Le Petit Spleen de Domino

La route 113 est un environnement hostile : Pluie de cendres, Limagma, Airmure... Mais il y a également des humains qui circulent. Ils sont gentils, la plupart du temps, quand ils ne récoltent pas de la cendre pour leurs exploitations. Ce jour-là, les Spinda accueillaient un visiteur récurrent mais toujours un peu effrayant : Un dresseur.

Couramment, un dresseur est ce que les Spinda considèrent comme un humain classique mais un tout petit peu plus dangereux. Certes, des ninjas s'exercent régulièrement sur la route, mais ils le font en dehors du territoire des hautes herbes cendrées et n'embêtent absolument pas les Spinda. Les ramasseurs de cendre se contentent de récolter la cendre. Les dresseurs, eux, sont des visiteurs particuliers. Ils s'établissent, posent une tente, s'entraînent un peu, mangent, capturent parfois un ou deux congénères, observent, se confrontent à d'autres dresseurs ou importunent les Pokémon sauvages des environs.

Petit Spin n'avait jamais assisté à la venue d'un dresseur et c'est pourquoi il s'abstint de toute prudence et approcha le jeune homme. Bien que brun, il portait un bonnet qui lui donnait l'air d'avoir des cheveux blancs. Sa tenue d'aventurier ne passait pas inaperçue. Sa peau semblait bronzée, preuve que c'était un enfant du centre de Hoenn, au climat très doux et généralement ensoleillé. Il était assis entouré de quatre Pokémon dont Petit Spin n'avait jamais vu la moitié. L'un semblait être très visiblement un Pokémon Aquatique, mais il se tenait debout sur des jambes. Son air débonnaire semblait se vouloir rassurant, tout comme ses branchies oranges, mais on sentait qu'il était tout à fait apte à se battre. Un autre était un oiseau commun de Hoenn, mais plus grand que l'espèce courante. Son apparence entière semblait destinée au combat, un Pokémon dévoué et féroce, un oiseau bleu aux longues plumes acérées. Une femelle, de toute évidence. L'autre espèce méconnue était un étrange animal végétal, bipède et sentant les champignons. Petit Spin eut un réflexe instinctif : Il savait qu'il ne devait pas embêter cette créature, ses coups pouvaient lui faire très mal. Il ignorait pourquoi mais il le sentait. La posture du Pokémon l'inquiétait, son calme olympien tout autant. Enfin, une tortue fulminante s'était posée un peu à l'écart, moins habituée, visiblement, que le reste de la troupe, à ce type de sorties.

Petit Spin les observa, et il lui sembla comprendre pourquoi certains Pokémon se laissaient capturer. La sensation de les voir ainsi lui réchauffait le cœur, et d'un coup il sentit qu'il serait très seul toute sa vie à moins de lui aussi se laisser attraper par un dresseur. Que l'union entre Pokémon et Humains était la chose la plus naturelle qui soit ; ces deux espèces se devaient de collaborer pour le bien commun, pour l'équilibre de la nature même. Pour autant, loin de lui l'envie de renoncer à la vie sauvage pour le moment : Il était encore petit et le groupe s'occupait toujours de lui de manière collective, il n'était pas assez indépendant et pas encore prêt à mener une vie de combat. Il observa cependant. Il ne faisait pas de mal, il observait juste. Et au pire, il pouvait danser ou geindre pour se défendre voire attirer des renforts.

Il entendit ce que disait le dresseur. Comme c'est étrange, un être humain qui parle à des Pokémon comme s'ils étaient ses semblables.

« Nous avons bien avancé. Bien, bien avancé. Et mieux encore, nous avons accueilli Chartor dans notre groupe. Dites-lui bonjour ! »

Les trois compères – le poisson bipède, l'oiseau bleu et la créature champignon – levèrent une patte en signe de cordial accueil de leur confrère tortue.

« Le téléphérique était bloqué par ces types de la Team Aqua... Je suppose que je vais devoir attendre que la situation se calme... Cette partie de Hoenn est vraiment bizarre... »

Petit Spin observa le dresseur manger avec ses Pokémon. D'un coup, il se posa des tas de questions qui ne lui étaient jamais venues à l'esprit durant sa vie sauvage : Un dresseur voudrait-il l'attraper lui ? Est-il un bon Pokémon ? Est-il fort ? Sait-il se battre vraiment, en fait ? Les tactiques de groupe avec les autres Spinda, c'est bien beau, mais lui, seul ?

