Chapitre 11 : Criminels
Cielali
Je vis le colonel Tranchodon projeter violement Cresuptil contre le mur de notre maison, renversant le mobilier et éventrant le bois. Heureusement pour lui, avec son corps fin et flasque, Cresuptil ne subit pas de dommage permanant. Mais Tranchodon n'en avait pas fini. Il renversa la table à manger dans un rugissement de rage. Je n'avais jamais vu une telle colère sauvage de ma vie, et j'en étais effrayée. Tranchodon alla saisir Cresuptil par son long et fin cou, qui devait sans doute en ce moment voir toute sa vie de magouilleur défiler devant ses yeux.
- C'est elle ! Gronda Tranchodon. Ludmila Chen, la numéro trois des Paxen ! Celle qui a assassiné le Seigneur Protecteur Xanthos ! Vous me dites que vous l'avez chez vous, et que vous n'en saviez rien ?!
Cresuptil, la gorge écrasée, ne parvint qu'à prononcer un truc globalement inintelligible qui se rapprochait de « Maisnonmaisquoimaispasdutout ». Mon père tenta de calmer le Pokemon chromatique.
- Colonel, je vous assure, nous ne savions pas que...
Le reste de sa phrase se perdit en un hoquet de stupeur et de douleur quand le colonel Tranchodon l'écrasa de son pied droit, réduisant ses os en poussières. Ma mère hurla, et moi, sans réfléchir, n'écoutant que ma rage, je bondis sur Tranchodon et utilisa mon attaque Lame Air. Le colonel de l'Empire balaya mon attaque d'un revers de bras comme si une mouche l'importunait, puis d'un mouvement de queue, il me ramena violement à terre. Je baignais sur le sang de mon père, le dos endolori, m'attendant à ce que Tranchodon m'achève d'un coup sans que je ne le remarque. Mais l'attaque de Tranchodon qui aurait du avoir raison de moi, à savoir une Dracogriffe, se heurta à un mur rose qui fit barrière tout autour de mon corps. Une attaque Protection. Ma mère, Nymphali, avait dressé ses rubans de rose de façon à se battre.
- Vas-t-en, Cielali, m'ordonna-t-elle. Fuis. Vis !
Elle chargea le colonel Tranchodon, qui recula prudemment. Nymphali était de type Fée, un type que craignaient particulièrement les Dragons comme lui. Mais c'est alors que Frelali intervint, en lançant une attaque Sécrétion sur ma mère, qui l'immobilisa momentanément. Tranchodon en profita pour l'écraser comme il l'avait fait pour mon père. Ma mère se protégea avec une autre Protection, mais le mur allait se briser d'un moment à l'autre. Ma mère, dans ses dernières forces, réitéra son ordre de fuir. Mais j'en étais incapable. Je voulais me battre, écraser cet odieux Tranchodon et cet infect Frelali. Les tuer. Les tuer tous les deux ! Même si au fond de moi, je savais que seule la mort m'attendrai...
- Attrape cette traitresse ! Ordonna Tranchodon à Frelali tandis qu'il continuait à exercer tout son poids sur ma pauvre mère.
Frelali s'approcha de moi avec un regard gourmant sur ses yeux globuleux. Quitte à mourir, je pourrai exercer ma rage une dernière fois sur cet affreux là. Ça me convenait. Mais c'est alors que Frelali eut les contours de son corps colorés en bleu, et qu'il fut projeté de l'autre coté de la pièce. Cresuptil venait d'utiliser une attaque psychique sur Frelali. Il me prit dans ses bras et fila aussi vite que ses courtes pattes le lui permettaient.
- Qu'est-ce que vous faites ? Martelai-je en me débattant. Lâchez-moi !
- Vous êtes cinglée ! Le colonel va tous nous massacrer !
- Eh bien fuyez, vous, mais laissez-moi !
Déjà derrière, à la sortie de ma maison, Frelali et son esclave Galbar se lançaient à nos trousses. Cresuptil pouvait sauter assez haut et vite, mais il ne pourrait sûrement pas échapper aux gardes de la cité.
