Le serment du phare
En se réveillant le lendemain, Harley sentit une odeur venant de la cuisine. Il fila dans la salle de bain, prit une douche et se changea. Il mit comme à son habitude le costume Cacturne qu'il avait lui-même conçu et dont il avait pris grand soin ; il se figea devant le grand miroir de la salle de bain. Harley s'analysait. Il n'avait pas beaucoup changé ces dernières années : ses traits s'étaient affirmés et il avait enfin trouvé son style ! Ses yeux verts s'étaient légèrement éclaircis, s'accordant davantage avec son chapeau ; ses cheveux teints en mauves n'avaient pas beaucoup poussé et il en était toujours aussi fier, les coiffant des heures entières en leur parlant doucement, les cajolant et répondant à tous leurs caprices.
Ses mains avaient gagné en douceur ; l'infirmière Joëlle de Nénucrique ne s'était pas fichue de lui. D'ailleurs, il s'en étala une noisette énergiquement pour combler la sécheresse de ses doigts de fée. Il devait vraiment trouver une crème sinon son visage serait un vrai désert lui aussi !
Il entendit sa sœur l'appeler à travers la porte ; il se dépêcha de mettre son chapeau sur sa tête et de filer dans les escaliers.
Dans la salle à manger, tous étaient réunis autour de la table, attendant patiemment le coordinateur. La bonne odeur des biscuits fraîchement préparés embaumait l'air de la cuisine. Quand Harley s'installa, il se rendit compte de la chance de pouvoir de nouveau déjeuner avec sa famille ; sa mère lui tendit un plateau où étaient alignés des biscuits qui venaient de sortir du four. Maintenant il savait les faire lui aussi ; il en prit un et le dégusta lentement. Il avait encore des progrès à faire pour dépasser sa mère. Il se souvint d'ailleurs que c'était ces biscuits-là que Flora avait trouvé pas "mauvais du tout". Ce souvenir était loin de l'enchanter et il évita de repenser à ces mauvaises choses durant la matinée. On déjeuna tranquillement, profitant de la présence du fils pour répondre aux moindres de ses désirs ; un verre de jus d'orange ? pas de problème, sa mère allait lui en presser un de suite ; des tartines ? sa sœur se précipitait en chercher et les lui préparait avec du beurre et de la confiture ; un thé ? son père versait les herbes aromatiques dans un bol d'eau bouillante et le versait dans une très belle tasse.
On discuta de beaucoup de choses : du Grand-Festival bien sûr, des Pokémon, des voisins, de la ville en général. Harley voulait éviter de glacer ses parents en posant une question mal venue et essaya donc au mieux d'éviter les sujets qui fâchaient. On se leva de table, rassasiés, prêts à se recoucher dans les draps chauds de la nuit mais on devait filer au marché de Poivressel pour s'occuper des installations du stand de poisson. On mit les manteaux et les chaussures dans la bonne humeur ; on quitta la maison tous ensemble. Harley sentit la fraîcheur du petit matin et mit pour la première fois son écharpe Octillery qu'il avait tricotée sur le bateau. Cet accessoire était tout bonnement adorable : la couleur dominante était le rouge vif, couleur du Pokémon eau. On pouvait voir çà et là de petits pompons jaunes clairs qui correspondaient aux ventouses du Pokémon poulpe. Quelle douceur ! Elle tenait incroyablement chaud ; Harley l'avait tricoté avec de la laine de Wattouat, cela lui avait prit du temps. Il en était fier et rendait ainsi hommage à son deuxième Pokémon préféré et ami depuis l'enfance : Octy.
On traversa les quartiers qui commençaient à s'animer ; les gens sortaient de chez eux un peu abattus, comme en deuil. Quand la famille d'Harley rencontrait des amis, ils marmonnaient des mots, accablés par un poids dont ils ne pouvaient se défaire facilement.
Cependant pour Harley, la vie était belle ; les Goélises s'envolaient en chantant leur insouciance, le soleil se levait sur une belle journée sans nuage dans le ciel. Rien n'indiquait que la journée fut sinistre comme le présageaient les habitants, voûtés et chagrinés par une mauvaise nouvelle. Harley tentait de discuter avec l'un d'eux mais ceux-ci ne voulaient pas en parler, ça faisait trop mal à leurs bons petits cœur de Poivresseliens.
