"D'accord pour sauver Poivressel mais pas Flora !"
Drew, Flora et Solidad ne savaient plus comment sortir Harley de sa déprime. Il ne sortait plus, il ne mangeait plus rien et soupirait sans arrêt. Ne pas avoir réussit à empêcher le contrat d'être signé l'avait abattu. Il se sentait responsable d'avoir laissé la seule chance de sauver sa ville lui échapper. Maintenant il ne savait que faire, il doutait de la posture à adopter : continuer à se battre ou renoncer et laisser sa ville aux mains crochues de ce promoteur ? Harley n'était pas d'un tempérament pessimiste mais là les solutions se faisaient rares.
Maintenant que toute la ville savait que le contrat venait d'être signé, les habitants recherchaient un responsable. On se tournait vers le Fan-club Pokémon complètement effondré depuis la révolte sans revoir reparaître Mr.Veutout. Il avait filé vers Lavandia, dépensant son gain dans les jeux de casino, craignant l'épée de Damoclès suspendue au-dessus de son crâne chauve.
A présent, les travaux de destruction commençaient. On demandait à des familles de quitter leurs maisons sous peine d'une lourde amende ; on se révoltait à cette idée d'abandonner du jour au lendemain son chez-soi qui serait remplacé par un sol bétonné.
Deux jours après ces demandes d'expulsion, Harley se rendit au marché pour acheter des fruits et des légumes en compagnie de ses trois amis. Une foule d'habitants explosait de colère contre cette mesure d'éloignement. Ils s'étaient réunis devant l'estrade où Harley avait prononcé son discours révolutionnaire. Il fallait retenter une action plus forte cette fois-ci ! On verrait si les Poivresseliens se laisseraient faire aussi facilement ! L'avenir d'une ville et de ses habitants en dépendait !
On reconnut Harley et on le salua respectueusement, attendant ses conseils. Pourtant il n'en fit rien, il dissuada quelques habitants très remontés de ne pas aller au chantier, que cela ne servirait à rien, qu'on les emprisonnerait comme des criminels. On fut surpris de sa réaction, on le traita presque de lâche. Il fut voté qu'on ferait une nouvelle marche demain soir, à la tombée de la nuit. Cette résolution fit baisser la tête du jeune Top-Coordinateur qui s'en alla vers les étales où s'étalait toute une verdure.
« Ils vont faire une grave bêtise... se dit-il à haute voix en choisissant ses fruits soigneusement. »
Il fit le plein et quitta le marché avec Solidad qui lui prit le bras affectueusement. Elle voulait comprendre ce retournement d'attitude qui ne ressemblait pas à Harley. Lui, si impulsif et vivant, là il se laissait aller et ressemblait à un Tadmorv. La comparaison déplut au coordinateur qui fit la moue. Solidad s'attendait à cette réaction. Elle réussit même à le faire sourire en évoquant le soufflet qu'avait reçu Butch.
« Là, c'était le Harley que je connaissais. Il faut rester comme tu es et ne pas te laisser abattre. J'ai le pressentiment que tout finira bien.
- Si tu le dis... répondit-il, peu convaincu. »
Flora et Drew étaient restés au marché pour acheter quelques spécialités de Poivressel comme les délicieuses baies salées qui faisaient la réputation de la cité portuaire. Cette journée semblait moins ensoleillée que les précédentes ; de gros nuages s'amusaient à cacher l'astre solaire qui luttait pour faire illuminer une dernière fois la ville.
Rentré chez lui, Harley prit en main la préparation du repas, aidé par son amie. On fit une salade de pommes de terre, un riz salé (une spécialité de la ville) et de la purée de carotte qui devait, selon Harley, rendre moins bête Flora. Comme dessert, il fit cuire ses fameux biscuits, Solidad prépara une mousse de fruits qui rafraîchirait tout le monde. On mit la table dans la bonne humeur ; Angélique les avait rejoints et s'amusait à s'imaginer coordinatrice comme son frère : elle avait tellement envie de disputer des combats de toute beauté que l'idée avait germé dans sa tête. Malheureusement elle n'avait pas encore dix ans. Elle résolut d'attendre patiemment son tour. Elle n'osait pas demander à son frère de l'emmener en voyage avec elle.
