04. Innocence
Je quitte l'antre de mes pensées, et passe le Portail Temporel. Je suis enfin sur la plage de Nénucrique. Il fait beau, le soleil chauffe doucement en ce milieu d'après-midi ; c'est l'été. Je suis dans un coin un peu reculé des humains qui pourraient me voir. C'est parfait. Je plonge dans l'eau de mer légèrement réchauffée par la canicule, puis je m'étale sur un rocher, visage exposé au soleil. Les rayons me revigorent, je me sens plus en forme après une exposition de trois quarts d'heure. Puis je retourne dans l'eau pour me rafraîchir. Le soleil commence déjà à faiblir peu à peu. Je profite encore un peu de sa présence pour me faire sécher. Une petite brise agréable souffle sur mon visage. J'écoute la douce mélodie des vagues. Je me sens plus détendue, plus en forme. J'ai pu libérer un peu mes soucis et mes craintes.
« Celebi, tu t'es assez reposée, maintenant. Il faut que tu te diriges au parc de Nénucrique, tu dois surveiller le temps qui s'y écoule. Je sens que quelque chose de grave va se passer, et j'aimerais que tu surveilles cela de près. »
Très bien, Maître. Je vais aller voir de ce pas.
Espérant ne pas assister à une autre scène macabre...
***
Deux jeunes sœurs jumelles Ayaka et Akira, âgées de sept ans s'amusent tranquillement avec leur Skitty et leur Charmillon dans l'herbe de leur jardin. La maison, près d'un parc à Nénucrique est assez agréable pour ces deux petites filles, qui y vivent en toute quiétude. Elles jouent à cache-cache avec leurs compagnons. Les éclats de rire apportent de la bonne humeur au sein de leur maison. Leur maman cuisine tranquillement pendant que leur papa lit un livre dans leur canapé. C'est les vacances d'été, et les deux enfants en profitent donc pour s'amuser avant leur rentrée en Classe Primaire Pokémon. Fatiguées après avoir couru, elles s'allongent toutes deux dans l'herbe douce de la pelouse. Et elles prennent un peu le soleil, avant que leur papa ne les appelle et leur dise de rentrer, pour éviter qu'elles n'attrapent une insolation. Alors, les deux sœurs décident d'embêter leur père au concours de chatouilles. Et bien sûr, le père remporte le premier round haut-la-main, puis se laisse faire par ses deux filles qui continuent à le chatouiller, riant toujours autant. Les Pokémon observent la scène, visiblement contents de cette si chaleureuse ambiance.
La maman appelle son mari et ses deux filles, le déjeuner est prêt. Ayaka veut aider sa mère à mettre le couvert, pendant que sa sœur et son père apportent les plats. Mais lorsqu'elle prend un des couteaux, par un faux mouvement, elle se blesse et se coupe un peu le doigt. De fines gouttelettes écarlates coulent lentement sur son index droit, et la petite ne tarde pas à pleurer. Heureusement, son père apporte vite la trousse de premier secours, pour que sa mère désinfecte et mette un pansement sur la coupure. La petite fille peine à se calmer, et sa sœur Akira vient l'enlacer pour la consoler. Après cet épisode de larmes, la famille se met à table et mange de nouveau dans une ambiance agréable.
« - Dis papa, propose Ayaka, tu veux bien nous emmener au parc, cet après-midi ?
- Oh ça serait super ! Dis oui papa, s'il te plaît ! surenchérit Akira.
- Eh bien... Je n'y vois pas d'inconvénients, si votre maman est d'accord les enfants, répond le père.
- Bien sûr, mes chéries, mais vous ferez attention, la route n'est pas très loin du parc !
- Génial !! » s'exclament en cœur les jumelles.
***
Je parcours un peu la ville de Nénucrique, sans me faire remarquer par des humains ou des Pokémon. On ne doit pas savoir que je suis ici. La petite ville est vraiment charmante, proposant les produits d'ici aux touristes. Les êtres qui y vivent ont souvent le sourire, humain ou Pokémon. Il y règne toujours une atmosphère conviviale, chaleureuse et fervente. C'est d'ailleurs pourquoi j'aime venir dans la région de Hoenn, et dans cette ville particulièrement. Les habitants de cette région sont d'une gentillesse naturelle, Hoenn est riche en arbre à baies délicieuses. Et le climat de Nénucrique est souvent propice pour se détendre à la plage.
