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Trois chaînes pour deux vélos. de TheMizuHanta



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» Auteur : TheMizuHanta - Voir le profil
» Créé le 31/10/2014 à 16:10
» Dernière mise à jour le 09/06/2015 à 00:07

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Chapitre 3 : Confrontation et volteface.
- Pourquoi... Est ce que ça ne veut pas marcher... ?

Rodolphe était encore et toujours dans son atelier, il y avait passé toute la nuit ainsi que la dernière. Cela faisait déjà une semaine qu'il utilisait tout son temps libre pour le passer dans cet endroit, celui dans lequel il a toujours grandit. Le fait qu'il était resté trop longtemps dans l'ombre se voyait sur son teint pâle, alors qu'il avait toujours une peau bronzée. Il n'a pas non plus dormi depuis deux semaines, des énormes cernes soutenaient ses yeux épuisés. Cet état qui donnait de la peine à voir n'était pas dû au hasard, mais plutôt à un problème.
Cela fait plus de trois semaines qu'il tente un montage bien particulier, et il procède toujours de la même manière. Il met en place son système composé principalement d'engrenages digne d'un niveau confirmé en mécanique et il l'attache à un simple cadre en aluminium. Il retourne le vélo obtenu pour le poser de façon à avoir les roues en l'air et il pédale tout simplement de la main pour vérifier si le travail est correct. Sauf que chaque tentative se soldait par un échec cuisant, et ce dernier s'exprimait en faisant tomber un à un chaque composant qui était sensé faire tourner le produit final. Il avait beau essayer encore et encore, en changeant le cadre, la chaîne, en graissant un peu plus les liaisons. Mais à chaque fois, il ne suffisait que d'une dizaine de secondes pour que le tout finisse par terre, à rouler sous le plan de travail.
Il commençait aussi à avoir sacrément faim, car ses nombreuses expériences ratées occupaient beaucoup trop son esprit pour penser à son ventre, il avait donc sauté repas sur repas. Ses mains commençaient aussi à trembler, sa vue se troublait, il ne se sentait vraiment pas bien. Mais il n'avait pas le temps pour s'occuper de lui même, il n'avait tout simplement pas le temps. Il ne lui restait que deux mois avant que l'année scolaire ne soit finie. Il n'avait plus que soixante jours pour donner à ses compagnons deux vélos qui répondraient à tous leurs besoins, et il n'arrivait même plus à faire tourner quatre roues dentées. L'épuisement multipliait sans retenue l'intensité de la colère qui rongeait l'intérieur de l'adolescent. Il mit en place une dernière fois le montage, en sachant pertinemment que ça ne marcherait pas. Une fois la manipulation faite, il hésita à faire tourner le pédalier. Est ce qu'il voulait vraiment le faire ? Est ce que ça valait la peine d'être déçu encore une fois pour rien du tout ? Son esprit décida qu'il fallait encore tenter le coup, il posa doucement sa main sur la pédale de droite et fit lentement tourner le système. Il n'y avait aucune étincelle dans son regard, pas comme à chaque fois qu'il tentait un mélange farfelu de milliers de pièces qui tournaient ensemble à l'unisson. Il n'avait pas ce sourire qu'il avait à chaque fois qu'un nouveau projet marchait, qu'il fonctionnait dans l'ensemble même si il y avait quelques imperfections. Il arrêta de faire tourner le tout dès qu'une roue dentée se détacha du reste, il ne voulait pas ramasser la totalité des pièces si elles devaient tomber.
Il succomba à une rage sans fin, il se mit à hurler à plein poumons et jetait tout ce qu'il trouvait sous la main. Ses premiers outils, ses manuels, ses matériaux primaires ainsi que tous ses ouvrages portant sur des bases de mécaniques. Tout s'envola dans un coin, là où il savait qu'il ne s'y approcherait plus avant longtemps. Une fois qu'il avait tout jeté dans cet endroit, il n'arrivait plus à tenir debout, il avait atteint ses dernières limites, il n'avait plus aucune force. Il succomba à la fatigue et s'écroula au sol, il avait finit par s'évanouir.


