Thomas était accoudé au bastingage du ferry pour le Mont Mémoria. Il regardait le ciel, impressionnante peinture mêlant les noirs nuages d'une tempête et les jaunes aveuglants du soleil qui tente de percer la barrière de la tempête. L'eau était aussi calme et tranquille qu'un Maraiste. Le vent était en train de tomber, ajoutant ainsi à ce tableau une atmosphère de silence angoissante, d'un calme et d'une platitude trompeuse. Cependant le naufragé n'avait pas la tête à ça, il repensait à ce que lui avait son meilleur ami Sky au moment où il était en train d'embarquer sur le navire.
*Il était un peu moins de onze heures. Thomas, après avoir discuté longuement avec Viola sur le Poisson-Rêve et sur ce qu'il devait faire pour le réveiller, était sur le port et se préparait à monter à bord du Marina pour gagner sa destination. Il avait néanmoins un pincement au cœur à l'idée de laisser Marine toute seule alors qu'ils étaient censés se marier le lendemain. Il voulait la mettre dans la confidence mais la bibliothécaire d'Atalanopolis le lui avait interdit. Le jeune homme s'apprêtait à embarquer lorsqu'il vit Sky, adossé à un lampadaire sur les quais, les bras croisés et le regardant d'un air mécontente. Le fiancé s'approcha de son ami pour savoir ce qui n'allait pas.
- Tu peux me dire où tu vas ? demanda Sky sèchement.
- Euh...je ne peux pas te le dire, bredouilla Thomas un peu honteux.
- Tu peux pas faire ça, tu te maries demain ! Tu peux pas partir de cette façon et le dire à personne. Je ne te couvrirais une dernière fois.
- Je t'en supplie, je dois absolument partir, je serais de retour ce soir mais ce que je dois faire est capital. Donc je t'en prie, pour une dernière fois, couvre mes arrières.
- J'en ai marre moi de mentir à ma meilleure amie ! De lui dire à chaque fois qu'elle s'inquiète que son petit ami, son fiancé est parti faire je ne sais quoi. C'est ta future femme nom d'Arceus ! Tu peux pas lui mentir comme ça et surtout quand vous serez mariés et que tu voudras encore faire des petites « excursions » en solitaire, comme tu dis, qui te couvrira ?
- S'il te plaît Sky ne complique pas les choses. Cette histoire avec Flora est terminée, si je pars ce n'est pas à cause d'elle. J'aime Marine plus que tout au monde, je regrette tellement ce que j'ai fais, j'ai honte, donc évite de remuer le couteau dans la plaie. Crois-moi, si je quitte la ville cet après-midi c'est pour une raison complètement différente et vitale qui plus est.
- Soit ! Mais c'est la dernière fois que je fais ça, ne compte plus sur moi pour mentir à Marine.
*Thomas avait été profondément touché par le geste de son ami, par sa franchise. Pendant toutes ces années il l'avait couvert et fermait les yeux sur son infidélité, il ne l'avait jamais jugé et avait menti pour lui auprès de Marine. Cette fois encore il l'avait laissé passer, mais cette fois-ci il lui avait clairement dit ce qu'il pensait, il lui avait dit que ça ne pouvait plus durer, qu'il en avait marre de cacher la vérité à son amie pendant que son fiancé batifolait gaiement. Mais justement ce qui avait le plus marqué le naufragé c'était que son camarade lui faisait encore confiance après ce qu'il avait fait. Il l'avait cru.
Thomas se sentit tout de même blesser, il ressentait une boule qui grandissait au fond de lui-même, comme s'il était sur le point d'étouffer. Il ne devait pas s'attacher encore plus à ceux qu'il aimait, il devait les oublier, les laisser partir car sinon le choix que le jeune homme allait faire et surtout la séparation risquaient d'être particulièrement douloureux. Il fallait s'en détacher pour le bien de tous. Le dresseur allait s'effacer de leur mémoire et surtout il allait les faire disparaître en réveillant le Poisson-Rêve. La stèle l'expliquait explicitement :
Humains, Pokémon, océan, ciel...ne sont que les fruits de l'imagination de l'œil du dormeur...
