« Le futur appartient à ceux qui voient les possibilités avant qu'elles ne deviennent évidentes. »
(Théodore Levitt)
« - Utilise les flèches PgUp et PgDown pour que la barre se déplace plus vite !
Wallace essaya et en effet cela allait plus vite. Il fit pause et se retourna vers Tristan qui lui faisait un sourire bien intentionné.
- … merci !
- D-De rien ! »
(Tristan à Wallace, chapitre 001 « Au commencement était la parole… »
Première fois que le mot « Merci » est prononcé dans la saison)
« Ô, Poussière de Sentiment
Qui devient Plaine… »
(Mylène Farmer – Toi l'Amour)Il rangea sa paperasse sans impatience. Lui pouvait prendre son temps. Il mangea rapidement une barre céréalière. La journée serait longue. Très longue.
Lorsqu'il sortit de son bureau, l'homme regarda ses collègues qui l'observaient, envieux, jaloux ou tout simplement attentifs. Il soupira.
- Si ça peut vous rassurer, les mecs, je n'en tire aucune fierté… Je vois juste la masse de travail qui m'attend. Qui m'accompagne ? Vous vous êtes décidés ?
Un bleu leva la main.
- Jason Mars, monsieur, pour votre service.
- Mars… Un petit nouveau…
- Je suis là depuis six mois, monsieur.
- Mouais. Si tu m'appelles pas Inspecteur, déjà, ça va pas le faire.
Rire des autres dans la salle. L'inspecteur était un gros bonhomme moustachu, ni débonnaire, ni autoritaire. Il portait une chemise qui le boudinait un peu, un pantalon bien serré tenu par des bretelles, et une veste qu'il portait en écharpe sur son bras.
- Inspecteur Reiner, pardon.
- Mouais, ça va pour cette fois… Le premier est en salle d'interrogatoire ?
- Oui inspecteur, répondit un policier chauve à l'air sinistre.
- Bon… Bah on va bien voir ce qu'il a à nous dire… Mars, suivez-moi.
- Oui mons… Inspecteur.
Les deux hommes traversèrent le commissariat.
- Tu sais sur quoi porte l'affaire ?
- Soupçons d'actes terroristes.
- Bien. Tu sais qui est impliqué ?
- Oui… C'est une grosse affaire…
- Tout à fait. Prépare-toi à prendre des notes. Tu as fait quoi comme études, c'est quoi ton profil ?
- J'ai une formation de juriste.
- Une formation ?
- Six ans, monsieur.
Reiner hocha la tête.
- C'est bon pour nous, ça.
La salle d'interrogatoire. Reiner hocha la tête.
- Bon. Mars. Petite précision avant d'entrer. Ces gamins sont peut-être responsables de destruction de biens. Il n'y a pas eu de blessé grave, mais il y aurait pu, et surtout, putain, ils ont participé à la dégradation quasiment de fond en comble de leur école. Quand on dit « Soupçons d'actes terroristes », on pense bande organisée. Là, on s'oriente plutôt vers la milice.
Jason Mars hocha la tête, fiévreux.
- Le gamin qu'on va interroger, là, fait partie de ceux qu'on estime être un des cerveaux de ces actes terroristes. Ils ont beau avoir dix-huit ans, n'oublie pas qu'ils sont organisés et dangereux. Tu m'as bien compris ?
Le bleu hocha la tête. L'inspecteur Reiner ouvrit la porte de la salle d'interrogatoire. Un jeune homme aux cheveux ébouriffés et humides, portant une petite chemise et un petit pantalon noir, était assis sans menottes à la table grise. Un peu trempé, il avait un bandage autour de la tête et quelques pansements un peu partout.
- Bonjour, mon petit. Peux-tu décliner ton identité ?
Le jeune homme inspira.
- Tristan Edison.
- Ton âge.
- Dix-huit ans.
- Tu sais pourquoi tu es ici ?
Tristan soupira avec insolence.
- Parce que c'est plus facile d'interroger un gamin de dix-huit ans plutôt que le vrai responsable de cette histoire !
- Tu vas me lâcher ce petit sourire de merdeux de ta face tout de suite. L'heure est bien assez grave. Il s'est passé quelque chose de grave, et…
- Je sais, j'y étais, figurez-vous.
- Ne me coupe pas la parole.
- Je ne vous couperai pas la parole quand vous aurez envisagé d'interroger le véritable cerveau de cette affaire.
- Il est prévu qu'on l'interroge dans la journée.
- Je ne parle pas de lui. Il n'y est pour rien. Vous le savez autant que moi.
Reiner soupira.
- Bon. Vous voulez bien nous expliquer quel était votre niveau d'implication dans cette histoire ?
- J'étais aux premières loges, comme tout le monde.
- Vous avez des charges criminelles supplémentaires comparé aux autres, vous avez piraté un système informatique public.
Tristan inspira, lassé.
- Bon sang, bravo. Beau travail de police. Vous vous êtes démenés pour me stopper, moi, le gamin qui sait faire la différence entre le Wi-Fi et le Bluetooth, ouah ! Laissez-moi deviner : C'est la semaine de relâche pour les meurtriers, les violeurs, les psychopathes et les esclavagistes ou quoi ?
Reiner fixa Tristan.
- Fais pas ton malin, t'es vraiment pas en position.
- Ah non ? Je vais vous dire, moi, qui n'est pas en position de faire le malin, c'est vous. Vous savez très bien pourquoi. Vous allez tous nous interroger, un par un, alors que vous savez très bien que la personne responsable de tout cela, l'homme derrière cette attaque, celui qui a tiré les ficelles, l'homme que vous devriez – non, que vous devez – arrêter…
Tristan s'était presque levé en fixant l'inspecteur Reiner.
- … C'est Roland Smirnoff !!
Reiner hocha lourdement la tête.
- C'est un autre sujet.
- Quand vous aurez les preuves sous les yeux, vous verrez.
- D'après nos renseignements, vous êtes un proche du présumé chef des opérations, Wallace Gribble, qui est actuellement incarcéré à titre préventif.
Tristan regarda la table avec pesanteur. Il regarda ensuite l'inspecteur Reiner.
- Je vous préviens tout de suite, inspecteur…
Jason Mars déglutit. « Il avait raison, ces gamins sont anormaux… »
- Si vous touchez à un seul de ses cheveux, vous aurez un vrai motif pour m'arrêter moi aussi.
L'inspecteur Reiner et le cadet Mars se regardèrent. Effectivement, la journée serait très longue.***
Il s'éveilla.
Se releva tout calmement. Frictionna un à un ses yeux endormis.
Il défit son lit sur le canapé puis se rendit tout de go à la salle de bains avec les affaires qu'il avait préparé.
Il se regarda, torse nu dans la glace. Sa résolution de faire des pompes le soir avant de se coucher avait payé, même s'il n'avait pas encore des tablettes de chocolat non plus. « Je m'aime bien comme ça. Je sens que ça me donne un peu confiance en moi ! »
Une rapide douche et un habillage attentif plus tard, il sortit de la salle de bains et trouva sa tante qui commençait à préparer son déjeuner.
- B'jour… marmonna Tristan.
- Bonjour…
Tristan alla prendre son PC portable et l'amena avec lui sur la table du petit déjeuner. Il continua ses recherches.
[LOGEMENT ETUDIANT
FAC AVEC LOGEMENT
CHAMBRE ETUDIANT
RESIDENCE ETUDIANTE]
- Tu trouves ? demanda laconiquement sa tante.
Tristan haussa les épaules.
- Vaguement… C'est un peu plus compliqué qu'il n'y paraît.
- Depuis deux semaines, tu as un peu ralenti…
- Les cours ont repris, tante Georgia. J'envisage peut-être une colocation.
- L'habitude, je suppose.
Tristan inspira. Même s'il avait un peu beaucoup envie de prendre son indépendance, l'insistance de sa tante à le dégager de chez elle était quelque peu oppressante.
- Je verrais bien sur pièce.
- Moui. Dépêche-toi quand même.
Tristan acquiesça.
- En fait, tu as l'air maussade depuis deux semaines.
- Je t'en ai parlé.
- Le gamin au Pokémon mort, oui… Je comprends pas que ça te touche autant.
- Je t'ai également expliqué que c'était le gars aux côtés duquel je me suis battu à ce tournoi. Contre le champion.
- Oui, oui, bon… C'est pas comme si vous étiez mariés, hein.
Tristan soupira. « T'en sais quoi, t'as jamais été mariée, vieille conne… »
- Je me fais du souci pour lui.
- Eh bah perds ton temps à te faire du souci si ça te chante… En attendant, c'est du temps que tu pourrais utiliser pour chercher ton logement étudiant.
Tristan poussa un long soupir. « Dis aussi que je te fais chier, j't'en prie… »
- Et puis bon, lui c'est juste un Pokémon qu'il a perdu, toi, c'est tes parents et ta petite sœur.
- Oui, j'te remercie, tante Georgia, je cherchais justement à entrer en compète avec mon camarade de classe au sujet de « Qui qu'a le plus souffert dans son existence »…
Tristan secoua la tête. Georgia haussa les épaules.
- Je ne faisais qu'un simple constat.
- Eh bah ton « constat » est terriblement insultant pour mes parents et ma petite sœur.
Georgia se durcit.
- J'en parle comme je veux. C'est ma sœur qui est morte dans cet accident !
- C'était ma mère.
- Tu es sûr que tu ne fais pas semblant de chercher un logement ?
Tristan soupira et se réfugia sur son ordinateur.
***
Tristan rejoignit l'école à pied. Depuis qu'il était en troisième année, il était désormais un aîné, et voyait de nouvelles têtes qui lui semblaient terriblement jeunes et inexpérimentées. « S'ils savaient, les pauvres… »
Il croisa Quinn et Lucy qui le saluèrent, ainsi que Clive et Andréa. Rebecca arriva en catastrophe vers lui.