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Le jeune mécanicien finit par se réveiller, avec un énorme mal de crâne. Il se souvenait de ce qu'il venait de se passer, mais il ne savait même pas quel jour on était. Il jeta un rapide coup d'oeil sur l'horloge qui était en face de lui, il était 14h21. Il se leva péniblement, il ne voulait pas rester sur le béton froid qui était trop peu confortable. Après avoir scruté son environnement, il avait comprit qu'il venait de tomber d'épuisement. Il n'avait pas envie d'aller dormir, mais il ne voulait surtout pas rester ici, il fallait qu'il sente un air libre. Il sortit donc rapidement de son atelier, en espérant que cette promenade lui serait bénéfique, dans n'importe quel sens du terme.


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- Hey Rodolphe !

Le concerné tourna instinctivement le regard vers la source de la voix qui lui était adressée. C'était Junie ainsi que Hughe, ensemble. Qu'est ce qu'ils pouvaient bien faire ici ? Il n'essayait pas de se poser trop de questions, sa tête lui hurlait qu'elle était incapable d'y répondre. Il se dirigea donc tout simplement vers eux, c'est à ce moment là qu'il commençait à sentir des effets de fatigue, et ce n'était pas vraiment agréable. Dès qu'il arriva à leur hauteur, les deux pouvaient voir le visage de leur ami, et lui demandèrent, avec un ton carrément inquiet :

- Mec, il t'es arrivé quoi ? ! Pourquoi tu ressembles à un zombie ? fit Hughe, complètement alarmé.
- Juste un peu de boulot... répondit tout simplement l'adolescent.
- Et t'as maigri ! remarqua Junie vraiment décontenancée.
- Je mange léger en ce moment.
- T'as les yeux livides... T'es sûr que tu vas bien ?
- Si je te le dis ? Oui, ça va nickel chrome, j'ai juste passé une nuit blanche, c'est tout.

Étrangement, cette affirmation n'avait pas l'air de marcher du tonnerre, il suffisait de regarder leur visage pour comprendre qu'ils ne le croyaient pas du tout. Ils avaient une mine complètement attristée, et les faibles explications de leur camarade n'aidaient pas du tout. La seule solution qu'avait donc le jeune artisan, c'était de mener la discussion vers un autre sujet. Il se risqua alors, en espérant qu'il ne remettent pas son état sur le tapis :

- Ça fait longtemps que je ne vous ai pas vu depuis longtemps ensemble... Vous faites quoi ?
- On va à Poivressel, il paraît qu'il y a un nouveau film démentiel qui sort. Tu veux aller le voir avec nous ?
- Oh non merci. Pas trop envie d'aller au cinoche en ce moment, désolé...
- Pas grave, une prochaine fois sûrement !
- Et vous comptez y aller comment ? Par la route ?
- Bah nan, à vélo !

L'adolescent n'avait même pas remarqué qu'ils avaient sous les mains un vélo chacun. Comment est ce qu'il n'a pas pu les voir ? Il devait vraiment être crevé pour ne pas avoir aperçu un truc aussi gros. Son regard se posait instinctivement sur les composants qui constituaient le cadre, il en était presque malade. Il avait pourtant fait un nombre démentiel de fois la même mise en oeuvre, pourquoi est ce que ça ne voulait pas fonctionner chez lui ? Mais ce qu'il finit par remarquer, c'était le logo qui était sur le cadre. Il y avait une grande flèche dorée, avec un nom en lettre capitales sur le côté, il s'agissait des créations Romuald. Ils avaient des vélos de son père ? Qu'est ce que c'était que cette histoire ? ! Ils se foutaient de sa gueule ? Comme s'ils voulaient narguer Rodolphe, ils se mirent à discuter de leurs bécanes, en l'ignorant complètement :