Réveil le Rêveur et Hoenn s'estompera comme une bulle dans la mer...Cela impliquait donc la disparition de tous ses proches, de tous ceux qu'il aimait. Il devait donc absolument s'en éloigner. Cette vision lui faisait énormément de peine, le dégoutait, mais il ne pouvait pas faire autrement. Thomas regarda à nouveau l'horizon, Nénucrique était proche et derrière, dans la brume, le Mont Mémoria se dessinait. Il prit dans son sac un paquet de gâteaux et avala deux biscuits pour apaiser sa petite faim. Il en donna un à Mangriff et le caressa avec tendresse. Son Pokémon était la seule chose qui le rattachait à la réalité et surtout la seule chose qu'il pouvait aimait. Le Mangriff poussa un ronronnement de satisfaction.
*https://www.youtube.com/watch?v=LE1i0N57ws8Thomas sortit enfin de la grotte. Il avait accosté il y a un quart d'heure sur le Mont Mémoria. L'après-midi était déjà bien avancée et le dresseur entamait désormais l'ascension de la montagne du souvenir. Plus il montait plus la brume, qui était d'abord légère, s'épaississait, si bien que la végétation et les nombreuses pierres tombales qui parsemaient sur les flancs du massif devenaient invisibles. Mais ce qui inquiétait plus le naufragé c'était qu'il lui était impossible de voir le reste d'Hoenn, comme si un voile masquait toute la partie continentale de la région. Cela devait surement être du à la chute ineffable de l'archipel dans les ténèbres des cauchemars. Viola avait donc raison, le temps pressait car l'obscurité était très proche de Nénucrique.
Thomas continua à monter en essayant de ne pas trop se préoccuper de ses détails, il marchait en compagnie de son Pokémon qui gambadait dans les herbes hautes. L'autre chose étrange était ce lourd silence qui pesait sur ce cimetière géant. Cela donnait une certaine impression de pesanteur, de lourdeur et surtout le jeune homme n'était pas du tout serein, il se sentait observé par tous ses esprits reposant en ces lieux. C'était assez intimidant. Lorsque Mangriff détectait quelque chose d'inhabituel il poussait un cri pour alerter son dresseur, la plus part du temps ce n'étaient que des Polichombr et des Goupix qui jouaient dans leur milieu naturel. Thomas redoutait ce qui l'attendait là haut, dans le sanctuaire. Il ne savait pas du tout ce qu'il y avait et ce qui allait se passer. La bibliothécaire d'Atalanopolis lui avait vaguement parlé d'une épreuve qu'il devrait subir mais sans plus. Le naufragé continuait cependant de monter sans arrêter, il suivait le chemin tracé par les lanternes qui illuminaient ses pas dans la brume. Il avait d'abord vérifié avec l'aide de son Pokémon si ses feux brillants dans le brouillard n'étaient pas l'œuvre de Funécire malintentionnés mais il n'y avait rien a signalé. La route à suivre était réellement balisée par des lampes pour que le voyageur ou le pèlerin évite de se perdre.
Thomas avait hâte d'arriver en haut, peut être en apprendrait-il plus sur son passé ou plutôt sur sa vie réelle et sur la cause de sa venue dans ce monde onirique. Ainsi le jeune homme était à la fois habité par de l'excitation et de la peur et cela l'étonnait que deux émotions aussi différentes puissent l'habiter au même moment. Hélas il ignorait que l'épreuve du Mont Mémoria allait lui coûter cher, car toute magie à un prix, et celle de briser les rêves et de chasser les cauchemars a un coût particulièrement élevé.
La brume se leva peu à peu, le dresseur était arrivé au sommet de la montagne. L'environnement était encore vaporeux et flou mais il pouvait distinguer la silhouette de trois femmes en kimono qui se trouvaient au centre d'un grand cercle tracé par des bougies. Derrière elles se dressaient l'autel des orbes où trônait l'orbe bleu, aussi scintillant et beau que la mer caressée par la brise. On ne pouvait rien voir d'autre. En même temps, le panorama que les gens pouvaient d'habitude admirer avait disparu derrière un voile de cauchemar.
https://www.youtube.com/watch?v=Sx7b0RrjLFw- Nous t'attendions Thomas ! s'écria l'une des femmes en s'approchant avec une lanterne à la main.