Il voyait toujours les immenses grues décharnées qui agitaient leurs corps dans une danse macabre, affreuse, accompagné par un grincement ressemblant à un cri de torture.
Les travaux semblaient longs près du chantier naval et du port. Enfin, on arriva devant le marché en plein-air. Il y avait déjà du monde se promenant dans les allées commerçantes. Le stand de Jacques, l'associé et ami du père d'Harley, se trouvait au milieu du marché ; on dût heurter des épaules, bousculer des Pokémon, marcher sur des pieds innocents pour y accéder. On se salua chaleureusement, prenant un café autour de la table, papotant du beau temps, de la pêche qui avait été plutôt bonne. Jacques voulut avoir des nouvelles du Remoraid qu'il avait attrapé et offert à Harley. Heureusement, le Top-Coordinateur avait pris son sac avec lui ; on compta les Pokéballs que possédait Harley. Il en avait six : Cacty, Octy, Branette-chérie, Migalos d'amour, Doudou (un Grodoudou) mais personne ne connaissait son dernier Pokémon : Harley n'avait pas participé au Grand-Festival avec ce dernier car il l'avait attrapé juste après sa victoire.
« Octy, viens dire bonjour à un ancien ami ! appela le jeune coordinateur.
- J'ai vu la finale que tu as disputé avec Caturne et Octillery ; ils forment une très belle équipe ! félicita le pêcheur en voyant le Pokémon poulpe sortir de sa Pokéball. »
Jacques se mit à genoux pour embrasser le Pokémon eau qui l'avait reconnu et lui sautait déjà dans les bras ; ce fut émouvant. Angélique versa une petite larme et voulut à son tour faire un câlin à Octy. Harley libéra également Cacturne de sa Pokéball pour montrer au pêcheur à quel point il avait grandi depuis son départ.
« Quand je pense que je vous ai vu tout petits, toi, Cacnéa et Remoraid. Ça fait drôle de vous voir changés et grandis.
- Tu sais, nous n'avons pas changé, nous sommes toujours les mêmes au fond, répondit Harley en souriant. »
Cacturne et Octillery se mirent à discuter dans leur langage ; on les regardait, intrigués par le sens de leurs mots. Que pouvaient-ils bien se dire ? Ils partagèrent un fou rire et se tournèrent vers leur dresseur pour lui faire un gros câlin. Les clients qui achetaient leurs poissons furent attendris et pensèrent un peu moins à la mauvaise nouvelle qui les rendait moroses.
Soudain, au milieu de toute cette démonstration de tendresse, on entendit une voix grave et forte qui rugissait au loin. Harley se proposa d'aller voir se qui se passait car le stand marchait bien et on avait besoin de toute la famille pour combler les attentes des clients. On entendait cette voix dans tout le marché et ce fut assez compliqué de la localiser ; ce qui attira Harley vers cette fameuse voix, ce fut un attroupement près d'une estrade où parlait un gros bonhomme rouge de colère. Il criait dans un mégaphone et gesticulait comme un fou qu'on tentait d'égorger. Il invitait la population à se révolter et à rallier sa cause : celle de la raison et de la justice.
« Poivressel est une ville qui existe depuis l'Antiquité ! Elle a un charme qui fait venir tous les touristes, tous les dresseurs et tous les coordinateurs du monde entier et ces entrepreneurs véreux veulent la détruire pour construire un complexe maritime et se faire de l'argent sur le dos des habitants ! Il faut se battre ! Nous avons un patrimoine unique : une plage mondialement adorée, un Centre de concours Pokémon officiellement reconnu, le seul musée océanographique de la région d'Hoenn, un port magnifique où les Pokémon se plaisent à vivre et un chantier naval qui existe depuis le dix-septième siècle ! Tout ceci va voler en éclat, s'effondrer, s'évaporer pour laisser place à des conteneurs, des grues, des buildings ! Nos enfants, nos générations futures ne connaîtront pas la beauté de cette ville, son charme... »
L'homme s'étranglait, emporté par des sanglots et des larmes qu'il ne pouvait retenir.