- D'ailleurs je l'ai un peu essayé, il est pas si mal que ça ! commença Junie.
- C'est vrai, même si j'ai quelques défauts à lui reprocher... continua Hugue.
- Toi aussi tu trouves qu'il faut qu'il soit plus léger et plus fin ? Comme ça il pourrait aller plus vite !
- Laisses moi rire... ironisa l'hypocondriaque, ce vélo est certes un peu lourd et encombrant, mais c'est fait pour aller dans des endroits où tu ne peux pas aller à pieds ! Il faut qu'il soit légers, mais plus épais pour être résistant. Il faudrait aussi d'autres roues que celles ci, tu dois caler dans la boue avec un truc comme ça.
- Pfff n'importe quoi... Si tu le fais plus épais, il sera forcément plus lourd, je croyais que monsieur était un génie.
- Pour faire plus légers avec plus épais, il suffit d'utiliser un autre matériau. Tu devrais faire tourner ta langue sept fois dans ta bouche avant de dire des âneries pareilles.
- Moi j'ai pas le temps de traîner ! Je dois aller vite avec un vélo, point barre ! répliqua t elle en haussant le ton.
- Imbécile ! Il faut qu'il soit capable d'aller n'importe où, c'est ça la définition d'une bicyclette !
- Vous... Vous foutez... De ma gueule... ?
- Quoi ? firent les deux en coeur, arrêtant de suite toute bataille verbale.

Ils tournèrent instinctivement leur regard vers celui qui avait émit cette question. C'était toujours le jeune artisan. Il avait la tête baissée, les poings serrés et il n'a jamais autant serré les dents de sa vie. Il n'arrivait plus à rien, tout ce qu'il faisait tombait en morceaux, il travaillait tellement dur pour essayer de finir dans les délais. Qu'avait il en retour ? Ses deux meilleurs amis, en train de se pinailler sur ce qu'est un vélo, avec les produits de son père sous les bras ? C'était du pur foutage de gueule, et aujourd'hui, il ne comptait pas mâcher ses mots :

- La véritable définition d'une bicyclette... ? Est ce que c'est une blague ?
- Qu'est ce que tu veux dire par là ? demanda Hugues, se sentant concerné.
- J'ai grandit pendant douze ans dans une fabrique... Pendant cette douzaine d'années, j'ai trimé comme un malade à construire des tonnes de mécanismes pendant que les autres jouaient dehors avec leurs Pokémon.
- C'est de moi que tu parles ? risqua Junie, se sentant un peu mal à l'aise.
- J'ai construit nombre et nombre de bicyclettes, de deux roues... Et vous savez quoi ? J'en ai aucune idée de ce que ça veut dire, le mot "vélo".
- Qu'est ce qui va pas Rodolphe ? T'as vraiment pas l'air bien...
- J'ai passé cinq jours sans sortir de ma fabrique, celle que vous avez réduites en bouillie un nombre incalculable de fois. Et pourtant, je disais toujours que ce n'était pas grave, qu'il n'y avait pas de problème... Et maintenant, vous essayez de m'apprendre ce que c'est qu'un vélo ? ! demanda l'adolescent en ayant haussé d'un grand cran le ton de sa dernière question.
- On voulait pas dire ça, on savait pas que tu avais mal vécu ces derniers jours... s'excusa le garçon en bleu.
- Et puis qu'est ce que je vois maintenant ? Vous avez de beaux vélos venant de mon père... Et je sers à quoi moi dans tout ça ? J'ai juste à vous tenir la main pour vous aider à le monter ? !
- Et c'est pour ça que tu t'énerves ? demanda Junie, en ayant perdu toute sa tristesse.
- Mais je ne m'énerve pas... Je remarque juste que pendant que certains essayent de tenir tant bien que mal leur promesse, d'autres se foutent de sa gueule !
- Parce que l'on a prit les vélos de nos parents ?

C'était maintenant Hugue qui avait reprit toute sa confiance à son tour. Qu'est ce qu'ils avaient ces deux là ? Ils étaient maintenant contre lui ? C'était fort le café ! Ils le regardaient maintenant comme si c'était un pauvre Skitty que l'on avait retrouvé dans une boîte, au beau milieu de la rue. Non, c'était pire, il avaient du mépris en plein milieu du visage. Ils le regardaient de haut, ils se moquaient intérieurement de Rodolphe. Mais maintenant, ce dernier savait parfaitement qu'il était partit beaucoup trop loin, et c'était trop tard pour s'excuser. Il attendit avec appréhension l'épée de Damoclès lui trancher le cou. Ce fut Junie qui commença :

