Chapitre 13 : Le souvenir de Xanthos
Kerel
Nous voici embarqués dans une étrange histoire, ma maîtresse et moi. Et dans un étrange groupe. Ma vieille amie et protectrice Sol, une rebelle Paxen, et le maire de Ferduval. Au moins, Cresuptil était tout aussi paumé que moi. Maîtresse Cielali, elle, malgré la perte de ses parents, faisait preuve d'un enthousiasme que je ne m'expliquais pas. Peut-être avait-elle rêvé de partir un jour à l'aventure, loin de sa vie morne de Pokemon privilégiée. Ce n'était pas mon cas. Mon ancienne vie me convenait parfaitement. Mais j'étais aussi réaliste. Après tout ce qu'il s'est passé à Ferduval, je serai à jamais répertorié comme un traître à l'Empire. Ma maîtresse aussi. Pour le meilleur et pour le pire, notre sort était désormais lié à celui des Paxen.
Je savais que ma maîtresse voulait les rejoindre. Moi, je n'étais pas trop chaud, surtout si je me basais de mon expérience avec Ludmila pour qualifier le reste des Paxen. Mais je n'avais pas le choix. Où que ma maîtresse aille, j'irai. Si elle décidait de devenir Paxen pour espérer un jour pouvoir venger ses parents, je l'aiderai. Notre fuite de Ferduval n'avait rien changé au fait que je devais la servir à jamais, elle et nulle autre. Peu m'importait les plans et projets de Ludmila et Sol. Moi, je devais rester près de Cielali, la servir et la protéger. Point barre. Mais un détail me turlupinait. Alors qu'on avait pénétré dans la forêt en bordure de la cité, je tournai la tête vers Ferduval.
- Euh, dîtes... Le colonel Tranchodon va nous pourchasser, non ?
- Bien entendu, acquiesça Sol. Il est sans doute un peu secoué par le petit spectacle que j'ai donné, mais il ne va pas nous lâcher, surtout sachant que Ludmila est avec nous.
- Tu es si connue des autorités de l'Empire ? Demandai-je à Ludmila.
- Assez oui, admit Ludmila d'un ton léger. Les officiers de l'armée impériale se tueraient entre eux pour avoir le privilège de m'arrêter.
Semblant se souvenir de quelque chose, ma maîtresse s'exclama :
- Ah oui c'est vrai ! Le colonel Tranchodon... Il a dit que cette... tu étais celle qui avait assassiné le Seigneur Protecteur Xanthos !
Cresuptil, trop occupé à pleurer la perte de tout son argent, leva soudain son long cou.
- Oui, je m'en rappelle ! Est-ce vrai ? Une stupide et jeune humaine comme toi aurait vraiment pu vaincre le Seigneur Protecteur ?
- Ouais, grogna Ludmila. Une stupide et jeune humaine comme moi a pu vaincre le Seigneur Protecteur. Alors imagine ce qu'elle pourrait te faire si jamais tu me gonfles trop, foutu esclavagiste !
Cresuptil frémit et courut se réfugier derrière moi. J'étais moi-même sous le choc. Le Seigneur Protecteur Xanthos était l'égal d'un dieu, il avait vécu des siècles et - à ce qu'on racontait - possédait des pouvoirs inimaginables. Comment cette adepte des grognements incapable de poncer convenablement un parquet avait-elle pu le vaincre ?! Ma stupéfaction dut se voir clairement sur mon visage, car Sol sourit.
- Je t'avais raconté que c'était un descendant de Régis Chen qui avait tué le Seigneur Xanthos non ? Eh bien, tu l'as devant toi. Ludmila Chen, qui, à seulement quatorze ans, parvint à terrasser l'humain le plus puissant du monde lors de la bataille de Balmeros.
- Mais comment as-tu fait ? Voulu savoir ma maîtresse.
Elle regardait Ludmila avec des yeux nouveaux, comme si elle s'attendait à la voir cracher du feu ou jeter des rayons lasers avec ses yeux. Ludmila haussa les épaules.