« Ouais ! On ne peut pas les laisser faire ! s'écrièrent quelques voix révoltées. »
Harley ne pouvait en croire ses oreilles. Il avait besoin qu'on lui répète les faits pour qu'il puisse bien comprendre. Sonné, il vit autour de lui des visages qui semblaient plus abattus que révoltés. Il avait enfin une réponse à sa question posée hier soir : "Il y a des travaux à Poivressel ?" qui avait jeté un si grand froid dans la maison et dans la ville. Voilà pourquoi tous les visages étaient fermés ce matin, pourquoi certains pleuraient sans raison, semblaient éplorés comme en deuil d'un être cher : leur ville !
Il avait enfin compris pourquoi des grues s'étaient installées ici et avaient brisé la tranquillité de Poivressel. On voyait au delà du marché quelques immeubles et buildings qui commençaient à pousser maladroitement, soutenus par ces monstres aux longs membres amaigris.
Lui, habitant de la ville, était profondément révolté et blessé par ce dessein qui allait détruire ses souvenirs au profit d'argent, de milliers de billets s'envolant vers les poches des entrepreneurs débordant de richesses volées. Harley ne savait que faire : il voulait voir le responsable de ce futur carnage et lui dire ce qu'il pensait, ce qu'il avait sur le cœur ! Mais seul, il n'y arriverait pas. La ville devait s'unir et riposter pour ne pas se laisser dominer : la ville c'est avant tout ses habitants !
L'homme rouge qui était debout sur l'estrade s'était arrêté de parler, pleurant de chaudes larmes devant ses auditeurs ébahis.
Harley voulait monter une révolte et voyait déjà un plan pour arrêter les travaux : faire une marche jusqu'au chantier avec toute la population et les Pokémon pour négocier avec ces monstres de la finance. Il se voyait déjà meneur de tout un peuple en colère, criant à l'assassinat d'une ville qu'on aurait éventrée sauvagement. Mais au fond de lui, il sentait que cela ne servirait à rien, que tout ses efforts seraient voués à un cuisant échec, qu'on avait déjà tout tenté avant lui sans que cela ai fonctionné. Il fallait pourtant montrer qu'ils avaient un avis à donner, qu'il ne s'écraseraient pas en silence, en attendant d'être chassés de leur propre demeure où avaient vécu leurs ancêtres et où vivraient leurs enfants ! Les habitants devaient penser à l'avenir de cette ville qui avait survécu au temps qui passe, aux tsunamis, aux éruptions volcaniques qui plus d'une fois avaient risqué de la rayer de la carte à jamais. Ils devaient penser à leurs ancêtres qui s'étaient battus pour rendre la ville agréable ; ils devaient se battre pour leurs enfants sans quoi ceux-ci seraient élevés dans des forêts, loin de la civilisation et de cette ville faisant partie intégrante de la région d'Hoenn.
L'attroupement s'était dispersé, les gens retournaient à leurs occupations, soupirant toujours. Harley rappela Cacturne et Octillery.
Il se mit en marche, baissant la tête, essayant de savoir où il en était, triant les idées qui lui venaient subitement au visage, comme une bourrasque. Comment un jeune homme comme lui pouvait faire se lever une révolte face à des habitants pleurant sur leurs sorts alors que l'homme rouge de tout à l'heure avait un discours énergique et touchait même un cœur de pierre ? Il devait mener le combat de front et prit la résolution d'aller au chantier pour discuter avec le chef de tout ce projet répugnant.
Il prit le chemin le plus court pour rentrer à la maison, courant à en perdre haleine, sans regarder la ville qui se déroulait au dessus de ses paupières. Il faillit heurter des personnes ou des lampadaires, tant il était pressé de s'enfermer dans sa chambre pour pleurer.
En arrivant chez lui, en effet, il monta directement dans sa chambre, claqua la porte dans un fracas qui le fit trembler d'émotion et se mit à penser, assis en face de son bureau. Il reconnut son trophée du Grand-Festival dont il avait été si fier mais dont il était maintenant écœuré car inutile dans sa lutte pour sauver la ville qu'il aimait. Il l'écarta d'un revers de la main, sans compassion, et prit son ordinateur portable. Il l'alluma et aperçut en bas de l'écran une icône qu'il ne reconnut pas d'abord, puis il se rendit compte que quelqu'un avait tenté de l'appeler durant son absence. C'était son amie Solidad. Il cliqua sur l'icône et rappela la jeune Top-Coordinatrice. Heureusement elle se trouvait à ce moment là dans un Centre Pokémon et pût répondre à l'appel de son ami.
