Chapitre 2 : Une amitié soudée.
- Hey
Rodolphe !
Notre mécanicien en herbe était sur le chemin du retour, il venait de parcourir 70 bornes pour faire travailler son endurance. Il avait terminé sa journée de cours un peu plus tôt, donc il avait un peu de temps devant lui et espérait ne pas se faire arrêter par quelqu'un aujourd'hui. Malheureusement, on ne peut pas tout prévoir dans la vie. Il ne fut néanmoins pas contrarié par la rencontre "fortuite" qui se présentait à lui.
Il s'agissait d'Hughe, son ami d'enfance, qui avec Junie, faisaient ensemble ce trio inséparable. C'était celui qui manquait à l'appel, il y a un mois, quand cette dernière était venue dans l'atelier de Rodolphe. C'était celui qui avait tenu la promesse de devenir le plus grand coordinateur de la région, et il était presque un opposé à l'hystérique. Alors que la jeune fille aimait par dessus tout le noir, celui là avait une tendance pour le bleu. Une belle veste fermée de couleur bleu clair faisait le haut et le bas était assuré par un jean impeccable. Il portait aussi des lunettes rondes, aux branches très fines et dorées. Les deux seuls trucs qui n'étaient pas de cette couleur étaient ses cheveux d'un noir profond, longs au point de pouvoir mettre la pointe dans la bouche et formant un épis, ainsi qu'un masque. Ce jeune homme avait constamment un masque blanc de protection bactériologique sur le nez quand il allait dans le monde extérieur, quoi qu'il arrive. Il était du genre hypocondriaque, donc la moindre idée qu'un microbe le touche le répugnait. C'était aussi cette manie qui le faisait rater de nombreux jours de cours ou des rendez vous. Il se trouvait constamment une maladie, que ce soit un rhume ou bien un cancer dès qu'il se mettait à tousser. Il fit quelques gestes discrets à son ami pour qu'il s'arrête au bords de la route. Une fois que Rodolphe était à sa hauteur, ce dernier le salua dignement :
- Tu t'es trouvé quoi aujourd'hui pour échapper au contrôle de philo ?
- Je crois que j'ai la polio... J'ai perdu 18 cheveux ce matin... T'imagines ? !
- Et alors ? T'en perds plus de cent dans la journée en moyenne, c'est pas pour autant que tu as chopé quelque chose.
- Pourquoi vous ne comprenez rien ? ! Je vais mourir ! lâcha le binoclard en s'effondrant à moitié.
- Et il a dit quoi ton médecin ?
- Que si c'était bien le cas, il fallait que je devienne président des États Unis en moins de trois semaines... Je dois faire comment ? !
Le cycliste se mit à rire un bon coup, ça faisait longtemps qu'il n'avait pas entendu quelque chose d'aussi drôle. C'est vrai que pour ce genre de situations, il n'y avait que son bon vieux copain capable de se trouver tout et n'importe quoi pour retrouver le sourire. Il venait de se taper un sale moment avec l'épreuve de philosophie, et il savait à l'avance que les résultats n'allaient pas être très bons pour lui. Il savait aussi pertinemment que son interlocuteur était un génie. Il n'aurait eu aucun problème pour décrocher la note maximale, il n'avait presque jamais besoin de réviser. Malgré cet aspect extrêmement énervant, ce dernier était presque un rayon de soleil qui illuminait ses journées avec sa lubie de se trouver tout et n'importe quoi. Une fois qu'ils se serrèrent la main pour se saluer dans des conditions acceptables, son interlocuteur se passa immédiatement du gel hydroalcoolique sur les mains, simple précaution. Rodolphe descendit de son vélo et décida de faire le chemin du retour à pied avec son pote, c'était plus agréable que de rentrer vite et tout seul. Son ami demanda si il pouvait un peu rester chez le jeune mécanicien, il avait réussit à sortir de chez lui en prétextant aller "chercher les cours qu'il avait manqué aujourd'hui". Il en profita aussi pour sortir son Pokémon favori afin de rendre un peu plus agréable la promenade. Il s'agissait d'un joli Chamallot, à l'allure joyeuse et en pleine forme. Le mécanicien le fixa d'un oeil plutôt méfiant, il savait de quoi il est capable, c'est presque son ennemi juré. Le Pokémon Engourdit vint même se frotter à lui, c'était presque une provocation. Le jeune garçon tout vêtu de bleu ne pu s'empêcher de lui faire la remarque :
- Tu vois qu'il t'aime bien, t'as pas à t'en faire, il a toujours été gentil.
