Épilogue : L'aube d'une nouvelle aventure.
- C'est plutôt calme en ce moment... Voir presque
mort.
La scène dans laquelle nous nous trouvons se déroule 30 ans après notre dernier chapitre. Le jeune Rodolphe avait maintenant dépassé la quarantaine, et il était dans la liste pour la course à la cinquantaine, tout comme ses amis. Les choses avaient énormément évolué depuis le départ de la dresseuse et du coordinateur. Au bout de leurs voyages initiatiques, ils avaient tenus leurs promesses. Hughe s'est hissé jusqu'à la finale du grand festival d'Atalanopolis, et Junie a gagné le grand tournois de la ligue d'Hoenn. Ils étaient tous les deux arrivés au sommet, et le mécanicien avait fait de même.
Il n'avait pas attendu que ses camarades lui aient fait de la pub, le bouche à oreille était bien suffisant. Durant les deux premières années, sa boutique était sans arrêt remplie, toujours pleine à craquer de clients prêt à tout pour obtenir ces vélos qui sortaient du commun. Il n'avait même pas atteint la majorité qu'il était déjà capable de tenir sa propre boutique. Après quelques années d'expérience supplémentaires, son père Romuald finit par lui léguer son magasin. Il garda le nom "Cyclo Newman" dura une demi décennie, puis le nouveau propriétaire décida de le changer en "Cycles Rodolphe". C'est à cette période là que que ses deux amis, devenus des personnes extrêmement influentes, parlèrent des bicyclettes de l'artisan. Avec une telle publicité, son marché s'étendit au niveau national. Le célèbre "Cycles à Gogo" signa un contrat pour envoyer ses modèles à Kanto, puis ses créations furent mises en vente de partout. Il avait aussi mit au point un système pour pouvoir plier en deux ses vélos, et les chiffres de vente s'envolèrent encore une fois.
Il était maintenant en train d'attendre, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas passé du temps derrière le comptoir, à rester planté là qu'un client puisse venir. Il s'ennuyait à mourir, il n'avait pas de quoi faire passer le temps, à croire que le monde entier avait déjà des vélos estampillés Newman. Est ce que le moment était arrivé à l'homme accomplit qu'est Rodolphe pour tirer sa révérence et quitter le monde du travail? C'est vrai qu'il avait mit beaucoup d'argent de côté, car il n'avait tout simplement pas le temps de dépenser l'argent qu'il tirait des ventes, à force de passer tout son temps en boutique. Il se mit alors à réfléchir un peu. Que pouvait il faire de tout ce pognon ? Réaliser un voyage ? Mais il n'aimait pas vraiment bouger trop loin de chez lui, et des nouveaux paysages ne l'intéressait pas du tout. Ouvrir une autre boutique ? Ça ne servirait à rien, celle ci était vide, il n'allait pas perdre de l'argent inutilement.
Il avait beau se gratter la soupière, sa boîte à idées légendaire n'en sortit pas une seule qui était valable. Était il donc condamné à rester ici, durant le restant de ses jours? À attendre que le temps passe en regardant les grains de poussière s'envoler en faisant une mini tornade ? Ça y est, son ennui avait maintenant atteint le paroxysme, ça faisait déjà deux heures que personne n'a ouvert la porte de sa boutique. Il se mit à bailler d'une force au dessus de la normale et laissa même échapper une petite larme. Une petite lueur d'espoir le fit sortir de son état léthargique. Il se jeta sur son ordinateur qui se trouvait sur le comptoir, à la base destiné pour enregistrer les achats. Il se lança sur internet pour fouiller un peu dans cette gigantesque botte de foin remplie d'informations. Il ne lui fallu que quelques secondes pour arriver sur un site quelconque de partage de vidéos. Il tapa deux ou trois mots clés pour trouver ce qu'il cherchait par dessus tout. Il patienta quelques instants le temps que la vidéo se charge et brancha aussi ses hauts parleurs. Une fois que le tout était fait, il pouvait enfin appuyer sur le bouton de lecture.
