Je rêve d'une étoile - Lara FabianCassy ouvrit brutalement les yeux. Elle était étendue sur le dos et se redressa en hâte pour vomir sur ses genoux déjà trempés l'eau salée qu'elle venait d'avaler. Elle toussa pendant un long moment, la gorge en feu.
Sa respiration était haletante et elle s'efforça d'abord de reprendre son souffle. Son corps tremblait de toute part, tandis que sa peau avait une couleur livide. Une fois encore, elle avait échappé de justesse à la mort. Elle était si préoccupée par cette idée qu'elle ne sentit pas tout de suite la présence de quelqu'un dans son dos.
Quand enfin elle en prit conscience, elle se leva d'un bond pour reculer, mais elle chancela, par manque d'équilibre suite à sa récente perte de connaissance autant qu'à cause du sol instable -qui n'en était d'ailleurs pas un- sur lequel elle se trouvait.
Elle retomba aussitôt sur des plumes blanches moelleuses, qui s'agitaient au gré de la brise. En face d'elle, à moins d'un mètre, se tenait une silhouette à la longue robe blanche qui contrastait avec ses cheveux d'ébène.
- Qu'est-ce que vous faites là, vous ? demanda la jeune femme d'une voix rauque.
- Je viens de te sauver la vie, répondit Némésis avec un rictus. N'est-ce pas un argument suffisant ?
- Oh ! Le combat, mes amis... Ils...
Pendant quelques secondes, l'affrontement contre Arceus était totalement sorti de l'esprit de Cassy. Désormais, elle se souvenait à nouveau de la vague qui avait déferlé sur eux pour engloutir une bonne partie de la Confrérie sous les flots. Angoissée, elle se mit à gesticuler nerveusement.
- Je dois aller les sauver, il faut... Ils ont besoin... Je vais...
- Assieds-toi et calme-toi, intima la déesse.
Elle n'avait pas besoin d'hausser le ton pour paraître menaçante. La vibration de son timbre dénotait d'elle-même une autorité naturelle. La dresseuse l'ignora cependant et se pencha par-dessus l'aile de Lugia pour observer la mer en contrebas. Ils étaient loin d'Atalanopolis, qui ne ressemblait plus qu'à un point à l'horizon.
- Dites-lui de faire demi-tour, lâcha-t-elle sèchement.
- Il ne saurait en être question.
- Alors j'irai en nageant.
- Ne sois pas stupide.
Némésis l'attrapa par le bras au moment où elle s'apprêtait visiblement à plonger depuis le dos de l'oiseau. Cassy s'efforça de s'arracher à son étreinte, mais la poigne de la divinité était impressionnante. Peut-être était-elle même plus forte que Scathach en personne.
- Cela suffit, Cassidy. Maintenant, reste là et ne bouge pas.
- Je...
- C'est un ordre.
- Je n'ai que faire de vos ordres ! Je n'ai aucun lien avec vous et donc aucune raison de vous obéir. Je me moque bien de qui vous êtes, tout ce que je sais, c'est que mes amis ont besoin de moi.
- Sais-tu à quand remonte la dernière fois que l'on s'est permis de me manquer de respect de la sorte ?
- Et comment devrais-je le savoir, moi ? A Lilith ?
- Non... répliqua l'autre, le regard étincelant. Jamais. Or ton arrogance vis-à-vis de moi ne cesse de croître, j'ai l'impression.
- Qu'est-ce que vous allez faire ? Me tuer ? Pas la peine de vous donner ce mal, Arceus s'en chargera dès qu'il aura contraint Athéna à capituler.
- Elle ne capitulera pas. C'est mal connaître les humains légendaires, Cassidy. Athéna est bien plus puissante qu'elle ne le laisse paraître.
- Je n'en ai jamais douté.
- Et aussi bien plus que tu ne le crois. Elle l'est assez pour triompher de l'Alpha.
- Qu'en est-il de mes amis ?
- Ils s'en sont tous sortis indemnes, rassure-toi. Celle qui commande au type eau s'est arrangée pour que ses pokémon viennent à leur secours.
Cassy resta silencieuse un moment. Avec les courants aériens qui venaient caresser sa peau encore humide, elle commençait à avoir froid. Elle ne tarda pas à se mettre à grelotter, les bras serrés autour de son buste dans l'espoir de se réchauffer.
- Où est-ce que vous m'emmenez ? finit-elle par s'enquérir en évitant de claquer des dents.
- Dans un endroit où nous pourrons discuter sans risque, car il est grand temps que nous parlions, toi et moi.
- Pourquoi ?
Némésis ne répondit pas. Elle se contenta de s'asseoir en amazone sur l'encolure de Lugia qui tourna vers elle un visage paisible. Elle effleura son museau d'une main délicate et son chant envahit bientôt les airs à nouveau. La dresseuse, pelotonnée à la commissure de son aile, ferma les paupières. Cette musique, sans l'endormir, la berçait, au point de lui en faire oublier toute ses craintes.