- Tristan, Tristan, Tristan !
- Rebecca, Rebecca, Rebecca… sourit modérément le jeune homme.
- Tu-ne-vas-pas-le-croire ! Viens avec moi !
Rebecca tira Tristan par le bras.
- Sinon, à part ça, bonjour, comment ça va ?
- Bonjour, pas trop mal !
Rebecca amena Tristan devant Walter.
- Redis-lui ce que tu m'as dit !
- Et après, juré, tu m'aides à monter ma rampe ? soupira Walter.
- Oui !
Walter soupira.
- Wallace revient ce matin.
Tristan écarquilla les yeux.
- Il… ça va mieux ?!
- Bah apparemment, oui.
Tristan se détacha de son attitude revêche du matin et regarda l'allée centrale, cherchant des yeux.
- Et voilà, j'ai illuminé sa journée !
- Heureuse ? soupira Walter en se faisant pousser.
- Très !!
Tristan observait mais ne trouvait pas Wallace. Tino, Benjamin et Orson arrivèrent depuis le bus.
- Coucou…
- Hey…
- Salut Tristan…
Tristan les aperçut enfin.
- Oh, salut !
- … ça va ?! s'étonna Orson.
- Oui… Wallace revient !
- Oh…
- Ah… Il va falloir lui présenter nos condoléances… je suis un peu mal à l'aise avec ce genre de trucs… souffla Tino.
- Et moi donc ! assura Benjamin.
- Alors là, comptez pas sur moi, je suis nul aussi… geignit Orson.
Tino observa Tristan, complètement obnubilé. Il le tira par le bras. Tristan regarda son ami.
- Je tends à penser que tu devrais garder un peu tes distances dans un premier temps. Attends de voir de quelle humeur il est, et éventuellement après, aborde-le. C'est ce qu'on va tous un peu faire, je pense.
Tristan se mordilla les lèvres, mais reconnut effectivement que c'était là un des rares moments de sagesse avisée de Tino. Il suivit ses amis.
Lorsqu'il arriva, Wallace semblait encore plus embarrassé que le reste de sa classe réuni. Il s'avança dans l'allée centrale. Tout allait bien, tout le monde était normal sauf lui. Il prit une grande inspiration et avança d'un pas ferme.
- Wallace !
Il regarda Quinn et Lucy.
- Hey…
Quinn le serra dans ses bras, ce qui, rétrospectivement, sortait de nulle part. Elle s'éloigna de lui, les yeux pleins d'inquiétude.
- Tu vas bien ?
- On s'est tous faits un sang d'encre… assura Lucy.
Wallace hocha la tête.
- Ca va, ça va… C'était pas super simple mais ça va un peu mieux, du coup… on retourne à l'abattoir…
Lucy et Quinn serrèrent les dents.
- … enfin, au turbin… Enfin, vous voyez ce que je veux dire…
- Oui…
- Oui bah oui…
- On est vraiment désolées…
- Ouais, c'est nul ce qui t'es arrivé…
Wallace hocha la tête.
- Francis est pas avec vous ?
- Il arrive un peu tard en ce moment…
- Hm, mais il va arriver.
Wallace acquiesça.
- Bon, à toute.
- Oui, ok ! signifia Lucy.
- Bon courage, Wallace ! s'enquit Quinn.
Les deux filles regardèrent Wallace s'éloigner.
- J'ai été nulle.
- Et moi donc… Qu'est-ce qui t'a pris de le serrer dans tes bras ?
- Je sais pas, ça m'a paru être une réaction normale, il va pas bien, je me suis dit « Hey, un peu de contact humain, ça ne fait de mal à personne » !
Lucy haussa les sourcils. Quinn agita la tête.
- Il est bien foutu en tout cas.
- QUINN !
- Quoiiii ? Ose me dire que t'as jamais pensé ça à son sujet !
- Il est gay, je pense pas à lui de cette façon ! T'as des problèmes, Quinn !
Quinn agita la tête.
Wallace avança et trouva Clive et Andréa. Andréa alla vers lui.
- Wallace…
- Salut, Andréa… toujours la queue de cheval, hein.
- Je suis absolument désolée pour ton Manternel !
Wallace hocha rapidement la tête.
- Hm, c'était pas simple… Salut Clive !
Clive salua timidement de loin.
- Salut… et désolé…
- Ouais. Le SIDA, c'est jamais facile !
Clive et Andréa firent de gros yeux.
- … c'est ça, ou je sens très mauvais, et c'est pour ça que tu veux pas m'approcher…
Clive se crispa, intimidé.
- N… Nan, c'est juste que…
- A tout à l'heure en cours… sourit Wallace, à moitié amusé en s'éloignant.
Andréa se tourna vers Clive qui serra les dents.
- Bah alors ???
- Bah quoi, il revient sans prévenir, j'suis pas à l'aise avec ça…
- On en a discuté, son Pokémon est mort, point, tu lui dis que tu es désolé, c'est tout, c'est quoi cette timidité, là ?
Clive soupira, dépité.
- Une fois de plus j'ai été nul, merci d'enfoncer le clou !
- Mais nan, mais avoue que ta réaction, pour le coup, a été un peu puérile !
- Oui bah je suis pas comme toi, armé jusqu'aux dents pour faire face à un deuil !
- Mais pas du tout, voyons, juste… il te suffisait de rester sobre !
- Clive Barker, sobre… soupira Clive.
- Tu me saoules ! soupira Andréa.
Wallace ne trouva pas Walter en bas de sa rampe. « Bon, on l'a monté… »
- Hey !
Wallace vit Naomi, accompagnée de Perrine et Robbie. Il soupira de soulagement.
- Bah mince alors, j'ai presque cru que vous étiez morts aussi ! sourit doucement Wallace.
Perrine leva les yeux au ciel. Robbie serra les dents. Naomi agita la tête.
- Bonjour à toi aussi. Ça va ?
- L'enterrement était cool, la session psychanalyse de dernière minute chez les Truman était sympa également…
- Merci d'avoir niqué notre après-midi, sympa, on s'en souviendra… soupira Perrine. Comment va ta sœur ?
- D'après ce que j'ai compris, elle va enfin avoir sa chambre étudiante, mais… en clinique. Mais visiblement elle pourra poursuivre ses études en parallèle, donc c'est cool.
Perrine agita la tête. Robbie regardait Wallace avec insistance. Wallace le regarda.
- Je vais bien. Sur une échelle de 1 à 10, on va dire que je suis à 6.
- … c'est pas beaucoup ! sourit le blond.
- Pourquoi Walter est pas avec vous ?
Perrine soupira. Robbie sembla encore plus gêné. Naomi soupira.
- Je ne peux pas en parler. Pas maintenant, pas comme ça.
- Oh s'il te plait, j'ai terriblement besoin qu'on me change les idées…
- Pas avec ça, nan… souffla Naomi.
- Et vous, ça va ?
- On a passé un été bien sympa… Mes parents sont au courant qu'on sort ensemble ! assura Perrine.
- Ma mère aussi, c'est bien marrant ! sourit Robbie.
Wallace hocha lourdement la tête. Naomi regarda le petit couple, blasée.
- Dire que c'était comme ça avec Walter… J'regrette pas, en fait.
Wallace haussa les sourcils, quelque peu intrigué par ce qu'il entendait. Trop tard : Rebecca, Violette et Amélia arrivaient vers lui.
- M'rappelle de très mauvais souvenirs…
- Wallace, je tiens à te présenter nos condoléances pour ton Pokémon… souffla Rebecca.
- On a été très touchées par ce qui t'est arrivé… geignit Violette.
- … hurla Amélia.
Wallace hocha la tête.
- J'accepte vos condoléances collectives, c'est gentil… Sympa, la coupe Ellen DeGeneres, Amélia… c'est pour fêter la dernière année ?
Amélia haussa les épaules d'un air « J'en ai rien à foutre ». Wallace hocha de nouveau lourdement la tête.
- Je sens que tu vas passer une année extrêmement intéressante… Bon, à tout à l'heure, les filles !
- Encore désolées… assura Violette.
- Va en paix, ma sœur, j'ai compris ton message ! assura Wallace.
Wallace, Robbie, Perrine et Naomi dépassèrent le groupe.
- Il aurait au moins pu nous remercier… souffla Rebecca, effarée.
- Il avait l'air… de s'en moquer en fait… admit Violette.
- M'en fiche, j'ai été polie ! se rassura Rebecca.
Mike repéra Wallace et le suivit, accompagné de James et Steven.
- Vieux, Wallace, t'es de retour !
- Je tends à supposer que Rebecca t'en a touché un mot…
Perrine, Robbie et Naomi observaient, silencieux.
- Désolé pour ton Pokémon…
- C'est nul ce qui t'es arrivé… souffla James.
- Ouais, désolé vieux… Comment il s'appelait ton truc, String ! Ca me faisait tout le temps penser à un cul de gonzesse !
Wallace, Robbie, Perrine et Naomi regardèrent Steven. Mike et James l'observaient, méga offensés par sa prise de parole – bien qu'ayant l'habitude.
- … quoi ?
- Rien, ce sont… les meilleures condoléances auxquelles j'ai eu droit depuis ce matin !
Steven sourit, frimeur, alors que Mike, puis James, lui frappèrent l'arrière de la tête.
- Ouch !! Putain, il a dit que j'étais le meilleur !!
- Nan, t'es con, putain ! grogna James.
- Un gros con de malpoli, même !
- Euh, James, où est Fey ?
James expira.
- Je… sais pas.
Wallace hocha lourdement la tête.
- Je rêve ou bien vous avez tous décidé de faire de la grosse merde cet été ? Et moi, genre je me suis décidé à la dernière minute du style « Tiens, et si mon Pokémon crevait ? »
Mike et Steven observaient Wallace, éberlués. James était tout gêné.
- … J'la trouverais, c'est bon !