« Harley ! Comment vas-tu ? Félicitations pour ta victoire au Grand-Festival ! Te voilà à égalité avec moi ! dit-elle ravie d'avoir son ami en vidéo-conférence.
-... J'ai besoin de toi, Solidad... répondit Harley en s'effondrant devant son écran. »
Il ne voulait pas craquer devant ses amis, que penseraient-ils de lui ? La jeune femme essayait de comprendre la cause de cette crise de larmes sans y parvenir tant Harley pleurait.
« Ne t'inquiète pas, je prends le premier bateau pour Poivressel et je te rejoins, d'accord ?
- C'est vrai ? Oh merci, merci ! J'ai tant besoin de mes amis...
- Je suis là, ne t'en fais pas. Je suis à Nénucrique, je serai bientôt là. Par contre si je veux arriver vite, je dois partir maintenant !
- Oui mais... »
Solidad venait de raccrocher sans laisser à Harley le temps de la prévenir de ne pas appeler Flora ou Drew ; non pas qu'ils n'étaient pas ses amis mais il voulait éviter de les embarquer tous dans une histoire qui pourrait mal tourner.
Soulagé, Harley se moucha vigoureusement et sortit de sa chambre, déterminé à aller tout de suite au chantier de destruction de la ville. Une fois dehors, il prit la direction du port où se trouvait le chantier ; quand il était déterminé, Harley faisait de grands gestes impétueux tel un roi. Il n'était pas comme certains habitants à se morfondre sans rien faire, il ferait entendre sa voix !
Comme il se rapprochait des grues et des immeubles, il reconnut des Ouvrifiers, des Machopeurs, des Hariyamas qui travaillaient dur. Dans le chantier même, on ne voyait presque pas d'être humain ; un seul semblait être le dirigeant : il vociférait des ordres violents, grondaient les Pokémon ou les insultaient gratuitement. Il était habillé avec classe : costard noir, cravate bleu marine et de belles chaussures cirées. Quand cet homme vit arriver le Top-coordinateur, il l'interpella brutalement.
« Eh, viens là l'épouvantail ! Depuis quand on fait des pauses ici ! Va aider les autres et plus vite que ça sinon mon pied va te montrer comme il fait mal ! »
Il prenait Harley pour un Pokémon ! Il l'appelait Cacturne, lui demandait d'utiliser ses bras pour porter des poutres mais comme le jeune homme ne répondait rien, trop énervé de cette attitude dictatoriale, le chef lui ordonna de monter la garde devant le chantier au cas où des visiteurs indésirables arriveraient.
« Si tu en rencontres, utilise une attaque Balle Graine pour les chasser ! »
A bout de nerfs qu'on se moque de lui, Harley s'approcha de cet homme et le frappa au-dessus de la tête, s'écria qu'il n'était pas un Cacturne, qu'il ne ferait pas ce que lui ordonnerait un homme aussi détestable !
« Un Cacturne qui parle ? Jamais vu ça... répondit simplement celui-ci, ahuri. »
Harley faillit tomber à la renverse. Il enleva son chapeaux pour lui montrer ses cheveux mauves et prouver qu'il était un homme. Cependant son interlocuteur ne comprenait toujours pas : il croyait à présent qu'Harley était une jeune fille perdue dans les chantiers. Il lui parlait rudement, le prenant pour une demoiselle.
« Je suis ici pour vous dire que je n'accepte pas que vous détruisiez ma ville !
- Ah, je vois. Bon, désolé ma jolie mais j'ai pas le temps de bavarder avec toi, j'ai un chantier à terminer. Va retrouver tes poupées, ici c'est un lieu pour les bonhommes pas pour les petites pestes. Le temps c'est de l'argent ! »
Harley se retint de le frapper ; non seulement il ne le prenait pas au sérieux, il se foutait complètement de cette ville qu'il allait dévaster mais en plus il le prenait pour une gamine ! Était-ce de la provocation où était-il aveugle ? L'homme se dirigea vers un Machopeur et un Hariyama et leur ordonna de chasser cette visiteuse indésirable. Les deux colosses jetèrent un regard mauvais à Harley qui fit une grimace : qu'allaient-ils lui faire ? Il était sans défense, sans Pokéball face à ces montagnes de muscles. Il prit la décision, à contrecœur, de quitter le chantier pour le moment, humilié.
