La seconde génération
J'avais beau m'être couchée extrêmement tôt, la nuit s'annonçait nuit terriblement longue et difficile. Une fois le soleil couché, après avoir passé plusieurs heures à me tourner et me retourner pour des raisons que je n'arrivais pas à saisir, aux côtés d'un Isadore qui dormait silencieusement, j'étais incapable de trouver le sommeil que j'attendais. Alors, n'y tenant plus, je me levai et je sortis silencieusement du dortoir, pour ne pas déranger le Feunard Garou. Sans trop savoir pourquoi, je regardai le ciel dès ma sortie du dortoir. Le spectacle s'offrant à moi me rendit heureuse. Sous la voûte céleste, je pouvais voir une magnifique pleine lune et un ciel parsemé d'étoiles et de constellations. La lumière dégagée par l'astre suffisait à éclairer le Fort Aurora. Moins bien qu'en plein jour, évidemment, mais cela suffisait à apercevoir quelques soldats armés qui montaient la garde. Voyant qu'eux ne me voyaient pas, non désireuse de créer des ennuis à cause de ma petite sortie nocturne, je restai devant le dortoir à regarder le ciel nocturne. Alors que je regardais la lueur de l'astre, quelque chose me vint en tête sans prévenir. Encore une fois, des informations arrivant en bloc.
La lueur dégagée par la lune, aussi nommée clair de lune, n'est en réalité que la lumière du soleil réfléchie par le satellite de la planète. Alors, si la lumière du jour et la lumière de la lune sont la même avec des intensités différentes, pourquoi Noctali et Mentali sont-ils si différents ? Pourquoi un Évoli aurait-il deux évolutions différentes basées sur le même aléa naturel ? Aucune « vraie » raison n'a été trouvée, mais des hypothèses existent. La plus commune revient à dire qu'un Évoli ne se transforme pas uniquement à cause de la quantité de lumière qu'il a absorbé, mais surtout à cause du contexte dans lequel il se trouve en atteignant la limite de saturation de lumière absorbée. C'est pour ça qu'un Évoli deviendra Noctali la nuit, pour s'adapter à l'obscurité. Et qu'il deviendra Mentali de jour, pour s'adapter à la lumière forte... La volonté de l'Évoli entre aussi en compte. Contrairement aux radiations puissantes dégagées par des pierres évolutives, qui forcent l'évolution dès le contact établi, les rayons du soleil viennent en petites doses, et l'Évoli peut choisir de retarder son évolution ou au contraire de l'accélérer et évoluer de jour ou de nuit, voire même de ne pas évoluer du tout, à son aise.
Continuant de fixer la lune, je réfléchissais à tout ce que je venais d'apprendre... Ou de me souvenir ? Cela expliquait pourquoi j'avais évolué il y a quelques jours. Allongée nue dans la neige, la lumière absorbée par mon corps d'Évoli avait été démultipliée par la neige blanche, le soleil, le manque de nuage... Couplé à ma volonté d'évolué pour survivre, j'avais donc réussi à évoluer. Alors que je continuais de réfléchir, je constatai que je n'étais pas aussi fatiguée que je le devrais. Sans doute cela était-il expliqué par les rayons de la pleine lune, qui au final n'étaient que des rayons de soleil moins concentrés ? Bien sûr, cela ne suffirait pas à me maintenir en forme comme en plein jour, mais c'était suffisant pour ne pas m'endormir, vide d'énergie. En y repensant, peut-être était-ce aussi une raison pour laquelle les Noctali étaient sensibles aux rayons du soleil ? Habitués aux rayons de la nuit, recevant trop de soleil d'un coup, ils étaient incapables d'agir comme lorsque la luminosité était moindre, un peu comme s'ils avaient une surcharge... Mais pourquoi je pense à ça ? Me dis-je. Secouant la tête, ne trouvant aucune raison, je finis par revenir sur terre en entendant des bruits de pas dans le gravier, qui se rapprochaient. Ne voulant pas être vue, je rentrai au dortoir D juste derrière moi et je retournai dans mon lit. Isadore n'avait pas bougé d'un pouce. Alors, me couchant toute habillée, comme à mon habitude, je m'endormis cette fois sur le coup.