- Un coup de chance, j'imagine. J'étais assez en pétard après lui. Il avait fait exécuter mon père.
Cielali regardait à présent Ludmila avec une pointe d'admiration. Je craignais qu'elle en tire des idées dangereuses. Si cette jeune humaine était parvenue à tuer un être immortel et tout puissant comme Xanthos pour venger son père, pourquoi ne ferait-elle pas pareil avec le colonel Tranchodon ?
- Mais au final, ça n'a servi à rien, continua Ludmila. On pensait qu'après sa disparition, l'Empire Pokemonis s'effondrerait, car Xanthos était celui qui l'avait fondé et qui contrôlait tout. Mais son Pokemon, le Seigneur Protecteur Daecheron, se nomma empereur et reprit la tête de l'Empire, en le rendant encore plus terrible qu'il ne l'était sous Xanthos.
- Ça n'a pas été inutile, et tu le sais bien, rétorqua Sol. Toute la population de l'Empire a appris que c'était les Paxen qui étaient venus à bout de Xanthos. Depuis, l'Empire vous prend très au sérieux, et beaucoup de Pokemon et d'esclaves qui jusque là n'osaient pas défier l'Empire vous ont rejoint.
- Vous savez tout ça alors que vous êtes restée en exil dans cette cité délabrée ? S'étonna Ludmila.
- Je ne me suis jamais totalement coupée des dernières nouvelles, même en provenance des Paxen.
Je n'arrivais pas à bien intégrer tout ça. La vieille femme que je considérais comme une grand-mère un peu folle se trouvait être une fondatrice des Paxen et un être surhumain, et l'esclave femelle que j'avais gagné, insolente et pas douée de ses mains, était en réalité la criminelle la plus recherchée de l'Empire, celle qui avait tué l'humain le plus puissant du monde. Quelle folie était-ce là ? Pourquoi Arceus le divin s'était-il amusé à mettre sans dessus dessous mon petit univers bien ordonné ? Pour tenter de reprendre un certain contrôle sur la situation, je demandai :
- Bon, et alors, où nous allons maintenant ? Chez les Paxen ?
- Pas encore, répondit Sol. Si je ne m'abuse, nous avons une mission à accomplir avant. Nous devons d'abord rejoindre Penombrice et Tannis.
- Quelqu'un consentirai-t-il enfin à me dire qu'ils sont, ceux là ?
- Je croyais que t'en avais rien à fiche, de nos histoires Paxen, fit remarquer Ludmila.
- C'était le cas jusqu'à que vous nous plongiez dans la mouise jusque là ! Protestai-je. Si on doit voyager ensemble pour je ne sais combien le temps, on a le droit d'être un peu au courant de ce qui se passe.
Ludmila soupira, comme si elle jugeait mes préoccupations puériles.
- Penombrice est mon partenaire Pokemon chez les Paxen, répondit-elle enfin. Nous sommes venus ici ensemble. Quant à Tannis, il est la raison de notre venue. C'est aussi un Paxen, mais il a été capturé par l'Empire y'a deux ans, pendant la bataille de Balmeros. Ces salauds de Pokemon ont fouillé sa cervelle pour tenter de trouver la position de notre base. Quand nous avons réussi à le récupérer, il était dans un sale état. Mais on espère que durant sa captivité, il ait découvert certaines... informations qui nous seraient utiles.
- C'est là que j'interviens, continua Sol. J'ai la maîtrise de quelque pouvoirs psychiques, et je peux fouiller dans la mémoire de Tannis, passant outre l'amnésie quasi-totale qui l'a frappé après ce que les impériaux ont fait à son esprit.
- Mais pourquoi avoir amené ce Tannis ici ? Interrogea très justement ma maîtresse. Il n'aurait pas été plus simple de juste contacter Dame Sol, afin qu'elle vous rejoigne dans votre base ?
