Des Cieux aux Enfers de Deadlier

Le Mont Mémoria était face à moi. Grand, majestueux et franchement sinistre. Vu comme ça, je n'avais vraiment pas envie d'y aller. Mais avais-je seulement le choix ? Non. Je n'avais plus aucune raison d'être. Pas de famille, pas d'amis, pas de foyers, et un rêve de voler qui n'aboutirais jamais. Toutefois, je pouvais tenter de comprendre une bonne fois pour toute ce que Tenefix voulait que je vois là haut. J'étais convaincu que je saurai tout une fois là haut. Egalement pourquoi je m'étais retrouvé à Eden Azur et pourquoi j'avais perdu la mémoire.


Je me décidais donc à entamer mon ascension de ce qui ressemblait beaucoup à ma dernière destination. J'avais la gorge un peu serrée. Mais il allait bien falloir. Je posai mes petits bras sur la paroi, et commençai à grimper. J'avais toujours été doué pour l'escalade en fait. A défaut de voler, c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour l'élever. Encore et toujours plus haut. Au grand dam des autres Draby et de notre groupe de dragons.


« Ne faites pas comme lui. Il est différent, étrange. Laissez-le. »


Pourquoi cette phrase raisonnait dans ma tête tout d'un coup ? Elle avait comme un écho étonnant tout d'un coup. Je tentais de visualiser quelque chose de relier à cela. C'était difficile. Mais bon, ce n'était qu'un début cela dit. Il y avait encore beaucoup à faire. Alors je pris mon courage à deux mains et décida d'ignorer les difficultés pour réussir enfin à me souvenir. C'était très flou, mais peu à peu, ça revenait. Oui, peu à peu l'image apparaissait clairement dans ma tête. Une maman Drackhaus, une espèce de grosse boule toute laide sur pattes, qui défendait ses petits Draby. Oui, je les revoyais tous autant qu'ils étaient. Je n'avais jamais pu jouer avec qui que ce soit. On me disait que j'étais étrange. Différent. Ce qui était incompréhensible. Tout les Drabys rêvaient de voler non ?


J'ignorais pourquoi ce souvenir me revenait tout d'un coup, mais quoi qu'il en soit, je devais poursuivre mon effort. Je grimpais toujours plus haut. Sans jamais regarder en bas. J'avais peur de rester bloqué après. Mais surtout, je ne regardais jamais en haut non plus. Car c'était effrayant de se dire qu'il restait énormément de chemin à parcourir. Alors à la place, je fixais la falaise juste devant moi. Sans jamais la quitter. Et je laissais l'image défiler au fur et à mesure que je progressais.


« Laissez-tombez. Il n'a pas toute sa tête. »


Encore une accusation ? Mais de quoi se mêlaient-ils eux ? Je parlais juste à leur mère. Quels sales gosses mal élevés. Ils l'ignoraient aussi. A croire qu'ils ignoraient tout le monde ceux là. Hmpf, quel toupet. Le souvenir s'arrêtait là. Il y avait maintenant des redondances dans ma tête. Oui, de toute évidence j'avais du avoir une enfance complexe. C'était même certain. Seul et mis à l'écart. Ce qui me perturbait le plus est que j'avais à la fois le souvenir d'avoir été complètement esseulé, et celui d'être entouré. C'était très perturbant.


Je montais encore et toujours. Peu à peu, une brume se manifestait. Elle enveloppait le Mont. Maintenant je ne pouvais plus voir ni en bas ni en haut. Je n'avais plus d'autre choix que de grimper en fin de compte. Alors puisque c'était ainsi j'allais m'y atteler de plus belle. Depuis combien de temps grimpais-je au juste ? Je crois que je n'en avais aucune fichue idée. Et au fond, je m'en moquais bien. Certes, ça tirait dans mes bras. Mais bon, il n'était plus question de lâcher ou de reculer. Même si je devais sentir mon corps se tétaniser, je continuerai. C'était une certitude.