- Tu connais le refrain... Hein ?
- "Pas de Pokémon dans ton atelier" oui oui oui...
- Je préfère... Parce que celui là doit être plus dangereux que le gros tas violet de Junie...
- Hey! Compare pas Marshmallow à ce machin visqueux plein de bactéries, le mien est parfaitement propre, pas comme certains...
- C'est tous les mêmes sous mon enseigne, vous êtes des fauteurs de trouble pour moi. Donc tu faites gaffe à pas le laisser rentrer à l'intérieur hein ?
- Promis cap'tain !
=_=_=_=_=_=_=_=_=_=_=_=_=_=_=_=
- Vous le faites exprès tous les deux, c'est pas possible
autrement...Rodolphe avait rapidement perdu le sourire que son ami lui avait donné lors de leur première entrevue de la journée. Il arborait maintenant un visage digne des plus expressifs, qui désignait un semblant de colère. Ses yeux foudroyaient sa cible, c'est à dire notre grand malade protégé par un masque. Son visage complètement rouge n'était pas seulement dû à l'émotion qui le rongeait de l'intérieur, mais aussi parce qu'il y régnait maintenant une chaleur étouffante dans l'atelier du jeune garçon.
Pour comprendre la scène qui venait de se passer, il fallait savoir avant tout qu'Hughe l'hypocondriaque était aussi d'une nature frileuse. Il fit une remarque quand à la basse température qui régnait dans ce paradis des bricoleurs. Bien évidement, ce dernier avait oublié de ramener le petit Pokémon Engourdit dans sa Pokéball, qui entra dans la pièce en même temps que le dresseur annonça son inconfort. Le Chamallot était d'une nature attentionnée aujourd'hui, il avait donc décidé de mettre ses compétences à contribution. Il se fit alors un malin plaisir à allumer un véritable feu de joie sur la chaise en bois qui se trouvait à ses côtés. Les flammes se répandirent en un rien de temps sur un plan de travail, pour faire de la salle entière une véritable fournaise en moins de dix secondes, et le tout avec une simple Flammèche. Ce fut après une bataille sans relâche mêlée de seaux d'eau et de couvertures que les humains brandirent le blason de la victoire, pendant trois secondes et demi. Car tout mécanicien qui se respecte sait pertinemment qu'une source de chaleur aussi importante suffisait pour faire dilater voir fondre n'importe quelle pièce en métal, soit la rendre inutilisable (ou la bousiller dans un langage vulgaire). Entre temps, le petit Pokémon feu s'était blottit dans sa capsule, de façon à ne courir aucun risque si le propriétaire de l'endroit avait une envie de se convertir à la projection d'objet sur les cibles vivantes. Il ne restait donc qu'une seule personne à engueuler, et c'était bien évidement le dresseur de cette boule de poils doublée d'un briquet.
- "Il fait plutôt froid ici"... Tu te fous de ma gueule ?
- C'est pas étonnant que tu attrapes la crève ici, tu risques même une pneumonie si on ajoute l'humidité. essaya de se défendre Hughe du mieux qu'il pouvait.
- On est dans une maison... La température ambiante est de 28°C... Y'a un thermomètre sur la porte. Attends... Ça vient de changer, on est passé à 45 après l'incendie !
- Au moins comme ça on est plus à l'aise... Nan ?
Le dernier argument du grand malade imaginaire ne tint pas la route plus d'une seconde. Rodolphe était trop fatigué pour s'énerver pendant des heures avec ce genre de disputes qui n'allaient que dans un sens. Il s'arrêta donc de crier et se mit à faire l'inventaire de tout ce qui était touché dans sa fabrique. Il ne faisait presque que ça dès qu'Hughes ou Junie venait chez lui, à croire que c'était un running joke qui durait pendant des années. Est ce qu'ils ne pouvaient pas l'aider, ne serait ce qu'une seule fois dans son boulot ? En prenant pour Pokémon favoris un poil plus intelligent et qui ne fait rien à du fer? On peut sûrement trouver des Terhal pas si loin d'ici, ils pourraient même aider le jeune bricoleur dans ses rêves les plus fous. Mais non, c'est plus rigolo de tout faire rouiller, tout faire fondre et détruire du mieux possible tout le matériel nécessaire pour un travail correct. Mais bon, que voulez vous, on ne choisis pas ses relations. C'était peut être ça qui les rendaient unique, même si il aurait préféré des personnes un peu plus consciencieuses.
