Epilogue
Un soupir franchit les lèvres d'un garçon aux longs cheveux verts.
Les immenses yeux du dragon blanc se posèrent sur lui, regard saphir contre regard azur. Ephémère échange, jusqu'à ce que le jeune homme reportât son attention sur ce qui l'entourait.
Ils se trouvaient au sommet des montagnes qui dominaient Vergazon, l'horizon dévoilant cette région fantastique et mystérieuse qu'était Hoenn à perte de vue, dont les limites dépassaient la mer elle-même. Un vent frais venait jouer dans les plumes de Reshiram et les vêtements de N ; ses cheveux étaient doucement agités, venant frôler le corps du pokémon. Les jambes dans le vide, le jeune garçon était assis au bord de la falaise, le dragon allongé derrière lui de tout son long.
Le regard de N ne parvenait pas à se détacher du paysage. Pourtant, cela faisait près d'un an et demi qu'il était ici. Depuis son arrivée, il n'était jamais reparti. Malgré son projet de visiter toutes les régions. Il s'était trop attaché à Hoenn. Il savait sans doute qu'il ne pourrait désormais trouver plus belle région.
La tête renversée en arrière, il prit une nouvelle grande inspiration avant de soupirer.
Il devait partir.
Les rumeurs se répandaient de façon bien trop homogène, elles ne pouvaient qu'être fondées. Même s'il souhaitait que ce ne fût que pures élucubrations, il ne pouvait nier la vérité.
Ghetis était revenu semer le trouble à Unys.
Encore à la recherche de toujours plus de pouvoir. N l'avait entendu plusieurs fois maintenant ; la région serait apparemment recouverte en partie d'une glace impénétrable, habitée d'un froid mordant. Il fallait arrêter le chef de la team Plasma avant qu'il ne fasse encore davantage de mal.
N se releva, et posa sa main contre le flanc de Reshiram.
« Attends-moi ici mon ami, dit-il doucement, nous partons ce soir. »
Un renâclement confirma que le pokémon l'avait bien entendu. Le garçon aux cheveux verts sourit, avant de commencer une longue descente le long du flanc des monts. Il prenait son temps, marchant avec lenteur, comme pour retarder le moment du départ qui se rapprochait inexorablement. C'était sans doute aussi pour cela qu'il ne cessait de faire ces derniers jours des allers-retours jusqu'à l'endroit où Reshiram demeurait caché ; il ne demandait qu'à perdre un peu plus de temps dans cette région.
Mais le jour des adieux était venu.
N marcha plusieurs heures avant d'arriver à destination : une étendue calme et tranquille de verdure au pied des montagnes, telle un sanctuaire secret. Pas plus grand qu'un terrain de match pokémon, des fleurs poussaient ici et là, apportant de joyeuses nuances de couleurs au milieu de l'herbe. A droite de cet endroit magique se dressait les premières formations rocheuses ; à gauche commençait un bois.
Ce lieu était le plus beau et paisible que N n'eût jamais vu.
Il avança avec douceur, comme par peur de troubler la nature, vers le côté opposé de celui par lequel il venait d'arriver. Avec une tranquille lenteur, il rejoignit un carré de terre où les fleurs étaient plus nombreuses qu'ailleurs. Elles étaient belles et à l'aspect fragile, mais assez forte pour survivre à un hiver glacial ou un été caniculaire. La représentation parfaite mais très simple de la personne à qui ce parterre rendait hommage. N savait que Mélodie aurait bien plus souhaité cette sérénité à une tombe de marbre froide, rigide et funeste.
Le garçon caressa sans y prêter attention le pétale d'un oxalis blanc. Ici, la beauté des lieux évoquaient l'amour de la jeune fille pour la nature, pour sa région. Son amour pour les pokémons, quant à lui, était comblé lorsque le soir tombait ; de nombreuses bêtes se réunissaient ici pour dormir toutes ensembles, à l'abri du vent qui parvenait du volcan proche. Lorsque la famille de la jeune fille avait accepté que Mélodie soit enterrée ici, N savait qu'elle ne pourrait que trouver la paix.
Des bruits de pas le tirèrent de ses pensées ; ses doigts quittèrent la plante tandis que son regard se posa sur l'Absol qui venait dans sa direction. Sa peau rouge ressortait sous sa fourrure blanche ébouriffée par le vent, le soleil créant d'étranges ombres sur celle-ci. N lui adressa un sourire.