L'écran afficha l'image d'un grand dôme de béton, en pleine nuit avec des rayons de lumière qui se balançaient de partout. Un plan prit en hélicoptère permit de voir l'immensité du stadium de la ville maritime taillée dans la roche. De grands feux d'artifices firent office de cérémonie d'ouverture. Une fois que le grand spectacle pyrotechnique était terminé et que la foule avait un peu baissé le volume de ses cris de joie, il fallait faire des présentations un peu plus correctes. L'image se tourna donc vers un homme en costume, avec un micro dans les mains. Il avait une peau bien bronzée et les dents sur-blanchies, on y accompagne des cheveux noirs plaqués en arrière de manière très lisse à l'aide de beaucoup de laque. Une fois qu'il pouvait être entendu en baissant un peu le son de la foule au montage, il commença son petit discours :
- Bonsoir mesdames et messieurs, et bienvenue dans cette nouvelle édition du grand festival d'Atalanopolis ! Vous avez attendu longtemps, très longtemps! Mais ne vous en faites pas, vous n'avez pas patienté en vain ! La finale va enfin se réaliser, et nous avons ici quatre participants, les plus grosses pointures du moment !
- Et oui mon cher Phillipe ! s'exclama un autre commentateur, cette rencontre sera marquée dans les livres d'histoire ! Et bien évidement, les raisons sont nombreuses, chaque candidat est devenu maître dans leur art. Mais une personne, à mes yeux, sort son épingle du jeu.
- Bien évidement ! reprit le présentateur, comment ne pas remarquer ce jeune prodige qu'est Hugh O'Connor ? ! Ce gamin d'à peine dix sept ans vient de la jolie ville de Lavandia et arrive à s'imposer avec brio sur la scène professionnelle malgré son si jeune âge! On n'avait pas vu un tel évènement depuis longtemps.
- Depuis l'ère Jurassique vous voulez dire !
Les deux bonhomme à l'image se mirent à rire à la blague lancée par le commentateur. Rodolphe se souvenait qu'il n'y avait pas rigolé lors de la première fois qu'il avait regardé cette émission. Mais bon, on n'y peut rien quand les personnes qui présentent le show sont des beaufs, autant les ignorer.
Ensuite passèrent différents montages présentant le passé, le palmarès ainsi que les objectifs de chaque participants. Il y avait aussi quelques plans aériens sur le grand dôme de la ville troglodyte, ainsi qu'une dizaine de prises sur la foule qui était en délire. Il y avait aussi quelques stars de la chanson ou du Showbiz sur scène qui firent une apparition assez rapide. Il arriva enfin un moment où le présentateur dans son costume en queue de pie décida de se lever de son siège et se déplaça jusqu'à la scène. Tous les mordus de concours Pokémon savaient ce que cela voulait dire, et se mettaient déjà à crier comme si une météorite leur arrivait en plein dans la tronche. Monsieur Loyal salua la foule, puis porta son micro tout prêt de la bouche. Le public se tut, il attendait avec impatience les premiers mot d'ouverture. Celui qui était au centre de toute l'attention prit une profonde inspiration, puis se lança en criant le plus fort possible :
- Et maintenant, le moment que vous attendez tous! Il est temps de faire passer le premier candidat pour l'épreuve préliminaire. Je vous prie d'accueillir bien fort... Le jeune prodige venant de Lavandia... Hugh O'Connooooooooor !
La foule se mit à hurler encore plus fort qu'avant, à croire que c'était le défi du premier qui allait se trouer les cordes vocales. Mais le mécanicien n'y prêta pas plus d'attention, il retenait déjà son souffle. La foule finit à un moment à se taire. Un long silence s'imposa dans le stade, le monde entier ne disait plus un mot, en attendant que le spectacle commence.
