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Le Petit Spleen de Domino



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» Auteur : Domino - Voir le profil
» Créé le 08/11/2014 à 12:43
» Dernière mise à jour le 13/11/2014 à 20:28

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1 - La route
Le monde des Pokémon. Une galaxie de créatures si diverses et si complexes chacune à leur façon qu'on pourrait écrire un livre consacré indépendamment à chaque espèce. Ce qui ferait une sacrée collection. Pour autant, certains Pokémon sont plus intéressants que d'autres. Certaines créatures méritent qu'on s'attarde vraiment sur elles.

Prenez Spinda, par exemple.

Ne riez pas, ne riez pas. Sur une courte petite route de la région Hoenn, le chemin 113, vit la plus large communauté de Spinda au monde. Ce sont de joyeux lurons qui gambadent paisiblement dans la lande poussiéreuse, née des cendres du volcan mitoyen, chacun faisant à peu près ce qu'il veut dans le respect relatif de la vie en groupe.

Parmi ces Spinda, l'un d'entre eux était plus petit, plus jeune et donc plus maladroit dans sa démarche. Nous l'appellerons « Petit Spin ». C'est un Spinda dont les taches se situent exactement au niveau des joues, de façon symétrique, ce qui est généralement signe de longévité. Sa danse de marche l'incline généralement d'avant en arrière : C'est un mâle. Les femelles ont plus tendance à tanguer de gauche à droite. Ceux qui tanguent de façon encore plus irrégulière sont les sujets âgés. Les petits ont tendance à avoir une démarche régulière jusqu'à ce qu'ils trouvent leur tempo perso.

Comme tous les Spinda de la route, Petit Spin s'attelle aux corvées du groupe. Comme la route 113 est une des rares de Hoenn à ne pas avoir de terrain naturellement propice à la pousse de baies – un nuage de cendres permanent obstrue le ciel et bloque en grande partie la lumière du soleil – les Spinda ont leur propre culture souterraine de baies Maron. Parler de « culture souterraine » est à la fois une grande exagération et un doux euphémisme. Grande exagération parce que le terme « culture » implique qu'ils sèment et récoltent à dessein. Doux euphémisme parce qu'il s'agit, dans les faits, de manger ces baies et d'enterrer les déjections remplies de graines, ce qui donne naissance à des plants sommaires mais dont la pousse est rapide, et qui donnent de bonnes baies Maron. Petit Spin, comme tous ses congénères, s'adonne sans vraiment le savoir à cette pratique étrange mais qui contribue à préserver le capital végétal de cette route à l'écosystème étrange.

Pas facile, en effet, de vivre parmi les cendres ! Elles recouvrent tout, y compris le pelage des Spinda, formant une étrange pellicule satinée sur leur fourrure. Par chance pour eux, leurs yeux étranges en forme de spirale les protègent de tout encrassement nocif des recoins fragiles de l'œil. Evidemment leurs globes oculaires ne sont pas en forme de spirale, leur œil exact se trouve à l'extrêmité de cette ligne noire, la formation en elle-même étant une sorte de sourcil destiné à protéger les vrais yeux de Spinda, tant contre les intempéries aussi sommaires qu'une neige de cendres, que contre les prédateurs trop besogneux. Cela lui permet aussi de rester inexpressif et donc de ne pas attirer les soupçons. Les lignages noirs et velus de ses oreilles visent le même but : Protéger le conduit auditif et assurer une ouïe optimale en toute situation notamment le repérage des prédateurs.

Et quels prédateurs. La communauté Spinda doit faire face à plusieurs menaces régulières. D'abord, les dresseurs itinérants qui aiment à capturer certains de leurs semblables, une « fatalité » plus ou moins regrettable. Certains en expriment le désir, par ennui de la vie sauvage ou par curiosité. Comme très peu voire aucun n'en est revenu, il est difficile pour les Spinda de se faire une idée de la valeur véritable de ce ravissement ponctuel.