On installa les plats en attendant les deux "amoureux" : Drew et Flora. Harley ne comprenait pas pourquoi ils étaient aussi pudiques l'un envers l'autre : quand on s'aime, il faut vivre sa passion et ne pas rougir bêtement ! D'ailleurs Harley ne comprenait pas ce que Drew trouvait à cette "niaise" de Flora.
« J'espère qu'ils m'inviteront à leur mariage, renchérit Solidad en s'asseyant sur une chaise. »
On entendit une porte claquée vivement. Drew se précipita dans la salle à manger comme une fusée de détresse. Flora avait disparu ! 'Manquait plus que ça maintenant !
Pour rassurer Drew et pour retrouver Flora, on se rendit sur le marché qui était à présent désert. Drew était très inquiet contrairement à Harley qui se désespérait d'avoir une "connaissance" qui ne faisait que des bêtises. Déjà, c'était à cause d'elle s'ils avaient été enfermés dans le musée ; si elle n'avait pas été aussi enthousiaste la ville aurait pu être sauvée !
La rancœur d'Harley s'acharnait contre sa rivale. Il avait envie de livrer celle-ci aux habitants qui cherchaient un responsable : ils la lyncheraient comme il se doit !
« J'ai mal aux pieds... J'ai faim et mes biscuits vont refroidir... soupira Harley douloureusement.
- Tu t'entends ? Si tu avais disparu, Flora se mettrait en quatre pour te retrouver ! Quel égoïste ! s'emporta violemment Drew.
- La différence avec Flora c'est que je ne suis pas aussi stupide qu'elle pour me faire enlever aussi facilement, répondit narquoisement le coordinateur, un fier sourire aux lèvres.
- Elle s'est fait enlever ? demanda Solidad, surprise par les propos d'Harley. »
Celui-ci dressa un plan de la situation : si Flora s'était juste perdue dans la ville, elle aurait retrouvé facilement la maison d'Harley car celle-ci était unique dans son genre avec sa façade blanche immaculée et ses volets verts.
Il arriva une lettre qui confirma la thèse du jeune homme : un Malosse leur apporta une enveloppe cachetée. Harley l'ouvrit et lut ces mots : "Si vous recommencez une nouvelle marche contre le chantier, on balance votre petite-amie dans un banc de Sharpedo. Compris ?"
Une fois la lettre terminée, le Malosse arracha la feuille des mains du jeune homme et s'enfuit avec, le papier dans sa gueule acérée.
« Flora n'est pas ma petite-amie, c'est celle de Drew. Nuance, fit remarquer Harley en croisant les bras.
- Il faut la sauver ! s'écria Drew quelque peu angoissé. »
Harley et Solidad ne l'avaient jamais vu comme ça : d'habitude il était calme et confiant mais là, il perdait complètement ses moyens et imaginait sûrement le pire : Flora enfermée dans une cellule délabrée, dans le chantier. A cette simple idée de Flora mourante de faim, Drew se révoltait et aurait escaladé des montagnes pour la retrouver. Solidad dressa un plan ingénieux qui pourrait résoudre les deux problèmes que posaient le promoteur : d'abord, il fallait sauver Flora et ensuite récupérer le contrat et le brûler. Il était sans doute dans le bureau du chef de chantier. Mais si on se faisait attraper en train de voler le contrat... C'était définitivement fichu. On ne pourrait alors plus rien faire pour sauver la ville, même derrière les barreaux. Si on prévenait la police que Flora avait été faite prisonnière, le promoteur serait enfermé en prison pour un long moment.