Tout à coup, les lumières s'éteignaient en un instant, à croire qu'une panne d'électricité générale s'imposa. La pression fut insoutenable pendant cinq voir dix secondes, puis arriva les lumières ainsi que la musique. Une grande colonne de flammes inondait la scène, c'était tellement impressionnant que l'on avait la sensation d'étouffer sous la chaleur en étant devant l'écran. Lorsque le brasier explosa de part en part, on pouvait apercevoir au milieu des gerbes de feu une personne. Elle était sur son vélo, accompagné d'une montage rouge à ses côtés. Ce massif monstrueux était de couleur rouge, et au fil du temps, on arrivait à voir qu'il s'agissait d'un Pokémon. Il s'agissait de Marshmallow, son fidèle Camérupt, et il avait dans ses yeux noisettes un regard déterminé. Il envoya une nouvelle salve de rochers brûlant avec ses deux larges cratères plantés dans le dos. Rodolphe eu un frisson en regardant la scène, il s'imaginait avec un monstre pareil dans sa fabrique, ce serait presque un cauchemar.
Mais le spectacle ne faisait que commencer, car au fil de la musique, le jeune coordinateur se lança dans sa chorégraphie. Il se plaça sur sa roue arrière et débuta en faisant quelques bonds en avant ou en arrière. Il enchaîna ensuite en effectuant différentes combinaisons, figures ou positions avec son vélo cross. Tous ses mouvements étaient parfaits, ils étaient aussi coordonnés avec les attaques que lançait le Pokémon de feu. Les dizaines de gravats qui étaient le résultats des répétitions d'attaques Éruption finirent par s'accumuler pour former un véritable tremplin. Le dresseur en profita pour faire de nouvelles combinaisons de mouvements, le tout accompagnés de backflips ou de rotations à 1 440°. La foule criait de plus en plus, c'était un spectacle que personne n'avait jamais vu.
C'était ainsi qu'il avait décidé d'utiliser son vélo. Ses prouesses physiques lui permettaient de faire ce que personne ne pouvait imaginer, tout simplement car son vélo était unique, il n'y en avait qu'un seul au monde. Et la dresseuse elle aussi se forgeait une sacré réputation avec sa bicyclette conçue pour la vitesse. Elle terminait ses combats avec une rapidité supersonique, et ses trajets effectués en des temps records entre chaque villes lui valaient le surnom de "Lightning Junie".
Il avait fini de regarder le spectacle qu'offrait Hughe, la foule était en délire et une page de pub se mit en route, histoire de faire remplir les caisses des grosses chaînes. De toutes façons, il avait déjà vu ce qu'il voulait voir, il se mit alors à rêvasser un peu. Ils avaient révolutionés le monde du dressage et de la coordination, ils avaient utilisés les créations du mécanicien pour réaliser leurs rêves, ils se sentait honoré d'avoir pu aider à ce point ses amis.
Mais une question germa dans sa tête, qu'étaient ils devenus ? Ils étaient arrivés au niveau des plus grandes célébrités en moins d'un an, puis ils ont gardé un grand statut populaire pendant une demi décennie. Cela faisait donc maintenant vingt cinq années que personne n'a plus entendu parler de ces deux prodiges. Cela fait vingt cinq années que Rodolphe est tout seul, sans avoir eu de nouvelles. À cause de cette fichue question, toute la bonne humeur que lui avait fournit cette distraction était partie. Il se remit alors à broyer du noir, tout seul dans sa boutique vide, à regarder la poussière faire des tornades.
C'était de cette façon que devait se dérouler la journée du grand artisan d'après lui, mais aujourd'hui, le destin n'en n'avait pas décidé de la même manière. Car un phénomène arriva seulement quatre secondes après toutes ces questions, déceptions, et remords. Il entendit une voix tonitruante, mais féminine vu la tonalité, qui déboula de nul part, sans même qu'il puisse comprendre quoi que ce soit :
- Est ce qu'il y a
quelqu'un ? !