« Il est bizarre. Il voit des choses que personne ne voit. »


Des choses que personnes ne voit ? Comment ça ? Mais non, pas du tout. Je voyais comme tout le monde. Peut-être même moins bien d'ailleurs. Je n'avais jamais eu le regard très perçant, c'était un fait. Donc comment aurait-on pu dire que j'étais le seul à voir certaines choses ? C'était franchement idiot au possible. Enfin ce n'était que mon avis. Non, c'était surtout mon avis. Et c'était tout ce qui comptait. On avait toujours dit du mal de moi, je n'avais pas de raison d'accorder de crédit à tout ça. C'est comme Tylton et Tenefix qui avaient tout deux voulu m'indiquer leur voie à suivre. Au final ni l'un ni l'autre ne me convenait vraiment. J'étais peut-être heureux avec Tylton mais torturé avec un rêve fou et impossible. Tandis que Tenefix me rendait triste même si grâce à lui j'obtenais beaucoup plus de réponses.


Je sentis d'un coup un peu d'herbe sous ma main. Etais-je arrivé en haut ? Non, on ne dirait pas. Lorsque je levais la tête il y avait encore des falaises plus hautes. Mais il y avait un terrain plat. Je me hissai dessus et me décida à y rester quelques instants. Voir à trouver un chemin plus simple. Je soufflai un peu puis repris ma route, toujours droit devant. La brume n'arrangeait vraiment rien. J'espérai qu'il n'y aura pas de trou qui me feraient tomber des mètres plus bas sur le chemin. Pas après tout ce que je venais de grimper.


Je poursuivis donc mon chemin de manière totalement erratique. Le principal était de monter. Je m'accrochai à cet objectif comme si ma vie en dépendait. Même si l'ambiance était très glauque entre la brume, les arbres et les bruits que j'entendais dans les hautes herbes. Je cru même entendre quelques gémissements plaintifs venir de derrière moi à un moi. Mais qu'est-ce qu'il se passait donc ici ? J'en venais à commencer à regretter un peu ma venue. Mais bon…d'un autre côté, je ne savais pas où aller d'autre. Et aller en arrière était facile à dire. Je n'aurai pas sur dire d'où je venais au juste. Le temps passant, je me heurta à un genre de rocher, m'écrasant face contre lui.


« Je l'avais dit… »


Qui venait de parler ? Je me retournais rapidement. Rien. Personne. Je tentais de sentir une odeur, mais il n'y avait rien de changer. Je me décidai à attendre un peu des fois que, mais la voix ne se manifesta pas. En lieu et place je portai attention au rocher qui me paraissait bien lisse. Il y avait même quelque chose d'inscrit dessus on aurait dit. Je plissais les yeux pour tenter de déchiffrer cela. Il y avait écrit…. « A Max, mon fidèle Mangriff. Puisses-tu profiter d'un repos éternel. ».
Max…Mangriff…tout cela me parlait. Oui, c'était dans un de mes souvenirs. Et un très récent. Oui, ça je m'en souvenais très clairement. C'était un Pokémon que j'avais croisé sur Eden Azur. Il était raillé par les autres parce qu'il n'aimait pas l'endroit, qu'il le décriait….je tournais la tête à gauche, une autre pierre avec le même genre d'épitaphe à l'honneur d'un Vigoroth. Celui de droite était dédié à un Médhyena. Toutes des personnes que j'avais vues sur Eden Azur. Voilà qui commençait à faire beaucoup de coïncidence. Beaucoup trop. Est-ce que…Eden Azur et le Mont Mémoria…ne faisaient qu'un… ?


Non, non…ça ne pouvait pas être ça. Car cela reviendrai à donner raison à tout ces Draby. A dire que je voyais plus que les autres, a dire que j'étais…fou. Non. Je ne voulais pas être fou. Je refusais d'être fou ! Je sentais la colère gronder en moi. Je regardais en direction du sommet et parti en courant. Je devais savoir. Je devais en avoir le cœur net une fois pour toute.


