L'Attaque
_ Je crois bien que la course est finie, conclut Paul.
_ Vous allez encore essayer de me tirer dessus, ironisa Alaec qui essayait d'avoir l'air plus décontracté qu'il ne l'était réellement.
_ Co-comment ça, tirer dessus! s'écria Charlie. Vous m'avez dit que vous ne lui ferez aucun mal !
Paul ne répondit pas. Il posa sa mallette sur le lit et en l'ouvrant Alaec s'aperçut qu'elle ne contenait pas un seul billet. A la place, Paul en sortit son Beretta d'un geste rapide, fit volte-face et pressa la détente. Au bruit d'une gigantesque détonation le corps de Charlie tomba lourdement à terre, comme une marionnette dont on avait coupé les fils. Le mur derrière lui était désormais maculé de sang, rouge comme la lueur de folie qui animait le regard de Paul.
Alaec était horrifié.
_ Il en savait trop, dit simplement Paul tout en rechargeant son arme, dont l'acier brillait au clair de lune. Tout comme toi. Est-ce que ça a répondu à ta question ?
_ Vous êtes cinglé.
Alaec était acculé contre le mur maintenant, et l'insulter n'était peut-être pas la meilleure chose à faire dans une telle circonstance. Le jeune homme tourna la tête sur le côté : ses pokéballs étaient à sa portée, toujours posées sur le meuble ancien; mais s'il tendait la main ce serait sûrement la dernière chose qu'il ferait. Paul devait penser à la même chose, car il fixait les balls des yeux.
Alaec en profita pour soulever la chaise qui se trouvait de l'autre côté et la propulsa brusquement avec sa jambe en direction du tueur.
_ Putain! Petit c.. ! jura-t-il en essayant d'éviter l'objet.
Profitant de la diversion, Alaec empoigna la pokéball la plus proche, l'activa, commanda son ouverture; au même moment Paul reprit ses esprits, et pointa son arme vers Alaec. A cet instant précis la pokéball libéra Célébine; surpris, Paul vida son chargeur en direction du Pokémon Psy.
Plus par réflexe qu'autre chose, les yeux du Gardevoir s'entourèrent d'un halo bleuté et les balles ralentirent doucement, puis se figèrent en l'air.
_ C'est pas possible! hurla Paul en prenant un chargeur neuf dans la mallette.
_ Attaque Passe-Muraille sur le sol ! ordonna rapidement Alaec, profitant du court laps de temps que l'attaque Psyko de Célébine avait permis.
Les yeux du Pokémon devinrent violets, il se retourna et fixa le sol sous les pieds de son dresseur. Au bout de deux secondes Alaec, le meuble ancien et le Gardevoir tombèrent à l'étage en-dessous.
_ Rahh! hurla Paul de rage.
Il fit feu en direction des fuyards, mais les balles ricochaient déjà sur le sol de granit.
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Alaec observait la pièce où ils avaient atterri. Les murs portaient des gigantesques tableaux où étaient représentés le portrait de dizaines d'hommes, qui étaient sûrement les propriétaires successifs du château. Au centre de la pièce trônait une longue table de bois qui devait servir pour les repas ou les banquets, mais Charlie l'avait aménagé pour ses besoins et le salon comportait donc une télévision d'assez grande taille. Elle était allumée, et la chaîne passait à ce moment là les informations nationales.
Alaec dressa une oreille attentive quand il entendit son nom prononcé par la journaliste.
"La police est toujours à la recherche du jeune Alaec, adolescent jusqu'ici sans problèmes judiciaires. Suspecté de l'incendie volontaire qui a ravagé la découverte archéologique du Site Météore, il s'est échappé du commissariat d'Autéquia avant-hier en portant atteinte à l'adjudant Carter Edow, heureusement sans gravité mortelle. Nous sommes maintenant chez lui, avec ses parents accablés de douleur et de désespoir..."