Nouvelle avancée du groupe.
- On va à nos casiers ! informa Perrine.
- Ouaip.
Wallace continua d'avancer. Robbie regarda les filles.
- J'comprends pas… Il est en deuil ou il va mieux ?
- Il souffre… soupira Perrine.
- Bah oui, c'est clairement pas son humour habituel, il est trop calme, trop policé, il a envie d'envoyer chier tout le monde mais il peut pas alors il prend sur lui… marmonna Naomi.
Robbie agita la tête.
- Ça devient flippant, votre relation, à tous les quatre…
- Symbiotes, je te dis… souffla Perrine.
Wallace se dirigea vers la porte du cours d'histoire où Walter trônait.
- Hey…
Walter se releva, surpris.
- Wallace…
- Walter.
Walter vit le regard un peu fuyant et dépité de Wallace. Wallace vit le regard attristé et perdu de Walter. Les deux se regardèrent. Wallace ouvrit les bras. Walter ouvrit les siens, et Wallace serra son ami dans ses bras.
- Désolé, vieux… soupira Walter.
- Quelle journée de merde, dit Wallace d'une voix suppliante. Et il est même pas neuf heures !
- Je sais…
Les deux restèrent dans cette position bizarre pendant deux bonnes minutes avant de se séparer.
- Tu sens bon, nouveau parfum ? s'étonna Walter.
- Sueur de Quinn !
Tino, Benjamin, Orson et Tristan arrivèrent.
- Wallace… statua Tino.
- Hey… souffla Benjamin.
- Salut… marmonna Orson.
Tristan avait son regard précis, sérieux, mais il restait silencieux.
- Mes condoléances pour ton Pokémon, c'est… une regrettable tragédie.
- La mort fait partie de la vie mais elle est toujours cruelle… admit Benjamin.
- C'est… vraiment vraiment triste… marmonna Orson, gêné.
Wallace hocha la tête.
- J'vous donne 5, 1,5 et… 9, avec le recul je rirais de ta formulation, Orson.
Walter haussa un sourcil. Tino s'étonna. Benjamin grimaça. Orson balbutia.
- O… On a dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?
- Oh, non, non, vous avez dit juste ce qu'il fallait, c'est… bien ça qui m'emmerde…
Tino sembla paumé et du coup s'en retourna à son casier, suivi par Benjamin et Orson. Tristan resta un moment sous le regard intrigué de Walter et Wallace.
- Bon retour parmi nous…
- Hm. Merci.
Tristan hocha la tête et suivit ses camarades. Walter s'étonna.
- Pourquoi lui, tu l'as remercié ?
- Parce qu'il a pas dit de conneries lénifiantes. Pourtant c'est bien le premier que j'aurais vu me sortir une ânerie gnangnan. On a quoi comme cours aujourd'hui ?
- On commence avec histoire ce matin.
- Youhou.
- Ensuite fondamentaux.
- Nouveau prof ?
- Monsieur Michelot, remplaçant.
- La vache… Et cet aprem ?
Walter inspira.
- Combat direct.
- Enfoirés de fils de pute… soupira Wallace avec pesanteur.
- Tu n'as pas moyen d'être dispensé ?
- Pffff, quel intérêt…
- Celui… de ne pas être confronté à un truc traumatisant dès le départ !
- Il faudra bien, c'est dans le quotidien… Et j'ai emmené un Pokémon juste au cas où…
- Un ?
Wallace hocha la tête.
- Tiplouf. Mais vraiment au cas où, je compte pas m'en servir. Ma mère s'occupe des autres…
- O… kay. Donc tout ne va pas super bien. Si tu dois te restreindre à ne transporter qu'un seul Pokémon, par défaut, c'est que quelque chose ne va pas.
Wallace soupira.
- Un de mes Pokémon est mort, Walter. Mon premier, celui dans lequel j'ai mis le plus d'efforts. Honnêtement, je me demande si ça vaut encore la peine. De les dresser. Si cette foutue loi retirant l'obligation d'avoir des Pokémon pouvait passer…
Walter grimaça. Wallace soupira.
- Je sais, pardon, j'suis déprimant…
- Essaie de demander une dispense auprès du proviseur, je suis sûr qu'il te l'accorderait.
- Je suis absolument pas d'humeur à me battre, et encore moins avec l'administration…
Gina, Lilian, Holly et Léon arrivèrent vers Wallace.
- Protège-moi, Walter…
- Des jumeaux, de Gina et d'Holly ? geignit Walter.
- Ouiiii…
- On est désolés pour ton Pokémon, Wallace… souffla Léon.
- Ce doit être une épreuve terrible, nous compatissons… admit Lilian.
Wallace inspira.
- Condoléances collectives, mes favorites…
- On a prié pour toi, avec Holly… souffla Gina.
- Oui, j'ai été déposer un cierge… admit Holly, compatissante.
Wallace grimaça.
- Alors, c'était vous, cette présence amicale et rassurante que j'ai ressentie à mes côtés pendant qu'on descendait la boîte contenant l'un de mes meilleurs amis, enveloppé dans un linceul, tout droit dans son caveau funéraire avant de le recouvrir d'une plaque de pierre surmontée d'une stèle tombale ? Oh, waouh… Sans votre intervention, les filles, je serais complètement dévasté à l'heure actuelle. Je saurais vous rendre la pareille, promis !
Walter se maudit d'être handicapé, c'est typiquement le genre de situation où il aurait aimé ne serait-ce que se retourner pour dissimuler sa gêne. Gina et Holly se regardèrent et sourirent.
- Ca fait du bien d'entendre tes blagues !
- Oui, même si… on comprend pas trop…
- Tout le plaisir est pour moi !
Les filles s'éloignèrent, suivies des jumeaux.
- C'est juste moi ou il s'est foutu de nous ? geignit Holly.
- Nan, je pense qu'il voulait juste plaisanter ! admit Gina.
Lilian et Léon se regardèrent, confus.
Wallace regarda Walter.
- Je sais pas ce qui peut être pire que ça, honnêtement…
- OH MON DIEU, WALLACE !
Christina étreignit son camarade comme ça, sans crier gare. Wallace, gêné, regarda Walter.
- Super, j'avais besoin de changer de parfum !
- Je suis tellement désolée pour toiiiiiii !!!
- Elle pleure ? Dis-moi si elle pleure, Walter, si elle pleure, je la défonce !
- Elle ne pleure pas !
Christina s'éloigna.
- Tu vas bien ?
- Maintenant, oui !
- C'était tellement horrible de l'apprendre, tout d'un coup de réaliser que nos Pokémon sont mortels et…
- Ouais, je suis un exemple pour la jeunesse…
Christina sourit.
- Et tes blagues nous avaient tellement manqué aussi !
- Pourquoi j'me casse le cul à faire des études, autant monter des sketches, hein !
- Contente de voir que ça va en tout cas ! Si tu as besoin de parler…
- Je peux parler tout seul, je te remercie !
Christina sourit.
- C'est bon de te revoir en tout cas !
- Hm-hm.
Christina s'éloigna. Wallace inspira.
- Achève-moi…
- Hey…
Wallace se renfrogna.
- Han nan, pas toi…
- Ca me fait chier autant que toi, mais il faut bien que j'y passe…
- Pitié, non, non…
Santana inspira.
- Je suis sincèrement désolée pour ton Pokémon. C'était un compagnon d'armes fantastique, je suis vraiment fière de m'être battue à ses côtés, et je tenais au moins à te dire que j'étais vraiment triste qu'il soit mort…
Walter était un peu embarrassé par tant d'honnêteté. Wallace semblait juste lapidé. Santana regarda Wallace, confuse.
- Je… vais considérer que tu as entendu ce que je viens de te dire…
- C'est pas le problème… souffla Wallace, peiné.
- … c'est quoi, alors, tu n'es pas capable de recevoir des condoléances normalement ?
- 'dépend de ce qu'on entend par « normalement »… soupira Wallace.
Santana grimaça.
- Oooookay… Je vais retourner dans mon monde et te laisser dans le tien…
- Ca va toujours avec Violette ?
Santana s'étonna.
- … ton Pokémon est mort et tu veux des nouvelles de ma relation ?!
- Ah oui carrément, ma personnalité à présent se résume à « Wallace : Son Pokémon est mort »… Avant, c'était « Wallace : Il est gay », c'était quand même plus classe !
- Traduction : Merci beaucoup pour tes gentilles condoléances, Santana ! sourit Walter, gêné.
La vietnamienne secoua la tête.
- Et en plus il a besoin d'un interprète…
- Evidemment, visiblement les gens ont BESOIN de comprendre ce que je veux dire, aujourd'hui…
Santana inspira et tourna les talons.
- Ravie de te revoir en forme, Gribble…
- Pareillement, ma petite nem…
Wallace soupira alors que la classe s'agglutinait devant la salle. Wallace aperçut Fey.
- Je vais en fin de queue, ok ?
- Ok.
- De toute façon j'ai l'impression de te gêner un peu…
- Disons que tu n'as pas l'air bien du tout et c'est le genre de situations où je suis un peu maladroit avec mon humour un peu space…
- T'inquiète, t'inquiète. J'espère que ça va s'arranger avec Naomi…
- Seul le temps nous le dira…
Wallace se déplaça jusqu'à Fey et Ana.
- Hey…
- Wallace ! souffla Fey.
Elle le prit dans ses bras. Wallace accepta l'étreinte.
- Ca va… ça va, t'inquiète.
Elle l'éloigna de lui en le prenant par les épaules.
- Tu vas bien ?
- Oui, ça va à peu près… Je voulais te rendre ton plat.
- Oh, merci… Tu…
- L'as mangé. Ça m'a fait du bien, je crois… C'était… bourratif mais comestible, du coup, c'était juste ce qu'il me fallait !
Fey sourit. Ana le regarda, embarrassée.