La nuit se termina de manière extrêmement abrupte, lorsqu'une main qui n'appartenait pas à Isadore se posa sur mon épaule. Je fus tellement surprise par ce contact que je manquai de tomber de mon lit, mais la même personne me retint. Alors qu'un éclat de rire retentissait, j'entendis une voix que je ne connaissais pas :
« -Alors Isadore, tu ne venais pas de dire qu'elle avait le sommeil très profond ?
-Je l'ai pourtant secouée avant votre arrivée, aucune réaction, répondit Isadore à l'inconnu. »
Le simple fait d'entendre Isadore parler amicalement avec un inconnu, chose qu'il n'avait encore jamais fait en ma présence, me soulagea. Alors, prenant mon courage à deux mains, j'ouvris les yeux, pour faire face à l'homme qui me tenait encore. Ce que je vis m'aurait surpris la veille, mais j'étais préparée. L'homme qui me tenait n'était autre qu'un Luxray Garou. Sa fourrure bleu et jaune, ses yeux qui semblaient remplis d'éclairs, son imposante fourrure... Mais si la nouvelle génération était là, combien de temps avais-je dormi ? D'après Isadore, leur arrivée était prévue à dix heures précises. Or, il venait de dire qu'il m'avait réveillée il y a plusieurs heures. Donc, il devait être dans les environs de midi.
« Encore désolé, Sereina, s'excusa le Luxray. Je ne pensais pas que le réveil serait aussi brutal. J'espère que ce n'est pas à cause d'une décharge ? »
Je secouai la tête. Il ne m'avait pas envoyé le moindre coup de jus, juste surprise. M'asseyant sur le lit, je regardai dans la pièce. Des lits avaient été déplacés pour faire de la place vers le fond... Où se trouvaient d'autres Garous. Incluant Isadore et moi, je comptais onze Garous dans cette salle. Cela voudrait-il dire qu'un Garou n'avait pas survécu aux tests ? Le Luxray, qui avait compris, me dit :
« Si tu cherches Miyu, le dernier Garou, il est dehors. »
Miyu ? Cela voulait-il dire que chaque Garou possédait un vrai nom, et pas un vulgaire numéro ? Combien d'autres changements la seconde génération a-t-elle subis par rapport à la première ? En tout cas, cela avait eu du bon, car chaque Garou ici semblait être tout à fait calme et sain d'esprit... Et sain de corps. Leur virus semblait avoir été amélioré et semblait bien plus stable. Temps de renaissance réduit, et apparemment aucun problème de santé... Même si cela restait à vérifier.
« -Ah oui, Sereina, les ordres ont été donnés. Nous partirons demain. Nous avons la journée pour nous préparer, me dit Isadore.
-Effectivement, continua le Luxray. Les autres discutent de la marche à suivre. Tu devrais aller manger, il est plus de midi.
-Aucune trace du Garou mystérieux depuis plusieurs jours, continua Isadore. Je pense que tu peux sortir seule... Je dois rester avec les autres.»
Il suffisait de l'entendre pour savoir que ça le dérangeait beaucoup, mais il n'avait pas vraiment le choix. Alors, ramassant ma sacoche sous les yeux amusés du Luxray Garou, je sortis du dortoir. J'aurai tout mon temps pour observer les autres Garous plus tard. Marchant au milieu des soldats qui chuchotaient à voix basse en me voyant passer, je me dirigeais vers la cantine quand je me sentis observée. De manière à chasser ce sentiment désagréable, je regardai autour de moi, lorsque je la vis. Cachée à l'ombre d'un bâtiment se trouvait une créature qui me fixait de ses yeux rouges. La créature humanoïde, recouverte d'un fin pelage noir, me fixait, sans bouger, plus par curiosité qu'autre chose. C'est lorsque, quelques minutes plus tard, je finis par comprendre ce qui se trouvait devant moi, que je fus surprise. Son pelage noir, ses yeux rouges, l'anneau jaune au milieu de son front... J'avais devant moi le dernier Garou, à savoir une Noctali. Très probablement Miyu. On aurait pu se regarder comme cela encore longtemps si un militaire du fort n'était pas passé entre nous deux, brisant le contact visuel un faible instant, suffisant pour briser l'enchantement en même temps. Alors, nous marchâmes l'une vers l'autre, pour faire connaissance. Moi avec le Garou que j'aurais voulu être, elle avec le Garou pu être.