- Mai chut ! murmura une voix masculine, on ne crie pas dans un magasin !
La première personne qui avait parlé, ou crié si vous voulez, a ouvert la belle porte de son magasin avec un gros coup de pied. Elle avait un visage plutôt énervé, comme si elle avait attendu pendant des heures.
Elle n'était pas si grande que ça, Elle ne devait pas avoir plus de douze ans. Elle avait un petit débardeur de couleur rouge, avec quelques bords de tissus noirs de ça et là. Elle avait aussi un short noir qui était à même la peau au dessus du minuscule truc blanc qui ressemblait à une jupe. Elle avait aussi sur sa tête un foulard noué rouge, qui attachaient un peu ses cheveux d'un châtain clair. Ses yeux d'un bleu plus pur que le chenal bordant la ville d'Atalanopolis auraient fait d'elle un ange si elle ne criait pas, ou même ne défonçait pas les portes.
Celui qui l'accompagnait était un garçon du même âge. Il était un tout petit peu plus bronzé que la demeurée, et aussi plus grand. La première chose que l'on remarquait, c'était son énorme bonnet blanc, alors qu'il devait faire 40 degrés dehors. Il portait quelque chose qui devait ressembler à une veste, ou un T-shirt dans une matière un peu étrange, avec des couleurs oranges et noires. Il portait en bas un short en toile d'un gris sombre et tombait en dessous des genoux. Celui là avait un air beaucoup plus calme, voir presque transparent par rapport à la jeune fille, heureusement qu'il avait son chapeau loufoque.
La gamine fixa le vendeur de vélos, avec un regard plutôt étrange, entre le sévère et l'impatient. Que pouvait elle bien avoir derrière la tête ? Elle répondit toute seule à cette question, en en posant une autre :
- C'est toi le vendeur de vélos ?
- Il faut vouvoyer Flora... Je te rappelles que c'est un adulte. corrigea le gamin.
- P'tête bien que oui, p'tête bien que non. Mais vu la chaleur qu'il fait, je vous proposerais plutôt d'aller acheter une glace les demi portions.
- T'es pas bien le vieux croûton à nous parler comme ça ? ! réagit la furie au quart de tour.
- Mais t'es pas bien de parler ainsi ? ! Déjà, c'est "DE nous parler comme ça" ! s'énerva le compagnon, carrément gêné de la situation. Excusez là, elle est un peu sur les nerfs en ce moment.
- T'inquiètes, j'ai l'habitude des gosses qui crient un peu dès qu'ils ont un peu chaud.
- J'ai pas envie d'une glace ! Il me faut un vélo, c'est difficile à comprendre ? !
- Nan mais calme toi Flora, il ne faut pas...
- Toi tu te tais !
- Non non non! Lâche moi
aïïïe !
La jeune hystérique prit la tête du garçon sous le bras, lui retira son bonnet et lui frotta le sommet du crâne avec le poing. Mais Rodolphe avait la flemme d'intervenir, ce genre de spectacle le divertissait. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas vu une telle scène, c'était depuis qu'il était adolescent. Il n'y avait qu'une seule personne qui pouvait lui faire subir un tel supplice. Mais attendez... Quand on y pense, son visage lui faisait penser à cette même personne. Elle avait la même tronche énervée que Junie, c'était clair et net. Mais comment est ce qu'un tel maléfice puisse arriver ? Il se frotta les yeux plusieurs fois, mais rien n'y fait. La même tête, la même prise de soumission vue et revue dans tout les matchs de catch, il n'arrivait pas à se sortir l'idée qu'elle avait exactement la même personne. Il lui fallait plus d'informations, c'était trop compliqué pour lui. Il se mit alors, pour arrêter leur dispute, à leur lancer tout ce qu'il avait sous la mains. Les deux jeunes enfants prirent donc des stylos ainsi que des trombones en plein dans la tête. Étrangement, la tête du garçon avait plus tendance à attirer les projectiles, il se mit donc à se plaindre non seulement de ses brimades, mais aussi les attaques à distance du vendeur. Une fois qu'il n'avait plus qu'un clavier à leur balancer dans la tronche, il se disait que la meilleure idée était d'arrêter le bombardement :
- Bon maintenant vous arrêtez les mioches ! Pas de bagarre dans ma boutique !
