Les Fils de Kyogre de Rémi18%c

Bordel, mais qu'est-ce qui m'arrive? Qu'est-ce qui déraille chez moi?
Ah, c'est sur qu'il me manque une case. Non, je ne suis pas trop dur avec moi-même, simplement le plus réaliste possible.
Sinon, pourquoi referais-je ce même cauchemar? Ce même rêve insensé qui me ronge depuis tout ce temps.
Depuis ce temps.

Je sors prendre le frais sur le balcon. L'air est parfumé, doux, agréable. J'ai vraiment de la chance de trouver un appartement comme celui-ci en plein coeur de Mérouville. En plus, ma logeuse est adorable.
Accoudé à la rambarde, à moitié nu en caleçon rayé vert, je respire. On ne prend plus le temps de respirer. En passant la main dans mes cheveux, je me rend compte que ceux-ci me collent aux tempes. J'essuie les gouttelettes d'un revers de la main.
Il n'y a que les Papinox sauvages qui volètent au clair de lune. C'est la saison de l'éclosion des cocons, c'est normal qu'ils pullulent.

Ca devrait te passer mon vieux. A chaque contrariété, à chaque coup dur, tu rêves d'elle. Tu n'arrives pas à l'oublier, et tu culpabilises d'autant... Tu n'étais qu'un gamin à l'époque, qu'aurais-tu fais contre ça? Comment te serais-tu défendu?
Je ressens des trémolos dans mon monologue intérieur: ça me secoue encore sept ans ans après...

Pour vous situer, je suis né dans le petit village de Bourg-en-Vol.
Pas de souci particulier: seul rejeton de mes parents jusqu'à l'arrivée de ma soeur, j'ai eu une enfance heureuse, gâté et choyé comme il faut.

Et puis il y avait Anna.

Par un caprice du destin, nous sommes nés le même jour. Le 21 Novembre.
Il pleuvait à verse ce jour-là.
Ce qui frappe encore les gens qui s'en souviennent, c'est l'intensité de l'averse: on aurait dit que les nuages se crevaient littéralement en vomissant des cascades.
Nos mères respectives avaient déjà perdu les eaux. Comme le plus proche hôpital se trouve à Mérouville, nos deux familles sont parties dans le pick-up du professeur Seko.
Mon père conduisait comme un taré pour rejoindre la clinique au plus vite. Nos mères hurlaient, étaient en sueur.
C'est là que le drame se joua: le lac qui bordait le Bois Clémenti avait débordé: il était impossible pour le pick-up d'avancer. Ils ont bien cru que c'était la fin. Dans leurs dernières prières, ils n'eurent pas le temps d'apercevoir les deux éclats de lumière fendant les flots.
Un Latios et un Latlas flottaient à quelques mètres d'eux.
Nos pères restèrent éberlués, et comprirent que leurs prières venaient d'être exaucées.
Latios et Latias soulevèrent nos mères dans les airs et les amenèrent à la clinique saines et sauves. Nos pères durent quitter le véhicule en catastrophe, qui sombra au fond du lac.

La carcasse s'y trouve toujours.
Et puis nous sommes nés.
Nous devons tout à ces deux Pokémons. Qui sait ce qui serait advenu de nous, s'ils n'avaient pas volé à la rescousse de nos parents?

Depuis cette histoire, les gens de Bourg-en-Vol nous surnommèrent les enfants de la pluie. Nous étions comme deux jumeaux, inséparables.

Jusqu'au drame.

J'avais douze ans le jour où Anna disparut.
Je l'avais emmenée faire une ballade sur la route 103: je voulais lui montrer que mon Tarsal était le plus balaise et pouvait soulever des troncs d'arbres en deux deux grâce à son Choc Mental.
Mon pauvre Tarsal s'était crevé, et Anna s'était foutue de moi. De rage, j'ai commandé à Tarsal d'utiliser Téléport pour rentrer à la maison et abandonné Anna.
Ce fut la dernière fois que je la vis.
Quelques heures plus tard, je décidais de faire la paix et d'aller la chercher...

Rien.
Anna s'était plus là.

J'eus beau m'époumoner, l'appeler, ameuter sa famille et les adultes des environs, rien n'y faisait, Anna était introuvable.
On ne retrouva que les rubans qui liaient ses beaux cheveux roux en deux nattes.
Un avis de recherche à travers la région entière fut lancé: mais après cinq mois de recherche, les autorités jetèrent l'éponge.

J'eus le coeur brisé.
Je n'avais plus goût à rien.
Je rejetais violemment mon Tarsal, qui, voyant mon chagrin, devenait lui-aussi de plus en plus morose... Je ne me rendais pas compte à quel point je le faisais souffrir.
Peut-être que dans ma douleur, je rendais Tarsal coupable de ce qui s'était passé
A tel point qu'il tomba gravement malade presque un an après la disparition d'Anna.
L'équipe médicale avait placé Tarsal sous un coma artificiel, en annonçant à mes parents qu'il n'en avait plus pour très longtemps.