Une fois qu'il avait fini de jeter à la poubelle tout ce qui était maintenant inutilisable, il se remit au travail. Il prit quelques engrenages d'une main experte et se mit à les scruter un par un. Il avait l'air de chercher le moindre détail qui pourrait être utile. Hughes, lui, ne savait pas vraiment où se mettre. Il avait essayé d'essuyer les dégâts de la tempête Rodolphe du mieux qu'il pouvait, mais ça le dérangeait un peu que son ami fasse son boulot avec une tête pas très commode. Il prit alors le temps de chercher les mots, et dès qu'il trouva quelque chose qui avait l'air de tenir la route, il se lança :
- Tu sais... Je suis vraiment désolé pour ce qu'il vient de se passer. J'aurais pas dû...
- Pas grave. répliqua le jeune garçon tout de rouge vêtu sans même prendre le temps de regarder son interlocuteur.
- T'as dit quoi ? demanda son ami, n'ayant pas vu venir celle là.
- Si tu veux t'excuser pour le feu, c'est bon, y'a pas de problème.
- Mais... J'ai déjà fait ce genre de conneries plein de fois... Alors que tu as besoin d'aide !
- Junie fait pareil.
- Comment ça ?
- Avec son putain de Tadmorv, ce truc rouille tout ce qu'il touche, et j'ai l'impression qu'il adore ma fabrique ce con.
- Comment est ce que l'on peut rester avec toi après tout ça ?
- Quoi ?
Sur ces paroles, Rodolphe avait arrêté de vérifier ses pièces mécaniques. Il regarda son ami, qui était en train de fixer le sol d'un air médusé. Qu'est ce qu'il venait de dire ? Est ce qu'il était en train de remettre en cause cette amitié qui a duré déjà plus de dix ans ? Il avait l'air parfaitement sérieux quand il avait annoncé ça. Pourquoi ? Il fallait qu'il sache ce que ce mec pensait pour dire des choses pareilles :
- On peut savoir ce qu'il se passe dans ta tête de timbré ?
- On ne fait que te ralentir, alors qu'il te reste de moins en moins de temps. Les cours finiront dans cinq mois, et je ne compte même plus le nombre de fois où on a saccagé ton endroit fétiche...
- Alors ils seront prêts dans cinq mois.
- Quoi ?
- Si c'est de ça que tu as peur, alors du as perdu beaucoup de cheveux pour rien ce matin. Je vous ai promis que vous aurez les meilleurs vélos que je puisse faire, et ce n'est pas aujourd'hui que je vais casser ma
chaîne !
Le binoclard savait de quoi parlait le jeune garçon, dès qu'il avait fait mention de cette chaîne, il se mit instinctivement à porter la main à sa nuque. C'était quelque chose qui leur était cher à tous les trois, c'était tellement important pour eux qu'ils n'en avaient parlé à personne d'autre. Quand ils étaient tous petits, ils avaient tous annoncés leurs rêves. Cette amitié s'est toujours basée sur leurs trois promesses, ainsi qu'une grande chaîne.
Un jour, ils eurent une idée, ils achetèrent tous un même accessoire avec leurs économies. C'était une chaîne en argent, elle était beaucoup trop grande, il fallait donc la partager. Ils la cassèrent en trois et chacun prit un morceau pour le mettre comme il le souhaitait. Hughe décida de le porter en collier autour du cou, Junie autour du poignet. Le troisième l'attacha autour du bras comme un brassard, ce troisième était le jeune garçon que nous connaissons tous, Rodolphe. Ces trois chaînes étaient la preuve de leur amitié, et si l'un d'entre eux décidait d'abandonner son rêve, les trois devront tous la briser. Aucun d'entre eux ne voulait faire une telle chose, et le premier qui sera mit à l'épreuve sera l'apprenti artisan. Il avait encore cinq mois avant que la période de lycée ne soit terminée. Il lui restait de moins en moins de temps pour créer deux véhicules qui permettraient à ses amis d'atteindre leurs rêves, et il avait encore énormément à apprendre. Son père, le célèbre Romuald, était un maître dans ce domaine, mais il ne voulait pas donner de leçons à son fils. Il fallait qu'il apprenne tout de lui même, sinon il n'aurait aucun avenir. L'adolescent savait qu'il n'avait plus assez de temps pour penser à sa propre personne. Il devait donc encore faire d'autres bicyclettes, pour descendre encore une fois la piste cyclable à fond. Il devait être sûr de la fiabilité de sa création, pour que ses amis ne courent aucun risque.