- Bonjour, Ana…
- Bonjour… désolée pour…
- C'est bon, t'inquiète pas. Tout va bien avec James ?
Fey inspira.
- Je sais pas si tu veux entendre ça…
- Y'a un souci, vous avez rompu ?
Fey serra les dents. Wallace soupira.
- Merde…
- Tu es vraiment sûr que ça t'intéresse ?
- Tu veux dire plus encore que les condoléances à l'emporte-pièce de tout le monde ? Je veux, ouais !
- On en discutera plus tard alors, là le cours va commencer…
- Ok. Mais tu m'as promis un truc et j'ai déjà cherché ma robe ! sourit Wallace.
Fey leva les yeux au ciel en souriant.
- C'est cool de te revoir.
- Hm. C'est cool de vous revoir aussi. Enfin, je pense…
Wallace se plaça en fin de queue. Helen arriva sans vraiment le remarquer. Elle ouvrit sa porte et fit entrer les élèves. Lorsque tout le monde entra, Wallace resta à la fin. Helen le remarqua, toute surprise. Elle secoua la tête, au bord des larmes et serra son élève dans ses bras.
- Madame, euh…
- Ca va aller mon grand, ça va aller. Je suis tellement, tellement, tellement contente de te revoir !
- … moi aussi, euh…
- Tu as l'air d'aller bien… mais je me doute qu'au fond de toi, ça doit être l'enfer…
Wallace agita la tête.
- Vous savez parler aux ados, ouah…
- Désolée, je suis une vielle conne, tu sais bien…
- Ouais, ouais…
Helen regarda son élève. Wallace s'étonna.
- Vous vous êtes re-teinte en rousse ?
- Ouuuuuui…
- Bon… C'est… un hommage à la carrière pétaradante de votre ex ?
- Tu as suivi ça ! Oh bon sang dire que j'attendais ton retour pour qu'on en discute !!
- Mouais… Bof, la politique et moi…
- Oui mais à ton avis, c'est quoi le plan de Roland Smirnoff derrière tout ça ?
Wallace inspira.
- Je… crois que j'en ai pas grand-chose à foutre… Vous avez vu Francis ?
Helen regarda dans la salle.
- Nan. Si ça se trouve il n'est pas là, y'a plusieurs jours où il s'est absenté ces deux dernières semaines…
- C'est… un peu inquiétant, non ?
Helen agita la tête.
- Disons que tu as un peu monopolisé les inquiétudes…
- Je vous ordonne de réunir une armée, d'aller chez Francis et de voir ce qui ne va pas !
Helen regarda Wallace, circonspecte. Wallace soupira et entra dans la salle, sous les regards de ses camarades.
- Eh bah, quel silence de mort, hein… souffla Wallace.
Gêne générale. Wallace secoua la tête.
- J'adore mes nouveaux pouvoirs…
Il alla se poser à l'écart de tout le monde, ce qui surprit Naomi, Walter, Perrine et Robbie. Il était au premier rang de la petite rangée de gauche.
Helen entra et remarqua cette disposition bizarre, mais elle laissa faire.
- Bien… Bonjour à tous, et bon retour de Wallace parmi nous !
- Un mot de plus et je vous entaille la gorge.
Helen grimaça. Wallace plissa les yeux.
- Oh, pardon !
Il se fendit d'un grand sourire plein de dents.
- … Okay… Euh… Je vais profiter du retour de Wallace pour vous distribuer quelque chose. Je suis allée, cet été, dans le fameux Box 602, recommandé par l'oncle de Wallace.
Wallace haussa un sourcil.
- J'y ai trouvé ceci, et je voudrais en distribuer à certains d'entre vous qui présentent une compatibilité !
Wallace grimaça encore plus, intrigué.
- Et puis, sait-on jamais, ça pourra être utile un jour ! Alors… On va commencer par Violette, puisqu'il y en a deux…
Helen monta avec les trois objets dans ses mains.
- Voilà. Pour Kangourex et pour Mysdibule !
- … Ce sont…
- Oui ! Tu vois, je t'avais dit que si je les trouvais, je t'en informerai !
Santana observa les objets, intriguée. Deux billes translucides et colorées, ainsi qu'un bracelet avec un étrange symbole d'ADN. Amélia les regarda avec convoitise.
- Les…
- Voilà, tu as tout compris… Ensuite… Fey et Ana, comme elles sont côte à côte…
Helen leur porta les bracelets et les gemmes. Fey s'étonna.
- C'est quoi ?
- Vous vous rappelez, tout ce cirque autour des Méga-Evolutions ? Eh bien ce sont les objets qui peuvent vous permettre d'accéder à ces évolutions !
Wallace grimaça, complètement à l'ouest.
- Alors… Perrine !
Helen donna les objets à la jeune fille qui les regarda comme si c'étaient des babioles achetées sur un souk.
- Et… c'est censé servir à quoi ?! s'étonna Perrine.
- A faire Méga Evoluer vos Pokémon ! Quinn…
Helen monta à nouveau donner les objets à l'élève.
- Merci…
- Ensuite… Mike !
- Heeeeey, j'en veux une aussi ! grommela Steven.
- J'en ai pas pour toi, désolée mon grand !
- Genre ! Pffff ras le bol du favoritisme dans cette classe…
Mike reçut avec plaisir les objets donnés par la prof.
- Clive et Andréa !
- … j'veux pas de bijoux aussi colorés !!
- Moi non plus mais si ça peut nous rendre super balaises, c'est pas plus mal !
Wallace soupira, complètement largué, tant par ce qui se passait que par le comportement de la prof.
- Voilà ! Donc. Ceci est une sorte de cadeau offert par « Un homme de science et de bien » si j'en crois la notice donnée avec la mallette. J'en ai encore d'autres mais je ne sais pas encore à quoi elles correspondent, donc on verra bien et le cas échéant, je vous donnerai les autres !
Helen regarda Wallace qui semblait médusé et désabusé.
- Un… souci ?
- Rien, juste… Vous m'avez attendu pour ça ?
- Euh bah… Non pas spécialement, encore que…
- C'est complètement ridicule ! Qui nous envoie ça, pourquoi ?! On n'aurait pas pu y réfléchir ensemble ? Vous êtes complètement inconsciente, c'est comme si vous veniez de nous donner des mitrailleuses !
Helen blêmit. Wallace secoua la tête.
- Commencez votre cours…
- Euh… non mais Wallace, ce n'est pas à toi de…
- COMMENCEZ VOTRE COURS, au lieu de jouer les gamines attardées à distribuer des artefacts dangereux à des élèves inexpérimentés sans en discuter au préalable avec eux…
Helen se mordilla les lèvres, gênée. Naomi, Perrine, Robbie et Walter observaient leur camarade, quelque peu stupéfaits. Le reste de la classe semblait apeuré à la seule idée d'approcher l'adolescent.
Tristan observait Wallace, inquiet pour lui. Ce que Tino remarqua.
- Euh… Bien, alors… On va reprendre… Euh, Wallace, je suppose que tu rattraperas…
- Bien sûr que non.
Helen le regarda, intriguée et gênée, parlant d'une toute petite voix toute défaite.
- J'arrive même pas à savoir si tu plaisantes ou si tu es… vraiment fâché… ?!
Wallace, pour seule réponse, se leva, prit son sac et partit.
- W… Wallace, non, non mais…
- Je suis à la médiathèque.
- S'il te plait, Wallace, non…
Tristan allait le suivre mais Tino l'arrêta d'une vive chope du bas. Wallace sortit en faisant claquer la porte.
- Ouh malaise… euh bah… je vais commencer le cours… euh… Quelqu'un d'autre a trouvé que j'ai été un peu conne ce matin ?
Les élèves se regardèrent, quelque peu stupéfaits. Tristan soupira, fou d'inquiétude.
***
- Vous êtes un jeune homme intelligent, qu'est-ce qui vous a pris de…
Jason Mars relut ses notes.
- Euh… de participer à une telle action ? Je veux dire… Vous êtes un orphelin placé chez sa tante, vous avez des résultats plus que corrects, vous avez obtenu votre diplôme comme la majorité de vos camarades…
Tristan observait le bleu, en ayant tout à fait compris que c'était un bleu, c'est-à-dire qu'il le regardait avec condescendance et mépris. En fait, ses yeux étaient emplis de fureur.
- Pourquoi avoir ainsi… dégradé votre école et participé à cette guérilla ?
- Vous connaissez déjà l'histoire. Sinon, vous ne seriez pas dans la police et vous ne seriez pas en train de m'interroger inutilement. Tout comme les vingt-six autres personnes que vous allez interroger.
- Vingt-sept.
Tristan haussa les sourcils en regardant l'inspecteur, au fond de la salle.
- Elle n'a pas participé…
- Elle avait beau être de l'autre côté, elle était quand même dans votre classe. On la soupçonne d'avoir pris une part plus ou moins importante dans l'attaque.
Tristan soupira.
- Bref…
- J'insiste une fois de plus pour que vous changiez de ton, jeune homme.
- J'insiste une fois de plus pour que vous interrogiez celui qui doit l'être.
- Qui vous dit que ce n'est pas le cas, déjà ?
Tristan leva les yeux au ciel.
- Le fait que VOUS soyez ici à perdre votre temps !
- Peut-être bien que j'ai envie de le perdre.
- Eh bah vous êtes un gros blaireau sans cervelle !
- Calmons-nous… souffla Jason Mars.
- Je reprends les rênes de l'interrogatoire. Vous êtes trop doucereux, Mars.
- O… Okay…
Reiner se rassit sur la chaise.
- Monsieur Edison, parlons de votre relation avec monsieur Wallace Gribble.
Tristan se mordilla les lèvres.
- On n'est pas ensemble.
- Ce n'est pas ce que dit le rapport.
- Eh bah votre rapport se trompe. Il n'y a rien entre lui et moi.
- Ce n'est pas ce qu'indique ce rapport.