- Ferme là vieux tas ! T'as plus rien à envoyer de toute façon !
- Et arrêtez de me lancer des trucs s'il vous plaît monsieur... Ça fait mal...
- Toi, gamine !
- Qu'est ce que tu as vieux shock ? !
- De un, je t'aime pas, t'es carrément énervante ! De deux, est ce que tu connais Junie Woods ?
- T'as un problème avec ma mère ? !
Putain... Il avait vu juste, cette gamine ressemblait bien à son amie qu'il n'avait pas vu depuis plus d'une trentaine d'années. Elle avait maintenant une gamine ? Et en plus, c'était une réplique parfaite, est ce qu'elle en avait fait d'autres pour créer une génération de filles qui collent des raclées aux mecs ? Est ce que c'était un plan machiavélique pour dominer le monde ? Rodolphe fit quelques pas en arrière, avec un visage profondément choqué. Cette révélation était beaucoup trop forte pour lui. Que foutait la fille de son amie d'enfance ici ? Et c'est qui le petit morveux qui l'accompagnait ?
D'ailleurs, ce dernier s'était un peu éloignée de Junie 2.0, il se frottait vigoureusement la tête. Il avait remis son bonnet et tenta de se cacher derrière les bicyclettes en promotions. Une fois qu'il se sentait en sécurité, il sortit quelque chose de sa poche. C'était un petit flacon en plastique qui était transparent. Il ouvrit le bouchon et versa un petit liquide translucide dans le creux de la main. Une fois qu'il avait refermé la petite fiole, il se frotta vigoureusement les mains entre elles. Le mécanicien s'approcha de lui tout doucement. Une fois qu'il était assez près de lui, il lui demanda :
- Hey gamin.
- Oui monsieur Rodolphe ?
- Comment tu connais mon nom ?
- C'est écrit devant le magasin.
- Ah oui... J'avais oublié. Et sinon qu'est ce que tu fous ?
- Je me met du gel hydroalcoolique sur les mains, mon père m'a toujours dit qu'il fallait le faire régulièrement, histoire de ne pas attraper des bactéries.
- Ah oui ? Je connaissais un mec de ce genre là, un peu loufoque mais il était marrant... Il s'appelle comment au fait ton père ?
- Hugh O'Connor, vous devez le connaître probablement.
De quoi ? Il était sérieux ce morpion ? La furie et le fantôme étaient tous les deux des enfants de ses amis ? Qu'est ce que c'était que cette mauvaise blague ? ! Ce n'était pas une caméra cachée, vu que personne ne se mettait à sauter partout après le geste ultra poussé de surprise du mécanicien. Il s'était reculé encore plus violemment que pour la fille de Junie, et il se prit les pieds dans l'une de ses créations. Il s'écroula au sol dans un grand cri bien ridicule, de quoi le faire passer pendant des mois sur des bêtisiers. Pendant qu'il était en train de geindre de douleur, les deux morpions s'approchèrent de la bête. Ils la regardèrent avec des yeux tous ronds, ils ne comprenaient pas la réaction de ce type un peu étrange. Une fois qu'un certain temps accompagné d'un étrange silence était passé, la jeune "Flora" demanda, avec une voix qui manquait de calme et de curiosité :
- On peut savoir ce qui ne va pas papi ?
- Junie et Hughe... Ils ont eu des gosses ? C'est quoi ce bordel ? balbutia Rodolphe.
- Vous les connaissez ? demanda le jeune garçon, c'est vrai qu'il ont tout de même profité d'une grande popularité.
