Chapitre 1
Le feu crépita lorsque Melodie y ajouta une branche d'un geste nonchalant avant de reposer sa tête sur ses genoux. Les bras passés autour de ses jambes, elle avait l'esprit ailleurs.
Qui était l'étranger qu'elle venait de rencontrer dans la forêt ? Elle n'avait jamais vu quelqu'un qui dégageait une telle aura. Elle s'était enfuit pour conserver sa solitude, pourtant... Impossible d'empêcher ses pensées de revenir encore et toujours à cet inconnu. D'une façon ou d'une autre, elle y songeait à nouveau.
Son Brasegali, assis à côté d'elle, la dévisageait. Elle prit plusieurs minutes à le remarquer, plongée dans ses pensées. Lorsqu'elle releva la tête, elle plongea dans son regard bleu. Elle soupira, avant de secouer la tête.
« Il faut que je me concentre, dit-elle en partie pour elle-même. Les chasseurs sont de plus en plus nombreux... Donc Absol est de plus en plus en danger. ».
Le pokémon se pencha légèrement. Assis en tailleur, il observait la boule de poils qui dormait sur ses genoux, dont les plumes rouges tranchaient avec la fourrure dorée de l'autre pokémon. Mélodie posa un regard tendre sur le Goupix à la couleur unique. Son poitrail se soulevait et s'abaissait à chaque respiration, doucement, tranquillement. Il semblait bien loin de la sombre réalité qui l'entourait. Ce monde où il était traité tel un objet rare, pour lequel certains feraient même les pires horreurs pour le collectionner.
Tout autour du feu étaient assis ou couchés les pokémons de la jeune fille. Son Elecsprint, les yeux mi-clos, mais aussi un Tylton perché sur l'épaule d'un Libégon. Ni l'un ni l'autre ne possédait les couleurs habituelles qui auraient dû être les leurs.
Un craquement provenant d'un recoin sombre de la forêt fit sursauter Mélodie. Braségali était déjà debout, tous ses muscles tendus, tandis que Goupix, désormais au sol, ouvrait des yeux fatigués. La dresseuse attrapa ses pokéballs, posées jusqu'à présent à ses pieds, et rappela ses trois pokémons aux couleurs rares.
Le temps qu'elle rangeât toutes ses balls dans son sac à dos noir, elle entendit des bruits de luttes à quelques mètres, ainsi que les cris de Braségali qui avait bondi dans les fourrés. Finalement, une voix retentit, forte mais douce, et le silence s'installa à nouveau, seulement interrompu par les crépitements du feu et les pokémons nocturnes.
Puis l'obscurité s'ouvrit sur Braségali qui en sortait, poussant devant lui le garçon aux cheveux verts de tout à l'heure, menotté par la poigne du pokémon. Malgré sa mauvaise posture, un vague sourire flottait sur ses lèvres. Il lâcha, de sa voix grave et posée :
« Salut. »
Mélodie serra les dents. Il avait beau avoir cette étrange et indéfinissable aura, quelque chose ne tournait pas rond. Pourquoi était-il encore ici, pourquoi restait-il dans les parages ? Elle avait trop appris à se méfier des gens. Elle se leva et se tint bien droite.
« Qu'est-ce que tu fais là ? »
La voix de la jeune fille était cassante comme la glace, mais N ne se laissa pas démonter. Il haussa les épaules comme il put.
« Je me ballade.
-Ne me prends pas pour une idiote ! »
Elle avait encore plus haussé le ton. Droite comme un I, ses yeux glacés lançaient des éclairs. Les flammes jetaient des ombres sur ses cheveux mi-longs. Elle avait un air menaçant, malgré son petit gabarit.
« Je sais très bien ce que tu fais ! Ce n'est pas la première fois qu'un chasseur m'utilise pour parvenir à ses fins, mais je ne me laisserai pas avoir ! »
Elle avait tout craché d'un coup, tel un serpent relâchant son venin. N haussa les sourcils.
« Un... chasseur ? »
Son air interrogateur ne calma pas la dresseuse.