Reiner tendit un dossier à Tristan. Qui reconnut l'écriture et la charte graphique. Qui sourit, désabusé.
- Je rêve… Non seulement vous ne l'interrogez pas, mais en plus vous reprenez sa documentation… Vous l'avez sucé, aussi ?
- Votre langage, jeune homme ! Je suis inspecteur de police !!
- Pour moi, vous êtes juste gros blaireau avec de la foutue merde dans les yeux et le putain de sens de la justice d'une truite attardée !!
Tristan s'était levé, ce qui avait ulcéré l'inspecteur.
- Putain… J'espère que les suivants seront pas aussi casse-couilles…
- Y'a peu de chances, je suis le plus calme ! souffla Tristan avec audace. Vous me donnez un dossier qui a été monté par un homme qui nous a espionnés, qui a observé nos faits et gestes, qui a manipulé des gens et usé de son influence et de sa position pour récolter des informations sur des élèves de son école. Et vous venez me demander à moi si je suis un terroriste tout ça parce que j'ai brouillé des communications, piraté le réseau de l'école et implanté un virus dans celui-ci après usage ?
L'inspecteur Reiner hocha la tête.
- Ca, et les dégradations matérielles.
- C'est – comment dire – une conséquence logique de l'attaque de Direction Dresseurs. Enfin, de Roland Smirnoff. Pour moi, tout est de sa faute. Et je ne lâcherai mon ton insolent que quand j'aurais la certitude par A plus B que vous allez arrêter cette ordure.
Tristan inspira.
- Et que vous ayez relâché Wallace Gribble.
- Vous êtes son complice, et bien plus encore, vous devriez presque être incarcéré avec lui.
- Ce serait avec grand plaisir. On peut avoir un lit King-Size et des accessoires dans la cellule ? J'aime être attaché, ça vous intéresse aussi ?
L'inspecteur poussa un immense soupir. Jason Mars tombait des nues à mesure que l'entretien se déroulait.
- Cet entretien ne nous mènera à rien.
- Dieu merci, ENFIN une parole sensée !! soupira le jeune homme.
- Je vais donc arrêter de parler et écouter ce que vous avez à me dire. Et si ça me convient, je vous relâche. Si je considère que vous me cachez quelque chose, je vous fous au trou, alors réfléchissez bien à ce que vous allez répondre : Qu'est-ce qui s'est passé ? Depuis le début. N'omettez rien.
Tristan hocha la tête, plus calme.***
- J'ai l'impression qu'ils sont tous devenus débiles ! D'abord je me suis pris une poêlée de condoléances de merde, genre « Oh pauvre Wallace, on s'est parlés deux fois en deux ans, mais je suis tellement tellement désolé pour toi ! » Putain de merde…
- Déjà, tu devrais… te calmer… marmonna Denis.
Ils étaient derrière son comptoir, Wallace aidant Denis à ranger ses dossiers d'emprunt sur lesquels il lambinait toujours.
- Je sais, mais après, cette conne de prof nous balance des Méga-Gemmes à tire-larigot…
- Ah, elle vous en a donnés aussi…
Wallace regarda Denis qui montra les trois billes et le bracelet qui allait avec.
- J'm'en suis pas servi, j'ai pas trop compris son délire « Hey, un jour ça va peut-être servir ! »
Wallace soupira.
- C'est juste moi ou tout le monde est devenu complètement con ?
- Tu es dans un état de grande tension, il t'arrive des tas de choses, je ne comprends même pas pourquoi tu veux m'aider alors que de toute évidence, tu devrais juste… te reposer !
Wallace regarda Denis.
- Hein. Tu te reposes ici, tu vas manger tranquillement, et après tu y retournes.
- J'ai fondamentaux après l'histoire.
- Oh… votre prof est un sacré cas…
- Hm…
- Mais sois un peu adulte face à tout ce qui t'arrive, Wallace, j'insiste !
Denis posa une main amicale sur l'épaule du jeune homme.
- Sinon tu vas flancher et foutre ta vie en l'air sur un coup de tête. Tu es un garçon bien avec du potentiel, que ton Pokémon soit mort, c'est une chose, mais ressaisis-toi, la vie continue !
Wallace acquiesça. Il regarda Denis qui le regardait avec bienveillance. Sans trop réfléchir, Wallace posa ses lèvres sur celles du gérant de la médiathèque. Denis écarquilla les yeux mais laissa faire Wallace, et même l'encouragea dans le baiser, jusqu'à ce que dernier ne s'éloigne de lui-même et ne regarde Denis qui prenait l'air le plus stoïque possible.
- … et efforçons-nous de continuer à vivre en oubliant ce moment très embarrassant, tant pour moi que pour toi.
- … désolé…
- Nan, nan, ce n'est rien, je suppose que…
- Putain, c'que j'peux être con ! Excusez-moi !
- Mais non, Wallace, ce n'est pas grave, tu es tout troublé…
- C'est juste que vous êtes tellement…
- Nan, nan, on ne va pas épiloguer là-dessus, c'était sous le coup de l'émotion, stop. Ok ?
Wallace hocha la tête, piteux.
- Je sens que je vais retomber dans mes travers. Si j'ai pas l'école pour m'aider à remonter la pente, je fais comment ?
- Tu as des amis, Wallace…
- Walter a des problèmes, Naomi aussi, Perrine est avec Robbie, je ne veux pas les emmerder ! Vous embrassez super bien, pis vous avez des mains géniales, vous êtes né pour câliner ou quoi ?
- Eh bien trouve quelqu'un d'autre, ce ne sont pas les seules personnes de ta classe !
Wallace attendait autre chose. Denis sourit en reprenant son travail.
- Et oui, je vais délibérément ignorer tes compliments, aussi flatteurs soient-ils.
- En tout cas, vous allez avoir besoin soit d'aller faire un tour dans la réserve, soit d'une bonne douche froide !
Denis éclata de rire.
- Sale petit con !
Wallace sourit.
- Va ranger ces bouquins, je suis pas en position de le faire actuellement.
- Reçu ! sourit Wallace en prenant un tas.
Le jeune homme partit dans les rayons. Denis inspira.
- On va dire qu'on est quittes, David…
***
Sortie du cours d'histoire. Tristan partait rapidement vers la médiathèque. Tino le rattrapa.
- Qu'est-ce que tu crois être en train de faire ?
- J'ai besoin de le voir, il va mal.
- Et alors ? Tu es son médecin ?
Tristan haussa les sourcils et se retourna vers son ami.
- Mais enfin Tino…
- Que tu aies des sentiments pour lui, soit. Mais ce que tu veux faire est dangereux. Je refuse que tu coures au-devant d'un refus cinglant ou de nouvelles insultes qui vont encore te ramener plus bas que terre ! Cette fois je ne le laisserai pas faire et je ne te laisserai pas t'engluer dans ces conneries !
Tristan serra les dents.
- Mais qu'est-ce que tu racontes, je veux pas l'approcher de cette fa…
- Je me doute bien, j'en viens à la seconde partie de mon argumentation : N'essaie pas de comparer ce qu'il vit avec ce que tu as vécu !
Tristan se mordilla les lèvres.
- Je t'avoue, en effet, que ça me travaille…
- C'est ce que je pensais ! C'est dangereux pour toi, Tristan, ça peut faire remonter de très mauvaises choses !
- M… Je peux peut-être aussi l'aider, et…
- Oui, dans tes jolis rêves, ça se passe comme ça. Dans la réalité, Wallace est un sale con. Pokémon mort ou pas, il méprise ce que les autres ressentent, il va juste t'écouter, tirer ce dont il a besoin mais ce que tu penses toi, il va s'en foutre royalement. Et puis même, à quoi de positif pour toi veux-tu que ça aboutisse ?
Tristan regarda Tino, éberlué.
- Mais… Il est pas question de moi, il est question de lui !
- Il n'aurait pas les mêmes égards pour toi, tu en es conscient.
- Mais…
- Viens, on va en cours de fondamentaux, laisse Wallace cuver sa déprime vu que visiblement, ce n'était pas encore fait. Il s'en est pris à madame Clover qui est quand même censée être sa prof préférée, Tristan ! Qu'est-ce qu'il te faut de plus ?
Tristan se retourna vers la porte de la médiathèque. « Il souffre. Je veux l'aider, je sens qu'il souffre. Je suis passé par là aussi… »
Il regarda son meilleur ami. « Pourquoi tu ne veux pas comprendre ça ?! »
***
Devant la salle du cours de fondamentaux, Quinn cherchait à joindre Francis.
- Il fait quoi, ce crétin ? D'habitude j'ai toujours un SMS rassurant du genre « Je suis malade » ou « Panne de réveil, lol »…
Lucy grimaça.
- Rassurant ?!
- Bah oui quoi… Mais qu'est-ce qu'il nous fait…
- Ca doit être en rapport avec sa sœur…
- Mais nan, il me l'aurait dit, ça !
Lucy regarda Quinn, presque méprisante.
- Tu te fous de moi ? Tu passes ton temps à éluder ce sujet précis. Il ne t'en parle jamais !
- Il t'en parle à toi ?
- Quand je lui demande, oui ! Succinctement et avec une pudeur qui n'est pas habituelle chez Francis, mais oui !
Quinn soupira.
- Dis aussi que je suis une amie de merde !
- Oui, tu es une amie de merde !
Quinn regarda Lucy, stupéfaite.
Fey et Ana étaient assises, non loin. James arriva.
- Je peux te parler ?
- Tu peux me parler devant Ana.
Ana grimaça. « Euh, ou pas… »
- J'voudrais juste qu'on se reparle, au moins…
- Tu n'as aucun sens des responsabilités !
- Tu ne m'écoutes pas !
- Je ne t'écoute pas parce que tu ne fais que geindre alors que moi je pense à long terme, tu ne penses qu'à t'amuser et à repousser les échéances ! Tu ne sais même pas où tu vas l'année prochaine !!
