Entre infini et au-delà de Cyrlight

L'équilibre - Kyo


Racaillou encaissa avec peine l'attaque Aile d'Acier d'Airmure. Malgré un début de match tonitruant, Sylvain n'était désormais pas loin de capituler devant John en dépit des encouragements enthousiastes de Cassy et Bridget qui le soutenaient depuis les tribunes. Un Strido-Son couplé à des Météores suffirent à avoir raison de sa volonté.

- Je m'incline, informa le Topdresseur en rappelant son acolyte dans sa pokéball. Merci pour ce combat, c'était vraiment très instructif.

Le jeune homme avait coutume de ne jamais se départir de sa politesse et de son tact en toute circonstance, même en cas de défaite, et cette fois-ci ne fit pas exception. Le porteur du glyphe acier lui rendit le compliment, puis ils vinrent rejoindre les deux filles assises dans les tribunes.

Au même instant, la porte de la salle d'entraînement s'ouvrit avec virulence pour laisser entrer l'allure désinvolte de Sven. Ce dernier, apparemment perdu dans ses pensées, ne les remarqua pas dans l'immédiat. Cassy dut toussoter pour qu'il constate leur présence.

- Ah, vous êtes là, dit-il d'un ton emprunt de sarcasme. J'ai cru que personne n'utilisait l'Arène, mais ce n'est pas grave. Je reviendrai plus tard.
- Pas la peine, informa aussitôt John. Nous venons de terminer à l'instant et nous nous apprêtions à partir.

Le quadragénaire ramassa la veste en cuir qu'il avait abandonné sur l'un des gradins, la jeta par-dessus son épaule et prit la direction de la sortie. Sylvain et Bridget, main dans la main, lui emboitèrent le pas. Seule la meneuse de la Confrérie ne bougea pas.

- Tu tombes bien, avoua-t-elle d'une voix étonnamment rauque. Il faut... Il faut que je te parle.

Le matin même, suite à une conversation avec Yohanna, Cassy avait fini par admettre qu'il était temps pour elle de révéler sa grossesse à Sven. Elle savait qu'il ne voudrait pas de cet enfant, mais il méritait malgré cela de savoir la vérité.

- Cela ne peut pas attendre ? Je suis de mauvaise humeur et j'ai grand besoin de taper sur quelque chose.
- Si... Je suppose que si. Je vais sortir prendre un peu l'air, je t'attendrai dehors. Rejoins-moi quand tu auras terminé, d'accord ?

L'espion acquiesça d'un signe de tête distrait, l'air maussade. Depuis la mort d'Artémis, il était plus irascible que jamais et la dresseuse elle-même ne s'amusait plus à le provoquer par crainte de représailles.

Elle redoutait sa réaction lorsqu'elle lui apprendrait la nouvelle, toutefois elle ne pouvait plus faire marche arrière, désormais. Sans doute entrerait-il dans une colère noire avant de l'accabler de reproches quant au fait qu'elle aurait plutôt dû se faire avorter.

Les portes de l'Arène d'Ebénelle coulissèrent pour la laisser sortir. Sandra avait décidé de rester encore un moment sur le Plateau Indigo, raison pour laquelle ils continuaient tous de résider chez elle, ce qui les arrangeait.

Une voix suave l'interpela alors qu'elle était perdue dans ses pensées. La main crispée sur la bandoulière de sa sacoche, elle tourna la tête en direction de Satan qui affichait un sourire éclatant.

- Bonjour, le salua-t-elle étant donné qu'elle n'avait pas eu l'occasion de le croiser de toute la matinée.
- Tu tombes bien, Cassidy. Je venais justement prendre de tes nouvelles. Comment vas-tu ?
- Je vais... très bien, mentit-elle. Je m'apprêtais à faire une petite promenade. Voulez-vous m'accompagner ?

Le Malin lui offrit immédiatement son bras pour toute réponse et elle le remercia doucement. Elle appréciait sa compagnie car il ne lui posait jamais de questions inutiles. Qui plus est, il respectait son goût pour le silence aussi, lorsqu'ils se trouvaient en présence l'un de l'autre, ils ne discutaient jamais beaucoup.

- Prométhée et Crios sont venus à l'aube, informa-t-il tandis qu'ils se dirigeaient vers le petit bois à l'est de l'Arène.

Cela ne surprit pas Cassy puisque, depuis qu'ils leur avaient sauvés la vie face à Arceus, ils passaient régulièrement à Ebénelle afin de prendre de leurs nouvelles et de leur en donner également. Athéna, qui avait réussi à tenir l'Alpha en échec suite à leur affrontement, tentait à présent en vain de le raisonner.

- Vous ont-ils appris quelque chose de nouveau ?
- Rien du tout. En fait, Prométhée s'est simplement arrêté pour s'assurer que tout allait bien. Il est reparti moins de dix minutes plus tard.
- Et Crios ?
- Je crois qu'il voulait parler avec la petite parjure.

L'expression de la dresseuse se durcit un instant avant de reprendre une expression neutre. Elle ne comprenait pas d'où provenait l'intérêt de l'humain légendaire pour Yohanna, cependant elle s'efforçait de l'accepter davantage, désormais, et d'étouffer la jalousie qui tendait à poindre en elle.