« Toi aussi tu es à la recherche d'Absol, histoire de le vendre pour des centaines –non, des milliers- de Pokédollars ! »
Face aux accusations, N se tendit. Il avait son regard plongé dans celui de la jeune fille, qui était trop agressive pour en être déstabilisée. A ses côté s'était planté son Elecsprint.
Soudain, il lâcha un petit rire.
« Je n'ai absolument aucune idée de ce dont tu parles !
-Comme si j'allais te croire ! »
Il soupira. Elle n'allait pas accepter qu'il ne fût en rien lié avec ce dont elle parlait... Quoi que ce fût. N tenta de tourner la tête comme il put pour regarder en arrière malgré la poigne du Braségali qui le bloquait toujours, et appela avec douceur :
« Venez mes amis. »
Gardevoir surgit alors des buissons, un petit Galekid courant derrière lui. Ils regardèrent vers celui qui venait de les appeler, mais celui-ci observait déjà à nouveau la jeune fille.
« Tu trouves vraiment que j'ai l'air d'un chasseur, quelles que soient ces personnes ? Je suis juste ici pour rejoindre Vergazon. Et, en l'occurrence, à la recherche d'un endroit pour dormir ce soir... Tel que celui-ci. »
Le sous-entendu n'échappa pas à la jeune fille, qui grimaça. Elle ne le connaissait absolument pas, et il s'invitait sur son campement d'un soir sans hésitation ? C'était une blague ! Cependant, elle analysa la situation. Il ne semblait pas profondément mauvais, contrairement à tous les chasseurs auxquels elle avait eu affaire jusqu'à présent.
« Tu es un dresseur ? »
La question avait passé ses lèvres avant même qu'elle ne l'eût pensé. Il fallait croire que c'était un réflexe trop profondément ancré.
« Non. Les pokémons sont mes amis, je n'ai aucune propriété sur eux et je ne les enferme pas dans des pokéballs. »
Elle le regarda avec surprise. Jamais elle n'avait entendu quelqu'un dire de telles choses.
Tout en elle criait à Mélodie de lui faire confiance, mais elle restait sur ses gardes. Elle ne se laisserait pas faire. Celui-ci le comprit vraisemblablement, car il ajouta :
« Je les comprends, et jamais je ne leur ferait de mal. Donc je n'ai pas pour intention de chasser qui que ce soit. »
Pour renforcer ses propos, il tourna le plus possible la tête vers Braségali, et commença à lui parler. Leurs deux regards bleus étaient plongés l'un dans l'autre, et Mélodie les regarda avec surprise. Elle avait la sensation qu'ils... communiquaient. Et soudain, le pokémon bipède le relâcha. Mélodie en resta abasourdie. Jamais Braségali n'avait agi de son propre chef sans raison. Cela voulait-il dire qu'il fallait faire confiance au garçon ?
« Je m'appelle N.
-N ? Comme la lettre de l'alphabet ? Très drôle.
-Je m'appelle vraiment N. »
Mélodie détacha lentement les yeux de ceux de son pokémon. Ceux du dénommé N étaient chaleureux, mais cette expression qu'il affichait, tout comme cette main amicale qu'il tendait, lui semblaient trop étrange. Que cachait-il ? Elle fronça les sourcils, en plein dilemme. Le bras de N ne bougeait pas d'un iota. Elle savait pertinemment la signification d'un poignée de main ; une entente tacite.
Il était très étrange. Mais elle avait une dette envers lui.
Elle lui tendit la main à son tour.
« Mélodie. Mais je ne te fais toujours pas confiance. »
Il étouffa un léger rire.
Mélodie serra la main de N.
Le regard du garçon passa soudain de leurs mains au visage de la dresseuse, l'air circonspect. Il fronça imperceptiblement les sourcils. Des images, furtives, éphémères, lui étaient venues. Accompagnant ces images, des sentiments s'entremêlaient. Dont certains prédominaient. De l'amour, de la peine, de l'affection et... la mort.
N prit plusieurs secondes avant de remarquer que Mélodie le fixait, les sourcils rapprochés dans une mimique méfiante. Il retira sa main soudainement.