- J'ai le temps d'y penser !
- Non, justement ! Ouste, tu m'horripiles !
James s'éloigna, lessivé. Ana regarda Fey, gavée.
- Ce fut bref mais intense… marmonna la petite russe.
- Il m'énerve… En plus je suis malade, c'est vraiment pas le moment.
- Malade ?
- Oui, le matin j'suis pas bien, ça passe après mais je sais pas, j'suis toute barbouillée…
- Toi, tu manges trop le soir…
- Arrête avec ça ! geignit Fey. C'était juste une fois et c'était des fraises à la chantilly !
- A deux heures du matin ?!
- Chuuuut !!!
Orson montait avec Benjamin.
- Toute cette négativité dans l'air… soupira Orson.
- C'est clair, je savais que le retour de Wallace serait compliqué, mais là…
- Non pas que c'était mieux avant, hein…
- Il y a eu la déprime pré-Wallace et nous entrons dans la déprime post-Wallace, plus violente… souffla Benjamin.
- Au fait, ça fait longtemps que je t'ai pas entendu râler… s'étonna Orson.
Benjamin haussa les épaules.
- Ma vie va plutôt bien, ma petite sœur est loin d'être aussi ennuyeuse qu'elle ne semblait être… J'essaie d'aider ma mère, c'est cool, ça me responsabilise un peu. Pis on est pas mal sortis avec Lucy.
- Lucy… notre Lucy ?!
- Tu en connais beaucoup ?
- Mais qu'est-ce que vous faisiez ?!
- On mangeait, on discutait... Des trucs quoi !
Orson plissa les yeux.
- Ah bon…
- Bah oui.
- … Du coup moi j'ai l'impression d'avoir passé un été plan-plan et d'avoir pas changé du tout… geignit Orson.
- Par les temps qui courent c'est pas un mal, Orson, je te rassure.
Orson plissa les yeux.
- Mince alors, tu essaies de me rassurer maintenant…
- Tout arrive !
- Salut Amélia…
Amélia regarda Orson et lui leva une main amicale. Orson agita la sienne.
- Vraiment bizarre cette nouvelle coupe…
***
Monsieur Michelot était un gentil petit bonhomme moustachu. Avec un bouquin.
- Et donc voilà ce qu'on pouvait dire sur la littérature polonaise. Est-ce que quelqu'un a des questions ?
Les élèves se turent. Certains secouèrent la tête pour marquer leur désapprobation.
- Bon, alors on peut passer à la littérature bulgare. C'est l'une des plus anciennes du peuple slave…
Wallace avait décidé de s'endormir. Tristan avait décidé de l'observer. « Il a l'air tellement paisible… c'est bien de le voir comme ça. Il a l'air d'avoir pleuré, j'espère que ça va. J'aimerais lui parler mais qu'est-ce que je pourrais bien lui dire ? Tino a raison, je dois pas l'approcher dans son état si je veux garder mes chances… Mais qu'est-ce que je raconte ? Et pourquoi je laisse un mec qui n'a pas parlé à la fille dont il est amoureux de tout l'été me donner des conseils ! J'ai qu'à faire comme je l'entends !... et me planter lamentablement… Oh mince, Tristan, tu es vraiment un cas désespéré… »
- … et voilà c'est tout ce qu'on pouvait dire sur la littérature bulgare. On passe à la littérature bosniaque…
***
Fin de l'heure et direction la cantine. Wallace s'était ostensiblement isolé.
- Il devient inquiétant, là… souffla Naomi.
- Il est plus mal qu'il ne le croyait lui-même, faut le laisser un peu se réadapter à la vie en société, je pense… souffla Walter.
Perrine et Robbie observaient, intrigués. « Ils se reparlent ?! »
- Je tends à penser qu'on ne doit pas trop s'en faire pour lui, il s'en sortira… songea Naomi.
- Oui, il est solide, au pire il sait qu'il peut compter sur nous… admit Walter.
Robbie regarda Perrine qui inspira.
- Dites, ça vous dit de venir me voir tester la Méga-évolution de Scarhino ?
Walter inspira.
- Bof…
- Mouais, pareil, c'est pas bien passionnant… Pis Wallace avait pas tort, elle a un peu déconné, la prof sur ce coup...
- Ooooh moi qui voulais faire un apéritif dinatoire sympa et tout et tout… marmonna Perrine sans enthousiasme.
- Moi si tu veux, je peux venir voir ! sourit Robbie.
- Ca paraissait évident que tu sois là… soupira Perrine.
Robbie hocha la tête.
- On progresse, je deviens évident !
- Bah à force un peu quand même…
- Génial, mes efforts paient ! sourit Robbie.
Autre table, autre mœurs.
- Si on excepte Wallace qui est de retour, cette journée est d'une banalité affligeante ! sourit Gina.
- Oui… Mais grâce à lui, je sais maintenant que je fais le bon choix en restant chrétienne : Au moins je sais que je saurais gérer les décès qui parcourront ma vie infiniment mieux que lui ! sourit Holly.
Lilian haussa les sourcils.
- Je… ne pense pas que ça ait grand-chose à voir…
- Ca m'aidera, au moins ! Parce que là, tu sens qu'il n'a pas grand-chose à quoi se raccrocher… Il est tout seul dans son deuil. S'il croyait en Dieu, il n'aurait qu'à joindre ses mains et penser que son Pokémon est à présent entre de bonnes mains !
Gina ne put qu'acquiescer. Léon plissa les yeux.
- Alors… Dieu a tué le Manternel de Wallace… pour qu'il soit entre de bonnes mains ?!
- C'était voué à être, c'est, et il y a forcément une bonne raison à ça, Wallace doit la découvrir ! sourit Holly.
- Hm. M'est avis que tu ne dois certainement pas dire ça en face de Wallace. Une intuition, comme ça… songea Lilian.
- Oh que oui… souffla Léon.
Clive et Andréa mangeaient ensemble, comme à l'accoutumée.
- Bilan de cette demi-journée ? souffla Andréa.
Clive soupira.
- Je me sens nul. Je sais que je suis pas le seul, mais… Je sais pas, en trois ans, je m'aperçois que je suis passé à côté de plein de gens, notamment Wallace. Et je sais pas, je me dis que c'est un peu bête, j'aurais pu essayer de leur parler…
Andréa se releva, stupéfaite, les yeux fixés sur Clive.
- Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de Clive Barker ?!
- Je suis peut-être en train de mûrir en fait…
- On avait pas dit qu'on se tirerait une balle quand on se dirait ce genre de choses ?
- On devait aussi le faire pour nos dix-huit ans, nos vingt ans, nos trente ans et nos cinquante ans. Et pour le jour où on achèterait une maison, des meubles, une voiture... Ouais, nan, crois-le ou pas, je crois que… Je suis en train de grandir, de réaliser que j'en ai marre d'être tout seul.
Andréa secoua la tête, affolée.
- J'veux pas te perdre !
- Mais nan, abuse pas…
- Cliiiive ! geignit Andréa.
- Mais non, t'inquiète.
Mike, James et Steven mangeaient tous les trois ensemble, pas très rassurés.
- C'est nul d'être que tous les trois… soupira Mike.
- Putain, grave, on ressemble à des sans-amis… Et à des sans-copines… Donc à des pédés ! Au fait, vous croyez que Wallace a ses ragnagnas ?
James regarda Steven en se frictionnant le visage.
- Je comprends mieux Fey…
- Fey, ton ex ?
- Steven… soupira Mike.
- J'en ai plus rien à foutre, vieux, fous-toi de ma gueule si tu veux, n'empêche que moi au moins je sais ce que ça fait d'être heureux avec quelqu'un !
- Ouais mais plus maintenant ! sourit Steven, malicieux.
James soupira et replongea le nez dans son assiette. Mike souffla en l'air.
- Putain les mecs, j'ai presque envie de vous laisser et d'aller déjeuner avec Wallace, ce sera moins badant !
Quinn et Lucy mangeaient ensemble, sans Francis.
- Comment ça fait vide… soupira Quinn.
Lucy mangeait en soupirant.
- J'veux dire, d'habitude il est toujours là pour sortir une petite blague, et là…
- Hm, oui en effet… soupira Lucy, désabusée.
- Il me manque…
Lucy inspira.
- Oui, si seulement tu pouvais aller chez lui pour voir ce qui ne va pas…
- Rhôôô mais non, si ça se trouve sa petite sœur est malade, ou quelque chose dans le genre, il ne répond pas à mes SMS parce qu'il est à son chevet…
- Si seulement tu pouvais aller chez lui pour vérifier cette très intéressante théorie…
- Oh et puis tu me les brises !
- Si seulement tu pouvais me faire taire… Tiens, c'est la seule chose que tu ne peux pas faire !
- Gnagnagna !
Santana et Violette mangeaient face à face, Violette étant affublée d'Amélia en guise de chaperon, tandis que Tristan était le rendez-vous de 13 heures de Rebecca.
- Cela me tue de l'admettre mais Tino a raison, dans un sens. Tu ne peux pas dire à Wallace « Wallace, je te comprends, mes parents sont morts » !
- Nan, c'est pas question de faire ça, du tout… soupira Tristan.
- Tu viens de me dire que tu le comprenais, que tu sais ce qu'il traverse en ce moment et que tu peux l'aider ! Ça veut dire ce que ça veut dire, tu veux mettre ton expérience personnelle sur le plan de la sienne !
- Pas forcément…
- Tristan, en tant que meilleure ennemie, je te recommande de faire bien attention à toi. Parce que tu vas déchanter si tu t'imagines que Wallace va être tout sucre tout miel, du genre « Oh, merci Tristan, ce que tu dis me touche beaucoup, devenons plus que des amis ! »
- Mais il ne s'agit pas de ça du tout… geignit Tristan.
- Alors quoi ?
Tristan soupira en baissant la tête.