- Nous n'avions aucun moyen de contacter Dame Sol, répondit Ludmila. Et le but était d'éloigner Tannis de notre base. Elle ne restera pas cachée éternellement. Très bientôt, les impériaux seront à nos portes, et jamais ils ne doivent récupérer Tannis. Le plan était que Dame Sol trouve les informations que nous recherchons dans l'esprit de Tannis, et que nous les utilisions pour porter un coup fatal à l'Empire.
- Donc, nous n'allons pas dans votre base ? Demanda Cresuptil, inquiet. J'avais espéré que vous m'accordiez asile. J'ai beaucoup d'argent, après tout...
- Si, nous y allons, soupira une nouvelle fois Ludmila. Maintenant que les impériaux sont à nos trousses, le seul moyen pour nous de leur échapper est de rejoindre notre quartier général. On risque de les conduire jusqu'à lui, mais nous n'avons pas le choix. Hors de question qu'ils nous attrapent. On ne peut qu'espérer pouvoir accéder aux informations de Tannis en chemin.
- Et c'est quoi, que vous recherchez ? Demanda Cielali. Quelles informations pourraient être si importantes au point de « porter un coup fatal à l'Empire », comme tu dis ?
- C'est top secret, répliqua Ludmila.
Mais Sol fit un geste de la main pour dire de laisser faire.
- Il ne sert à rien de leur cacher. Aucun d'entre eux ne nous trahira maintenant. Que ça leur plaise ou non, ils sont avec nous.
- Mais, Dame Sol, c'est... protesta Ludmila.
- Ce qu'il vous faut comprendre, poursuivit Sol en regardant Cielali, Cresuptil et moi-même, c'est que Xanthos, aussi puissant et charismatique était-il, n'était qu'un humain. Notre premier ennemi, l'Empereur Daecheron, est lui un Pokemon, et un des plus puissants qui soient. Un humain ne peut espérer le vaincre. Ni moi. Ni la grande majorité des Pokemon de cette planète, à moins de s'unir tous, ce qui n'arrivera jamais. Mais il existe un moyen très simple de tuer l'Empereur sans avoir à le combattre vraiment.
- Une arme secrète ? Tenta maîtresse Cielali.
- Non, rien de tel. Il s'agit simplement de la Pokeball de Daecheron. Bien avant la création de l'Empire, l'Empereur était le Pokemon de Xanthos. Il était donc lié à lui par une Pokeball, où il était enfermé. Bien sûr, quand l'Empire Pokemonis fut crée, ils devinrent tous les deux les Seigneurs Protecteurs, des égaux. Mais à ce qu'on en sait, jamais Xanthos n'a réellement relâché Daecheron. L'Empereur a toujours une Pokeball, quelque part, à laquelle il est lié.
- Qu'est-ce qu'une Pokeball, au juste ? Questionna Cresuptil.
Je lus sur le visage de ma maîtresse qu'elle l'ignorait aussi. Il est vrai qu'aucun d'entre eux n'avaient entendu les histoires de l'ancien temps de Sol.
- C'est le fruit d'une technologie humaine, datant d'avant la Guerre de Renaissance. Les humains de l'époque capturaient des Pokemon avec des balles, et les enfermaient dedans. Elles étaient le symbole du système de dressage et de combat de Pokemon au profit des humains.
Si Cielali fut surprise, Cresuptil lui ne parut pas en croire une miette.
- Des Pokemon enfermés dans des balles par des humains ?! Quelle est cette blague ?
- C'est ainsi que le monde fonctionnait avant l'Empire, sourit Sol. Peu de Pokemon s'en rappellent encore, et l'Empire fait tout pour que cette partie de l'Histoire soit oubliée et à jamais enterrée.
- Mais en quoi trouver la Pokeball de l'Empereur pourra vous aider ? Demandai-je.
- Il existe une règle immuable sur un Pokemon et sa Pokeball, dit Ludmila. Si la Pokeball d'un Pokemon est détruite alors qu'il se trouve à l'intérieur, le Pokemon meurt. Si nous trouvons la Pokeball de Daecheron, nous pourrons alors l'enfermer dedans, et le détruire en même temps que sa Pokeball.
Je fronçai les sourcils, perplexe.