« Désolé. Je me permets donc, ajouta-t-il pour détourner son attention, de rester ici.
-Pour la nuit seulement. »
La réponse avait été immédiate. Elle ne désirait vraiment pas sa présence. Elle remboursait sa dette, un point c'est tout.
Demain, elle était débarrassée de lui.
Le feu consumait doucement les branches, meublant le silence qui s'était installé depuis plusieurs dizaines de minutes. Mélodie préparait le repas, Braségali l'aidant. N, quant à lui, était assis, les jambes étalées devant lui et Galekid couché à côté de celles-ci. Les deux derniers pokémons se tenaient en retrait. Gardevoir s'appuyait contre un arbre, les yeux clos, et Elecsprint faisait les cents pas non loin.
Ce fut N qui brisa ce mutisme le premier.
« Qui sont ces chasseurs dont tu parlais ? »
Mélodie lui jeta un regard glacial à faire froid dans le dos. Il ne cilla pas.
« Je l'ai déjà dit, ils sont à la recherche d'Absol.
-Je reformule alors ma question ; pourquoi recherchent-t-ils Absol ? »
Il vit clairement le tic qu'elle eut à la joue tandis qu'elle se mordait l'intérieur des lèvres. Bingo. Le fait qu'elle fût restée évasive sur le sujet n'était pas qu'une impression.
« Pourquoi tu tiens à le savoir ? Ça ne te concerne pas.
-Je suis simplement curieux, répondit-il en haussant les épaules avec un léger sourire en coin.
-Eh bien tu gardes ta curiosité pour toi. »
Mélodie jeta une nouvelle branche dans le feu, un peu plus violemment qu'elle ne l'aurait souhaité. Ce qu'il l'énervait ! Elle n'avait qu'une hâte ; que l'aube arrive, afin d'être à nouveau seule avec ses pokémons. Surtout qu'ils étaient coincés dans leurs pokéballs à cause de la présence du garçon ! Elle se refusait de prendre le risque de les exposer aux yeux d'un humain dont elle ne connaissait rien. Elle ne savait que trop bien de quoi ils étaient capables.
« Tu sais, reprit N avec indifférence, je ne te fais pas vraiment non plus confiance. Mais je ne peux pas m'empêcher de trouver étrange que plusieurs personnes soient à la recherche d'un Absol, surtout par ici. Ce n'est pas vraiment le genre de lieux où ils vivent.
-Pense ce que tu veux, peu m'importe. Et je ne veux pas de ta confiance de toute façon. Tu ne me fais pas confiance, je ne te fais pas confiance, tout le monde est d'accord et c'est parfait.
-Qu'est-ce que tu as vécu pour croire si peu les humains ? »
Mélodie écarquilla les yeux, une expression de surprise peinte sur son visage. Comment pouvait-il poser une telle question ? Il ne savait rien d'elle !
Elle tenta de reprendre contenance. Le regard froid et les muscles tendus, elle asséna d'une voix tranchante :
« Je ne vois pas pourquoi tu dis ça. Et, ça non plus, ça ne te regarde pas. »
Il haussa une fois de plus les épaules.
« Bien. »
Priant pour qu'il ne dise plus un mot, Mélodie se concentrait sur son feu pour ne pas laisser des pensées parasites l'envahir. Elle se refusait de céder à la tristesse et le froid de son passé. Il fallait qu'elle se concentrât sur autre chose. La suite de sa recherche. Voilà, c'était parfait comme occupation.
Comment allait-elle faire désormais ? Absol se sentait traqué, c'était évident. Elle allait bientôt fuir à nouveau, et Mélodie devrait encore le suivre à travers la région. Seulement, le pokémon perdait de ses forces. La chasse constante, le changement d'environnement, les blessures qu'il avait pu se faire... La liste des choses qui pouvaient la fatiguer ne cessait de s'allonger. Mélodie en perdait le compte ; et elle avait espéré que cela n'impactât pas Absol, mais il était évident qu'il était de plus en plus en danger, qu'il avait de plus en plus de mal à rester à l'abri.