« -Salut, me dit-elle simplement. »
Alors, oubliant tout simplement que je ne pouvais pas parler, je lui répondis à mon tour, dans le langage des Pokémon :
« Bonjour. »
Remarquant mon erreur stupide, je ne pus m'empêcher de tourner la tête. Pour sa part, elle parut surprise, et son regard s'illumina. Alors, elle me répondit :
« -Ça alors, tu parles comme moi ! »
En effet, elle ne parlait pas humain, mais comme moi. Était-ce un problème propre aux Garous femelles ? Non, impossible. Elle m'avait dit bonjour normalement. En revanche, le fait de garder la possibilité de parler aux Pokémon semblait être réservé aux Garous femelles. Contente d'avoir trouvé, après tant de temps, quelqu'un à qui parler, je ne pus m'empêcher de continuer.
« -Tu es bien Miyu, n'est-ce pas ?
-En effet, c'est moi. L'unique Garou femelle de la seconde génération. Ravie de rencontrer. Tu es Sereina, pas vrai ?
-Effectivement, répondis-je, surprise. Comment le sais-tu ?
-Au laboratoire, les humains en blouse ont beaucoup parlé de toi et d'Isadore. Comme quoi vous étiez les seuls survivants d'une groupe de vingt. C'est vrai ?
-Oui, c'est vrai... (Voyant que je ne voulais pas raviver de souvenirs douloureux, elle continua:)
-Je t'attendais pour aller manger. Je n'y arriverai pas seule, je ne connais rien à cet endroit... Et les autres m'ignorent complètement, c'est frustrant.
-Pourquoi ?
-Tu ne le sais que trop bien, n'est-ce pas ? Je ne suis pas très active le jour... »
C'est alors que je fis le lien avec ma petite sortie nocturne de la veille. Cela avait-il un lien avec le fait que l'un des Garous soit un Noctali ? Non, pas possible. Cela impliquerait qu'inconsciemment, j'avais prédit l'avenir et que ce que j'avais appris était prémonitoire, ce qui était impossible. Un hasard, sans doute.
« -Parce que tu n'es pas active de jour, ils t'ignorent ? C'est ridicule.
-C'est comme ça. Pour eux, je ne suis que la femelle du groupe. Celle qui n'a pas la force de se battre... »
Elle soupira. Pour lui remonter le moral, je la tirai vers la cantine. De plus en plus de soldats nous observaient, trouvant notre duo plutôt étrange. Si tout le monde me connaissait, maintenant, Miyu était nouvelle pour eux. Toujours est-il que la cantine était presque pleine, vu l'heure. Alors, prenant un plateau pour moi et pour Miyu, je ne pus m'empêcher de voir une cantinière me faire un grand sourire. En effet, hier, juste après manger, j'avais donné le couteau de Jenna à l'une d'elles. Voyant le nom sur le manche, elle avait tout de suite compris, et avait donné sans doute donné le souvenir du défunt pilote à ladite Jenna. Alors que je me servais en fruits, Miyu m'imita à la perfection, prenant exactement la même chose que moi, et me suivit jusqu'à une table ayant deux places libres. Alors, elle reprit la parole.
« -Tu sais, je te pensais muette. C'est ce qu'ils ont dit, en tout cas.
-Je suis vraiment muette... Je me suis réveillée sans cordes vocales.