- Ça m'a l'air bizarre, votre histoire. Si l'Empereur court réellement un tel risque, pourquoi n'a-t-il jamais fait détruire sa Pokeball pour se libérer ?
- Parce qu'il ne l'avait pas, tout simplement. Seul Xanthos savait où se trouvait la Pokeball. S'il n'a jamais relâché Daecheron et qu'il a gardé la Pokeball en sureté, c'est que ces deux là ne se faisaient pas vraiment confiance, en dépit de leur collaboration de plusieurs siècles.
- Mais si seul le Seigneur Xanthos savait où se trouve la Pokeball de l'Empereur, comment ce Tannis le saurait-il ? Demanda ma maîtresse.
Ludmila hésita enfin à répondre. Elle échangea un coup d'œil incertain avec Sol, qui elle haussa les sourcils.
- Je dois le leur dire, ça aussi ? Grimaça Ludmila.
- C'est à toi de voir si tu veux entretenir un mensonge ou faire jaillir la vérité, mon enfant, dit platement Sol.
Ludmila parut gênée, mais se força à parler.
- C'est parce que Xanthos lui-même lui a dit, juste avant de mourir...
- Pourquoi aurait-il fait ça ? S'étonna Cresuptil. Ce Tannis lui aurait-il proposé une grosse somme d'argent en échange ?
- Tannis était avec moi quand j'ai combattu Xanthos, expliqua Ludmila. Je n'avais pas à être là, j'y suis allée contre les ordres de mon chef. Je voulais venger mon père. Tannis est venue pour tenter de m'arrêter, et c'est là que nous avons croisé Xanthos. Mais il n'a pas fallu longtemps pour que je me fasse laminer, et Tannis aussi. Pendant ce temps, la bataille continuait autour de nous. Vous savez un peu ce qu'il s'est passé, lors de la bataille de Balmeros ?
Maîtresse Cielali cligna des yeux.
- Selon l'Empire, vous autres Paxen, vous avez attiré le Seigneur Xanthos avec de fausses informations, pour lui tendre une embuscade. Les forces de l'Empereur sont venues l'aider, mais trop tard. Vous l'aviez déjà tué.
- Mouais, c'est la version de l'Empire, acquiesça Ludmila. Et aussi celle que nous propageons. Pour une fois, l'Empire et les Paxen se sont entendus sur le même mensonge.
- Tu veux dire que tout ça est faux ?! M'écriai-je.
- Ce n'est pas nous qui avons attiré Xanthos, avoua Ludmila. Il a bien été amené dans un piège, mais par Daecheron lui-même.
Un long silence stupéfait suivi ses paroles, et Cresuptil s'écria :
- L'Empereur a trahi le Seigneur Protecteur Xanthos ?! Alors... ça veut dire... qu'en réalité, l'Empereur est un Paxen ?!
- Bien sûr que non, crétin, grommela Ludmila. Daecheron voulait juste se débarrasser de lui pour gouverner l'Empire seul. Comme je l'ai dit tout à l'heure, malgré les apparences, ces deux là ne se faisaient plus confiance. Ou alors Daecheron et les Cinq Etoiles ne pouvaient plus supporter qu'un humain leur donne des ordres. En tous cas, Daecheron s'est servi de nous, les Paxen, pour éliminer son rival. Quand il est arrivé avec son armée, au lieu de s'en prendre à nous, il a fait feu sur la base de Xanthos, pendant que Tannis et moi nous l'affrontions. La destruction qui s'en suivi provoqua assez de chaos pour que je puisse prendre Xanthos par surprise et lui planter mon couteau en plein cœur.
Dans l'optique de me moquer de Ludmila, je ricanai ostensiblement.
- Ah oui, bien sûr, où avais-je la tête... C'est comme ça que tu l'as battu alors, en le prenant en traître ? C'est assez loin du combat héroïque que les Paxen s'amusent à décrire. Quelle blague...
Les yeux de Ludmila se plissèrent dangereusement.
- Je t'emmerde pas mal, toi et tes réflexions, le caniche de service, mmgrrr !