- Vos ailes ! Cria Cresuptil. Utilisez-les ! Faîtes-nous nous envoler !
J'avais sans doute assez force dans mes ailes pour soulever le maire avec moi, mais je n'en avais aucune envie.
- Je vais massacrer Tranchodon ! Hurlai-je comme un défi aux étoiles.
Cresuptil me prit devant lui et me secoua violement.
- Vous croyez que vos pauvres parents voudraient que vous vous suicidiez de la sorte ? Le sacrifice de votre mère ne compte en rien pour vous ? Il faut toujours préférer la vie, jeune dame. Allez, envolez-nous, et je vous donnerai plein d'argent !
Si la nature avare de Cresuptil reprit le dessus sur ses sages paroles, ces dernières firent leur effet. Ma mère m'avait demandé de fuir. Son dernier ordre. Là, je n'avais aucune chance de venir à bout de Tranchodon. Mais peut-être plus tard... Et puis, il y avait Kerel. Je ne pouvais pas l'abandonner. Je fis donc battre mes oreilles en forme d'ailes, et Cresuptil et moi quittèrent le sol en esquivant les attaques insectes de Frelali derrière nous.
- Brave fille, soupira Cresuptil de soulagement. Maintenant, quittons la cité, vite !
- Hors de question sans Kerel.
Cresuptil souffla méprisamment.
- Ce n'est qu'un humain, bon sang ! Un esclave ! Nos vies sont plus importantes que la sienne.
- C'est plus que mon esclave. C'est mon ami.
- Je vous le rembourserai. Deux fois son prix !
- Si vous ne la fermez pas, je vous laisse tomber.
Ma menace eut l'avantage de faire taire le maire. Je cherchai avec désespoir mon esclave, observant les rues en dessous de moi. Il faisait nuit, et je n'avais pas une vision trop nocturne. Galbar avait bien dit l'avoir suivi jusqu'au ghetto. Il devait être dans le coin. Je descendis donc plus en profondeur dans la cité, jusqu'à apercevoir Kerel, qui remontait justement vers en haut. Quand il me vit, il stoppa net sa marche, et me regarda avec des yeux ronds et la bouche ouverte. Sûr que me voir dehors à cette heure avec Cresuptil accroché à mes pattes arrières avait de quoi paraître étonnant.
- Maîtresse. Qu'est-ce que...
- Il faut fuir, Kerel ! Tranchodon est au courant pour Ludmila. Galbar t'a suivi et a tout entendu !
Je lus la peur dans les yeux de Kerel, ainsi que la culpabilité. Evidement, il allait se sentir coupable. Ce n'était pas ce que je voulais.
- Ils sont à nos trousses, lui et Frelali, poursuivai-je. Il faut partir, quitter la cité !
- Ce sera impossible de sortir de Ferduval avec cet humain, répliqua Cresuptil. Je doute que vous pouvez nous porter tout les deux ?
- Peut-être devrai-je vous laisser là alors, grinçai-je.
- Euh... mauvaise idée. J'ai beaucoup d'argent...
Si je pouvais être sûre de pouvoir m'échapper avec Kerel, je n'aurai pas hésité à me débarrasser du maire. Mais Kerel pesait bien plus que Cresuptil. Je n'irai pas bien loin même si je devais le porter seulement lui. Et puis, dans l'état mental où je me trouvais, je m'en fichais totalement, mais il était vrai que Cresuptil m'avait sauvé tout à l'heure. Seulement pour sauver sa propre peau, oui, mais je lui devais quand même la vie.
- On peut nous cacher en attendant de trouver un plan, fis-je.
- Le ghetto, dit tout de suite Kerel.
- Tu es crétin ou quoi, l'humain ? Riposta Cresuptil. C'est exactement là où ils iront fouiller en premier !