Il n'en savait rien, et il sentait que se faire capturer par un dresseur serait un bon moyen de savoir. Mais ses appréhensions étaient trop fortes, et la vue de ces adversaires et coéquipiers potentiels, impressionnants de discipline et écrasants de puissance, l'empêchait assurément de s'approcher plus près. L'instinct sauvage de Petit Spin lui disait que la nature était meilleure protectrice qu'un être humain, aussi sympathique lui semblait-il.

« Beaucoup de Spinda... le professeur Seko m'avait prévenu... C'est peut-être notre occasion de voir un Airmure ! »

Petit Spin ne comprenait pas tout, mais l'étincelle dans les yeux de ce jeune homme l'attirait prodigieusement. Il sentait qu'avec lui, il serait protégé, il grandirait, il deviendrait un meilleur Pokémon, il se battrait, il accumulerait les victoires, il serait nourri et choyé. Ou peut-être laissé pour compte. Mais cette vie d'aventures était une vie de rêve pour un petit Pokémon sauvage aussi curieux que Petit Spin. Un rêve toutefois bien définitif : C'était le choix de toute une vie. Il laisserait tout derrière lui, toute cette route. C'était un choix lourd de conséquences pour un esprit aussi simple.

Le dresseur continuait de papoter et de partager ses victuailles. Visiblement, cette « Team Aqua » avait déjà causé du grabuge, mais le dresseur s'en était « chargé ». Il félicitait à nouveau ses Pokémon pour leurs prouesses dans les arènes Pokémon où visiblement chacun avait fait du bon travail. Il est vrai que ces trois Pokémon semblaient en pleine forme, et que le quatrième semblait ravi d'avoir pour maître un dresseur aussi engageant. Peu à peu, cette tortue fumante de Chartor se décoinça un peu et se joignit gaiement au pique-nique. Petit Spin ne pouvait pas s'empêcher de les observer.

Ce fut d'autant plus intéressant quand un des ninjas s'entrainant sur la route décida de se joindre à la fête. Le jeune homme rouquin arborait un costume gris et une écharpe rouge.

« Dresseur ! Je te défie !! En garde ! »

Le dresseur qu'observait Petit Spin depuis tout à l'heure leva un œil étonné vers l'adversaire. Il se redressa cependant et rappela sa petite équipée. Petit Spin observa, stupéfait de la tournure des évènements. Il allait... assister à son premier combat de dresseurs.

« Deux Pokémon ! » proclama le ninja.
« Cela me convient », admit le dresseur.

Le Ninja commença avec Smogo. La créature ronde et fumante poussa un gémissement grossier tout en se gonflant compulsivement. Le dresseur plissa les yeux et envoya Hélédelle. L'oiseau étendit ses ailes et poussa un vif cri, qui fit fuir les Pokémon aux alentours.

Le combat fit rage. Un jet de poison partit depuis la bouche béante de Smogo. Hélédelle, agile et élancé, esquiva sans difficulté ces projectiles abjects. L'oiseau s'était envolé et tournait autour de l'ennemi. Le ninja observa, quelque peu impressionné : c'était d'un autre niveau que le sien, et son entrainement ne correspondait pas à ce type de déplacement. Par esprit de défense et sur son ordre, Smogo s'entoura d'une épaisse fumée noire. Hélédelle s'éloigna. Le dresseur cria un ordre qui fit sursauter le ninja. Hélédelle se divisa en plusieurs corps distincts, mais moins opaques que lui. Petit Spin ne comprenait pas trop ce qu'il voyait malgré sa fascination dévouée pour ce qui se déroulait, mais les reflets d'Hélédelle fondirent sur la fumée.

Cela ne la dissipa pas, mais Hélédelle ressortit de l'autre côté. Effaçant ses clones, la créature observa, intriguée. Le ninja sourit alors que Smogo sortait d'un fourré, et d'une vive illumination pourpre de ses yeux, il empoisonna violemment Hélédelle qui se tordit de douleur. Petit Spin eut un frisson. Il n'avait jamais subi d'attaque de plein fouet de sa vie et se demandait quel effet cela lui ferait, s'il se sentirait prêt le moment venu. C'était une grande peur chez lui, celle de cette grande inconnue, la souffrance infligée par autrui. Hormis les gentilles mêlées câlines avec les autres bébés Spinda, il ne s'était jamais battu.