Je courais. Encore et toujours. En direction du sommet. Contre ma vie. Contre moi-même. Je ne pouvais rien faire d'autre que courir. J'étais partagé entre colère et tristesse. Je sentais les larmes me monter aux yeux. Le constat qui semblait de plus en plus évident m'effrayait totalement. Cet endroit ne pouvait pas être Eden Azur…je ne pouvais pas avoir rêvé Eden Azur. Je ne pouvais pas avoir tout rêvé. Je n'étais pas fou. C'était hors de question. Jamais je ne serai un fou. Mon souffle s'haletait. Je n'entendais presque lui. Je tombais. Mais je me relevais. Je ne devais plus m'arrêter maintenant. Tant pis si j'arrivais en bout de souffle. Plus question de faire la moindre pause désormais. C'était totalement inenvisageable.


« Nous le savions….nous n'étions pas fait pour voir notre réalité, pour nous fier à notre Raison. »


Tylton ? Il volait à côté de moi. Qu'il me fiche la paix celui là. Je ne voulais pas l'écouter du tout. Je voulais juste partir loin de lui. Arriver en haut de cette fichue montagne et savoir enfin si oui ou non j'étais cinglé ou pas. Je voulais qu'il me fiche la paix !


« Nous le savions…nous n'étions pas fait pour voir nos rêves, pour nous fier à notre Folie. »


Tenefix maintenant…lui aussi courait à côté de moi. Les deux répétaient sans cesse la même phrase. Cela commençait à bien faire maintenant. Raison, Imagination, Folie…tout cela n'avait plus aucune importance. A cause d'eux deux j'avais toujours été à part. J'avais toujours fait du mal. J'avais toujours été seul. Alors il était grand temps qu'ils partent, et pour de bon.


Je pressais le pas. Je voulais mettre le maximum de distance entre eux et moi. J'entendais leur voix qui s'éloignait un peu. Je me rassurais. Mais d'un seul coup, ils étaient de nouveau là, à côté. Plus virulents, plus agressifs. Comme s'ils refusaient de me laisser partir sans eux. Qu'est-ce que cela voulait dire ?


« Nous sommes toi, nous devons écouter ! »


Ils parlaient en même temps maintenant, et parfaitement synchronisés. Il ne manquait plus que ça. Et comment ça ils étaient moi ? Non, non, ils n'étaient pas moi. Ils étaient juste deux Pokémons que j'avais croisés dans mon voyage…ou bien…ou bien non… ? Peut-être était-ce juste…moi ? Non, je n'étais pas fou ! Mais pourtant…ils semblaient irréels maintenant que j'y pensais. Oui, tout était logique. C'est pour ça que j'avais vu leurs reflets dans le cristal…ils étaient eux aussi en moi. Une part de moi. J'étais si atteint que ça… ? Non, je devais délirer. C'était eux les fous. Moi j'étais sain d'esprit. Je devais continuer à courir ; aussi vite que possible. Je devais être presque arrivé.


La douleur. D'un seul coup je ne senti plus qu'elle. Qu'est-ce que ça voulait dire… ? Je regardais derrière moi vite fait…Tylton et Tenefix. Ils paraissaient enragés. De vraies bêtes sauvages. Et c'est à moi qu'ils en voulaient. Ils m'attaquaient ! Non, je ne me laisserai pas faire. Je ne suivrai plus leurs conseils ! Désormais, je vivrai à ma façon et pas autrement ! Je…je…je crachai une gerbe de sang. Mon sang. Il n'y avait plus de temps à perdre.


J'accélérai encore, autant que possible. Je ne prêtai plus attention aux coups qu'on me portait, au sang qui coulait.


« Nous sommes toi ! Tu ne peux pas nous échapper ! »


Si je leur échapperai ! Quitte à me tuer en le faisant. Je tentais de faire un détour, de me cacher. Horreur, je voyais leurs ombres partout. Devant moi, derrière, au pied des arbres, sur les tombes…partout. Ils étaient autour de moi. Je senti mon souffle s'affoler, ma vue commençait à se troubler. Non, non, ce n'était pas le moment. Je ne devais pas craquer. Même si j'avais mal, même si c'était difficile…je devais poursuivre ma route.