À ce moment là, la pièce entière était plongée dans un profond silence, et Hughe se sentit gêné. Il avait titillé la motivation du mécanicien en herbe, et il avait peur que cela porte préjudice. Il s'approcha lentement de son ami qui s'était remit au travail et présenta ses de nouveau ses excuses :
- J'aurais pas dû parler comme ça...
- Je t'ai déjà dit que c'est pas grave... À croire que ta polio ait atteint la tête, faut faire gaffe. plaisanta le garçon vêtu de rouge.
- Rigoles bien, tu verras quand je serais à la morgue. continua le grand malade sur la blague, sachant pertinemment qu'il n'avait rien du tout.
- J'espère que je n'aurais pas dis que des conneries...
- Quoi ?
- Hein ? Qu'est ce qu'il y a ?
- Qu'est ce que tu viens de dire là ?
- Rien du tout... Pourquoi ?
C'est étrange, Hughe avait pourtant cru entendre son ami douter ? Est ce que c'était le fruit de son imagination ? Il n'arrivait et n'arrivera sûrement pas à savoir si il s'agissait de la vérité. L'apprenti artisan se mit à écrire des tonnes de gribouillis sur son cahier. Le jeune coordinateur savait parfaitement qu'à ce moment là, il avait perdu son camarade, qu'il était déjà sur une autre planète au milieu de son crâne. Il était impossible de savoir à l'avance si il sortira de sa période de transe créative dans cinq minutes ou en plein milieu de la nuit. Il décida donc que c'était le moment pour lui de le laisser tout seul, il était l'heure de rentrer, sinon ses parents allaient lui faire passer un savon. Il prit la précaution de laisser un mot à côté de son copain pour le prévenir de sa sortie. Il prit ensuite sa veste bleue et sortit de chez Rodolphe sans dire un mot.
Sur le chemin du retour, il avait retiré la chaîne qu'il gardait toujours attachée autour du cou. D'habitude, il ne l'enlevait que pendant le sport ou quand il dormait. Le fait de sentir le vent souffler sur sa nuque à l'air libre était une sensation qu'il avait oublié depuis longtemps, et qui était loin d'être agréable pour lui. Il fixait bêtement le collier qu'il a toujours porté, il se mit à douter. Pourquoi est ce qu'il se ressassait en boucle les dernières paroles de son ami. Est ce que Rodolphe craignait de de ne pas réussir à fabriquer ces vélos parfaits à temps ? Il avait peur de devoir casser cette chaîne, elle avait beaucoup trop de valeur pour lui, et c'était pareil pour les deux autres. Tout ce qu'il pouvait faire maintenant, c'était attendre. Il ne pouvait qu'attendre le jour fatidique, celui qui allait donner le départ à leurs voyage initiatique, à la fin de l'année scolaire. Ils ne pourront partir sans le feu vert de leur mécanicien, mais sera t-il prêt lui aussi ce jour là, arrivera t-il à finir son travail dans les délais ?
C'étaient ces questions là qui envahissaient l'esprit du jeune surdoué. Quand il finit par apercevoir sa maison, il chassa du mieux qu'il pouvait ces idées de la tête. Il rattacha rapidement son accessoire si précieux à son cou. Mais quand il finit par poser la main sur la poignée de la porte d'entrée, il venait de remarquer quelque chose. Un détail qui manquait, quelque chose qui n'était pas dans ses mains. Il sentait déjà les emmerdes arriver, car il laissa partir un juron de détresse :
- Meeeerde... Le boulot à rattraper...