Le dresseur se mordilla les lèvres, mais ne sembla pas plus désarçonné. Un nouvel ordre déclencha un véritable torrent de puissance. Hélédelle s'éleva dans les airs. Smogo cracha une nouvelle masse de fumée pour reproduire l'exploit précédent. C'était sans compter sur l'attaque vibrante qui s'abattait sur lui, Hélédelle tout entouré de lumière qui fondait sur son adversaire. Le localisant avec précision, le rapace faucha la boule de smog dans une charge air-sol qui transcendait les lois de la trajectoire et de la précision. Smogo ne put échapper à la frappe qui soulevait des vents puissants au point que ses fumées ne lui furent d'aucune utilité.

Le ninja baissa la tête, contrit. Il rappela son Pokémon. Le dresseur, en face, resta concentré. Petit Spin restait bien caché et à distance. Une certaine peur, tant d'être pris dans les attaques respectives que d'être la cible de l'un des deux dresseurs à titre de capture ou de trophée, l'envahissait progressivement. Le mélange entre fascination et effroi était palpable.

Le ninja releva la tête, quittant ses airs démontés, et envoya un Ninjask. Petit Spin serra les dents en frissonnant. La plupart des ninjas de la route en possédaient un, c'étaient d'affreuses petites cigales bruyantes et rapides, et lors de leurs entrainements, les ninja de la route aimaient à s'en prendre aux Spinda imprudents en les fauchant avec leurs griffes. Fort heureusement, trop rapides et brusques, les Ninjask tombaient souvent sur des Limagma qui les brûlaient avec leur peau brûlante, ou sur des Airmure qui dans ce cas leur donnaient une bonne leçon en retour à coups de bec.

Cependant les Spinda avaient du mal à se défendre contre ces choses, à moins d'être plusieurs et de danser à temps pour les stopper.

Oui, on pouvait dire que les ninjas avaient du mal à s'entrainer sur cette route...

En riposte, le dresseur envoya son Chartor. Petit Spin n'avait pas peur des Chartor. Il en rencontrait rarement – certains, habitant le volcan, s'égaraient parfois sur la route 113, s'échappant par une galerie du mont Chimnée – mais il savait que c'étaient des créatures placides cherchant uniquement à se nourrir et à dormir. D'un naturel très calme du fait de leur défense respectable, ils n'embêtent absolument personne.

Un instant, Petit Spin songea qu'il avait peut-être déjà croisé ce Chartor, qu'il avait été sauvage lui aussi, auparavant, et cette pensée l'intrigua. Que pensait-il, lui, l'ancien Pokémon libre, capturé, converti et dévoué à la cause humaine à présent ? Etait-il ravi de sa nouvelle vie de servitude ou espérait-il se voir délivré ? Voulait-il de cette vie d'aventure, comme Petit Spin pouvait en avoir envie ? Ou alors avait-il juste été dérangé dans sa vie quotidienne, et le dresseur l'avait arraché à son monde ?

Le petit cerveau de Petit Spin grésillait presque sous l'intensité de tels questionnements.

Le ninja plissa les yeux, estimant ses chances. Chartor semblait un peu perdu. Le ninja et son œil vivace comprit très vite que la tortue manquait d'entrainement. Il sourit, revoyant renaître l'espoir d'une victoire.

Ninjask se multiplia, à la manière d'Hélédelle tout à l'heure, et encercla l'encombrante créature fumeuse. Chartor leva la tête, très intrigué et peu habitué aux choses du combat. Le dresseur observait les réactions de son Pokémon pour l'heure.

Ninjask tenta une première attaque de griffe qui s'avéra concluante. Chartor sembla désarçonné par le coup. Il en vint d'autres. Le chélonien éprouva des difficultés à subir de la sorte, il se déplaça même de côté, submergé par les coups rapides. Petit Spin frissonna. Il sentait ce qui se passait dans la tête du Pokémon. Un immense « Pourquoi », un retentissant cri d'incompréhension silencieux, ou tout juste retranscrit par des gémissements plaintifs. « Pourquoi je subis ça ? Quel but sert cette mascarade ? Pourquoi me frappe-t-on ? »

« Pourquoi SE frappe-t-on ? » En face, c'était également un Pokémon. Motivé par les ordres d'un maître humain qui, lui, n'avait pas à se battre. Cette pensée coupa à Petit Spin toute envie de rejoindre un jour le corps des Pokémon dressés.