- Je ne sais pas le pourquoi du comment. Du genre comment tu es arrivé ici en n'ayant pas dormi pendant presque une semaine, ou pourquoi est ce que tu décides de péter un câble aujourd'hui. Mais c'est pas parce que l'on a fait une promesse ensemble que l'on a pas le droit d'être sur un vélo. Tu le fais bien depuis que tu as sept ans le parcours de la piste cyclable, nan ?
- Certes, mais c'est pas pour ça que je...
- Et puis au fait, reprit le jeune coordinateur, ils sont où les vélos que tu as promis ? Ça fait plus de dix ans qu'on attends nous.
- Hein ?
- Tu as toujours dit que quoi qu'il arrive, tu arriveras à finir ce que tu dois faire pour nous quand nous aurons fini l'année scolaire. Tu en es où maintenant ?
- Pas... Encore fini...
- Et tu t'amuses à nous faire la morale parce que l'on ne voulait pas aller à Poivressel à pied ?
- C'est pas ce que je voulais dire...
- Comme ça dès que c'est un peu difficile on s'énerve sur les autres ? Tu crois pas que tu te comportes comme un pauvre gosse ? enchaîna la dresseuse.
- Si tu penses que tu ne peux pas y arriver à temps... Pourquoi attendre encore deux mois ? On peut le faire maintenant.

Quoi ? Qu'est ce que c'était que ces propos ? Il n'était pas sérieux ? Dès que Rodolphe leva la tête, ses pires cauchemars étaient en train de se réaliser. Hughe avait retiré le collier qui ornait son cou. Sur ce coup là, même Junie était complètement surprise, elle ne s'attendait pas à ce qu'il soit à ce point énervé. Il gardait cette chaîne qui pendait dans sa main, elle ne bougeait que par la force du vent qui soufflait entre les trois. Cet assemblage de maillions d'argent était tout ce que le trio avait de plus cher. Malheureusement, le coordinateur en herbe savait ce qu'il comptait faire, ses yeux débordaient de sûreté, il ne bluffait pas. La jeune fille suivit à son tour son ami, et détacha son bracelet du poignet. Les deux avaient la preuve de leur amitié inébranlable dans leur main, et ils fixaient ensemble le troisième. Le mécanicien avait comprit depuis un moment ce que le coordinateur comptait en faire. La seule règle qui était liée à ces chaînes était simple. Si l'un des trois devait renoncer à son rêve, ils devaient tous les briser ensemble, car il n'y aurait plus aucune raison qu'une amitié continue ainsi.
Rodolphe fit un pas en arrière, il était terrifié par cette idée, il ne voulait pas que ça se termine ainsi.

- Alors Rodolphe, tu la sors ta chaîne ?

Non, il refusait catégoriquement de suivre leur mouvement. Il ne voulait pas que ça se termine comme ça. Pourquoi est ce que ces deux là étaient déjà aussi déterminés à briser cette amitié qui a duré pendant si longtemps ? Il a trimé durant plus de dix ans, et c'est comme ça que ça allait se finir ? Ils allaient tous les trois repartir chacun de leurs côtés, en faisant comme si ils ne s'étaient jamais connus. C'était ça ce qu'ils voulaient ? Le concerné refusa la proposition de ses amis de la tête, il ne pouvait s'empêcher de reculer. Il ne voulait pas rester ici, c'était mauvais pour lui, c'était mauvais pour eux. Lorsque les deux eurent la réponse du jeune garçon en rouge, ils rangèrent tous les deux leurs chaînes. Ils continuèrent à fixer l'intéressé, avec un regard toujours aussi sévère. Il lâchèrent finalement, avant de partir en route pour Poivressel :

- On a encore confiance en toi, tu sais ce qu'il te reste à faire, n'abandonne pas.