- Aucune importance. Aucun Pokemon n'a jamais été dans le ghetto, et moi, je le connais comme ma poche. Ils mettront longtemps avant de nous trouver. Et puis... Sol et Ludmila pourront nous aider. Elles doivent partir elles aussi.
Je voyais que ça faisait du mal à Kerel de quémander l'aide des deux Paxen, mais je savais que pour moi, il allait faire tous les sacrifices, même trahir l'Empire. J'avais beau avoir perdu mes parents à l'instant, tant qu'il y avait Kerel avec moi, je me sentais en sécurité. Un sentiment absurde, je le savais. En tant que Pokemon, j'étais plus à même à prendre soin de moi que Kerel, mais sa présence à mes cotés me réconfortait.
- Alors allons-y, dit-je.
- Maîtresse, et vos parents ?
- Morts, répondit-je en m'efforçant de ne pas pleurer. Tranchodon les a exécuté.
- Maîtresse, je...
- Ne pensons pas à ça pour le moment, Kerel. Le plus important est de survivre. C'est ce que ma mère m'a demandé.
Je n'avais sûrement pas envie d'entendre Kerel se rependre en excuse pour quelques fautes imaginaires de sa part. Je ne l'accusais pas, ni Ludmila, ni même l'esclave de Frelali qui nous avait balancé. Le seul responsable pour moi était le colonel Tranchodon. Et accessoirement cet infect Frelali.
***
Tranchodon
Je retirai ma patte du cadavre écrasée de la Nymphali. J'avais beau avoir tué ces deux Pokemon, ma rage était loin d'avoir disparu. Je voulais encore tuer. Le meurtre avait toujours eu vocation à me calmer. Et là, j'avais justement besoin de garder les idées froides. Ludmila Chen, la criminelle la plus recherchée de l'Empire, se trouvait juste à coté de moi. Hors de question qu'elle m'échappe ! Cette hérétique avait tué le Seigneur Protecteur Xanthos, un crime impardonnable.
Mais elle avait commit un autre crime, peut-être encore plus grave : elle avait redonné l'espoir aux rebelles. Que ces chiens de Paxen puissent avoir de l'espoir m'était insupportable. Je voulais au contraire qu'ils nagent dans le désespoir le plus total avant que je ne les écrase. Je sortis de la demeure de ce traitre de Noctali. Abriter une Paxen chez lui... Il avait de la chance que je l'ai tué rapidement sous le coup de la colère, celui-là. Mais quand j'aurai attrapé sa fille et ce couard de maire, eux n'auraient sûrement pas un sort si enviable. Frelali et son humain me rejoignirent.
- Cielali et Cresuptil se sont échappés, colonel, me dit Frelali. Je suis désolé.
J'avais bien envie d'écraser Frelali comme je l'avais fait avec les deux autres. Il était tout aussi coupable qu'eux pour n'avoir pas su reconnaître une criminelle de la pire espèce. Mais Frelali pouvait m'être utile. Il connaissait bien cette cité, et moi pas.
- Tant pis pour eux. C'est Ludmila Chen que je veux. Elle et l'autre Paxen.
- Elles sont sûrement encore dans le ghetto, dit l'humain de Frelali. Elles ont prévu de quitter la cité dès le matin.
Je me retint d'ouvrir en deux cet insolent humain qui m'adressait la parole sans permission. Mais ses renseignements m'étaient précieux.
- Trouvez-les moi, ordonnai-je. Mais je veux Ludmila en vie. Elle doit souffrir mille morts pour ses crimes !
Frelali et son humain s'empressèrent d'hocher la tête et de déguerpir. J'avisai un soldat de la cité et je l'envoyai chercher mon second, le commandant Pandarbare. Il se présenta rapidement devant moi avec un garde à vous parfait.
- Mon colonel.
- Il y a une Paxen dans cette cité, commandant. Et pas n'importe laquelle : la chienne qui a assassiné le Seigneur Protecteur il y a deux ans. Elle a des complices. Une autre Paxen, une vieille femme. Ainsi que le maire de la cité, Cielali et son esclave. Vous pouvez tous les tuer, mais je me réserve Chen.