La température chuta davantage après un long moment de vol. Un blizzard se leva aux alentours, qui ne semblait pourtant pas perturber l'oiseau légendaire. La déesse n'avait pas bougé jusqu'à présent, toutefois elle se résolut à se lever pour donner sa propre cape à Cassy, blanche et taillée dans du satin.
- Merci, mais je...
- Il n'y a pas de "mais". Tu es gelée.
A contrecoeur, la jeune femme s'emmitoufla dans le tissu. Une odeur étrange, fraîche et agréable, s'échappait de ses plis. Elle aurait été cependant incapable de mettre un nom sur cet arôme si particulier.
- Nous sommes presque arrivées.
Némésis demeura debout sans donner le moins du monde l'impression d'être perturbée par le mouvement de Lugia sous ses pieds. Elle conservait dans son maintien un équilibre irréprochable.
- Ce sont... murmura Cassy avant de s'interrompre, les lèvres gercées.
- Les ruines Sinjoh. Cela doit te rappeler quelque chose, non ?
La créature au plumage immaculé étendit ses longues ailes splendides afin de planer jusqu'à toucher la terre ferme. Quelque chose dans sa façon de voler laissait penser qu'il était nullement affecté par les conditions climatiques, ce qui était d'ailleurs sûrement le cas.
Lorsqu'il s'immobilisa dans le sable de la petite plage inhospitalière, son humaine sauta élégamment au sol, puis aida Cassy à en faire de même. Elle ne la lâcha pas, continuant de la tenir par l'épaule, jusqu'à ce qu'elles aient pénétré à l'intérieur du sanctuaire.
- Pourquoi m'avoir emmenée ici ? demanda la meneuse de la Confrérie après une légère hésitation.
- Tu sais beaucoup de choses, Cassidy, mais il y en a tant d'autres que tu ignores... Il me faut à présent te les expliquer.
Les torches s'allumèrent par enchantement dans la salle principale, là où elles se trouvaient, et la jeune femme s'approcha de la flamme de l'une d'entre elle dans l'espoir d'y rencontrer un peu de chaleur.
- Il te faut un feu plus crépitant que cela si tu veux te sécher.
Némésis frappa dans ses mains et, une fraction de seconde plus tard, un immense brasier crépitait au centre de la pièce, augmentant considérablement la température de l'atmosphère.
- Vous contrôlez le feu ? s'étonna Cassy. Comme Inari ?
- Pas exactement.
De la poussière s'éleva du sol aux pieds de la dresseuse pour former une spirale parfaite. Sa texture évolua progressivement pour devenir scintillante, comme si elle se transformait en centaine de petits diamants. Il s'agissait en réalité de gouttes d'eau, qui ne tardèrent pas à se volatiliser.
- Je contrôle tout, conclut la divinité en haussant les épaules. Mes pouvoirs ne souffrent d'aucune limite. Ceux d'Arceus ne sont rien à côté des miens.
- Votre puissance n'est donc pas un mythe ?
- Même le mythe est à des lieues de la réalité en ce qui concerne ma force.
- Je ne comprends pas... Pourquoi ne pas avoir arrêté l'Alpha si vous en êtes capable ?
D'un geste, Némésis repoussa sa longue chevelure sur laquelle dansait la lumière orangée des flammes. Elle retroussa ensuite de bas de sa robe pour venir s'asseoir par terre à côté d'elle. Même ainsi, pourtant dans une posture si commune, elle ne se départait pas de sa grandeur.
- Que sais-tu sur l'origine du monde ?
- Des connaissances floues que j'ai lu dans les livres et qui se contredisent pour la plupart. Même Lilith n'a jamais été bien précise à ce sujet.
- Sûrement parce que nous ignorons tous plus ou moins dans quel ordre ceci s'est déroulé.
Cassy lui jeta un regard en coin qui indiquait à quel point elle désirait en apprendre plus pendant que sa peau, rendue blafarde par le froid, commençait à reprendre progressivement un peu de couleur.
- Arceus est apparu dans le Chaos, il y a un millénaire de cela. Ce n'est un secret pour personne, pas même pour les humains, j'imagine ?
- Non, c'est exact.
- Ce que nul ne sait, en revanche, à l'exception d'Athéna et de moi-même, c'est que ce jour-là, il n'était pas seul.
- Comment cela ?
- Un humain se trouvait avec lui.
- Zeus ?
- Non, répondit la déesse avec un sourire plus doux que de coutume. D'ailleurs, même lui n'a pas la moindre idée de cette version de l'histoire.
- De qui s'agissait-il, alors ?
- Du tout premier humain légendaire.
- Lilith, alors ?
- Lilith n'est pas légendaire, tout au plus s'y est-elle assimilée grâce à Giratina et à ses pouvoirs, exactement comme ton amie Léa est en mesure de le faire à présent. Non, cet être là était une entité maléfique, dont la puissance se rapprocherait beaucoup de celle que je possédais autrefois. Cet homme s'appelait Cronos.