Un cri du dresseur fit cependant se redresser Chartor. La créature devint plus alerte, plus déterminée, d'un coup, sans que Petit Spin ne comprenne quoi que ce soit. Le mot crié était pourtant abscons : « Malédiction », un terme qui aux yeux de Spinda, ne voulait rien dire. Cependant, la tortue à la carapace de charbon durci ajusta sa garde, sembla presque briller l'espace d'un instant, et les fumerolles émises par sa carapaces se firent plus fines mais plus intenses, s'écoulant continuellement, donnant à la créature une prestance effarante. Le ninja ne se laissa pas démonter, et Ninjask fit une danse qui lui donna des airs menaçants, plus encore qu'avant si ce n'était possible. Petit Spin comprit que les adversaires allaient passer aux choses sérieuses, et que ce petit échange n'était que la mise en bouche.

La cigale claquait des ailes à tout rompre et fonça vers Chartor pour le griffer de nouveau, mais cette fois la forteresse sur pattes encaissa les attaques sans broncher. La crainte d'une riposte provoqua chez le ninja l'éclosion d'une stratégie de repli et d'estimation des prochains mouvements. La tortue releva la tête et le dresseur donna un ordre précis. C'est donc une volée de flammèches qui vrombit vers Ninjask. Le Pokémon esquiva comme il put mais certaines l'atteignirent. Apeuré par la soudaine combattivité du monstre défensif, le ninja proposa une alternative à son insecte qui l'accepta. Ninjask plongea dans le sol sablonneux de la route 113. Petit Spin craignit qu'il vienne s'attaquer à lui, mais la panique fut de courte durée, le monstre sortit sous le cou allongé de son adversaire pour lui décocher une charge souterraine en bonne et due forme. Chartor se souleva légèrement, emporté par la force de l'uppercut. Ninjask reprit sa position et entreprit de faire grincer ses élytres pour perturber grièvement son adversaire. Le dresseur regarda le ninja qui semblait fier de sa stratégie. Petit Spin s'attrapa les oreilles, le grincement lui était insupportable.

Ignorant royalement les gesticulations adverses, le dresseur se mit à crier un ordre. Chartor devait lutter pour l'exécuter. Ninjask bougeait de droite à gauche pour lapider son adversaire d'ondes sonores violentes qui perturbaient toute la route de par leur puissance. Le dresseur continua à brailler son ordre, et Chartor se démenait pour le mener à bien, peinant même à relever la tête. Petit Spin n'arrivait pas à entendre, mais les encouragements du dresseur étaient fiévreux. Il percevait des bribes.

« ... même pas mal !... »
« ... crois en toi !... »
« ... Flammes !! »

Dans un effort surhumain, Chartor releva la tête et cracha des flammes. L'air avait beau être distordu par le son, Ninjask n'émettait pas d'air, il le faisait juste vibrer. Ainsi, les flammes du Pokémon Feu eurent tout le loisir de tournoyer, bien qu'étrangement. Ces flammes dansantes perturbèrent la grinçante litanie de Ninjask qui s'éloigna par réflexe. Un ordre ferme du dresseur provoqua de la part de Chartor une attaque Flammèche furieuse et déterminée. Ninjask fut submergé par les projections enflammées et s'écroula aux pieds de son maître, défait. Petit Spin était impressionné, et plus encore par le revirement de Chartor qui à présent semblait absolument ravi d'être dressé par un humain. Le combat était impressionnant, certes, mais le jeune Spinda ne pouvait s'empêcher de penser que la tortue de lave avait peut-être été forcée dans ce combat. Cette façon qu'avait eu le dresseur de lui crier des ordres lui avait paru quelque peu violente.

Toutefois, en voyant le dresseur caresser la tête de Chartor et lui donner une nourriture visiblement délicieuse en récompense, Petit Spin voulut absolument être dressé par un humain. Rien que pour les friandises. Non. Oublie ça, petit Spinda, ton destin n'est pas là.

Le ninja félicita son adversaire qui lui serra la main en retour. Le jeune homme repartit en direction de la ville. Petit Spin observa le dresseur qui continuait de choyer Chartor qui en paraissait tout ragaillardi malgré l'intensité des chocs de la lutte. Il les observa un peu, subjugué par cette démonstration d'affection et de fierté du dresseur vis-à-vis du Pokémon, et inversement : Chartor semblait tout content d'avoir fait le bonheur de son maître. Le jeune Spinda révisa quelque peu son jugement du dresseur. Peut-être qu'il ne fallait pas juger les situations de manière aussi hâtive, mais plutôt les apprécier sous différents aspects. Cela rappela à Petit Spin qu'il y avait un monde au-delà de sa route, un monde rempli de différences, d'« Autres », de pensées différentes de la sienne, de Oups un Airmure m'a attrapé la tête.