Si les chasseurs avaient réussi à le retrouver, c'était mauvais. La dernière fois que c'était arrivé, elle n'avait pu le sauver que de justesse, et Braségali s'était retrouvé couvert de blessures. Alors si les heures étaient comptées, elle devait faire vite et...
« Des gens t'ont volé tes pokémons ? »
Mélodie sursauta, autant car elle était plongée dans ses pensées qu'à cause de ce que venait de dire N. Elle n'avait même pas remarqué qu'il s'était rapproché de Braségali. Elle n'avait pas remarqué quoi que ce soit à vrai dire, isolée dans ses raisonnements.
Même maintenant elle ne faisait pas attention à grand-chose. La question du garçon résonnant dans son esprit, douloureux écho qu'elle repoussait de plus en plus difficilement. Elle resta muette, comme si les faits et le passé pouvaient s'effacer par ce silence.
« C'est pour ça que tu ne fais pas confiance aux humains. »
C'en était trop. Mélodie se leva d'un bond, les jambes tremblantes de colère. Une irritation brûlante l'emplissait, qui n'était pas réellement –pas seulement- dirigée contre le garçon aux cheveux verts. Mais elle se retourna contre lui.
« La ferme ! Tu n'as rien à dire, tu ne me connais pas ! Je ne sais même pas comment tu peux te permettre d'affirmer une telle chose !
-Je comprends les pokémons, répondit N d'une voix dont le calme tranchait avec l'agressivité de la dresseuse. C'est pour ça que je peux le dire, c'est comme ça que je le sais. Braségali vient de me le confier. Vois-tu, ajouta-t-il, à la différence des humains, lorsque l'on pose une question à un pokémon, celui-ci ne se cache pas derrière des feintes et des mensonges. »
Elle resta un instant abasourdie, regardant vers Braségali. Sa stupeur ne dura pas. Elle éclata d'un rire mauvais.
« Tu penses que je vais te croire ? Parler aux pokémons ! Moi aussi je les comprends, je n'ai pas la prétention de pouvoir communiquer avec eux pour autant ! »
N haussa un sourcil mais ne sembla pas surpris. A vrai dire, il avait l'habitude de telle réaction lorsqu'il parlait de cela.
« Et comment tu expliques que je sache que ceux à qui tu avais confié tes pokémons t'ont en réalité trompée et te les ont pris ? »
La jeune fille resta pantoise, fixant au hasard les branches, les brins d'herbe, les buissons, n'importe quoi autour d'elle qui tombaient sous ses yeux. Tout sauf le garçon. Les images de son passé l'assaillaient. Elle regarda vers le feu ; ses langues de flamme semblaient refléter les ombres de ses souvenirs
Comme pour la mettre en confiance, N ajouta :
« Si tu veux savoir, moi non plus je n'aime pas plus que ça les humains. Certains sont bien trop corrompus, vils, mauvais... mais je fais partie de cette espèce. Et toi aussi. Donc il peut y avoir du bon en certains malgré tout. »
Ce discours était tellement différent de ceux que Ghetis lui avait appris depuis l'enfance, alors qu'il lui promettait le titre de roi. Son aventure à Unys l'avait renforcé, l'avait rendu plus fort mais aussi plus confiant. Il avait appris à connaitre des pokémons aimés par leurs dresseurs, tellement loin de l'image qu'il se faisait de cette relation auparavant.
Mélodie haussa les épaules.
« Je me fiche des autres, du bon ou du mauvais. Tout ce qui m'importe maintenant c'est de protéger mes pokémons.
-Je ne leur ferai aucun mal. »
Il y avait tant de sincérité, tant de franchise dans la voix du garçon qu'elle sentit ses convictions vaciller. Quelque chose la poussait à tenter de lui faire confiance. Que s'il fallait qu'elle essaie à nouveau avec quelqu'un, ce devait sans doute être lui. D'où lui venait cette sensation ? Son aura, peut-être, ou alors ses paroles. Ou bien sa possible capacité à parler aux pokémons, si tant était qu'elle fût réelle. Un besoin enfoui de croire à nouveau en quelqu'un, peut-être aussi.
