servir. C'est ma fierté de vous avoir vous, maîtresse. Vous êtes un bon maître, et c'est aussi ma fierté de vous servir.

- Je t'ai dit d'arrêter ça ! Hurlai-je. Je ne suis plus ta maîtresse, Kerel ! Tu n'es plus esclave, alors arrête de faire semblant ! Pourquoi tu restes avec moi, hein ? Tu peux aller où tu veux ? Tu as plein d'humains libres à tes cotés, maintenant. Alors vas avec eux et apprend à être un vrai humain libre, et cesse de t'accrocher à moi comme un bébé à son hochet !

En colère et triste, je laissai là Kerel qui me regardait avec un regard blessé et incompréhensif. J'agitai mes oreilles pour aller me perdre aux sommets des arbres, enfin seule pour pleurer de tout mon saoul.


***


Kerel




J'étais paralysé de stupeur. Ma maîtresse ne m'avait jamais parlé ainsi, n'avait jamais réagi de la sorte. Qu'avait-elle donc ? Pourquoi ma maîtresse Cielali, que je servais bien depuis près de dix ans, voulait-elle se détacher de moi ? Était-ce de ma faute ? Avais-je fait ou dit quelque chose ? Si tel était le cas, je devais m'excuser immédiatement, bien que je ne sache pas de quoi. Mais je n'avais pas vraiment à chercher. Quand quelque chose n'allait pas entre un maître et son esclave, c'était toujours obligatoirement de la faute de l'esclave. Je levai les yeux au ciel, essayant de percevoir où était allée ma maîtresse, quand une main noire et glaçante se posa sur mon épaule. Je faillis hurler de terreur en voyant le Pokemon compagnon de Ludmila en forme d'ombre derrière moi, ce fameux Penombrice.

- Ne t'en fais pas, mon jeune ami, me dit Penombrice. Elle est troublée, elle a de la peine pour ses parents, et elle a peur. Laisse-lui le temps.

- Vous... vous avez entendu ?

Je tâchai de ne pas prendre un ton accusateur. Je n'aimais pas être espionné tandis que je parlais avec ma maîtresse, mais ce Penombrice était malgré tout un Pokemon. Et je devais toujours le respect à un Pokemon, même si c'était un Paxen. Celui-ci parut néanmoins entendre mon reproche informulé.

- Ne m'en veux pas. Je n'avais pas l'intention de vous espionner, mais suis fait de glace et d'ombre. Et il fait nuit, et il neige. N'importe quel bruit à plusieurs mètres à la ronde se répercute dans la neige et remonte jusqu'à moi. Et la jeune Cielali a plutôt crié.

- Je... Je ne sais pas quoi faire, avouai-je. Je n'ai jamais eu à affronter des choses pareilles. Qu'est-ce que je peux faire pour satisfaire ma maîtresse ?

Je ne savais pas pourquoi je demandais conseil à ce Pokemon inconnu et traître envers l'Empire, mais j'étais assez désespéré, et ce Penombrice m'avait l'air assez disposé envers les esclaves, et sage. Tout le contraire de Ludmila.

- Ne fais rien, me dit-il. Laisse faire le temps, comme j'ai dit. C'est une enfant, elle traverse une vilaine phase. J'en sais peu sur vous deux, mais il me semble que vous êtes assez proches, et que vous êtes l'un pour l'autre tout ce qu'il vous reste. Elle ne veut certainement pas se débarrasser de toi. Elle a peur justement que ce soit toi qui la laisse.

- Pourquoi ferai-je une chose pareille ? M'étonnai-je.

- Comme elle l'a dit, tu es libre dans les faits. Vous n'êtes plus dans la cité, sous la juridiction de l'Empire. Si tu le souhaitais, tu pourrais la quitter. Tu pourrais choisir de l'abandonner et de partager ta nouvelle liberté avec tes frères et sœurs humains. C'est ce qu'elle craint au fond d'elle, j'imagine.

- Mais jamais je ne ferai ça ! Ce ne sont pas des lois ou des chaînes invisibles qui me retiennent à ma maîtresse, mais ma loyauté, et mon amour pour elle !

Penombrice hocha la tête.

- C'est ce que j'avais deviné. Il y a peu d'esclaves qui accepteraient de continuer à travailler pour leur maître s'ils pouvaient partir en toute impunité. Tu es un cas rare, jeune Kerel.

Je baissai la tête, un peu gêné.

- Maîtresse Cielali a toujours été bonne avec moi. Beaucoup des miens souffrent sous le joug de leur maître Pokemon, je le sais. Mais ça n'a jamais été mon cas.

- Il me plait d'apprendre que certains de mes frères Pokemon sont gentils avec les humains qu'ils dirigent. Ça aussi, c'est rare. Continuez à cultiver ces liens, vous deux. Ils sont plus précieux que vous ne pouvez l'imaginer, dans ce monde où la frontière entre humains et Pokemon est strictement délimitée.

Je retins un sourire ironique.

- Votre... partenaire ne semble pas partager votre point de vue, messire Penombrice.

- Pas de messire. Appelle-moi juste Penombrice. Et ne t'en fais pas pour Ludmila. Elle est jeune, et elle a toujours été indisciplinée. Elle voit l'esclavage comme une grande injustice pour sa race, et ne peut donc pas concevoir que certains humains puissent y trouver leur compte, elle qui s'est toujours battue contre et a vu ses proches périr en combattant ce système. Mais elle n'est pas méchante pour autant, et elle sait faire la différence entre les bons Pokemon et les Pokemon cruels. Je suis sûr qu'elle respecte ta maîtresse, même si elle ne le montre pas.