« Voilà. Je te l'avais dit que tout s'arrangerait, rajouta Solidad satisfaite.
- D'accord pour sauver Poivressel mais pas Flora ! rétorqua Harley. »
On ne fit pas attention à cette phrase cruelle ; on se distribua les rôles pour ce double sauvetage : il fallait que quelqu'un aille prévenir la police de Lavandia car à Poivressel il n'y avait pas de commissariat. Qui s'en occuperait ? Il fallait un dresseur qui possède un Pokémon pouvant voler ou courir vite. Drew proposa Libégon, Solidad Roucarnage.
« Je vais y aller avec ton Roucarnage, proposa Drew à son amie.
- D'accord. Donc Harley et moi on s'occupe de Flora et du contrat. Je suppose que tu me laisses Flora ? demanda-t-elle à Harley.
- Oui. Ce qui m'importe le plus c'est sauver la ville, le reste passe après. »
Cette mentalité déplaisait fort à Drew et Solidad mais Harley était comme ça, il fallait faire avec. On se rendit sur le chantier d'un pas déterminé avec une boule au ventre, prêt à exécuter le plan. Et si on échouait ? C'était une éventualité mais il fallait tout tenter. C'était une chance unique de pouvoir s'introduire dans le chantier pour une bonne raison : sauver Flora.
Ils dépassèrent le barrage dressé par le promoteur et entrèrent dans ce lieux funeste. Il n'y avait personne, ni humain, ni Pokémon. L'atmosphère était lourde et tendue. Le soleil n'avait pas réussi à lutter contre la multitude des nuages qui prospéraient à présent dans tout le ciel.
Les trois amis avaient l'impression qu'on les attendait, qu'on les épiait. Ils furent stoppés devant le premier immeuble qui se dressait face à eux par les deux ex-agents de la Team Rocket, postés comme des vigiles, sur les marches.
« Vous n'irez pas plus loin, commença Cassidy en rangeant ses lunettes dans sa poche.
- Vous cherchez la bagarre ? On va voir qui va gagner ! renchérit Butch en relevant sa paire de lunettes sur sa tête, comme il aimait le faire. »
Il fixait la jeune femme qui l'avait giflé l'autre fois et tenait enfin sa revanche. Il ne se laisserait pas faire aussi facilement, comme ce crétin de James. Solidad appela son Roucarnage et proposa à Drew de partir maintenant à Lavandia.
Au moment où celui-ci montait sur le majestueux oiseaux, Harley se souvint qu'il avait un ami policier qui vivait là-bas : Beladonis ! Quelle heureuse coïncidence !
« Dis-lui que tu viens de ma part. »
Butch appela son Rapasdepic et monta sur son dos, prêt à s'envoler. Drew et Butch se regardèrent longuement, attendant de savoir qui s'envolerait en premier. Leurs regards étaient emprunt de défi. Si on regardait bien, on pouvait voir des étincelles éclater dans leurs pupilles. Harley poussa son ami à partir le premier en évoquant l'image de Flora désespérée, abandonnée, mourante. Butch et Rapasdepic s'envolèrent et suivirent de près Roucarnage.
« Je compte sur toi pour nous débarrasser de ce gringalet, Pluche ! interpella Cassidy en regardant son collègue partir.
- Mon nom c'est... BUTCH !!! hurla-t-il, déjà loin du chantier. »
Le jeune blondinette se retourna et jeta son regard sur les deux personnes encore devant elle. Deux contre un ? Pourquoi pas, ce serait facile. Elle envoya son Rattatac. Harley poussa un grognement et écarta Solidad d'un geste brusque.
« Une revanche ! Je veux une revanche ! Tu te souviens de ça, gros malin ? demanda-t-il au Pokémon rat. »
Il désigna son front où régnait une grosse bosse dû au Coud'Krâne de l'autre fois. Il insinua également que ce gros rat crasseux était mal dressé. Cassidy s'emporta. Pour qui se prenait-il ? Il n'avait qu'à se regarder avec son déguisement ridicule !