Le pokémon n'était pas encore assis aux côtés du garçon lorsque de nouveaux arrivants les rejoignirent à leur tour. Gardevoir marchait auprès d'un Galegon qui, malgré son air joyeux, ne pouvait cacher à N sa tristesse. La bonne humeur de ce pokémon n'avait d'égale que son affection pour les humains.
Le jeune homme focalisa à nouveau son attention sur la tombe naturelle. Son souffle était profond et calme, mais ses yeux reflétaient son chagrin et ses regrets. Il resta ainsi très longtemps ; il ne prêta aucune attention aux crampes qui engourdissaient ses jambes à force d'être figé dans la même position. Les pokémons étaient silencieusement à ses côtés.
Un sourire finit par étirer les lèvres du garçon. Des larmes perlaient aux coins de ses yeux, mais il souriait. Car depuis son aventure brève mais intense en compagnie de Mélodie, il avait retrouvé foi en une réalité qu'il pensait impossible. Il n'avait vu durant son enfance que des pokémons mal en point à cause des humains, car Ghetis voulait qu'il en soit ainsi ; mais contrairement à ce qu'il pensait à l'époque, de telles relations étaient loin d'être une généralité.
N se redressa finalement, les muscles endoloris, courbaturés pour être resté bien trop longtemps dans une position inconfortable. Il devait maintenant partir, tout laisser derrière lui. Il savait que cela arriverait, au début de sa quête, accompagné du dragon blanc. Cependant, jamais il n'avait songé vivre de telles choses. Mais il devait laisser cet endroit derrière lui. Laisser cette tombe, ces pokémons, cette régions toute entière… Tout devait rester derrière lui.
Un sourire triste étira ses lèvres.
« Il est temps… Au revoir, Mélodie. »
Il se retourna et laissa cet endroit hors du temps plonger dans les douces et virevoltantes ombres du soir.
Le soir tombait lorsqu'il commença l'ascension des montagnes pour la dernière fois. Gardevoir et Galegon avaient tenu à l'accompagner. Négapi lui-même était venu pour lui dire au revoir. Quant à Absol, elle avait demandé à N de l'accompagner, mais celui-ci avait refusé à cause des risques qu'il lui ferait courir. Il avait donc voulu la raccompagner jusqu'à sa nouvelle maison, chez les parents de Mélodie, mais elle avait catégoriquement refusé d'y aller avant le départ de N. Heureusement, elle était maintenant assez forte pour se débrouiller seule. De toute façon, il n'avait eu d'autre choix que de se plier au caractère capricieux du pokémon.
Le sommet arriva bien trop vite à son goût.
Reshiram bailla et s'étira de tout son long à l'arrivée du garçon et des pokémons, avant de se secouer pour se réveiller. Un long vol l'attendait.
N se tourna vers Gardevoir, Galegon, Negapi et Absol.
« Au revoir mes amis… Merci pour tout. »
Il caressa chacun d'entre eux, et embrassa Absol sur le front.
« Fais bien attention à toi. »
Il se redressa.
« Prenez tous soin de vous ! »
Le soleil déclinait de plus en plus, baignant au loin de rouge la mer cachant en son sein Atalanopolis. Le cœur déchiré, N grimpa sur le dos de Reshiram, devant ses ailes. Tandis que le dragon commençait doucement à agiter ses ailes, le garçon adressa un signe de main aux pokémons ; lorsqu'il vit le sol qui s'éloigna, il lança :
« J'espère que nous nous reverrons ! »
Des exclamations joyeuses lui répondirent.
Puis ils furent hors de vue.
Une larme dévala la joue de N.
Quelques heures plus tard, nostalgique mais serein, le garçon observait la mer, plusieurs mètres en-dessous du dragon. Bientôt, il allait être de retour chez lui. Mais était-ce vraiment chez lui ? Ghetis avait corrompu ses pensées, il les avait manipulés. Le garçon avait la sensation de n'avoir réellement commencé à vivre que le jour où il avait appris cette vérité. Il avait la sensation qu'Hoenn était chez lui maintenant. D'avoir enfin découvert la vie dans cette merveilleuse région.
« Ghetis… »
Il allait à nouveau avoir affaire à lui. Il allait à nouveau devoir lui tenir tête, faire échouer son plan. Mais il avait le dragon blanc avec lui cette fois.
Et puis… Ce n'était plus pareil.
N serra le collier en saphir de Hoenn glissé sous son t-shirt.
Rien n'était plus pareil.