Ivre de rage, de remords et de désespoir, je courus jusque dans la chambre de mon Pokémon inanimé, et passa la nuit à ses côtés, à pleurer, à crier tout mon chagrin.
Les médecins et mes parents essayèrent de me raisonner en vain.
Tout ressortait, ce que j'avais enfoui en moi depuis près d'un an.
En serrant fort la petite paume de Tarsal, je finis par m'endormir en lui promettant de ne plus jamais le laisser tomber, de continuer à vivre pour Anna, et qu'elle n'aurait jamais voulu me voir baisser les bras ainsi.

Au petit matin, je fus réveillé par une faible pression sur mes doigts qui me fit tressaillir. En ouvrant les yeux, j'aperçus mon Tarsal, ls yeux mi-clos, embués de larmes, esquissant un faible sourire.
La force d'un sourire déplace les montagnes. A cet instant, elle m'avait redonné espoir en l'avenir.

En allant me recoucher, je jette un oeil sur mes six PokéBalls. Mes six partenaires, que j'ai vus grandir, combattre, qui partagé mes peines, mes joies, mon excitation.

Je repense au cauchemar. Je cours dans une forêt infinie, seul, apeuré. Tout est sombre.
La cadence ralentit, j'aperçois Anna. Anne me fait un signe de la main, avant de disparaitre. Elle crie, crie, crie...

Allez Ryan, ne te mine pas. Il faut se lever tôt demain...

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Encore à la bourre ce matin. Pourtant, j'habite à deux pas du taf, je devrais être à l'heure, pourtant. Et non: le gène de la ponctualité, je l'ai pas.
Ca fait bien rire mes élèves.
C'est un peu dingue à avaler, mais je suis professeur à l'Ecole de dresseurs de Mérouville.

Il faut que je vous explique. Un an après le rétablissement de Tarsal, je pris la décision d'entreprendre mon grand voyage initiatique à travers Hoenn. Mes parents s'inquiétèrent, mais ils le savaient aussi bien que moi, c'était un rite de passage. Leur petit garçon ne serait plus jamais le même, et affronterait l'évanescente gravité du monde adulte.
Le Professeur Seko approuva mon projet, et je choisis alors un Poussifeu.

Au cours de mon voyage, j'ai rencontré des gens formidables, affronté des gangsters fanatiques, capturé 4 Pokémon supplémentaires.
Si bien qu'aucun des champions ne me résista: j'avais les huits badges nécessaires pour défier le Conseil des Quatre de la Ligue.
Ce furent les combats les plus difficiles de mon aventure, mais mes Pokémons se battirent jusqu'au bout, cristallisant ma rage de vaincre et ma détermination.
Je vainquis Pierre Rochard, et accéda au rêve ultime de tout dresseur: Le Panthéon. J'étais rentré dans l'histoire de la région d'Hoenn pour avoir vaincu le champion à l'âge de 15 ans.

Puis, j'ai exploré la région de Kalos pendant deux ans, mu par la curiosité des Méga-Evolutions. A mon retour, Roxanne, la championne d'arène, me proposa un poste dans l'équipe pédagogique de l'établissement. Elle m'avoua qu'elle avait créé ce titre spécialement en mon honneur
Je rejoignis alors le corps enseignant, en tant que Professeur d'Affinité: désormais, j'aide les élèves à comprendre les émotions, les besoins et les attentes de leur Pokémon; je leur apprends aussi à adapter leur style de combat aux aptitudes et talents de leur partenaire, ainsi que l'importance du lien de confiance entre humain et Pokémon.

Aujourd'hui est un jour spécial: chaque Mercredi Matin, c'est le Tournoi des Professeurs à l'école: nous nous affrontons tous à tour de rôle dans un mini-tournoi: les poules sont tirées au sort, et nous n'avons droit qu'à un seul Pokémon, choisi lui aussi au hasard.
Les élèves assistent aux combats et attendent impatiemment le mercredi! Ce tournoi est aussi ouvert aux habitants de Mérouville!

Et merde, Roxanne et les sept samouraïs sont déjà dans l'Arène, les gradins sont pleins à craquer, le public est chaud ce matin!

- Et voilà, s'écrie Roxanne au micro, notre retardataire est enfin là, mais vous commencez à avoir l'habitude, cher public, non?

Eclats de rire de la foule. Elle faisait moins la maligne quand mon Poussifeu carbonisait littéralement son Tarinor à l'époque. Grognasse, va.