J'aime aussi aller au parc de cette petite ville. Il n'est pas bien grand, mais je le trouve assez reposant. Je m'y dirige sous les ordres de Dialga. Un autre incident, assez grave d'après mon Maître devrait arriver. J'entre finalement dans le parc. Je suis à l'entrée Nord du parc, et je ne vois personne. Je pense que je devrais plus me diriger vers l'entrée Sud. Je vole alors, et observe cet endroit si paisible, si calme. Des arbres de différentes espèces y vivent, l'herbe semble être entretenue par les Hommes, c'est un très beau parc.
J'arrive enfin à proximité de l'entrée Sud. J'aperçois l'aire de jeu. Quelques enfants y jouent, sous le regard attentif de leurs parents. Et je vois un homme, assis sur un des bancs, observant quelque chose d'extérieur à la zone de loisir.
Bobom.
Je sens mon cœur s'affoler dans ma poitrine. Je pense savoir de quel événement Dialga veut que je surveille l'écoulement du temps.
***
Après avoir terminé de déjeuner, le père emmène Akira et Ayaka au parc. Elles prennent leur ballon, où elles pourront y jouer, car elles adorent jouer avec leur beau ballon jaune. Au début, elles profitent des jeux que propose le parc pour enfant. Elles font de la balançoire à tour de rôle, puis vont dans un petit fort, et descendent du toboggan. Ensuite, elles font du cheval à bascule, du tourniquet pendant plus d'une heure au moins. De temps à autres, leur papa les rejoint et joue avec elles, puis retourne s'asseoir sur un banc et les surveille, le sourire aux lèvres. Le vent caresse doucement les longs cheveux des petites filles, qui continuent toujours à s'amuser dans le parc. Le temps passe, et elles décident de jouer avec leur beau ballon jaune.
C'est cela...
« - Papa, demande Akira, est-ce qu'on peut sortir du parc de jeu pour jouer au ballon ? On reste juste à côté, et comme ça on aura plus de place pour jouer !
- D'accord ma puce, lui répond-il, mais vous restez bien là, que je puisse quand même vous voir, et surtout, faites attention à la route à côté.
- Oui Papa, merci ! »
Non... Je sens quelque chose. Vous ne devriez pas...
Akira et Ayaka partent alors jouer à l'extérieur de l'aire de jeu, ballon en main. Elles se l'envoient, d'abord en utilisant les mains, puis continuent avec un peu de football et de basket. Elles jouent aussi avec d'autres enfant qui les rejoignent, et tous se font un ballon prisonnier. Le jeu dure environ une demi-heure, et tous s'amusent énormément, sous le regard bienveillant de leurs parents. Les deux sœurs sont l'une contre l'autre. Et c'est l'équipe d'Ayaka qui gagne, et de justesse. Les rires des enfants se propagent dans l'air, et des Pokémon viennent les voir jouer. Ils sont heureux, eux aussi. Et une fois le jeu terminé, les autres enfant décident de profiter de l'aire de jeu ou du parc avec leur famille. Alors, les deux jeunes sœurs se retrouvent à nouveau toutes seules.
« - Les filles, on rentre dans une demi-heure ! annonce leur père.
- D'accord Papa ! lui répond Akira
- Dis, Akira, on fait quoi, maintenant ? On continue de se faire des passes avec le ballon, et on se fait un dernier tour de toboggan ? propose Ayaka à sa sœur.
- Oui c'est une bonne idée ! Éloignons-nous pour que ce soit plus difficile d'attraper le ballon, ça sera plus amusant !
- D'accord ! »
Je ne me trompe pas...
Ne faites pas ça !
Les jumelles s'écartent alors l'une de l'autre. Elles lancent plutôt bien le ballon. Akira et sa sœur se divertissent davantage. Ce jeu leur donne plus de piment, et les deux sœurs adorent. Jusqu'à ce que Ayaka lance le ballon trop fort. Akira n'a pas pu l'attraper, et cours pour aller le chercher.