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Rodolphe était retourné à la maison, il n'avait plus la force de faire quoi que ce soit dehors. Il avait vécu probablement le pire jour de sa vie. Sans même y faire attention, il était retourné instinctivement dans sa grotte, son atelier où il y a passé tellement de temps. Il ne le remarqua qu'une fois qu'il avait fermé la porte derrière lui. Le second détail qui le tracassait, c'était qu'une lumière était encore allumée. Avait il oublié de l'éteindre en partant ? Apparemment, elle avait été mise sous tension après son départ, car il y avait quelqu'un devant le montage qui le rendait complètement fou. La lampe commençait faiblement à mourir, il était grand temps de la changer. Il a fallu un peu de temps à l'adolescent pour comprendre de qui il s'agissait.
Une carrure plutôt élancée, des cheveux poivre et sel, mais qui conservait une certaine force tranquille. Un visage plutôt carré qui faisait ressentir les longues années de dur labeur, ainsi qu'un survêtement vert qu'il ne lâchait jamais. Il ne lui suffisait que de ça pour qu'il comprenne qu'il s'agissait de Romuald Newman, son père, le roi du vélo dans Hoenn tout entier. Il avait l'air intéressé par l'assemblage qu'avait réalisé son fils. Il était en plein dans sa pose de réflexion, le bras droit en horizontale, le coude gauche sur le bras et en train de se gratter sa barbe de trois jours. Il avait un petit sourire en coin de bouche, que pouvait il bien avoir derrière la tête ? Aujourd'hui était une journée exécrable, Rodolphe ne voulait pas passer plus de temps ici. Il demanda alors directement à son interlocuteur, d'un ton morne et peu patient :

- On peut savoir ce que tu fais là papa ?
- Que font tous tes outils dans ce coin Rodolphe ? demanda le quinquagénaire sans détourner les yeux.
- C'est... hésita t il un long instant, une longue histoire, je rangerais bientôt promis. Pourquoi est ce que tu regardes ça ?
- Parce que je trouve ton montage plutôt intéressant... C'est avec cette dernière pièce que tu avais complété le tout ?

Il avait dans sa main droite la dernière roue à dent, celle qui tombait toujours la première quand il faisait tourner le système tout entier pour vérifier. Il ressentait un profond défaitisme, une violente colère envers ce morceau de métal qui lui tenait toujours tête. Il répondit positivement à la question de manière discrète. Il se sentait mal à l'aise, le fait de savoir qu'un génie de la mécanique trouvait un quelconque intérêt dans une pile de bidules qui ne fonctionnait pas était déconcertant.
Il arriva le moment où son père lui demanda de mettre en place le dernier composant qui manquait à l'appel. Il n'avait pas envie de le faire, il voulait tout juste s'enterrer sous terre, dans un lieu où personne ne viendrait le chercher, et surtout pas Hughe ainsi que Junie. Mais Romuald insista, et le concerné ne pouvait plus qu'obéir à ses ordres. Il attacha alors la dernière pièce, puis fit tourner le pédalier. Encore une fois, cette même roue dentée tomba au bout de trois secondes. C'était encore un échec, toujours le même échec. Cette roue ne voulait pas tourner, est ce que c'était la même chose pour le trio dans lequel a grandit l'adolescent ? Est ce que c'était à cause de lui que tous ces problèmes étaient arrivés ? C'est vrai qu'avant, il n'avait jamais vu ses deux amis se disputer entre eux, il fallait toujours qu'il soit dans la conversation pour que le ton puisse se mettre à hausser. C'était donc pour ça qu'Hughe était prêt à tout arrêter? Parce que Rodolphe n'était plus capable de suivre la cadence? Dans ce cas là... La réponse était claire... Il ne suffisait plus qu'à...

- Tiens, essaie avec celle là maintenant.

Quoi ? Le jeune apprenti tourna la tête pour comprendre de quoi parlait son vieux. Ce dernier lui tendait une nouvelle roue, exactement la même. Sauf que celle qu'il avait dans les mains était flambant neuve, elle brillait de milles feux sous la faible lumière de l'ampoule à 70 Watts. Lorsque l'adolescent reçu la pièce dans les mains, il vérifia la gravure sur le disque, elle était bien à 32 dents, et de la même marque que celui qu'il utilisait depuis toujours. Qu'est ce que pouvait bien vouloir son père ? La seule façon de savoir comment il pouvait bien l'aider, c'était toujours de faire ce qu'il proposait, il se permettra ensuite de donner les explications.
C'est avec un gros soupir d'appréhension qu'il posa la pièce dans le même socle sur lequel il s'était énervé nombre de fois. Il posa ensuite la main sur le pédalier et le fit lentement tourner. Une... Deux... Trois... Quatre... La pièce devait tomber maintenant, c'était ce que savait depuis le début le garçon tout de rouge vêtu. Mais plus les secondes défilèrent, et plus le système avait l'air de suivre le mouvement de manière harmonieuse. Il se permettait même de mettre plus de force dans le mouvement, mais rien n'y faisait, le mécanisme marchait de mieux en mieux. Les rayons de la roue émettaient un doux son plus harmonieux que celui de n'importe quelle symphonie jouant le thème de la victoire. Il finit par arrêter la roue au bout d'une dizaine de secondes, c'était assez pour lui. Il venait encore de subir un cuisant échec, car il n'a pas réussit à résoudre le problème tout seul, il n'a fait qu'attendre que son "pôpa chéri" vole encore une fois à son secours. Il se retourna vers le concerné, la fatigue ne retenait plus sa colère qui se lisait dans ses yeux noisettes. Il commença de suite, sans même lui laisser le temps de prendre sa respiration :