« Tu me fais penser à quelqu'un... Ah oui ! Jessie de la Team Rocket, ça te dit rien ? Tu as le même caractère de cochon qu'elle ! »
S'en était trop ! Cette comparaison était plus que déplacée ! Elle, ressembler à Jessie ? C'était la meilleure ! On n'aurait pas pu lui faire plus de mal. La pire insulte aurait été un compliment face à cette affreuse comparaison. On verrait si elle était aussi nulle et laide que Jessie !
En effet, Harley connaissait celle-ci pour s'être associé à elle lors d'un concours et pas seulement.
« Si tu veux voir un Pokémon bien dressé et mignon tout-plein, regarde celui-là ! »
Harley appela son Grodoudou : il dégagerait ce sale rat d'égout. Le Grodoudou fit sa plus belle grimace. Il était tout simplement hideux avec son regard menaçant et ses dents crochues.
« Rattatac, Damoclès !
- Berceuse ! »
Le Pokémon rat, en pleine course pour frapper son adversaire, fut stoppé par une mélodie qui l'effraya car elle était très mal chantée. En effet, le Grodoudou d'Harley était un très mauvais interprète car il n'avait pas l'habitude de chanter : cette attaque qu'il avait apprise était nouvelle. Il était habitué à lancer des Plaquages ou des Torgnoles vigoureuses.
Des notes de musique évanescentes encerclaient Rattatac. Celui-ci se protégea les conduits auditifs avec ses pattes pour ne pas entendre ces paroles stridentes. Grodoudou frappa chacune des notes éphémères avec une Torgnole, qui les multiplia. Elles finirent par endormir le gros rat, qui s'écroula.
« Même en ronflant ton Rattatac est laid, fit remarquer Harley. »
Cassidy dût rappeler son Pokémon. Elle envoya son Malosse, qui, d'entrée, se mit à cracher des flammes énormes. Le Lance-Flammes effleurait chaque fois Harley et son habit de Cacturne. Cassidy voulait voir disparaître cet accoutrement ridicule et visait exprès le Top-Coordinateur. Celui-ci évitait les jets brûlants tant bien que mal.
« Je ne te laisserai jamais toucher à mon costume... !
- Ca un costume ?! C'est plutôt un déguisement d'Halloween ! répondit Cassidy en éclatant de rire. »
Harley n'arrivait pas à appeler un autre Pokémon, il était trop occupé à esquivé les flammes. Grodoudou essayait de frapper le Malosse sans réussir à le toucher, il évitait tous les coups en sautant agilement.
Voyant son ami en difficulté, Solidad s'avança vers le chien de feu au risque de se blesser.
« Je suis ici pour sauver Poivressel mais aussi pour protéger mes amis ! Flagadoss, Pistolet à O ! »
Le plus ancien partenaire de Solidad réduisit le Lance-Flammes du Malosse en véritable vapeur. C'était le moment pour Harley de filer retrouver Flora ainsi que le contrat. Cependant il ne voulait pas laisser ce Malosse s'en tirer à si bon compte : il avait essayé de brûler ses vêtements, il allait voir !
« Je m'en occupe ! File retrouver Flo... euh, le contrat et ramène-le ! Le reste, je m'en charge ! ordonna Solidad à son ami. »
Celui-ci rappela son Grodoudou et prit consicence que le plus important était de brûler le contrat. La police s'occuperait plus tard de cette Jessie 2.0. Au moment de franchir une barrière qui séparait deux zones du chantier, Harley se retourna et vit son amie le défendre contre une nouvelle flambée d'attaques brûlantes. Il était ému de ce courage, de ce grand sens de l'amitié. Il se dit alors qu'il avait bien fait d'appeler ses amis pour l'aider et il reprit espoir : peut-être qu'ils réussiraient tous à sauver la ville.