- Rassurez moi les mioches... Vous deux... Z'êtes pas frères et soeurs ?
- Moi ? Avec Brice ? T'es sérieux papi ? ! C'est juste mon voisin, pas envie d'un fragile comme frangin !
- C'est pas très cool de parler de moi comme ça... remarqua le concerné, un peu blazé avec une mine triste.
- M'en fiche, tu restes un mec mou.
Bon... Au moins, la pire des catastrophes n'était pas arrivée, le grand Newman laissa passer un grand soupir de soulagement avant de se relever lentement. Il se mit à ranger tout ce qu'il avait lancé ou fait tomber, le jeune garçon, fraîchement nommé Brice, l'aida même dans ce petit ménage après la tempête. Une fois que chaque chose avait retrouvé sa place, le vendeur frappa dans ses mains pour enlever la poussière qu'il avait sur les paumes. Il se mit à fixer ces deux véritables phénomènes avec un regard plutôt sévère. La fille n'avait aucun problème à répondre en le regardant avec des sourcils bien froncés. Le second était plus timide, et tournait souvent la tête pour essayer de se faire oublier. Que pouvaient ils bien faire ici ? Si il faisait marcher un peu sa caboche, il se souvenait que la fille avait annoncé avec délicatesse qu'elle désirait un de ses articles. D'ailleurs, cette dernière regardait autour d'elle, elle était en train de se décider à choisir son article. Le vendeur s'amusa à la titiller un peu :
- On peut savoir où est ce que tu regardes la demi portion ?
- Je veux un vélo, et je sais pas encore lequel prendre. marmonna t-elle sans même tourner la tête.
- T'aura beau rêver, tu peux faire une croix dessus vu la pagaille que tu as foutu.
- Hein quoi ?
- Avant de pouvoir acheter quoi que ce soit, faudra me rembourser la porte que tu viens de défoncer.
- Quoooooiiii ? !
- Et moi ? demanda Brice, j'ai le droit à une bicyclette ?
- Bien évidement mon grand ! Et comme tu m'as aidé à ranger tout ce bazar, tu auras le droit à une petite ristourne.
- Mais c'est pas juuuuste !
Le vendeur se mit à rire un bon coup après une réaction aussi poussée de la petite peste. Elle était sur le point de péter un câble, et voir un tel visage était trop amusant pour lui. Il la rassura ensuite qu'il ne comptait pas vraiment la faire payer. Il ne voulait pas que sa blague aille trop loin, il voyait dans les yeux bleu marins de la petite peste qu'elle était prête à faire grossir sa facture. De toutes façons, il avait énormément d'argent à dépenser, et puis cette porte commençait à se faire vieille, on pouvait donc dire que cette gamine était un heureux hasard.
Il les laissa alors gambader dans toute la boutique, pour qu'il puissent s'émerveiller devant des destriers mécaniques qui ne demandaient qu'un fidèle pilote. Ils avaient tous les deux les yeux qui pétillaient, comme si ils venaient de découvrir une technologie supérieure de plusieurs centaines d'années. Ils se mettaient à courir de partout, des vrais mouches, il ne manquait plus que les bruitages. Il arriva enfin un moment où les deux avaient fait leurs choix, ils se dirigèrent vers le comptoir, là où Rodolphe patientait calmement. Il jeta un rapide coup d'oeil aux articles que ces deux morpions voulaient prendre.
Flora avait bavé sur le dernier modèle de vélo de course, la version la plus performante qu'il avait pu créer. Brice a préféré choisir un vélo cross, un peu plus vieux mais bien équilibré dans tous les domaines. Est ce que leurs parents leur avaient ordonné de prendre la même chose qu'eux ? Parce que faire exactement le même choix était assez surprenant. Les trois personnes restèrent immobiles, pendant un long moment, sans dire un mot. Ce fut encore une fois la fille qui brisa ce silence, apparemment pressée :
- Bon... C'est combien ? J'ai une arène à me farcir moi !