- Pourquoi n'avoir jamais dit la vérité ? Demanda Cresuptil, outré.
Sol eut un petit rire.
- Tu imagines l'Empereur dire à tout l'Empire que Xanthos est mort à cause de lui ? Ça provoquerait une révolution. Nombreux sont les Pokemon qui vénèrent encore Xanthos. Non, l'Empereur a fait retomber la faute sur les Paxen. Et nous n'avons rien fait pour dire le contraire. D'une, parce que personne ne nous aurait cru si nous avions dit la vérité. Et de deux, parce que nous avions pu ainsi nous attitrer tout le mérite de la mort de Xanthos, ce qui a considérablement accru notre renommée et notre prestige. Ce fut un accord tacite entre l'Empereur et les Paxen. Pour lui, c'était un moyen de cacher sa trahison, et pour les Paxen, ce fut l'occasion d'une bonne propagande. Ce mensonge nous arrangeait tous les deux.
- Mais ça n'explique toujours pas pourquoi le Seigneur Xanthos a révélé la position de la Pokeball de l'Empereur, dit Cielali.
- Bien sûr que si, t'es bête ou quoi ? S'exclama Ludmila. Daecheron venait de trahir Xanthos. Ça n'a pas du lui faire trop plaisir. Sachant qu'il allait mourir, il a dit à Tannis où se trouvait la Pokeball, afin de se venger de Daecheron.
- Et toi, pourquoi tu ne le sais pas ? Fis-je.
- J'étais inconsciente à ce moment là. C'est Tannis qui a assisté aux derniers moments de Xanthos. Mais avant qu'il n'ait pu me le révéler, il s'est fait attraper. Nous avons pu le libérer quelque mois plus tard, mais il avait tellement subi de dommages au cerveau qu'on a dut le maintenir en stade pendant deux ans. Quand on a compris que le seul moyen de fouiller sa mémoire était de le demander à Dame Sol, on l'a sorti du coma, et Penombrice et moi, on l'a amené jusqu'ici. Voilà toute l'histoire.
J'avais mal à la tête après tant de révélations, mais au moins, je ne nageais plus dans l'ignorance. Ceci dit, j'étais un peu sous le choc. Ce n'était pas le fait que Ludmila ait tué Xanthos, ou que les Paxen préméditaient la mort de l'Empereur. Non, c'était le fait de savoir que l'Empereur avait odieusement trahi le Seigneur Protecteur Xanthos. Pourtant, n'avaient-ils pas libéré les Pokemon ensemble ? N'avaient-ils pas vaincu les humains et fondé l'Empire Pokemonis ensemble ? N'avaient-ils pas gouverné ensemble pendant cinq siècles ? Et l'Empereur avait brisé tout ça par simple avidité ? Il avait ensuite menti à tous les Pokemon de l'Empire en accusant les Paxen, et se servait de se prétexte pour rendre la vie impossible aux esclaves humains.
De tels actes me laissaient un horrible goût dans la bouche. Pour la première fois, j'en vais à penser que l'Empereur était bel et bien l'horrible tyran maléfique que les Paxen dépeignaient. Et si l'Empereur était maléfique, qu'en était-il de l'Empire ? Je ne savais plus quoi penser. Peut-être les Paxen avaient raison. Ou peut-être pas. Le fait est qu'on avait besoin d'eux pour survivre désormais, ma maîtresse et moi.
***
Tannis
Comme j'avais dans ma tête un vide de deux ans et aucun fichu souvenir de ma vie d'avant, il ne se passait pas une heure sans que j'éprouve le besoin d'interroger Penombrice sur tel ou tel point. Sur moi, sur les Paxen, sur l'Empire, bref, un peu sur tout. Peu à peu, je parvins à dresser un tableau de la situation. J'étais un des rebelles Paxen qui luttaient contre la domination de l'Empire Pokemonis. Je vivais avec ma mère Cesta à la base des Paxen. J'ai combattu avec la dénommée Ludmila le Seigneur Protecteur Xanthos. C'est alors que Daecheron, l'ancien Pokemon de Xanthos, le trahit et ouvrit le feu avec son armée sur sa base. Ludmila avait su profiter de l'occasion pour porter un coup fatal à Xanthos. Et avant de mourir, ce dernier m'aurait révélé où il avait caché la Pokeball de Daecheron, le seul moyen pour parvenir à le détruire.