Sûrement un mélange de tout cela.
« Je surveille mes arrières. »
Sur cette affirmation, la jeune fille s'assis à nouveau devant le feu. N crut qu'elle allait à nouveau redevenir muette comme une tombe, mais cette fois-ci, elle ne tarda pas à reprendre la parole. Ses doigts étaient crispés autour de son collier.
« Comme beaucoup de personnes, commença-t-elle, j'étais devenue dresseuse peu avant mes dix ans. D'abord simplement par envie d'imiter ce que tout le monde faisait, ensuite car j'ai découvert le lien que l'on crée avec les pokémons lors de voyages. Bref, j'étais bien comme ça ; et après un long moment, j'ai décidé de tenter de défier les champions d'arène pour arriver à la ligue. Je m'y suis consacrée près d'une année. En chemin, j'ai rencontré différentes personnes... J'ai vraiment adoré ces moments. Mais j'ai finis par comprendre qu'être dresseuse, faire des matchs contre d'autres dresseurs n'était pas ce qui me correspondait. »
N, silencieux, l'écoutait avec attention. Content de pouvoir satisfaire sa curiosité, il ne voulait pas risquer de briser cette fragile réussite.
« Alors j'ai pensé devenir éleveuse. Pour découvrir la région, j'ai voulu me lancer dans un voyage avec pour seul compagnon mon Braségali et mon Elecsprint –alors encore sous sa forme de Dynavolt-. J'ai confié mes autres pokémons à des personnes que je pensais dignes de confiance... »
Sa voix commençait à se briser. Elle enchaina très vite la suite.
« Je n'ai jamais réussi à les récupérer, malgré tous mes efforts. Ils m'ont été volés. Voilà, fin de l'histoire. »
Cela faisait des mois, sûrement même des années qu'elle n'avait plus raconté son histoire. Elle s'en voulait soudain de son élan de faiblesse, dicté par son besoin de parler, par son espoir inconscient d'avoir rencontré quelqu'un pouvant comprendre sa haine. Comprendre sa peine. Comprendre son amertume.
Pouvant la comprendre.
« Tu as tenté de les retrouver ? demanda finalement N. Vraiment, de toutes tes forces ?
-Evidemment ! cracha-t-elle. Et je continue encore aujourd'hui ! Mais je n'ai aucune idée d'où ils peuvent être.
-Pourquoi te les ont-ils pris ? »
Cela commençait à faire trop pour Mélodie. Elle se maudissait intérieurement d'avoir parlé de cela. Tous les regards étaient posés sur elle –celui de N, évidemment, mais aussi celui de Braségali, de Galekid, de Gardevoir, et même celui d'Elecsprint-.
« Ça suffit. »
Malgré les tremblements de ses lèvres, son ton était sans appel. Pourtant le garçon ne renonça pas réellement.
« Que leur ont-ils fait ?
-ÇA SUFFIT ! »
Elle avait crié. Une fois de plus, elle avait perdu son sang-froid. Quelque chose ne tournait pas rond chez ce garçon. Elle le détestait. Il était en train de rouvrir toutes les blessures qu'elle avait mis si longtemps à panser –sans jamais réellement cicatriser-.
« A quoi ça te sert de savoir tout ça ? Tu n'es personne ! Laisse-moi tranquille maintenant, j'en ai bien assez dit !
-Refuser d'en parler n'effacera pas ce qu'il s'est passé.
-J'ai dit que j'en ai assez dit ! »
Sans un mot de plus, elle saisit avec violence le repas qu'elle venait de faire chauffer dans une boite de conserve. Elle attrapa son sac pour en sortir des couverts, et commença à manger.
Après moins de quelques bouchées, elle dut reconnaitre qu'elle était incapable d'avaler quoi que ce soit. La jeune fille grimaça. Le silence lui faisait du bien, mais le sujet abordé par le garçon aux cheveux verts la hantait.
Lorsque N commença à parler une fois de plus, elle se retint de lever les yeux au ciel.
« Pourquoi le Absol dont tu es à la recherche est-il si convoité ? »
Décidément.