- Ils sont ensemble, là ? demanda-t-elle en tentant de feindre l'indifférence.
- Tu n'as rien à craindre, répondit Satan dans un rire.
- Comment cela, rien à craindre ?
- D'après ce que j'ai cru comprendre, Crios t'estime beaucoup, alors il ne ferait jamais rien susceptible de t'offusquer. Quant à la parjure, sa loyauté envers toi est indiscutable.
- Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler.
- Non, bien sûr que non. Pas plus que tu ne sens ce petit pincement au coeur à l'idée de la savoir avec quelqu'un d'autre.

Le Malin lui adressa un clin d'oeil entendu pendant que la jeune femme détournait précipitamment le regard, mal à l'aise.

- Allons, tu sais très bien que tu peux compter sur moi. Je suis une tombe. Personne d'autre n'a le moindre soupçon à propos de vous deux, si cela peut te rassurer. Pas même Lilith.

Cassy afficha un sourire reconnaissant, puis ils firent demi-tour car elle devait retourner attendre Sven qui avait sans doute à présent achevé son entraînement. Comme convenue, elle le retrouva devant la porte où Satan eut la délicatesse de les laisser seuls afin qu'ils discutent en privé.

- Alors ? Qu'est-ce que tu as à me dire de si important ? lança aussitôt le porteur du glyphe ténèbres.
- Je... Euh...
- Une mission à me confier ?
- Non. Je dois te parler de quelque chose qui, d'une certaine manière, te concerne également.

Sven s'attendait visiblement à ce qu'elle poursuive, mais elle s'interrompit à la fin de sa phrase. Elle ne parvenait pas à choisir les mots adéquats afin de lui révéler une vérité aussi délicate.

- Je crois savoir où tu veux en venir, finit-il par lâcher, impatient.
- J'en doute. Cette idée ne serait même pas capable de t'effleurer l'esprit.
- Et moi, au contraire, je suis convaincu que si. Bon, on va gagner du temps. Je suis d'accord.
- D'accord ? Mais pourquoi ?
- Roh, Cassy, par pitié, ne joue pas les vierges effarouchées avec moi.
- Les... Je te demande pardon ?
- J'ai conscience que tu as rejeté ma demande en mariage, ce qui n'est pas plus mal, d'ailleurs. Je comprends qu'à cause de cela, tu aies préféré t'éloigner un moment mais, tu sais, je ne vois pas d'inconvénient à ce que l'on reprenne notre liaison. Après tout, on s'amusait bien, tous les deux.

La jeune femme mit un moment à saisir ce qu'il était en train de lui dire, et lorsqu'elle eut assimilé tout cela, elle ne manqua pas d'ouvrir des yeux ronds. Elle allait ouvrir la bouche pour répliquer, mais il ne lui en laissa pas le temps :

- Enfin, j'avoue qu'il y a quelque chose de changer, chez toi. Cela ne me pose pas particulièrement de problèmes mais... Tu es beaucoup moins excitante qu'avant. Même si vous divergez souvent d'opinion, tu devrais laisser Lilith te reprendre en main. En plus, excuse-moi de te dire ça, mais en ce moment, j'ai l'impression que tu as tendance à prendre du poids.

Sven n'eut pas le temps de réagir qu'il se retrouva propulsé vers l'arrière, le nez en sang, suite au coup de poing que Cassy venait de lui mettre. Quand il se redressa, elle courait déjà en pleurant en direction de l'Arène, à l'intérieur de laquelle elle se réfugia.

Quatre à quatre, les nerfs à vif, le corps parcouru de soubresauts, elle monta les escaliers qui menaient à l'étage où elle fut soulagée de regagner sa chambre. Les larmes lui brouillaient la vue et la haine qui l'habitait avait besoin de s'exprimer. Elle s'agenouilla violemment sur son lit pour frapper son oreiller avec rage.

Mentalement, elle traita l'espion de tous les noms. Comment pouvait-il se montrer aussi désagréable quand elle-même peinait déjà assez à accepter toutes les modifications déplaisantes que subissaient son physique ?

Sa colère se transforma bientôt en une véritable crise d'hystérie. Sandra s'en était aperçue, Lilith était au courant, de même que Yohanna et Léa, sans parler de Cynthia et Régis. Peut-être même que, parmi la Confrérie ou les humains légendaires, d'autres s'en étaient rendus compte sans toutefois lui en parler obligatoirement. Elle avait d'ailleurs la conviction que Satan s'en doutait. Sven, cependant, ne trouvait rien d'autre à lui dire mis à part qu'elle était grosse.

Elle pleura jusqu'à en perdre haleine, le visage enfoui dans son oreiller pour contenir ses cris, puis finit par s'effondrer à plat ventre sur son lit, à bout de souffle. L'énergie venait à lui manquer de s'être tant extériorisée, mais au moins cela lui avait le plus grand bien.

Elle recouvrait une respiration régulière lorsque quelqu'un toqua à la porte. Elle avait tiré le verrou dans son sillage et, comme elle désirait être seule, ne comptait pas ouvrir, cependant la voix de Léa la fit changer d'avis.

- Cassy, ouvre-nous, s'il te plaît. Crios a un message d'Athéna à te transmettre. Tu ferais bien de l'écouter.