Cette entrevue était un véritable échec : le chef du chantier (était-ce vraiment lui ?) ne l'avait pas écouté une seule seconde et s'était même moqué de son physique ! Ce genre de railleries le blessait encore, il n'en avait pas subies de pareilles depuis l'école primaire. Il voulut encore pleurer mais c'était donner raison à cet homme ; il décida de se balader dans la ville, puisqu'elle n'était pas encore détruite. Il voulait en profiter avant de la voir disparaître.
L'après-midi fut tranquille, tous les habitants s'étaient enfermés ou sortaient peu, craignant un désastre devant leur porte. L'idée d'une révolte germait dans l'esprit d'Harley ; il devait convaincre la ville de s'insurger sinon il serait trop tard ! Les travaux avaient déjà bien commencé : l'ancien port était quasiment détruit au profit d'un plus grand. L'eau était polluée par les métaux qui rouillaient déjà, la verdure avait été arrachée comme on arrache une mauvaise herbe. Les travaux commençaient à empiéter sur le Centre Pokémon et le musée océanographique tel une gangrène se développant et amputant une jambe.
Le soir, Harley monta dans le phare contempler la mer pour se calmer. Celle-ci ne semblait pas inquiète du sort de Poivressel, confiante et rassurante. Le flot des vagues apaisait Harley qui regardait au loin pour voir si un espoir ne se profilait pas. Il attendait l'arrivée de Solidad et croyait la voir arriver sur le bateau qui l'avait emmené il y a deux jours, lui, le Top-Coordinateur. Il reconnut ce bateau et se souvint de la joie qu'il avait éprouvé en revenant ici, insouciant. Il se souvint de la question qu'il s'était posé en sirotant son Soda sur la plage : "que pourrais-je bien faire ici maintenant ?". Il avait la réponse : se battre pour Poivressel ; ce combat serait le plus beau qu'il aurait à disputer de toute sa carrière de coordinateur et d'être humain. La récompense serait la survie de cette ville qu'il aimait tant et elle valait plus qu'un simple trophée gagné dans une compétition.
Il entendit la pluie tomber dans un fracassement soudain. Il n'eut pas envie de quitter ce phare où il se sentait chez lui, en sécurité.
« Harley ? »
Le coordinateur reconnut cette voix de crécelle. Il se retourna et vit se dessiner dans l'ombre une silhouette féminine.
« Oh, non ! pas elle ! marmonna-t-il en dévisageant la jeune femme. »
C'était elle, sa rivale.
« Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda-t-il.
- Solidad m'a dit que tu avais des problèmes.
- De quoi je me mêle ? J'ai appelé Solidad pas toi, mon chou. »
Harley ne se sentait pas d'humeur à bavarder et ne voulait pas discuter avec cette tête de pioche ; certes elle avait fait tout ce chemin pour lui mais il ne se sentait pas capable de reconnaissance pour ce si beau geste. La jeune femme s'avança ; Harley pût la voir à travers l'éblouissement d'un éclair qui frappait la mer. C'était bien elle ; c'était Flora.
« Dis-moi ce qui ne vas pas Harley... Je veux t'aider.
- Je ne veux pas de ta pitié. Ne me regardes pas avec ces yeux-là... Si tu veux m'aider il ne faut pas un être piètre dresseur ; c'est du sérieux cette fois-ci. Une ville est en jeu, Flori-chou. »
Elle lui tendit la main ; il la prit et la serra presque à contrecœur, de devoir travailler avec elle. Mais il savait qu'on pouvait au moins lui faire confiance et qu'elle se battrait à ses côtés.
« J'accepte ton aide non pas parce que tu me considères comme un ami mais parce que nous sommes tous deux des coordinateurs et que nous devons nous entraider. Pas de bons sentiments, compris ? précisa le jeune homme. »
Elle acquiesça silencieusement. Le serment était scellé. La pluie tambourinait toujours ; un éclair ébranla le phare et on entendit au loin le tonnerre rugir.