- Non, elle ne le montre pas. Mais elle montre en revanche bien son mépris.

Penombrice haussa les épaules en un geste très humains.

- C'est en effet ce qu'elle montre le mieux à ceux qui ne la connaissent pas. Mais ceux qui la connaissent, comme moi, savent quelles épreuves elle vit, et ce qu'elle fait pour cacher ses sentiments, sa peur. Quelqu'un comme Tannis aura tendance à utiliser l'humour et la dérision. Ludmila elle minimise ses propres problèmes en s'en prenant aux autres.

- Merci pour les autres, répliquai-je avec humeur.

J'éprouvais une sorte de plaisir sauvage à blâmer Ludmila. Après tout, c'était à cause d'elle, tout ça. Si elle n'était jamais venue ici, si elle ne nous avait pas mêlé à ses affaires de Paxen, rien de tout ça ne serait arrivé, et ma maîtresse et moi continuerions à vivre notre existence paisible et joyeuse d'avant. Les parents de ma maîtresse seraient encore en vie, et ma maîtresse ne serait pas en train de broyer du noir en volant toute seule en haut, sans que je puisse rien faire pour la consoler ou la rassurer.

- Je donnerai tout pour pouvoir remonter le temps, fit-je en soupirant à Penombrice. Le remonter jusqu'à ce stupide tournoi, et que je laisse gagner Galbar. Ce serait alors Frelali qui aurait hérité de Ludmila, et grand bien lui fasse !

Penombrice n'avait pas d'yeux, mais il me semblait qu'il m'examinait avec gravité.

- Je vois, c'est que ce tu souhaites. Et il ne pourrait en être autrement, après ce que Cielali et toi avaient vécu. Mais j'aimerai te poser une question. Que se serait-il passé si ça avait été ce Frelali et ce Galbar qui avaient gagné Ludmila ?

- J'en sais rien. J'imagine que le colonel Tranchodon aurait fini par rencontrer et reconnaître Ludmila, ou que Frelali lui aurait livré si jamais il soupçonnait qu'elle fut une Paxen. Elle aurait passé un sale quart d'heure, et serait peut-être morte à l'heure qu'il est. Mais, sans vous vexer, Monsieur Penombrice, ça ne m'aurait pas peiné tant que ça, si ça signifiait que les parents de ma maîtresse auraient la vie sauve.

- Je comprends. Mais ça ne se serait pas arrêté à la mort de Ludmila. Dame Sol n'aurait jamais été au courant qu'on cherchait à la rencontrer. J'aurai attendu ici avec Tannis jusqu'à que les impériaux finissent par me trouver. Que ce soit Ludmila ou moi, nous aurions été torturé, jusqu'à révéler la localisation de la base Paxen à l'Empire. Et ainsi se serait terminée la rébellion qui dure depuis plus d'un siècle, et le seul espoir de détruire à jamais l'Empereur, qui aurait été libre de continuer ses horreurs et sa tyrannie durant des siècles et des siècles encore.

Comme je gardai le silence, Penombrice poursuivit :

- Je ne veux pas minimiser ta souffrance, jeune Kerel, ou celle de ta maîtresse. Mais ce jour ci où, dans cette arène, tu as battu ton adversaire et gagné Ludmila, tu as changé le destin des Paxen. Le destin de l'Empire. Le destin du monde. D'ordinaire, je ne crois pas en ce genre de chose, mais je dirai que c'était justement ton destin de faire cela. Où est-ce que cela va nous mener, je n'en sais rien. Mais vers un avenir sans doute préférable à celui qui se serait produit si tu avais perdu.

Un autre silence, durant lequel je méditai sur ses propos. Il me semblait absurde d'avoir été celui qui avait fait pencher la balance du monde. Je n'étais rien. Moins qu'insignifiant. Un esclave parmi tant d'autre. Et pourtant, Penombrice avait parlé avec une telle ferveur... Le Pokemon se mit à ricaner.

- Ecoute-moi, voilà que je me mets à parler comme le Seigneur Cernerable. Pourtant, je suis loin d'avoir son âge...

- Le Seigneur Cernerable ? Répétai-je.

- Oui. Il est le meneur des Pokemon Paxen, le partenaire de notre cher Astrun, et gouverne conjointement avec lui. Ce fut l'un des Fondateurs de la rébellion. Un Pokemon incroyable. Il a vécu et fait quantité de choses.

- C'est le partenaire Pokemon de Sol ?

- Ah, non. Cernerable était le partenaire du légendaire Jyvan Chen, l'arrière-arrière-grand-père de Ludmila, aussi l'un des six Fondateurs. Mais le partenaire Pokemon de Dame Sol était un Fondateur, lui aussi. Il l'est toujours, d'ailleurs.

- Qui était-il ? Et où est-il aujourd'hui s'il est toujours vivant ? Pourquoi a-t-il laissé Sol toute seule ?

Penombrice hocha la tête.

- Ça, mon jeune ami, c'est à Dame Sol de te répondre, si elle le veut bien. Je ne suis pas propriétaire de ses secrets.