- Qui êtes vous ?
- Nous sommes les gardiennes de ce sanctuaire. Mon nom est Tamao et voici mes sœurs Umeko et Satsuki. Nous protégeons l'orbe bleu de personnes malveillantes et nous soumettons ce qui désir l'avoir en leur possession à une épreuve.
- Sauf que pour toi le cas sera beaucoup plus épineux car pour exorciser Kyogre tu auras besoin de magie et toute magie nécessite un prix. Ce qu'après que tu ais payé que nous procéderons au jugement, expliqua Umeko.
- Si c'est la seule façon de parvenir à mettre fin à ce cauchemar...alors soit...je suis prêt...que vous voulez vous ?
- Nous désirons la chose que tu considères comme ta pupille, la chose qui a le plus de prix à tes yeux ! s'écria Satsuki en prenant une posture dramatique.
Le dresseur ne répondit rien. Qu'elle était la chose qui avait le plus d'importance à ces yeux ? Alors qu'il réfléchissait Tamao expliqua que ce n'était pas forcément un objet matériel, ça pouvait être un trait de caractère, une personne, un sens comme la vue ou bien d'autres choses. Thomas ne savait pas du tout ce qu'il allait donner aux trois femmes. Il mit les mains dans les poches de sa veste pour se réchauffer et sentit dans la poche gauche un objet sphérique et froid. La Pokéball de Mangriff ! Son cœur se serra. C'était la chose la plus précieuse car Mangriff était le seul être qui le comprenait, avec qui il avait vécut de nombreuses aventures, avec qui il partageait de nombreux souvenirs, bons comme mauvais, et surtout le Pokémon le rattachait à la vie réelle, il était comme une étoile dans l'obscurité onirique de ce monde.
- J'ai trouvé ! Je vous donnerai Mangriff ! s'écria Thomas d'une voix déterminée.
- Soit ! Dans ce cas es-tu prêt pour l'ordalie ? s'exclama Tamao d'une voix de défi.
Le naufragé n'eu pas l'occasion de répondre car la brume se dissipa d'un coup et de nombreuses torches s'allumèrent comme par enchantement. Sur le sol herbeux se dressait une grande plaque de pierre qui ressemblait à une table basse, à côté se trouvait Umeko, assise, un jeu de cartes à la main.
- Connais-tu le Hanafuda ? demanda Tamao.
- Oui, bien sûr.
- Eh bien tu devras affronter notre sœur dans une joute de Koï-Koï en trois mois ou trois manches si tu préfères. Si tu gagnes tu remportes l'orbe bleu. Tu n'as qu'une chance.
Le jeu de Hanafuda contient douze suites de quatre cartes chacune, soit quarante-huit cartes au total. Chaque suite représente un mois de l'année et elles sont chacune désignées par une fleur qui symbolise les beautés de la nature durant le mois qu'elle représente. Ainsi les quatre cartes du mois de mars sont symbolisées par des fleurs de cerisier. Le but du jeu est de faire des combinaisons de carte qui remporte plus ou moins de points. Sur les suites il n'y a pas que des fleurs, sur certaines cartes se trouvent des rubans de couleurs différentes ; celui qui aura toutes les cartes avec un ruban bleu obtiendra un certain nombre de points par exemple. Il y a aussi des animaux et ensuite des « têtes » qui sont cinq au total. Elles sont représentées par la grue devant les pins (mois de janvier), les cerisiers et la bannière (mars), la lune sur les prairies (août), l'homme de pluie sous les saules et le Phénix au dessus des fleurs de paulownia. Lorsque le joueur fait une combinaison, il peut soit dire Koï-Koï et donc relancer la partie pour cumuler un meilleur score ou stopper la manche pour en débuter une nouvelle.