Alaec reconnût instantanément sa maison, avec une joie mêlée de peine et de nostalgie. Sa mère semblait fatiguée et avait les yeux rougis, "elle avait dû passer la nuit à pleurer", pensa-t-il avec tristesse. Son père posait sur ses épaules une main rassurante, mais l'inquiétude se lisait tout de même sur son visage.
_ ...C'est impossible que mon fils ait pu commettre une chose pareille, vous entendez ! affirmait-il en criant. Et maintenant avec vos conneries, il peut-être n'importe où, peut-être blessé, ou pire![i]
La journaliste le coupa et repris la parole.
_ [i]Spectacle affligeant d'une famille déchirée. Malgré l'attendrissement qu'il nous donne à voir, n'oubliez pas que cet individu est recherché et peut-être dangereux! Si jamais vous l'apercevez, contactez le commissariat le plus pro..criz.bzi...crshhh...."
Alaec fit taire le reportage diffamatoire par un coup de pied bien placé, quand il vit que derrière le téléviseur se trouvait un large balcon.
Il se préparait déjà à s'échapper quand Célébine attira son attention sur le meuble ancien : à cause de la chute le fond de la table avait craqué et révélait une cache secrète. Cache d'où dépassait un épais dossier jaune, du même type que celui découvert dans le labo incrusté dans la montagne.
_ Bien joué Célébine, mais allons-y maintenant! s'écria-il alors qu'il commençait à entendre des bruits de pas venant dans sa direction.
Alaec empoigna le rapport, ramassa sa ceinture magnétique qui était tombée en même temps que le meuble; rappela son Gardevoir et libéra Rouky. Quand Paul pénétra dans la pièce, il n'était plus qu'un minuscule point dans le ciel, caché par les milliers d'étoiles qui constellaient l'espace.
Ils volèrent très peu, seulement le temps de dépasser la falaise et d'atterrir à Vergazon.
Alaec loua une chambre d'hôtel avec le peu d'argent qu'il lui restait et passa la nuit à lire le rapport.
"Rapport numéro 275 date: 25 Août 2672
Le Gouvernement a décidé de mettre un terme au projet Renaissance, en prétextant que "les créatures sont maintenant autonomes et se reproduisent à vitesse exponentielle".
"L'assistance de la Devon Corporation n'est plus nécessaire", ont-il dit. Beaucoup de mes collègues sont déçus, mais malgré l'ordre de détruire les appareils liés au programme certains ont décidé de garder ces machines chez eux illégalement. Des recherches sont en cours.
Pour ma part, je ne me fait pas de souci pour la bonne marche future de notre entreprise. Le Gouvernement aura encore besoin de nos produits pour contrôler les créatures. Nous les avons doté d'une telle puissance de frappe qu'il est nécessaire, même vital de pouvoir les maîtriser.
Notre équipe travaille en ce moment sur un appareil micro-intégré qui sera prochainement capable d'emprisonner les créatures sous une forme élémentaire et de les relâcher selon notre bon vouloir, ceci pour éviter certains accidents regrettables tel que l'incendie de la semaine dernière.
Les résultats ne sont pas pour l'instant très probants et le nombre de morts et de déformations physiques est pour l'instant trop élevé pour une production industrielle à grande échelle. Mais nous arriverons bientôt à un résultat..."
Alaec sursauta en voyant le nom de Devon. C'était une entreprise respectée dans tout Hoenn, et Alaec qui remettait lentement ensemble tous les morceaux du puzzle comprit néanmoins que c'était cette société qui avait miné le labo du Site Météore, qui engageait Paul et qui était donc responsable de tous ses ennuis.
Inexorablement, la colère et la haine montait au fond de son être. Il ne savait pas ce qu'il allait faire, ce qu'il pouvait faire mais il savait qu'il ne voulait plus se cacher et fuir. Il était maintenant temps pour lui d'affronter la réalité et révéler au reste de Hoenn cette vérité que la société Devon cherche tant à cacher.
Son ennemi était maintenant clair, à défaut d'avoir un visage il avait un nom : "Devon Corporation".
_ Je crois qu'il va falloir que je passe à l'offensive, maintenant, se dit-il.