- Je sens qu'il est en souffrance et ça me fait souffrir aussi, je veux faire ce qui est en mon pouvoir, je… Je sais que c'est risqué, je sais que je peux m'en prendre plein la gueule, je sais que ça peut m'exploser à la face, faire remonter tout ce que le décès de mes parents et de ma sœur m'a infligé, mais… Si c'est pour lui, je veux bien prendre ce risque…
Rebecca, stupéfaite, regarda Tristan relever la tête, les yeux pleins de larmes.
- Je l'aime, Rebecca. C'est horrible, je ne me suis jamais autant aperçu d'à quel point je l'aimais avant de l'avoir vu dans un tel état de souffrance. Je n'ai qu'une envie, là, c'est de le prendre dans mes bras et de lui dire que ça va aller, qu'il va s'en sortir, que c'est possible.
Rebecca inspira, convaincue.
- Ok… Mais là, dans l'état actuel, tu avoueras…
- Bien sûr… Je sais bien… Mais voilà, je veux au moins essayer.
- Comme tu veux. Mais ne viens pas pleurer après. Je ne te ramasserai pas à la petite cuillère et je ne pense pas que Tino acceptera de le faire lui aussi.
Tristan soupira et haussa les épaules. Rebecca haussa les épaules, hautaine.
- Quelle détermination, wouah, ça fait peur !
Tristan sourit en levant les yeux au ciel.
Fey et Ana étaient plutôt dépitées.
- Naomi ne mange pas avec nous aujourd'hui, ça craint ! souffla Fey.
- On a l'air encore plus seules que d'habitude ! sourit Ana.
- Elle essaie peut-être de se rabibocher avec Walter… marmonna Christina. Par rapport à tout ce qui se passe avec Wallace.
- Hm… admit Ana.
Fey haussa les sourcils.
- C'est… un peu idiot, non ?
- D'autant que Walter, lui, ne voulait pas faire ça… résuma Christina.
- Ah bon ?!
- Oui il ne voulait pas en profiter pour se rapprocher d'elle !
- Normal, quoi, il est galant, Walter…
- Oui mais visiblement Naomi ne l'est pas autant…
- Ahon…
Quinn et Lucy arrivèrent.
- On peut manger avec vous ? Francis est pas là, on se sent seules et…
- Et je suis à deux doigts de tuer cette pouffiasse ! assura Lucy.
- Moi pareil ! Aidez-nous à survivre l'heure !
Fey, Ana et Christina se regardèrent.
- Ouais, venez, on parle de Naomi et Walter !
- Aaaaaaah ! Il leur arrive quoi à eux, alors ?! sourit Quinn.
Wallace s'était placé face à un mur. « Je fais quoi, je pars ? Je reste ? A quoi bon ? Tous ces cours vont juste me rappeler à quel point je suis misérable à présent. A quel point Manternel me manque… Pourquoi je m'impose ça en fait… J'pourrais très bien… juste… l'école par correspondance… J'ai juste envie de me barrer en fait… »
Tino soupira alors que Benjamin mangeait tranquillement et qu'Orson faisait une crise d'insécurité numérique face à l'impair.
- Tristan va droit dans le mur… Il va aller lui parler, je sais qu'il va me désobéir, et il va se manger une sacrée déception…
Benjamin plissa les yeux.
- Mais euh… Tu en sais quoi ?
- Je le sais, c'est tout. C'est déjà comme ça que ça a fini auparavant. Et il adore faire des choses dans mon dos, alors il le fera dans mon dos, et il adore mettre ma parole en doute et me défier, alors il le fera.
Benjamin grimaça.
- Tu… parles comme si c'était ton Pokémon…
- Non, bien sûr que non, juste que je le connais.
- Oui mais… Il est assez grand pour savoir s'il fait le bon choix ou pas, nan ?
- Et ça s'est vachement vu pendant ces deux dernières années ! Il n'a fait que des erreurs ou des choses qui l'ont rendu malheureux !
- Oui mais… ça le regarde, nan ?
- Nan, c'est mon meilleur ami, je veux le protéger de tout ça ! Vu que visiblement il ne veut pas s'en protéger et préfère prendre des risques inconsidérés !
Benjamin semblait dubitatif, mais il ne voulait pas envenimer la situation. Orson plissa les yeux, gêné.
- Pourquoi on n'est que trois ?! Pourquoi tout le monde a l'air aussi seul ?!
Tino soupira. Benjamin haussa les épaules et retourna à son repas.
***
Sortie de la cantine. Wallace soupirait et se dirigeait vers la sortie.
- Hey…
Wallace se retourna vers Helen. Il repiqua vers la sortie.
- Wallace, non, attends ! Je suis désolée, Wallace…
Wallace continua et commença à arpenter l'allée.
- Wallace, mais où vas-tu ?
- Au cul derrière la gare, pousser les wagons…
- Wallace, non, pas de ça avec moi ! S'il te plait !!
Le Miradar d'Helen s'interposa. Wallace inspira, entre chagrin et dégoût.
- Wallace, je t'en prie ! Je suis désolée, j'ai été idiote ce matin ! Je ne t'ai pas fait de rapport ou quoi que ce soit, je voulais juste te dire que…
Helen soupira.
- Même si… Même si je sais que c'est nul, j'attendais avec impatience ton retour, Pokémon mort ou pas, pour distribuer ces trucs… On aurait dû en discuter, c'est clair, je me suis emportée… Pardon. Retourne dans l'école, s'il te plait…
- J'peux pas, c'est trop dur…
- Mais non… Tu vas y arriver, il va bien falloir que tu y arrives, on a besoin de toi…
- Laissez-moi deviner. Pour vaincre Direction Dresseurs et sauver le monde ?
Helen grimaça.
- Quoi ? Non !
- Vous venez vous-même de répartir consciencieusement l'arme nucléaire à chaque élève avec l'enthousiasme d'une pom-pom girl sous kétamine, putain, vous êtes surexcitée à cause du fait que votre ex soit en lice pour la présidence, vous ne valez pas mieux qu'une vulgaire pouffe de pacotille, vous avez beau refuser cette vie-là, vous êtes devenue une vulgaire Poképolite conventionnelle, et vous finirez mariée et avec des gosses !
Helen gifla Wallace. Lequel resta sur place. Helen serra les dents et inspira.
- Pardon…
- J'ai l'habitude. Je crois que c'est vous qui m'avez dit un jour que j'étais un être digne de recevoir de l'amour. Preuve en est que non, ou du moins pas comme tout le monde. Si vous m'excusez, après cette affectueuse gifle, je cours prendre une bonne grosse fessée, maso comme je suis.
Wallace s'en retourna vers l'école. Helen regarda Miradar, tout perturbé.
- Oh bordel… C'est pas ma faute, il m'a traité de fille conventionnelle !!! Ça va être quoi, après ? Hein ? Y'a plus de respect !
La rousse soupira en regardant son élève retourner vers l'établissement. « Au moins, il est rentré… »
***
- Je vais pas y arriver. Je vais me chier dessus. Je vais arriver à ce pupitre et je vais me chier dessus.
Roland ajusta la veste rouge et or de son poulain.
- Non, tu vas être parfait. Je n'en doute pas une seule seconde. Je t'ai bien choisi après tout.
- J'ai toujours du mal à saisir pourquoi mais bon…
Roland inspira.
- A la base, je voulais entraîner ce Couafarel, Lassie. Et puis en faisant des recherches au sujet de ce Pokémon, je me suis aperçu qu'il servait autrefois les rois et reines de Kalos. Du coup je me suis demandé s'il était capable de reconnaître les gens de valeur, et c'est le cas.
Holland haussa un sourcil peu convaincu.
- Ca n'a rien de très scientifique.
- Tout comme l'expérience que nous menons actuellement ! sourit Roland.
Holland soupira et se regarda, le groom.
- Pourquoi un costume pareil ?
- Parce que Truce méprise la noblesse, je vais donc lui donner du pauvre en ragout pour l'amadouer avant de l'estourbir...
- J'ai un peu l'impression d'être pris au milieu de votre guéguerre.
Roland haussa les épaules.
- Tes impressions importent peu. Sois un bon garçon, souris, dis ce qu'on te demande de dire. Et tout ira bien. Avance jusqu'au pupitre et prononce ton petit laïus. Moi, je repars à Pokétopia, je te laisse aux mains de ton équipe de campagne.
Holland se tourna vers Maximilien Perry, Ethel Wilde, Jeffrey Houston, Arlène Rhodes, Dimitri Corbin et Pablo Montes.
- Une dernière chose, Spirou.
- … je hais ce surnom…
- Quoi qu'il arrive, ne dis rien en aparté à Justin Truce. Absolument rien du tout.
Holland hocha la tête avec gravité.
***
A la fin de l'allocution annonçant les deux candidats, Truce se dirigea vers Holland.
- Je peux savoir ce que vous pensez faire ? Ou plutôt ce que Roland Smirnoff pense faire ?
Holland soutint le regard de Justin Truce.
- Je vous reconnais, vous êtes le laquais du proviseur de cette stupide école.
- Je vous reconnais également.
Justin inspira.
- Vous n'êtes pas à la hauteur. Je ne parle pas de vos compétences, je n'en ai aucune idée, à la vérité, mais ce qui nous oppose, moi et Roland Smirnoff, est une tempête bien plus orageuse que tout ce que vous avez pu traverser auparavant dans votre misérable petite existence. Vous servez un camp, mais que ce soit moi ou lui, vous servez le Diable.
Holland inspira.
- On voit que vous n'avez pas connu ma mère… Oh, Roland m'a dit que vous aviez pour habitude de faire assassiner des gens. Si vous pouviez vous charger d'elle !
Justin fit de gros yeux. Holland sortit un dictaphone de sa poche.
- Bien que ce serait extrêmement fâcheux. C'est ma mère, tout de même.