« Tu n'abandonnes jamais avec tes questions !
-Non, répondit-il en esquissant un sourire, pas vraiment.
-Tu es insupportable.
-Peut-être mais ça ne répond toujours pas à ma question. »
Mélodie, sa haine et sa rancœur mélangées au fond d'elle, commençait à le trouver très suspect. Elle demanda alors :
« Pourquoi est-ce que tu t'intéresses tellement à Absol ?
-Je suis simplement curieux. Et sans moi, ils l'auraient peut-être attrapé, à l'heure qu'il est. »
La méfiance s'installait en la jeune fille, comme pour chasser l'inexplicable envie de tenter de croire en tout ce que pouvait dire ce jeune homme.
« Ou peut-être pas. Quoi qu'il en soit, tu n'as pas à le savoir.
-Tu l'as déjà dit, ça.
-Eh bien je le répète.
-D'accord. Donc tu te débrouilles très bien toute seule, c'est exact ?
-Tout à fait.
-Si tu te débrouilles si bien, comment expliques-tu que tu ne l'aies toujours pas trouvé ? »
Touchée. Il vit la dresseuse grimacer un fugitif instant avant de se mordre la lèvre. C'était comme cela qu'il obtiendrait les réponses qu'il cherchait tant.
« Ce n'est pas si facile. Il est effrayé par la traque à laquelle se livrent les chasseurs. Sans parler de cet environnement dont il ne connait absolument rien.
-Pourquoi il est ici alors ?
-La fuite l'y a poussé. »
Elle comprit soudain son stratagème. Il enchainait les questions afin de la piéger. Tel un chasseur guettant l'erreur de sa proie. Elle plissa les yeux. Il fallait qu'elle le garde à l'œil. Qui sait ce dont il était capable ; il n'avait pas l'air d'être comme les autres chasseurs.
« Je crois que tu pourrais avoir besoin de moi, dit soudain N, pour trouver cet Absol et le convaincre de te suivre. »
Il ne manquait plus que ça.
« Mais bien sûr, dit-elle à voix haute en levant les yeux au ciel.
-Evidemment. Je suis capable de comprendre les pokémons et de les mettre en confiance, je suis sûrement le seul à en être réellement capable. Figure-toi que je pense que celui que tu cherches n'as aucune envie d'être approché par qui que ce soit. Même si tu veux le sauver, il te fuira. »
Inévitablement, Mélodie y avait déjà pensé. Elle était parvenue à une conclusion semblable ; mais s'était persuadée qu'elle trouverait bien comment approcher Absol. Mais N avait raison.
Cependant, elle n'avait aucune confiance en lui.
Elle regarda vers Braségali. N pouvait-il vraiment parler avec les pokémons ? C'était invraisemblable. Il arrivait, comme par hasard, la sauvait, et lui disait soudain des choses qui la convainquaient de lui faire confiance. Quelque chose clochait.
Pourtant, le regard de son pokémon lui reflétait confiance et assurance. Donc, il le croyait. Que devait-elle faire ? C'était bien trop risqué à son goût.
D'un autre côté... Elle garderait N sous surveillance, ainsi. S'il tentait quoi que ce soit, elle pouvait être prête à l'en empêcher.
« D'accord. »
N ne parvint pas à masquer sa surprise. Il n'avait jamais vraiment cru qu'elle accepterait sa proposition, à laquelle il avait à peine pris le temps de réfléchir avant de la formuler. Cette fille l'intriguait, ainsi que le mystère entourant ce fameux Absol. Sa curiosité avait frémi en entendant le mot prononcé par la dresseuse.
« Par contre, ajouta-t-elle, je te garde à l'œil. »
Son regard à la couleur presque surnaturelle souligna ses propos emplis de menace.
« Tu n'auras pas intérêt à trainer, continua-t-elle. Je ne t'attendrai pas, je ne ferai aucun sacrifice pour toi. Et j'espère pour toi que tu ne mens pas, sinon tu regretteras d'avoir croisé ma route. »
Il mima une révérence, un sourire sarcastique sur les lèvres.
« Il sera fait selon vos ordres. »