Autre menace, les récolteurs de cendres. Sur cette route 113 habite un verrier qui régulièrement donne des sacs de cendre aux dresseurs du coin. Ils lui ramassent de la cendre, il leur échange contre des objets en verre. La cendre ainsi récupérée, les Spinda se demandent bien ce qu'il en fait, mais il a l'air d'aimer ça puisque de plus en plus de dresseurs se font un plaisir de lui en cueillir. Evidemment les Spinda sont bien contents qu'on déblaie un peu, ils ne vont pas s'en plaindre, cela leur facilite la creusée des galeries de leurs tunnels, mais les humains qui s'adonnent à ce hobby bizarre piétinent tout, dérangent les Spinda sur leur passage et parfois écrasent des baies Maron. Souvent, en fait. C'est une vraie calamité qui a obligé les Spinda à ruser quand ces importuns se faisaient trop nombreux.

Et les Spinda sont doués en ruse quand il s'agit de protéger leur fidèle route. Leur ultime prédateur est Airmure. Il y a quelques Airmure qui vivent plus haut sur le Mont Chimnée, et ils sont une véritable plaie. Ils descendent sur la route histoire de taquiner du Spinda, d'en capturer un ou deux pour les cuisiner à leurs petits, ou même parfois pour se battre entre eux et régler des comptes personnels dont les Pokémon Panda-Tâche n'ont absolument rien à faire. Ou alors ils viennent picorer des baies, un affront que les Spinda déplorent, moins cependant que la prédation pure et simple de leur espèce.

C'est ainsi qu'ils ont développé une tactique de défense qui vaut ce qu'elle vaut. Lorsqu'un de ces individus discourtois descend pour venir détruire le fruit de leur harassante « culture souterraine », les Spinda l'encerclent. Nulle intention de se jeter sur l'intrus : Ils n'ont pas les pouvoirs nécessaires pour vaincre un tel adversaire. Son plumage d'acier le rend insensible voire immunisé aux meilleures attaques des grands combattants du clan. Ils ont mieux que cela : Ils se mettent à danser.

La danse des Spinda est une tactique des plus efficaces. Lorsque le chahut est trop important sur leur route, leur territoire, celui où ils dominent en maîtres incontestés, les Spinda se placent autour du fauteur de trouble et se mettent à danser. Ces mouvements ont une emprise sur ceux qui subissent cette vision, et les rend complètement dingues. Souvent, les Airmure touchés finissent le bec dans la terre, à essayer d'en manger, ou encore à tenter de s'envoler pour se ramasser majestueusement contre des rochers. Un spectacle plutôt comique pour l'espèce dominante de la route.

La montagne entoure en effet le chemin enclavé de la route 113. Autour d'elle trônent le volcan du mont Chimnée et une chaîne de montagnes qui borde Hoenn nord, et dont le relief est légèrement atténué par une petite forêt de résineux, seuls arbres capables de survivre sous les cendres. Il y a cependant peu de personnes qui passent : Entre le très touristique volcan et la petite ville fermière d'Autequia, la route 113 fait un peu chemin de campagne, route d'agrément, pas vraiment un endroit à visiter. C'est cet isolement relatif, la récurrence des menaces et le climat étrange qui ont permis aux Spinda de proliférer si bien ici et nulle part ailleurs. En effet, ces créatures au demeurant amicales et paisibles, n'en étaient pas moins relativement faibles face aux tourments extérieurs.

Petit Spin et ses congénères n'en étaient pas vraiment conscients, mais il était certain que le sentiment de sécurité jouait beaucoup dans leur mode de vie placide. Comme de nombreux Pokémon, ils n'avaient comme seul souci que celui de manger, se reproduire et dormir. Ils n'étaient même pas spécialement indispensables à l'écosystème, ou sinon involontairement. Une vie de Spinda, c'était une vie d'oisiveté, avec pour seule préoccupation réelle et véritable celle de défendre modérément un territoire peu menacé.