Justin grimaça. Holland saisit une feuille de papier, écrivit dessus et la tendit à Justin avant de tourner les talons.
Truce haussa un sourcil intrigué.
« Jouez le jeu. » ***
- Ca va aller ?
Wallace soupira.
- Si tu savais ce que j'en ai marre qu'on me demande ça…
- Je me doute bien… souffla Walter.
La classe faisait la queue devant le cours de combat direct.
- En fait je me demandai vraiment si ça allait aller, toi, dans ce cours.
Wallace haussa les épaules.
- Non, ça n'ira pas, mais… Comme dit la prof, si j'y vais pas, j'irais jamais, et autant tout arrêter alors…
- Je suppose qu'elle est un peu grisée par le récent retour de monsieur Tenorman…
- Exact.
Blandine arriva et ouvrit sa porte, laissant la marmaille rentrer. Tino suivait Tristan.
- Tristan, quoi qu'il se passe pendant ce cours, tu ne bouges pas.
Tristan grimaça et se retourna vers Tino alors que les autres se mettaient en place.
- Tu m'as bien compris ?
Tristan hocha doucement la tête.
Blandine s'assit. Wallace gardait son positionnement à l'écart.
- Bien… On va commencer, comme d'habitude, ce cours par un petit combat de chauffe. J'appelle… Kingsley et… Bertelin.
- Han, non… soupira le petit gros.
- On ne rechigne pas, Bertelin.
Wallace décida d'essayer d'observer. Naomi se plaça face à Orson.
- Vous pouvez y aller, simple, un contre un.
- Kimona !
Shaofouine apparut et dansa doucement en agitant les bandes de fourrure prolongeant ses bras.
- Allez !
Orson envoya Cliticlic. Le complexe Pokémon Acier faisait vrombir ses rouages.
- Je n'ai pas l'avantage du type, mais je sais que Cliticlic peut gagner !
- Félicitations pour ce magnifique… tas d'engrenages… marmonna Naomi.
- Heeeeeey c'est pas gentil…
- Orson, pour l'amour du ciel, tu ne gagneras rien à être gentil tout le temps, c'est un combat, bon sang… souffla Naomi.
- Je sais, je sais…
Wallace observa Cliticlic se retourner vers Orson qui lui sourit.
- Allez, on peut le faire !
Wallace sentit les émotions remonter. Il se leva.
- Excusez-moi, madame…
- Je comprends, Gribble, aucun souci.
Le reste de la classe regarda Wallace. Naomi posa sur lui les yeux de sa bienveillance naturelle, et Orson encore plus, ce qui écrasa Wallace qui sortit d'un pas lent et reniflant.
Tino scruta Tristan.
Tristan…
« Je dois le faire. »
« Il va mal. »
« Je ne peux pas le laisser comme ça. »
« C'est maintenant ou… »
Tristan se leva. Tino l'attrapa par le bras.
- Lâche-moi !!
- Tristan !
- Lâche-moiiii !!
Blandine observa, stupéfaite. Benjamin, Christina, Perrine, Robbie, Walter, les autres élèves observaient également. Naomi et Orson se regardèrent, intrigués.
- Edison ?! s'étonna Blandine.
Tristan échappa à la poigne de Tino.
- Bon sang, Tristan, mais qu'est-ce que tu crois pouvoir FAIRE ???
La classe résonna. Tristan s'était arrêté. Steven, Mike et James étaient stupéfaits par ce cri. Holly et Gina observaient, médusées. Clive et Andréa se regardèrent.
- Hein ?! Explique-toi ! Explique à toute la classe pourquoi tu pars à sa suite alors qu'il est au trente-sixième dessous !
Tristan regarda Tino droit dans les yeux.
- Parce que je l'aime.
Quinn, Lucy, Fey, Ana et Christina haussèrent les sourcils.
- Bien sûr, et ça justifie cette action de ta part ? Je m'en doutais que tu allais…
- Oh LA FERME !!
Tout le monde frémit, Blandine comprise.
- Pourquoi tu me fais la leçon ?! Tu ne sais même pas ce que c'est que l'amour ! Tu es incapable d'assumer tes sentiments et après ça tu viens me parler, Tino Ketts ? Mais regarde-toi, bon sang !! Regarde-toi !
Tino se regarda, par réflexe. Christina inspira, plus que d'accord.
- Il y a des choses dans la vie que tu ne peux pas contrôler, Tino, et il va falloir t'y faire, rapidement, pour ton bien. Et je suis une de ces choses. Excusez-moi, madame !
- J'vais juste prendre ma lime à ongles, si tu permets… soupira Blandine, plus à ça près.
Tino se rassit, éberlué. Rebecca inspira lourdement. Violette semblait émue. Santana plissa les yeux.
Tristan fonça dans les couloirs. « J'espère qu'il ne s'est pas barré… Non, je sais où il est… »
Lykke Li – I Follow RiversTristan ressortit de la salle d'interrogatoires. Il regarda dans le couloir et aperçut Wallace. Il se dirigea vers lui avec soulagement.
- Tu…
- Ils viennent de me libérer pour m'interroger moi aussi, plus tard…
- Ca a été, le centre d'incarcération, ils ne t'ont pas fait de mal ? demanda Tristan.
Le plus petit des deux se mordilla les lèvres, impatient d'avoir sa réponse. Le plus grand inspira.
- Ce connard d'inspecteur n'a pas été trop rude avec toi ?! demanda Wallace, indifférent de sa propre situation.
Tristan serra Wallace dans ses bras. Wallace lui rendit son étreinte.
- Mais qu'est-ce qu'on a fait, Wallace ? Pourquoi on a fait ça ?! Pourquoi ?
Tristan pleurait. Wallace resserra sa prise sur lui, l'air maussade, regardant vers le lointain.***
Wallace s'était assis sur le banc dans les jardins, face aux terrains d'entrainements. La tête entre ses mains, immobile, plongé dans son chagrin.
Tristan vint s'asseoir à côté de lui en toute simplicité. C'était à cet endroit qu'ils avaient capturé Canarticho et Osselait. Le jeune informaticien regarda le maître du cocktail, plus dévasté et maudit que jamais. Il inspira.
- Lorsque mes parents et ma petite sœur sont morts dans cet accident de voiture, il y a neuf ans…
Wallace releva la tête, les yeux rouges et surpris. C'est à peine s'il avait entendu Tristan arriver.
- … Je me suis dit que tout était fini. Que j'étais mort avec eux, que ma vie n'avait plus aucun sens et plus aucune direction. Je me suis dit que voilà, le soleil ne se lèverait plus, que la vie allait s'arrêter. Devine quoi ? Le lendemain de cette nuit que j'ai passé à pleurer et à hurler au bord de cette route de campagne, le soleil s'est levé quand même. Et la vie a continué. Je suis allé à l'hôpital, ils m'ont soigné, et en face de moi, une aide-soignante prenait son repas. La vie continuait, et moi j'avais tout perdu. C'était pas juste, pourquoi les gens ne s'arrêtaient pas ? Alors je pleurais, je me disais que c'était tout ce que je pouvais faire et surtout que c'était mon seul moyen de dire au monde à quel point j'étais à présent seul et perdu.
Wallace regarda Tristan, l'air de regarder une salade tourner dans une essoreuse.
- Ca m'a pris un peu de temps avant de réaliser que… non seulement la vie continuerait, mais que ce flot, ce dégueulis d'horreurs que je venais de traverser, ne s'arrêterait jamais. Je vais continuer à souffrir, à pleurer, à perdre, toute ma vie. Alors je me suis préparé, peu à peu, ça m'a pris du temps, mais peu à peu, je me suis préparé à l'idée de m'y faire. Me faire à la mort de mes parents est probablement le truc le plus dur que j'ai jamais eu à faire de toute ma vie. Vous êtes morts, mais voilà, je m'y suis fait. C'est des choses qui arrivent. C'est du passé. Je passe à autre chose, je refais ma vie. Elle n'est pas idéale, mais c'est ma vie. Je ne l'échangerai pas. Si je devais tout refaire, je referais pareil parce que cette perte m'a construit de cette façon, avec mes réussites et mes erreurs. J'ai perdu mes parents, mais je me suis retrouvé. Parce qu'en les perdant, forcément j'avais perdu une partie de moi. C'est toujours comme ça. Et un jour, tu vas te réveiller et te dire : « Manternel est mort, et ça ne me fait plus rien parce que… Ma vie a pris un autre sens à présent. Je suis une nouvelle personne. J'ai vécu un moment horrible, mais à présent ça va mieux, je gère ». Je te promets que ça t'arrivera. Tu vas t'en sortir, Wallace.
Wallace écoutait, médusé.
- Aucune condoléance ne t'aidera, aucun apitoiement de ta part ou de celle des autres ne t'aidera non plus, c'est ce que tu vas faire de cette perte qui importe, parce que cela va t'aider à recommencer à vivre comme avant. Il ne s'agit pas de ne plus éprouver de peine, il s'agit juste de faire un peu de place pour elle, de la garder dans un endroit où iras jeter un œil de temps en temps en te disant… « Mince, c'est vrai, il a existé, il me manque… Bon, et si je sortais cet après-midi ? »
Wallace semblait étrangement apaisé. Tristan hocha la tête.
- Je pense que la prof ne t'en voudras pas si tu ne reviens pas en classe pour aujourd'hui… Et peut-être que ce que je viens de te dire t'a saoulé ou que c'était n'importe quoi, mais je tenais juste à te le dire.
Wallace acquiesça. Tristan se leva, mais Wallace le retint par le bras. Tristan se retourna vers Wallace.
- … Merci.
- D-De rien, voyons…
- Ca te dirait de passer chez moi certains soirs, pour discuter ?
Tristan s'étonna. Wallace plissa les yeux.
- Je crois que ça me ferait du bien de parler. De te parler, à toi.
Les joues de Tristan n'avaient jamais rougi aussi intensément que ce jour-là...