Comme mû par un ultime effort, je parvins à les distancer. Tout du moins je le cru. Mais cela ne dura que quelques minutes, jusqu'à ce que je m'étale de plus belle au sol, mes membres paralysés, tétanisés. Je sentais les deux ombres autour de moi. Je fermai les yeux pour les ignorer. Non…ça ne devait pas s'arrêter là. Je devais me relever, et avancer. Oui, avancer encore et toujours. Mais pour aller où… ? Tout droit ? Je l'ignorai. Je tentai de me relever, avançant en titubant. Quand je tombai de nouveau au sol sous la fatigue et sous leurs rires.


Quand soudain je les vis. Deux éclats. Rouge et Bleu. Au loin dans le brouillard. Je me sentais comme attiré, comme appelé…je n'avais peut-être plus que ça à me raccrocher. Alors soit. Je tenterai le tout pour le tout. Je me relevais encore une fois…non, je n'y arrivais pas. Alors qu'à cela ne tienne. J'avançais lentement, en rampant. En trainant mon corps meurtri sur le sol, malgré la douleur que m'imposait ce mode de déplacement. Toutefois je ne comprenais pas…s'ils étaient des parts de moi, comment avaient-ils pu me blesser physiquement… ? A moins qu'en fait, je me sois blessé moi-même…Et donc que je sois bel et bien….non.


Je ne sais pas combien de temps ça me prit, mais au final, je parvins à atteindre l'endroit d'où provenaient les deux éclats. Il me semblait que mes deux poursuivants n'étaient plus là… je n'avais plus aucune notion de rien…mais deux choses m'étaient familières. L'autel qui était devant moi et qui portait les deux sources des éclats. C'est devant lui que je m'étais réveillé sur Eden Azur. Mais sans les éclats. Et…il y avait un corps devant l'autel. Le corps blessé et meurtri d'un Draby. Pas un cadavre mais presque. Pour lequel se battaient un Tenefix et un Tylton. Etait-ce réel… ? Non. Je ne crois pas. C'était..Un souvenir. Une vision du passé. La fin de mon premier voyage sur le mont Mémoria. Ce qu'il m'était arrivé alors. La même chose. Je voyais le passé. Je comprenais enfin…je voyais des choses du passé. En permanence…c'est pour ça que ces projections m'ignoraient…C'était des choses qui s'étaient déjà produites, que ce soit dans ma propre vie ou non. Je devais avoir un genre de tare qui me faisait voir ces choses…raisons pour lesquelles j'étais rejeté. Oui, maintenant tout était limpide. Et je devais de nouveau faire un choix. Tylton ou Tenefix… ? Choisir Tylton la première fois m'avait ramené ici mais..Aider Tenefix serait-il mieux ? Quand je l'avais suivi par le passé, j'avais bien réussi à mettre le feu à une forêt après tout…Et à aucun moment je n'avais été heureux. Mais avais-je une autre option…. ? Oui.


Dans mes souvenirs récents, à un seul moment je fus heureux et fier de moi. Un seul. Celui où je me fis mon abri. Cette courte semaine. Sans Tylton ni Tenefix. Celle où j'avais fais mes propres choix. Seul. Et en paix. Oui…c'était ça la solution. Voir des morts c'était un fait. Mais ne pas savoir qu'ils étaient morts, c'était ça la vraie folie. Et moi je n'étais pas fou. Je fis donc le choix le plus juste, le plus logique. Celui de regagner mon corps et de me laisser aller. Lorsque je le fis, je vis Tylton et Tenefix me regarder une dernière fois et disparaitre. Je me sentais bien…je me sentais…moi-même. Au diable la douleur, au diable les questionnements. Juste la vie. Je fermais doucement les yeux, mon souffle se calmant. Un tout petit bout de vie. Un infime morceau vécu en paix. Je ne sentais plus rien de mon corps. A peine la fraicheur sur mon visage. Une dernière sensation. Avant de pouvoir enfin m'envoler, pour toujours et à jamais.