- Du calme... demanda le garçon au bonnet blanc, il faut avant que l'on fasse quelques recherches pour le Pokédex.
- Pokéquoi ? s'interrogea le mécanicien.
- M'en fiche de ça. Ce que je veux moi, c'est de la baston !
- Mais le professeur ne nous l'a pas donné pour s'amuser !
- Ok, vous pouvez m'ignorer si vous le voulez... maugréa le vendeur, victime d'un beau vent.
- Au pire, observa Flora, c'est pas le moment de s'occuper de ça. C'est combien pépé ?
- Gratuit, allez vous amuser.
- Quoi ? !
- Je vais pas faire raquer les gosses de mes meilleurs amis plein pot.
- Attendez... Vous êtes Rodolphe Newman ? ! demanda le jeune garçon.
- Je croyais que tu savais lire les panneaux gamin. répondit le concerné avec un sourire.
- Dans ce cas, j'ai quelque chose pour vous... Et toi aussi Flora.
- Moui...
Ils se mirent tous les deux à fouiller dans leurs sacs à dos. Avec un air assez sérieux dans leur façon de faire, comme si ils allaient sortir une Master Ball de leurs besaces. Le premier à avoir trouvé ce qu'il cherchait était Brice, avec un grand sourire. Il avait dans ses mains une petite chaîne brillante en argent. Elle était assez grande pour en faire un collier assez simple, mais attendez... Un collier en chaîne
d'argent ? Son amie sortit à son tour un même objet, mais plus petit, qu'on pouvait mettre au poignet. Il avait directement reconnu ces accessoires. Ils appartenaient à Junie et Hughe, que faisaient ces gosses avec quelque chose d'aussi précieux ? Les deux morveux ne lui laissèrent pas le temps de poser la moindre question. Ils posèrent ces trésors à côté de l'ordinateur et le jeune garçon s'expliqua :
- Avant de partir, nos parents nous avaient demandé de trouver un certain Rodolphe Newman. Il nous avaient dit qu'ils avaient respecté leurs contrats, et qu'ils vous remerciaient du fond de leur coeurs.
Le vendeur n'arrivait pas à y croire, qu'est ce que ces deux là avaient foutus pour confier un objet aussi précieux à ces gosses? N'avaient ils donc aucune notion de la raison ? Il ne détourna pas une seule seconde son regard du comptoir. Il fixait indéfiniment ces attaches, elles n'étaient plus aussi brillantes qu'aux premiers jours. Le collier avait même un peu noirci, ça ressemblait presque à des traces de brûlure. Et le bracelet avait quelques mailles rouillées, sûrement un coup de cette saloperie de tas de mucus. Elles avaient toutes les deux subi des efforts intenses, mais elles n'ont jamais rompues, elles ont toujours résisté. Elles sont toujours restées soudées, car leur amitié n'a jamais flanché une seule fois.
Au bout de quelques minutes, il entendit un petit tintement de clochette, la porte du magasin venait de s'ouvrir. Il se retourna immédiatement pour comprendre pourquoi il entendait un tel son maintenant. C'était les deux enfants, qui étaient sur le point de partir avec leurs nouvelles acquisitions. Ils allaient se barrer maintenant ?
C'était trop tôt ! Il n'avait pas tout ce qu'il lui fallait ! Il se lança à leur poursuite (qui ne dura que quelques secondes) et leur demanda dès qu'il se trouvait à leur hauteur :
- On peut savoir pourquoi est ce que vous vous tirez comme des voleurs ?
- Et bien... Vous aviez l'air captivés par ces chaînes... répondit Brice en s'excusant. On ne voulait pas vous déranger.
- Et puis comme vous nous les avez donné gratis, on n'a plus rien à faire ici.
- Toi... Je ne te supportes vraiment pas.
- Je m'en fiche papi.
- Et pourtant, tu ressembles comme deux gouttes d'eau à ta mère...