Sauf qu'à ce moment, je fus capturé par l'armée de Daecheron. Ludmila, elle, parvint à s'enfuir. Les Pokemon impériaux ont tenté de fouiller dans ma mémoire pour trouver des informations sensibles sur les Paxen. Ils m'ont quasiment tué, et quand mes amis Paxen m'ont retrouvé, j'étais dans le coma, et mon cerveau était endommagé. Les Pokemon Paxen n'ont pas pu fouiller dans ma mémoire à cause d'une agaçante protection psychique que les impériaux ont placé en moi. Mais ils n'ont jamais imaginé qu'un humain puisse lire dans les esprits, et c'est pour cela qu'on devait attendre que Ludmila Chen revienne ici en compagnie d'une certaine Solaris, une ex-Paxen dotée entre autre de pouvoirs psychiques.
Voilà ce que j'avais pu tirer de Penombrice. Je devais bien sûr le croire sur parole car je ne me souvenais de rien. Pour mieux tenter de me connaître moi-même, j'avais demandé au partenaire de Ludmila de me parler de moi. J'appris ainsi que j'étais d'un naturel joyeux et optimiste, volontiers plaisantin, et assez prompt à jouir de la compagnie de jeunes et belles dames. Penombrice avait aussi transformé son corps fantomatique en une espèce de sculpture de glace, pour que je puisse me regarder à travers et voir enfin mon propre visage. Je craignais le pire, après deux ans de coma, mais je trouvais que j'étais plutôt beau gosse. J'avais un visage fin, de grands yeux verts, et de longs cheveux sombres, étrangement agrémentés de deux mèches rouges qui me tombaient sur les joues. Penombrice me dit que ce n'était pas une coloration quelconque, mais que je les avais depuis toujours. Je trouvais ça cool. Ça me donnait un petit air mystérieux que j'aimais bien.
Donc, ça allait, j'étais satisfait de moi-même. Au bout d'un moment cependant, je ne trouvais rien de plus à demander à Penombrice, et le temps passé dans cette caverne frisquette commençait à me peser. Je voulais bouger. Je voulais voir le monde. Je voulais retourner me battre contre cet Empire Pokemonis. Mais Penombrice refusait de bouger tant que Ludmila n'était pas revenue. Enfin, au bout de cinq jours d'attente, on eut enfin de la visite. Aeropteryx suivait depuis quelque temps un groupe de trois humains et de deux Pokemon qui s'approchaient, et Penombrice alla vérifier qu'il s'agissait bien d'amis. Quand il revint dans la grotte pour lui dire qu'il s'agissait bien de Ludmila, je fus ravi de pouvoir enfin sortir.
Le groupe qui venait d'arriver était bien plus conséquent que ce que Penombrice avait prévu. Il y avait bien la vieille femme que Ludmila était allée chercher, mais il y avait avec elle un type aux cheveux rouges habillés comme un péquenaud, entouré de deux Pokemon. Un au pelage blanc et aux grandes oreilles qui voletait près de lui, et un autre tout fin qui se tenait debout, avec une grande queue et un long cou, et qui jetait des regards craintifs un peu partout avec ses grands yeux proéminents. Penombrice, quant à lui, était en train de parler avec animation avec une jeune femme qui devait sans nul doute être Ludmila.
Et alors, patatras, le choc total ! Le coup de foudre intégral. S'il y avait un quelconque dieu de l'amour avec le corps rose et des petites ailes d'ange, il venait de me décocher une flèche en plein cœur. Peut-être était-ce parce que Ludmila était la seule personne qui semblait avoir un passé commun avec moi, ou alors parce que c'était la première fille que je voyais depuis mon long sommeil ; en tout cas, j'en fus immédiatement sous le charme.