Thomas alla s'assoir en face de son adversaire. Ils n'échangèrent aucun mot. Umeko posa deux cartes face cachées sur le monolithe de pierre et invita son partenaire de jeu à en choisir une. Le jeune homme retourna celle de gauche qui représentait une fleur de chrysanthème (septembre) derrière un ruban bleu. Umeko retourna donc celle de droite et découvrit un daim et des feuilles d'érable (octobre). C'était donc elle qui avait la main car elle avait pioché une carte supérieure à celle de Thomas.
Ensuite la gardienne en kimono distribua huit cartes pour chaque joueur et en disposa huit au milieu. Le but était de former des paires avec une des cartes de son jeu et celles du milieu. Une paire équivaut à deux cartes d'un même mois. Umeko posa délicatement une de ses cartes sur une de celles de la « banque ». Thomas la regarda, légèrement angoissé, elle venait de faire une paire de cerisier avec une carte simple de sa main et la carte cerisier et bannière de la banque. Ensuite elle piocha une carte qu'elle posa à côté d'une fleur de chrysanthème avec une coupe de Saké. Paire de Chrysanthème, elle remportait la coupe de Saké. Aïe, elle avait déjà une tête plus la coupe de Saké qui est une carte bonus, elle avait déjà cinq points, ça commençait mal. Heureusement elle dit Koï-Koï pour continuer la partie. Et le dresseur n'avait pas un très bon jeu. Il balaya la table du regard et vit une seule combinaison possible. C'était plutôt une bonne paire, il devait à tout pris faire au moins une combinaison pour rafler les points d'Umeko et se mettre en position de sécurité. Il sortit de son jeu une carte Pivoine et ruban bleu et la posa sur la carte Pivoine et Papillon de la « banque ». Ensuite il piocha une nouvelle carte qu'il posa sur sa la table car elle n'avait pas de peur. C'était la lune au dessus des prairies, une autre des têtes. Si Umeko avec une carte prairie dans son jeu, elle gagnait cinq nouveaux points pour la combinaison coupe de Saké et Lune. Et effectivement c'est ce que fit la gardienne au kimono avec un sourire victorieux et en ajoutant un petit « Koï-Koï » moqueur. La manche se poursuivit et Thomas ne fit aucune paire, au moment où il piocha il laissa la carte Phénix et Paulownia. Umeko s'empara de cette carte grâce à une paire de Paulownia et marqua encore cinq points grâce aux trois « têtes » qu'elle avait. Cette fois-ci elle mit fin à la manche. Elle battait le dresseur de quinze points à zéro.
Le temps que la femme au kimono mélange et redistribue les cartes pour la manche suivante, le naufragé put souffler un peu. Son cœur n'avait pas cessé de battre durant toute la partie. Ses mains, complètement moites, faisaient glisser les cartes, l'empêchant de bien les manier.
La partie recommença. C'était Umeko qui avait la main car elle avait remporté la dernière manche. Elle remporta six points dès le début car elle avait déjà une suite de quatre cartes du même mois dans la main. Six points qui firent trembler Thomas. La gardienne demanda à continuer la partie en prononçant la formule magique. Elle ne fit ensuite qu'une paire de cartes simples. Le naufragé fit ensuite une paire de feuilles d'érables avec un ruban bleu puis piocha une carte Pivoine avec ruban bleu et fit une paire de pivoine. Il avait donc deux rubans bleus, plus qu'un et il avait une combinaison ou Yaku. Son adversaire joua et obtint une nouvelle paire de cartes simples avec en plus la Grue devant les pins. Le jeune homme joua et par chance il obtint le dernier ruban bleu. Il gagnait cinq points. Il mit fin à la manche car comme Umeko avait déjà dis Koï-Koï, les points du dresseur doublaient car son adversaire avait rejoué sans gagner, il remportait toute la mise et les points que la femme au kimono aurait du gagner s'annulèrent. Elle le battait tout de même quinze à dix.