- Pourquoi est ce que tu viens toujours m'ai...
- Ton montage était parfait.
- ...der quand je... De quoi ?
- Ton système n'était doté d'aucun problème, j'ai rarement vu un montage aussi complexe et ne présentant aucun défaut.
- Mais... Pourquoi ça ne marchait pas ?
- Quand on se force, on se bande sois même les yeux... Regarde un peu et tu comprendras.

Le patriarche lui tendit le pièce qui avait tellement causé de problèmes au jeune garçon. Il pointa du doigt une partie de l'outil. Rodolphe la scruta longtemps, avant de voir qu'il manquait une dent. Il manquait une partie de la pièce ? Il n'avait jamais eu ce genre de problème, depuis quand est ce qu'un morceau aussi vital était partit du tout ? Et comment n'avait il pas réussit à voir quelque chose d'aussi évident ? Il se posait nombre et nombre de questions, mais c'était son père qui avait la réponse :

- Il peut y avoir un grand nombre de raisons pour que tu n'ai pas pu voir l'état de ce composant. Mais à voir ta tête, je pense que les heures, voire les jours de sommeil manquants altèrent violemment ta vue, et tu aurais continué dans cette tourmente encore longtemps.
- J'ai pas dormi depuis cinq jours...
- Et tu n'es pas venu à table depuis longtemps.
- J'ai pas le temps pour ça... Sinon... Ils vont...

Il se mordit les lèvres et des larmes commençaient à rouler sur ses joues, il avait maintenant les enjeux que ses amis lui avaient imposés en tête. Il ne voulait pas perdre sa chaîne, c'était tout ce qu'il avait de plus cher, encore plus cher que cette fabrique. Mais pourtant, il n'arrivait plus à rien, il n'était plus capable de faire quoi que ce soit. Il n'avait plus que deux mois pour faire deux vélos et il n'a même pas pu voir qu'il n'allait pas sur une simple roue à dents. C'était impossible, il n'y arrivera pas, et pourtant il voulait tout faire pour garder ses amis. Le père ne disait rien à son fils, il ne savait pas vraiment pourquoi est ce que ce dernier se mettait dans de tels états. Il était sûr que ça avait un rapport avec ce qui trônait sur ce plan de travail. Il ne trouva qu'une chose à demander, il ne se fit donc pas prier :

- Tu as un très bon niveau en mécanique, si tu faisais quelques recherches poussées dans d'autres domaines, tu pourrais finir à Algatia pour travailler à la centrale spatiale. Pourquoi est ce que tu t'attardes donc à juste faire des vélos? Tu as pourtant un grand avenir qui te tends les bras.
- Parce que j'ai promis à Hugue et Junie que je leur ferais des bicyclettes, pour qu'ils puissent faire le meilleur des voyages possibles... Et une promesse doit toujours être respectée.
- Tu as largement ce qu'il te faut pour y arriver.
- Mais... Ils ont tous les deux une conception du vélo différente...
- Comment ça ?
- Tes créations ne leur plaisent pas... Ils veulent tous les deux quelque chose de différent, l'une pour la course, et l'autre pour le tout terrain. Mais comment est ce que tu veux que je rajoute quelque chose à des vélos parfaits ?
- Alors tu n'as qu'à tout simplement repartir de zéro.
- Quoi... ?
- Mes produits n'ont jamais été de purs chef d'oeuvres. J'ai juste réussis à trouver le meilleur compromis dans chaque domaine pour que ça puisse plaire à tout le monde. Il a beaucoup de qualités comme de défauts, et apparemment tes amis ont trouvé tout ce qu'il n'allait pas. Il te suffit donc d'en faire qui pourront répondre à toutes leurs attentes. Ne fait pas deux mêmes bicyclettes, fais en deux qui leurs ressemblent.