...

Petit Spin hésita entre crier, parce qu'une serre d'Airmure, ça fait mal, ou bien, notamment parce qu'il savait ce qui l'attendait, s'agiter pour se libérer. Sa peur s'accrut. Être enlevé par un Airmure, ça signifiait être donné en pâture à ses petits. Être massacré à coups de pierre, de griffes, pour mieux déchiqueter la chair, avoir le corps écrasé, à vif, traîné sur la pierre. Petit Spin n'était pas gros pourtant, comment un Airmure pouvait penser à lui comme repas potentiel pour ses enfants ? Il comprit soudainement que sa curiosité l'avait perdu : Inattentif, il s'était immobilisé trop longtemps. Et du coup, le voilà converti en snack. Fameux destin, tout autre que celui de Pokémon dressé. Cela relativisait à ce point les choses dans sa tête. Mieux valait être dressé que mangé. Oui. Ce serait la leçon à retenir de tout cela. La morale de la fin de sa vie en quelque sorte.

Ses couinements alertèrent des congénères, mais aucun ne bougea réellement. D'abord parce qu'ils ne pouvaient, concrètement, rien faire. Ensuite, parce qu'ils ne pouvaient pas voler. Surtout, aucun ne voulait être à sa place. Ses mouvements ne faisaient que resserrer la prise du rapace sur sa tête. Il sentit les griffes s'enfoncer légèrement dans son crâne, la douleur lui vriller le cerveau, la sensation de mort imminente encore plus insupportable que le reste. La peur panique quand un filet de sang traversa son visage. Qu'est-ce que c'était que ce liquide rouge ?!

Il aperçut le nid. Saletés de piafs. J'espère que ma viande sera immonde et vous étouffera. Vous détruira les tripes et vous fera vomir tout ce que vous savez. Je ne veux pas mourir, bon sang. Pas comme ça. C'est tellement bête. J'avais envie de me faire capturer. Ou pas. De quoi avais-je envie, en fait ? Envie ? C'est quoi ce mot ?

Chute. Que se passait-il ? Airmure s'écroulait, d'un coup. Il piquait vers le sol, même. Petit Spin s'interrogea. Quand Airmure s'écrasa, il le relâcha, et le Pokémon s'écarta vite, non sans un regard curieux vers son ravisseur, au risque de se refaire prendre. Il était tout fumant.

Petit Spin s'étonna, que s'était-il passé ? Avait-il un mystérieux protecteur ?! En se retournant, il aperçut le dresseur accompagné de Chartor. Miracle ! Il l'avait sauvé ! Le Pokémon Panda-Tâche en fut tout épris de reconnaissance et fit une danse joyeuse pour remercier son sauveur.

« Fais plus attention la prochaine fois ! » lança le jeune homme au sourire apaisant.

D'un geste, il saisit une Pokéball. Petit Spin cessa de danser. Il allait le capturer ? Lui ? Petit Spin allait vivre une grande vie d'aventures ? Alors ça y est, c'était à sa portée ? Bon, il était un peu jeune, mais il grandirait vite, et il ferait de son mieux dans cette équipe. Certes, il aurait peut-être du mal à soutenir la comparaison avec un Flobio, un Hélédelle, un Chapignon ou même un Chartor, mais il pourra au moins essayer...

La Pokéball fut lancée sur Airmure. Spinda s'étonna. L'objet oscilla un moment, puis se ferma définitivement. Airmure était capturé.

« Voilà ! Un parfait spécimen, le professeur Seko va beaucoup apprécier ! »

Petit Spin s'étonna alors que le dresseur partit en le saluant. Le professeur ? Il avait capturé ce Pokémon non pas pour l'entrainer mais... pour le donner à un autre qui ne l'entrainerait pas ?

Cela changeait tout, il ne voulait pas de cette vie-là. Qu'est-ce qui lui avait pris de rêver de grandes aventures quand il pouvait tout aussi bien être gardé comme objet de collection ?!! N'importe quoi, Spinda.

Il retourna à la vie sauvage devant ses compagnons de route impressionnés par sa survie et sa blessure au crâne. Petit Spin repensa aux bébés Airmure affamés dans leur nid et se demanda, avant de les oublier définitivement, comment ils survivraient maintenant que leur mère était à son tour livrée en pâture aux griffes inconnues des humains...