C'était donc durant la dernière manche que tout allait se jouer. Thomas avait la main et il devait absolument empêcher Umeko de stopper la partie avec une combinaison, il devait rafler toutes les cartes. Bizarrement, la peu qui l'avait saisit pendant tout le premier tour laissa place à de l'excitation. Ce défi lui donnait envie de se dépasser et de battre la dame au kimono à plat de couture.
Elle distribua les cartes des fleurs et laissa le dresseur commencer. Il sourit au fond de lui-même. Il y a avait en jeu la Lune au dessus des prairies, une des meilleurs cartes, il allait pouvoir la rafler. Il le fit rapidement et piocha une nouvelle carte, un simple saule qui n'allait avec aucune autre des cartes. Parfait. Son adversaire joua à son tour et fit une paire de trèfles dont une avec le sanglier. Pas de quoi s'inquiéter pour l'instant. Elle piocha une carte et fit une paire d'iris et gagna la carte de l'iris sous le pont au bord de l'étang. Thomas respira un bon coup, tenta de maintenir ses tremblements et gagna la carte de l'homme-pluie sous les saules grâce à la carte qu'il avait défaussé précédemment. Il piocha une carte, décidemment la chance lui souriait, car il obtint la grue devant les pins et la carte était compatible avec la banque. Il avait trois têtes. C'était parfait. La dame au kimono joua et emporta, grâce à une combinaison de pivoine, les papillons. Si elle gagnait le daim dans les feuilles d'érable elle remportait la partie et l'orbe bleu était perdu. Le jeune homme devait à tout prix l'empêche d'obtenir cette carte quitte à mettre de côté sa combinaison. Il joua sauf que cette fois il n'obtint rien, Umeko joua à son tour et fit une paire de Chrysanthème mais n'obtint pas le daim. Elle défaussa une carte...feuilles d'érables. Si elle avait le daim dans son jeu, la partie était perdue. Thomas se dépêcha de jouer et fit une simple paire en volant la carte que souhaitait son adversaire. Celle-ci lui lança un regard de tueuse prête à bondir comme un Némélios sur sa proie. Le dresseur déglutit de stress. Il défaussa de la pioche une simple fleur de paulownia qu'Umeko s'empressa de voler au tour suivant pour éviter que le naufragé s'en empare avec le phénix et achève sa combinaison. L'effet recherché ne fonctionna pas car Thomas n'avait même pas remarqué la carte. Chaque joueur n'avait plus que trois cartes en main, la partie était bientôt finie et si le jeune homme n'obtenait aucun point, la gardienne gagnait. Il joua en posant une fleur de cerisier en jeu, carte qui n'allait avec aucune et défaussa une de celle de la pioche...BINGO ! Cerisier et Bannière ! Yaku Semi-Clair, sept points pour le dresseur qui poussa un hurlement de joie en criant STOP avec un sourire victorieux. Dix-sept à quinze ! Umeko lâcha son jeu de surprise, les cartes s'éparpillèrent dans l'herbe et elle jura en se levant violemment et en tournant le dos à Thomas.
https://www.youtube.com/watch?v=l20Fd8SSg_wTamao tendit l'orbe bleu au naufragé avec un sourire bienveillant. Celui-ci commençait à partir lorsque Satsuki l'interpella :
- Thomas, je pense que vous oubliez quelque chose.
Le jeune homme s'immobilisa, prit la main dans le sac. Le cœur lourd il se retourna et fit un petit sourire gêné. Il se forçait de ne pas pleurer. Il prit la Pokéball dans sa poche et fit sortir Mangriff. Il regarda son partenaire de haut en bas pour imprimer son image dans sa tête. C'était la dernière fois qu'il allait le voir. Il aurait beau réveillé Kyogre, jamais Mangriff ne reviendra car les trois gardiennes allaient le garder et le renvoyer dans son monde et loin de Thomas. C'était un sacrifice que le jeune homme ne pouvait éviter. Il retenait ses larmes autant qu'il pouvait et caressait son ami avec tendresse et pitié. Il voulait garder en mémoire le moindre poil, le moindre détail de sa fourrure et de sa physionomie pour s'en souvenir à jamais, il souhaitait que dès qu'il penserait à son ami perdu, il se remémore la douceur de son poil, le son de sa voix, le bruit de ses griffes qui s'entrechoquaient et son odeur.