Non ! N'y va pas !
Mais...
Le ballon roule sur la route.
Cette fois... Je ne peux pas regarder sans rien faire.
Et un camion arrive au même moment que la jeune fille traverse.
Pardonnez-moi, Maître...
« - AKIRAAA !!! »
Par le pouvoir des Quatre éléments,
Par le pouvoir de la Tour du Temps,
Par le pouvoir du Destin,
Je te l'ordonne...
ARRÊTE-TOI !
Tout s'est arrêté. Les enfants qui jouent, les vagues qui ondulent, la ballon qui roule...
Et le camion qui aurait dû percuter Akira.
La petite Celebi se dépêche de transporter comme elle le peut le corps de la fillette. Elle la prend par ses deux poignets, et la soulève un peu du sol, rassemblant toutes ses forces pour la déplacer. Le petit Pokémon parvient à la déposer délicatement sur le sol, en position allongée. Elle en profite aussi pour ramener leur ballon, qu'elle dépose à côté de la fillette.
REPRENDS TON COURS !
Le temps a alors repris son cours. La Celebi, cachée, observe les deux jumelles s'enlacer et s'embrasser en pleurant. Elles ne comprennent pas ce qu'il vient de se passer, mais cela leur est égal. Akira est en vie. Et leur père ne tarde pas à les rejoindre, et à prendre ses filles dans ses bras, soulagé qu'elles n'aient rien.
Le petit Pokémon sourit en les voyant.
« Téléportation. »
~
Celebi se retrouve au sommet de la Tour du Temps, à l'extérieur. De menaçants nuages noirs ont envahi le ciel, et le tonnerre éclate à de nombreuses reprises. Un vent violent fouette le corps frêle de Celebi. Dialga l'a transportée ici grâce à ses pouvoirs. Son regard est sévère. Le petit Pokémon ne sait pas quoi dire, ni que faire. Elle se contente de baisser les yeux. Son cœur bat la chamade, elle a des sueurs froides. La gardienne a peur de ce que son Maître va lui dire... Et va lui faire...
Pour avoir transgressé l'une des règles les plus importantes...
Pour avoir modifié un événement du temps...
« - Tu dois savoir pourquoi je t'ai amenée ici, Celebi. commence-t-il d'un ton effrayant, qu'elle n'a jamais entendu auparavant.
- O... Oui, Maître Dialga... Je... Je suis désolée pour...
- Il suffit ! Tu as dérogé à l'une des règles les plus fondamentales, Celebi. Et ceci est intolérable. Je t'ai pourtant prévenue, que tu ne devais sous aucun prétexte modifier le cours du temps ! Car tu viens de modifier tout un futur entier !
- Pa... Pardonnez-moi, Maître... Mais je... Je ne pouvais pas encore laisser des vies innocentes être balayées, c'est bien trop cruel ! dit-elle en tentant de se défendre, et en laissant couler des larmes.
- Celebi, tu n'avais aucun droit sur la vie de cette enfant. Son destin était de mourir, tu devais juste t'assurer qu'il n'y ait aucune faille temporelle à ce moment précis. Mais tu as échoué.
- Cela... N'arrivera plus, Maître. Je vous le promets, répond-elle en regardant Dialga droit dans les yeux.
- Je suis désolé, Celebi. Mais ton crime est bien trop grave. Si tu es capable de te laisser envahir par les sentiments, et de changer le cours du temps une fois, qui me dit que cela n'arrivera pas une seconde fois ?
- Mais... Mais alors... Que...
- Je n'ai pas d'autre choix que de te détruire, et de créer une nouvelle Celebi pour te succéder »
Sur ces mots, la Celebi écarquille les yeux, et n'a pas le temps de réagir. Les immenses griffes du Pokémon Légendaire s'enfoncent dans son corps et la plaque au sol. Elle hurle de douleur. Son sang se vide complètement, ses organes sont broyés par la force du choc. Sa dernière pensée avant de succomber est l'image des deux jeunes sœurs souriantes. La Celebi se dit qu'elle aura au moins servi à quelque chose au cours de son existence : sauver la vie d'un innocent, au prix de sa propre vie.