Et justement.

Ce jour-là, pour une raison inexplicable, et alors qu'habituellement ils n'habitaient pas vraiment ici, une nuée de Limagma fit son apparition. Ces créatures paisibles au demeurant n'en perturbaient pas moins la vie des Spinda. En effet, ils étaient nombreux, gourmands, dormaient n'importe où, et plus embêtant, étaient constitués de lave, et causaient, incidemment ou non, l'infertilité de la terre et de multiples incendies sur les rares herbes hautes. Les Spinda prirent vite conscience du problème et Petit Spin participa à de nombreuses battues de groupe pour les éloigner à coups de danse. Cependant les Limagma semblaient insensibles à leurs gesticulations. Pire, certains, devenant fous, causaient des dégâts encore plus grands, mettant le feu à quelques touffes d'herbe.

Les Spinda ignoraient comment réagir. Rarement poussés à changer leurs habitudes, ils s'y résignèrent et cohabitèrent. Les Sabelette vivant sur la route également préférèrent, eux, s'exiler ailleurs. Petit Spin observait ces évènements avec l'innocence de son jeune âge et de sa condition de Pokémon. Il observait ces Limagma qui se nourrissaient tranquillement de mauvaises herbes toxiques couvertes de cendre auxquelles les Spinda ne touchaient généralement pas. Un tel comportement l'intrigua. Les Limagma, contrairement aux Spinda, n'avaient pas mal au ventre en la mangeant, ils semblaient s'en accommoder même parfaitement. Peu à peu, les Spinda s'aperçurent qu'ils avaient plus d'espace vital, et plus de place pour cultiver leurs baies, ainsi que pour creuser leurs terriers. En retour, il semblât que les Limagma apprenait à respecter les jeunes pousses de baies, sachant que les baies laissées pour mortes donnaient souvent naissance à leur mauvaise herbe nourricière.

Une nuit, Petit Spin suivit les Limagma qui, à la tombée de la nuit, se faufilaient en file jusqu'à un endroit inconnu des Spinda, rampant même sur un bord escarpé et interdit aux visiteurs humains du Mont Chimnée. La créature beige aux tâches orange suivit les Limagma malgré un relief peu adapté à sa démarche maladroite. Son instinct lui commanda de reculer mais quelque chose le différenciait des autres Spinda : Une curiosité enfantine motivée par une envie de comprendre. Ce nouveau voisinage avait éveillé en lui des sentiments étranges, ce changement soudain dans un mode de vie si routinier ne pouvait que l'intriguer au plus haut point.

La réponse lui apparut, mais il n'était pas certain qu'elle lui apporta satisfaction, car elle appelait encore d'autres questions. Les Limagma se réunissaient autour d'une brèche dans le volcan qui laissait échapper, avec lenteur, de la lave en fusion. Les visqueux brûlants s'agglutinèrent sur la plaie et s'y laissaient presque fondre. Un comportement que Petit Spin, en tant que Spinda, ne pouvait comprendre. Lui n'était pas une limace de lave. Lui avait peur du feu et de ses dérivés brûlants. Lui n'avait pas un tel pouvoir sur son environnement. Quand ils se furent tous collés à la plaie, les Limagma, sous la lune, formèrent un cataplasme rocheux. Petit Spin avait tout observé, médusé par ce spectacle. Ils restèrent comme ça, immobiles et durcis, sous le ciel nocturne. Et Petit Spin, lui, ne faisait rien. Il n'arrêtait pas la lave en fusion avec son corps. Il ne nettoyait pas la route en mangeant des mauvaises herbes. Il n'était pas en feu, il était juste normal.

Terriblement normal.

Au lendemain, les Limagma étaient revenus à leurs habitudes diurnes, et Petit Spin, tout comme ses congénères, s'adapta vite à leur présence, se résignant à accepter ce qu'ils ne pouvaient décemment pas changer.