- Mangriff, tu es libre, tu dois rester avec ces femmes. Va ! Et profité de cette liberté...bafouilla le dresseur avec maladresse.
Le Pokémon regardait son maître avec incompréhension. Il ne bougea pas, seules ses oreilles frémissaient comme s'il avait mal compris ce qu'avait dit son dresseur et qu'il ajustait son ouïe.
- Ne me force pas à faire ça ! Pars !
Le jeune homme se retourna et fit mine d'avancer sauf qu'il sentit les griffes de son Pokémon qui serrait sa veste. Thomas ravala ses sanglots. Il appuya sur le gros bouton central de la Pokéball et dit : « Mangriff, je te relâche. » Une lumière bleue enveloppa le Pokémon. Le naufragé enfonça sa tête dans son écharpe et partit. Le Mangriff le poursuivit en poussant des hurlements. Il lui barra la route, forçant son maître à revenir au sanctuaire.
- Qu'est ce que tu ne comprends pas ? s'écria Thomas avec une voix qui déraillait, je te donne la chance de survivre à ce cauchemar alors saisit la...Tu es la chose qui est la plus chère à mes yeux, et c'est à cause de ça que je dois te laisser...je te libère pour que tu puisses survivre.
Mangriff poussa un gémissement et fit non de la tête. Il ne voulait pas rester ici, il ne voulait pas comprendre. Il désirait rester avec son dresseur avec qui il avait partagé toute sa vie. Thomas le regarda puis ferma les yeux. Il tremblait, des larmes coulèrent sur ses joues. Il serra les poings.
- Tu vois ce que c'est ça ? Ta Pokéball !
Il la lâcha par terre. Il souleva son pied puis sembla hésiter quelques instants. Il se décida. Son visage était trempé de larmes, tout son être refusait d'agir mais il le fallait. Il ferma les yeux, pour ne pas affronter le regard de son ami qu'il abandonnait, et se mordit frénétiquement la lèvre inférieure jusqu'au sang avant d'écraser la Pokéball sous son talon. Celle-ci explosa en de nombreux morceaux, tout comme leur amitié qui se brisait.
- Il n'y a plus de retour possible. Maintenant vis ta vie ! Sois libre et profites-en.
Thomas s'effondra aux pieds du Mangriff. Il le serra dans ses bras et lui murmura un faible « je t'aime » à l'oreille. Il pleurait à chaudes larmes, horrifié par ce qu'il faisait et par le sacrifice qu'il faisait pour sauver sa propre vie. Il osa regarder son ex-partenaire dans les yeux pour profiter une dernière fois du regard pénétrant et doux du Pokémon. A ce moment là, il n'avait aucune envie de revoir tous les moments qu'il avait vécu avec Mangriff. Ca aurait été trop dur. Il se concentra le plus possible sur le moment présent pour profiter au maximum de cet ultime instant. Il aurait tout le temps après de revoir tous ces moments en boucle pour noyer son chagrin.
Ensuite il se leva et partit, tournant le dos à cette montagne qui lui avait ôté une des choses qu'il aimait le plus au monde. Hélas, ceci n'était qu'un avant-goût de ce qu'il allait vivre avec Marine. Son cœur était transpercé car contrairement à sa fiancée qui n'était pas réelle, Mangriff, lui, l'était et plus jamais il ne pourrait le revoir. Il se sentait déchiré, comment avait-il pu faire ça ? Il l'aimait tant. Il regrettait déjà d'avoir abandonné son meilleur ami mais il n'avait pas le droit de se retourner, il devait assumer ses actes en espérant que l'avenir et surtout que la réalité soit meilleure. Peut être qu'un jour cette plaie se refermera, qu'un jour cette destruction donnera naissance à de belles choses. Thomas n'y croyait pas trop mais il espérait, il se rattachait ainsi désespérément à une lumière vacillante et illusoire qu'était sa réalité. Meurtri, il devait poursuivre sa route.