- C'est entendu, colonel.
- Prenez le contrôle des gardes de la cité, au nom de l'Empire. Fermez-moi totalement cette ville. Personne n'a le droit d'entrer ni de sortir. Est-ce clair ?
- Parfaitement, mon colonel. Mon colonel, si je puis demander... Que diable fait une Paxen comme elle dans cette cité pourrie ?
Je montrai mes crocs.
- On lui demandera quand on l'aura capturé. Je suis certaine qu'elle sera plus que ravie de me répondre, après ce que j'ai prévu pour elle.
Pandarbare salua, et alla exécuter mes ordres. Moi, je m'interrogeai. Est-ce que je devais en informer le Général Légionair ? Je n'avais jamais besoin de son accord pour pourchasser les Paxen bien sûr, mais Ludmila était différente. En ayant assassiné le Seigneur Protecteur Xanthos, elle s'était faite ennemie de l'Empereur lui-même. Le général voudrait peut-être se saisir de l'affaire.
Mais j'abandonnai cette idée. Inutile de déranger l'une des Cinq Etoiles de l'Empire pour si peu. Elle avait beau être une criminelle de classe supérieure, elle n'en restait pas moins qu'une humaine. Je verrais le général quand je lui livrerai Ludmila. Il me récompensera sans doute en faisant de moi le second général de l'Empire ! Sur cette pensée grisante, je me réjouissais finalement d'être venue dans cette cité. J'y étais allé en songeant m'ennuyer, et voilà que je tombais sur la Paxen la plus recherchée que personne n'a su trouver en deux ans. Arceus devait m'aimer.
***
Kerel
Dès que Ludmila m'a avoué être une Paxen, j'avais la certitude que cette histoire allait mal se passer. Je ne m'étais pas trompé, hélas. Voilà que ma maîtresse et moi, nous devenions des fugitifs, alors que nous avions toujours respecté la loi et les préceptes de l'Empire. Et la mort de Monsieur Noctali et Dame Nymphali... Une injustice de plus. Une injustice cruelle. Ils n'étaient même pas au courant !
Leur mort me touchait beaucoup. J'avais grand respect pour eux, qui m'ont arraché au ghetto pour faire de moi un esclave respectable. Je leur serai toujours reconnaissant de m'avoir choisi parmi tant d'autre pour servir d'humain domestique à leur fille. Mais je ne pouvais pas appréhender la peine que devait ressentir ma maîtresse. Et maintenant, voilà qu'on avait ce colonel psychopathe à nos trousses, et donc, tout l'Empire. Comment nos vies avaient-elles pu basculer à ce point en quelque instants ? Je pouvais maudire Tranchodon, Ludmila ou Galbar autant que je voulais, mais c'était surtout moi qui était fautif. Si seulement je n'avais pas gagné cette humaine au tournoi... Si seulement j'avais laissé Galbar l'emporter... Ce serait alors peut-être lui et Frelali qui seraient à notre place maintenant.
Je guidai ma maîtresse au travers des bas niveaux de Ferduval. Elle me suivit sans un mot. Le maire Cresuptil, qui marchait derrière nous, ne se priva pas de maints commentaires sur la propreté des lieux et sur le mode de vie des humains sans maîtres. Il ne devait pas se souvenir que si l'endroit était si délabré et sale, c'était parce qu'il n'avait jamais entreprit les dépenses nécessaires pour restaurer cette partie de la cité. Je me demandai vaguement pourquoi Cresuptil était là avec nous. Ce n'était sans doute pas par choix. Probablement que le colonel Tranchodon voulait lui faire la peau autant qu'à nous tous pour avoir vendu Ludmila sans en informer l'Empire. Quand enfin nous rejoignîmes Sol et Ludmila, ces dernières étaient toujours en train de parler. Elles cessèrent en nous voyant arriver. Sol paraissait curieuse de la venue de deux Pokemon avec moi, Ludmila choquée.