- Je savais pas que ta mère était aussi violente... remarqua le jeune garçon, en faisant un pas pour s'éloigner de sa camarade.
- Et toi, tu me fais penser à Hughe, à toujours vouloir éviter les microbes. Il m'a toujours fait rire avec sa petite bouteille de savon.
- Euh... Merci...
- Vous voulez un conseil? Voyagez un maximum avec ces vélos, car c'est grâce à eux que vous pouvez aller plus vite, plus loin. Ils ont portés les rêves de vos parents jusqu'au bout, et ils sont prêt à porter les vôtres maintenant, faites en bon usage.
- Merci monsieur Rodolphe ! remercia le jeune garçon au bonnet blanc, avec un ton enjoué et un grand sourire.
Il les laissa partir ainsi, sans rien dire. Les regarder filer comme le vent sur leurs destriers mécaniques était quelque chose de plaisant à voir. Sa théorie se révéla encore une fois exacte, en les fixant en train de pédaler à fond. La chose qui manquera toujours à un vélo pour qu'il soit parfait, c'est quelqu'un qui puisse l'apprécier à sa juste valeur. Voir les jeunes foncer vers un avenir prometteur était quelque chose de si beau à voir, il allait presque avoir une larme qui coule le long de sa joue. Mais en un instant, une ampoule fit tilt dans sa tête, il venait de se rappeler de quelque chose d'important. Il n'avait toujours pas ce qu'il lui manquait, il devait savoir une information qu'il devait avoir par dessus tout. Il se mit alors à hurler le plus fort possible, pour que les deux gosses déjà loin puissent l'entendre :
- Heeeeeyyyy les gnomes ! Vous m'entendez ? !
- Tu veux quoi encore vieux schnock ? !
- Dites moi ! Où est ce qu'habitent Junie et Hughe ? !
- Tous les deux à Bourg-en-Vol ! Ça te va ? !
- Merci beaucoup !
Alors comme ça, ils avaient décidé de crécher dans le village le plus petit et le plus reculé de toute la région ? Ils voulaient probablement fuir leur popularité, c'était presque évident. Mais pourquoi est ce qu'ils ont laissé Rodolphe sans nouvelles depuis plus de vingt cinq ans ? Tout ceci avait duré trop longtemps, il était temps de corriger cette erreur monumentale.
Il se jeta à l'intérieur de sa boutique, comme si une bombe H venait de péter à l'extérieur. Il se rua vers le comptoir et attrapa les deux chaînes qui reposaient tranquillement sur leur piédestal. Il les attacha, l'un à son cou et l'autre au poignet, avant chopper le premier vélo qui se trouvait à côté du mécanicien. Il claqua la porte de son magasin avant de retourner la petite pancarte pour indiquer la fermeture de sa boutique. Il enfourcha sa bicyclette en un instant, éprouver une sensation comme celle ci était grisant, un frisson parcourait le long de son échine. Il se lança en pédalant le plus fort possible dès le départ. Il était déjà plus de cinq heures, et il avait un grand chemin à parcourir. Il faudrait arriver le plus vite possible, il n'avait donc pas le choix, il devra pédaler à fond, sans faire une seule pause. Mais il n'avait pas peur, il sentait ses trois chaînes lui réchauffer doucement le corps. Elles lui donnaient de l'énergie, il se sentait aussi fort que lors de son adolescence, une seconde jeunesse. Il faudra passer par la piste cyclable, on verra bien si il battra son records d'antan. Plus il allait vite, et plus il était impatient de retrouver Junie et Hughe, ça faisait tellement longtemps qu'il ne les avait pas vu. Un grand sourire s'afficha sur ses lèvres, le vent filait entre ses cheveux, il pédalait de plus en plus vite. C'est alors, sous un élan d'énergie, qu'il hurla le plus fort possible, comme si son enfance avait prit le contrôle de ses cordes vocales :
- Chaud devant ! Poussez voooooouuuuus !