- Et maintenant que toute la bande est au complet avec l'arrivée de M. Konrad, je déclare le Tournoi des Professeurs ouverts!

Dans le Rush, j'en ai oublié le Téléport de mon Gardevoir. Ca ne couvre pas de grandes distances, mais ça m'aurait fait gagner quelques précieuses minutes...
La Championne fait piocher les numéros dans deux sacs différents pour former les duels et les Pokémons utilisés. Nous sommes huit, cela fait quatre poules de deux et ainsi de suite jusqu'au gagnant. J'affronte le numéro 3 avec le cinquième pokémon de mon équipe.

- Hey Ryan! Aujourd'hui je tiens ma revanche! Je vais pas te faire de cadeau, tu vas souffrir ta race!!
- C'est ça, Batsuo. Continue de rêver...

Batsuo, 37 ans, professeur de technique de combat. Un Dresseur redoutable doublé d'un très mauvais perdant. Je l'ai battu le mois dernier en finale du Tournoi, et il l'a toujours mauvaise.

Les autres professeurs se battent. Ils font le show, la foule est en délire.Des fois, je me dis que les Jeux du Cirque n'ont pas tellement changé...

- Et après cette époustouflante victoire, accueillons un duo non moins époustouflant: Batsuo contre Ryan!!! C'est parti!

Nous prenons tous deux place dans l'arène, après avoir échangé un sourire conquérant.

- Je vais littéralement t'écraser, gamin.
- J'attends de voir, papi!
- Je vais te faire regretter ton insolence. Leviator en avant!
- Gardevoir, go!

La foule nous acclame; ce sont nos deux Pokémons fétiches, et ils n'ont encore jamais combattu l'un contre l'autre.
Chacun d'entre eux porte une Méga-Gemme. Ca va saigner!

- Je prend les devants: Leviator, Ultralaser!

S'il croit que je vais me laisser faire comme un bleu...

- Gardevoir, esquive avec Téléport!

Elle réapparait derrière son serpent.

- Bombarde-le avec Choc Psy!
- Jamais: Leviator Draco-rage!

Les 2 attaques se heurtent de plein fouet, mais il revient à la charge.

- Hydroqueue!

L'ordure, il l'a assommée.

- Lance Danse Pluie! Avec ça, mes attaques aquatiques vont faire mouche.

Et voila, un grand classique. Les spectateurs le sifflent. C'est vrai qu'il y a plus agréable. Il faudrait peut-être faire installer une bâche pour les prochains matchs.

- Envoie ton Hydrocanon!

Le canon aquatique que tire son Leviator est impressionnant. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot.

- Utilise Psyko pour rediriger son tir!

Les pouvoirs psychiques de mon bébé m'étonneront toujours. La pression du jet retombe et s'évanouit en gouttelettes dans les airs

- Gardevoir, Fatal-Foudre, Vite!

L'éclair est boosté par l'orage, Leviator se reçoit les 100 000 volts...

- Ah, très bien. Tu veux jouer à ça... Leviator, Méga-Evolution!!!

En touchant la Gemme accrochée à sa ceinture, Leviator réagit, et méga-évolue sous les yeux ébahis des spectateurs. Je dois avouer qu'il en jette, il est vraiment diabolique comme ça.

- Mega Leviator, Vibrosbscur!
- Téléport, Vite!
- Ne la lâche pas, continue!

Au moment où Gardevoir réapparait, elle se fait heurter par les ondes démoniaques.

- D'accord. On va jouer ça à la loyale: Gardevoir, Méga-Evolution!

Gardevoir, en méga-évoluant, est absolument royale, et n'a rien en envier à son serpent de pacotille.

- Oh, s'étonne Roxanne, nous allons assister à un duel de titans, la deuxième partie de ce duel s'annonce épique!

Il est vrai que l'orage contribue au caractère dramatique de la situation.

- Méga Leviator, Ultralaser!
- Méga Gardevoir, Ultralaser!

Le talent Peau Féérique de Méga Gardevoir transforme les attaques Normal en attaques Fée et leur accorde un boost de puissance. C'est un super combo avec Ultralaser, il ne peut rien contre ça!

Explosion. La Fumée recouvre le Terrain, et son Leviator effectue une percée.

- Morsure!
- Pouvoir Lunaire!

Stop! Arrêtez tout!!

Le cri de Roxanne s'éleva à travers le brouillard. Le public se tut.

Gardevoir, reviens
Toi aussi, Leviator
Un homme d'âge mur, enveloppé dans une cape bleue, un chèche indigo et une capuche masquant son visage s'était avancé au milieu de l'arène.
Tout à coup, l'inconnu lève son bras gauche et me désigne de l'index, en expirant dans un râle rauque

- Ryan... Ryan... Sauver.... Anna....

Il ne put continuer et s'écroula au milieu de l'arène.