- Qu'est-ce qu'ils font là ceux-là ? S'écria Ludmila en les désignant. Pourquoi tu les amené ici ?!
- Tranchodon est au courant que tu es là, répondis-je. C'était Galbar qui nous écoutait. Il a tout dit. Ma maîtresse a du fuir pour avoir la vie sauve.
Ludmila souffla méprisamment.
- Ah ben bravo ! Maintenant toute la cité sait que nous sommes là. Comment va-t-on faire pour sortir d'ici discrétos maintenant ?
La morgue de cette fille manqua de me faire perdre tout contrôle. Jamais je n'avais eu autant envie de frapper quelqu'un, pas même Galbar.
- Tu insinues que c'est ma faute ?! Si tu étais restée sagement à l'infirmerie comme c'était prévu, rien de tout ça ne serait arrivé !
- Moi je ne me suis pas fait suivre, pauvre naze ! C'est toi qui...
- Assez, exigea Sol.
Elle n'avait pas élevé la voix, pourtant, Ludmila et moi nous cessèrent de nous engueuler à l'instant. Cette femme, bien qu'extrêmement âgée, dégageait une autorité à laquelle il était difficile de résister.
- Il ne convient pas de distribuer les responsabilités. Il s'agit de réfléchir à ce que nous allons faire.
- N'est-ce pas évident ? Demanda Cresuptil. On va mettre le plus de distance possible entre nous et le colonel Tranchodon !
Ludmila regarda Cresuptil comme si elle venait tout juste de le remarquer.
- Qu'est-ce que vous fabriquez là, vous ?
- Je suis aussi en fuite, par ta faute ! Tu t'es bien joué de moi, hein, pauvre petite...
Ludmila ne lui laissa pas le temps de terminer, et le jeta à terre en une prise parfaitement exécutée. Elle mit alors devant sa gorge un morceau de bois pointu qu'elle avait du se fabriquer en guise de couteau. Cresuptil hurla, et ma maîtresse intervint.
- Arrête !
- C'est une pourriture parmi les pourritures, siffla Ludmila. Un marchant d'esclave de la pire espèce. Le monde se portera bien mieux sans lui.
- Le tuer ne résoudra rien, insista Cielali.
- Ecoute cette jeune Pokemon, mon enfant, intervint Sol. Ses mots reflètent les miens. Tu te rappelles : les choses ne s'arrangent rarement par la mort d'une personne. Nul n'a connaissance du destin. Peut-être ce Pokemon est-il destiné à accomplir quelque chose d'important.
Ludmila souffla méprisamment, mais libéra Cresuptil de son étreinte. Le maire s'empressa de se réfugier derrière ma maîtresse et moi.
- Cette humaine est enragée ! Décréta-t-il d'une voix aigu. Si vous voulez mon avis, on devrait la livrer au colonel avec nos excuses éternelles, et peut-être nous épargnera-t-il...
Personne ne l'écouta. Ludmila me regarda avec mépris.
- J'imagine que vous voulez qu'on vous aide à vous tirer ? Quelle ironie, n'est-ce pas ? De bons impériaux obligés de fuir leurs amis en collaborant avec les méchants Paxen...
- Le colonel Tranchodon est tout sauf mon ami, répliqua Cielali. Si Arceus m'en donne l'occasion un jour, je vengerai mes parents en le tuant de mes propres mains.
Ludmila ricana sans rien dire. Sa totale indifférence quant au sort des parents de ma maîtresse, alors qu'elle était en parti responsable, me mit hors de moi à nouveau.
- Tu dois présenter tes excuses à maîtresse Cielali, lui dis-je. C'est à cause de toi que ses parents ont été tué.
- Moi ? Présenter mes excuses à un Pokemon esclavagiste ? Tu me connais mal, mon petit Kerel.
- C'est bon Kerel, laisse tomber, me dit ma maîtresse.
Mais je n'écoutai pas. J'avais vraiment besoin de mettre les choses au point avec cette fille détestable.