Deux... Différentes ? Rodolphe n'avait jamais pensé à ce genre de concept. Il pensait être capable de faire des créations parfaites pour ses deux compagnons. Mais apparemment, leurs différences étaient beaucoup trop grandes pour qu'il puisse réaliser un tel objet. Cette solution semblait être la meilleure pour répondre aux besoins des deux qui ont grandit avec lui.

- Tu es parfaitement capable de réaliser ta mission fiston.
- Comment ça ?
- Tu as quelque chose que je n'ai plus, qui permettra de faire la différence.
- J'ai pas les cheveux gris, c'est ce que tu veux dire ?
- Oh non! répliqua le père en riant un bon coup, mais ça a peu être un rapport... Ta jeunesse guidera tes mains, car tu as le pouvoir de l'imagination avec toi. Tes connaissances poussées sont une échelle qui te permettront d'aller en haut, mais seul ta créativité pourront faire les mains qui te feront grimper à cette échelle. Tu as tout les outils pour y arriver, il est maintenant tant s'avancer.
- D'accords ! Je m'y met maintenant, merci papa !
- Ah ça non !
- Hein? Mais t'avais dit que...
- Tu n'as même pas été capable de voir qu'une dent avait sauté, tu n'as plus les yeux en face des trous. Donc tu vas maintenant te coucher, après avoir mangé un bon casse croûte et t'être lavé les dents, tu n'as que la peau sur les os !
- Mais papa ! Je vais pas réussir à dormir ! Maintenant que tu m'as chauffé, je vais avoir plein d'idées ! Si je les note pas dans quelque chose je vais tout perdre !
- Et bien tu les noteras dans ton cerveau, et tu profiteras de tes rêves pour faire des tests. On verra si tu te lèves ce matin, j'appellerais le lycée si tu ne seras pas prêt. Maintenant ouste ! Ta mère a préparé du boeuf aux oignons.
- D'accords... T'es pas cool des fois...

Malgré ces réticences, Rodolphe n'allait pas refuser une telle offre. Il avait tellement faim, et ce plat était meilleur que n'importe quoi au monde. Seul ceux qui veulent me contredire n'ont pas goûté à une telle merveille. Le problème, c'est qu'il était tellement motivé pour se lancer dans de nombreuses recherches, c'était presque une torture. Mais cette fois, l'appel du ventre passa en premier, il traîna donc des pieds pour sortir de cette fabrique tant chérie par l'adolescent. Il laissa tout de même l'honneur à son père de rentrer le premier dans la maison, histoire qu'il puisse rester une seconde ou deux de plus là dedans. Il regarda une dernière fois le montage qui reposait sur le bureau. C'était la dernière marche pour atteindre son but, et il l'avait enjambée depuis longtemps sans le savoir. Il n'était plus énervé du tout, il se sentait même confiant. Il savait que maintenant, il avait toutes les cartes en mains pour atteindre son objectif. Il savait que sa chaîne tant chérie n'allait pas être touchée de sitôt. Il fallait maintenant avoir l'idée qui manquait, celle qui lui donnerait une victoire totale. Il ne savait pas encore ce qu'il pouvait faire, mais ce n'était pas aujourd'hui qu'il la trouverait. Il devait être en pleine possession de ses capacités pour pouvoir toucher cette muse ne serait ce qu'une seconde du bout des doigts. Il appuya donc sur l'interrupteur qui se trouvait à côté de la porte, pour éteindre cette dernière ampoule, qui a toujours tenu aux nuits blanches et aux heures supplémentaires. Une fois qu'il avait scellé la porte pour la journée, son père lui fit tout de même la remarque :

- Par contre, quand tu retourneras dans ton atelier, tu devra tout d'abords ranger tout ce que tu as jeté dans le coin. Tu vas aussi avoir une punition pour ça, on traite pas un matériel aussi fragile ainsi.
- Oui papa... soupira le jeune garçon tout de rouge vêtu, déjà épuisé en imaginant les corvées qui allaient l'attendre.