Elle avait un corps svelte et musclé, de beaux cheveux châtains qui partaient en épis un peu partout, la peau légèrement foncée, et de magnifiques yeux orange qui reflétaient la force et la détermination. En la voyant, je sus que jamais plus je ne m'intéresserai à d'autre filles qu'elle. C'était comme un don du ciel, un cadeau du divin Arceus, que de recommencer à vivre avec elle à mes cotés ! Je sautai littéralement vers elle. Elle me regarda arriver avec une curieuse expression, un mélange de crainte, d'espoir, d'impatience et de colère. Je ne savais pas si c'était bon ou pas, en tout cas, je m'inclinai vivement devant elle.
- Ludmila Chen, ravi de te rencontrer enfin ! Ou de te rerencontrer, plutôt. Penombrice m'a dit qu'on était des partenaires dans le passé. Je suis très heureux de tavrail... de tatavailler... euh... de travailler à nouveau avec toi !
Je maudis mon petit problème à la tête qui me faisait parfois parler comme un gros débile. Je m'étais rendu compte de ce petit souci tout récemment. Il arrivait que je bute sur certains mots, devant m'y reprendre à plusieurs fois pour prononcer correctement. Selon Penombrice, c'était dut à mon traumatisme cérébral. Ça, et mon petit problème d'équilibre aussi. Il pouvait arriver que je sente le sol tanguer sous moi et que je me mette à bouger bizarrement, comme quelqu'un ayant un peu trop bu.
- Euh... hésita Ludmila, apparemment surprise par mon enthousiasme débordant et mon élocution hésitante. Oui. D'accord... oui... contente de te retrouver aussi, Tannis. Tu as l'air... en forme.
- Oui, Penombrice m'a dit que je pionçais depuis deux ans maintenant. Va falloir rattraper le temps perdu. J'espère que tu me montreras !
La vieille femme eut un rire léger.
- Par les dieux, il n'a pas changé, fit-elle pour elle-même. Le portrait de son père !
- J'ai le plaisir de vous connaître, madame ? fit-je galamment. Cela aurait surement été un plaisir plus grand il y a soixante ou soixante-dix ans... voir plus, sans vous offenser.
Pour ajouter à ma voix trainante et hésitante, je choisi ce moment justement pour tanguer comme un soulard. Le type aux cheveux rouges derrière Ludmila me regarda d'un air bizarre. La vieille femme sourit.
- Nous nous sommes déjà vus, quand tu étais tout jeune. Je connaissais bien tes parents. Tu peux m'appeler Sol.
- Oh, c'est vous qui aller trifouiller dans ma tête ? J'espère que vous pourrez me remettre les idées en place. Et euh...
Je me tournais vers le troisième humain, attendant que quelqu'un me le présente. Penombrice aussi semblait ignorer qu'il était, lui et les deux autres Pokemon.
- Voici Kerel, leur annonça Sol. C'est un des esclaves de la cité de Ferduval, et un bon ami à moi. Par un malheureux concours de circonstance, lui et sa maîtresse Cielali que voici ont dû fuir les impériaux en même temps que nous. Et lui, c'est Cresuptil, le maire de la cité. Lui aussi a dû s'éloigner précipitamment du colonel Tranchodon pour avoir la vie sauve.
- Je ne voulais aucun de ces trois là avec nous, dit Ludmila en se justifiant face à Penombrice. Je les aurai bien laissé là-bas, mais Dame Sol a insisté...
- Je compatis à tous ceux qui souhaitent fuir le colonel Tranchodon, dit Penombrice. Je le connais assez pour savoir qu'il vaut mieux mettre la plus grande distance entre lui et nous. Au plus vite. Si nous y allons ?
Penombrice et moi firent nos adieux à Aeropteryx qui nous avait hébergé gratuitement ces quelque jours, puis je partis avec mes nouveaux compagnons, et je l'espérais, la femme de ma vie, bien qu'elle tenta constamment de fuir mon regard.