- Nous t'avons bien accueilli. Nous t'avons bien traité. Même quand tu nous as dit être une Paxen, nous avons essayé de te cacher. Monsieur Noctali et Dame Nymphali étaient des innocents, et tu les as entraîné dans ton histoire !
- Je n'avais rien contre ces Pokemon, répondit Ludmila. Mais nous Paxen, nous lutterons quoi qu'il arrive contre la domination des Pokemon. Les parents de ta maîtresse étaient de ceux qui écrasaient les humains dans l'indifférence la plus totale. Je ne voulais pas leur mort, mais on pourrait bien dire qu'ils ont mérité leur sort.
Je m'avançai dans l'intention de coller mon poing dans sa figure, et tant pis si elle m'étalait comme la dernière fois, mais Sol se plaça devant moi, et fit face à Ludmila.
- Les Paxen se battent pour la justice, jeune Ludmila. Ne laisse donc pas l'injustice déformer tes propos. Noctali et Nymphali étaient de bons Pokemon, attentifs aux besoins des humains. Toi qui a perdu ton père, tu peux sans doute compatir à la douleur de Cielali.
Ludmila haussa les épaules.
- C'est la guerre, Dame Sol. Des innocents meurent à la guerre. C'est comme ça.
Le regard émeraude de Sol changea au quart de tour. Il se fit plus froid, plus sauvage. J'avais l'impression que ses pupilles s'écrasaient, et que ses iris s'assombrirent.
- Ne sois pas arrogante, fillette ! gronda-t-elle d'une voix très différente de sa voix douce habituelle. Un bébé comme toi n'a pas à m'expliquer ce qu'est la guerre. J'en ai connue un nombre que tu ne saurais jamais imaginer.
Ludmila déglutit, et s'excusa en vitesse. Moi-même, j'avais eu les jetons. On aurait dit que la pression avait momentanément changé, comme si un orage se préparait. Maîtresse Cielali avait frissonné, et Cresuptil s'était tenu la tête, comme s'il souffrait soudain d'une migraine. Par Arceus, qui était donc réellement cette vieille femme que je connaissais depuis toujours. Ou qu'était-elle ? En tous cas, elle avait fait son effet à Ludmila. La jeune femme se présenta devant maîtresse Cielali en baissant la tête.
- Je suis désolée pour tes parents. C'est vrai que c'est ma faute. Pardon.
Cielali accepta ses excuses en hochant la tête. Dès lors, Sol redevint comme avant, douce et enjouée.
- Bien. Maintenant, tâchons de mettre au point notre fuite. Le Pokemon partenaire de Ludmila attend en marge de la ville. Il nous faut le rejoindre.
- Et comment accomplissons-nous ce miracle ? Demanda Cresuptil. Les portes de la cité seront closes désormais, et Tranchodon aura réquisitionné toute la garde pour bloquer toutes les issues ! L'argent peut faire bien des choses, mais en l'occurrence...
Puis, comme s'il se souvenait de quelque chose de très important, Cresuptil écarquilla ses yeux déjà grand ouverts et s'agita.
- L'argent ! Tous mes jails ! Mes millions de jails ! Ils sont à la mairie ! Il faut absolument que j'aille les chercher. Je ne vais nulle part sans mon argent !
- C'est ça, va récupérer ton pognon, et arrête de nous gonfler, lui balança Ludmila. Dame Sol, on peut peut-être tenter une diversion, et...
Mais Sol secoua la tête.
- Il n'y a guère besoin de diversion, mon enfant. On ne peut plus quitter la cité aussi discrètement que nous l'aurions voulu. Il nous suffit juste de forcer les murailles.
Cielali cligna de ses yeux ambres.
- Forcer les murailles ? Vous voulez dire y passer au dessus ?
- Non, jeune Pokemon. Je veux dire y passer au travers.
- Mais... Les murs sont très épais et solides. Ni Cresuptil ni moi n'avons une attaque qui permettrait cela, je le crains.
- Pas d'inquiétude. Moi j'en aie, affirma la vieille humaine.