-Mais tu parles comme moi, pourtant, alors qu'eux ne peuvent pas... J'avais l'air bête, à essayer de leur parler.
-Tu as toujours tes cordes vocales, donc ça ne devait pas être si gênant ?
-C'est vrai. Contente de voir qu'on pourra discuter, toi et moi. Sereina, ça vient d'où comme nom ? Miyu, c'est mon humain qui me l'a donné.
-Isadore a choisi ce nom pour moi, par ce que je suis tout le temps calme. Tu dis que les scientifiques vus ont donné des noms ?
-Effectivement. Chacun d'entre nous a un prénom. Apparemment, ça nous aiderait à nous sentir égaux aux humains, et à éviter une catastrophe comme la première génération.
-En effet... C'est humiliant d'être sans arrêt comparée à un simple numéro suivi d'une lettre.
-Oui, je le pense aussi. Autant que d'être observée par tous ces humains curieux... »
En effet, quelques soldats nous observaient de loin. Ils essayaient tellement d'êtres discrets que ça en était ridicule. Une fois remarqués, ils quittèrent la cantine, penauds. Alors, notre déjeuner terminé, nous quittâmes la cantine à notre tour, et je me dirigeai comme à mon habitude vers le stade quand elle m'arrêta :
« -Oh, une seconde ! Les autres veulent qu'on se retrouve à armurerie. On part demain, et on va recevoir une partie de notre équipement aujourd'hui.
-Oh, très bien. C'est par là. »
Miyu me suivant docilement, chose à laquelle je n'étais pas habituée, suivant normalement Isadore partout où il allait, j'allais vers l'armurerie, se trouvant juste à côté de l'infirmerie. Tous les Garous étaient là, nous attendant. Je pus, cette fois, les observer attentivement. Chaque Garou semblait être issu d'un Pokémon remplissant des critères spécifiques. Quatre membres, corps consistant, taille acceptable. Ainsi, en plus d'un Feunard, Luxray, Mentali et Noctali, les huit autres étaient un Gueriaigle, Colossinge, Aligatueur, Cizayox, Jungko, Lucario, Escroco et Dimoret. Je ne connaissais pas leur nom, et cela ne les dérangeait pas. En y regardant de plus près, je constatais que j'étais la seule à ne pas être vêtue d'une tenue militaire classique, j'avais encore et toujours mes habits d'officiers donnés par le Sujet 21A au village de Zvigold. Alors que je les regardais, une voix appela de l'intérieur de l'armurerie :
« Premier groupe, entrez ! »
Le premier groupe sembla se reconnaître, car six Garous entrèrent, ne laissant qu'Isadore, Miyu, le Luxray, le Lucario, le Gueriaigle et moi dehors. Alors, Isadore m'expliqua :
« -On a reçu de nouveaux ordres, Sereina. On a choisi de se séparer en deux groupes pour effectuer deux missions différentes. Les six qui viennent de rentrer seront envoyés à la capitale avec les soldats, pour les soutenir. Le soutien sera surtout moral pour les soldats, mais quand on sait qu'un Garou peut tenir tête à cinq personnes à la fois, ça fera aussi de sérieux renforts. J'ai eu l'occasion de les tester, ils sont prêts.
-Notre groupe aura une mission différente, continua le Luxray. Notre mission sera de saccager une usine d'armement située loin en territoire Progressiste. Si on arrive à attirer leur attention, ils réduiront les effectifs sur le front principal... Et si on peut les empêcher de construire leurs machines, ça sera toujours ça de pris.
-Pourquoi nous deux ? Interrompit Miyu. Sereina et moi ne sommes pas faites pour ça. Je pensais qu'on allait me confier des missions d'observation ? J'ai été entraînée pour ça...
-Sereina ne peut pas aller sur le front, coupa Isadore. Ils attaquent en priorité le personnel médical, et Sereina sera une cible facile. Quant à toi, tu nous serviras d'opératrice radio. On entre à quatre dans le bâtiment, toi et Sereina resterez dehors, à observer. Si des renforts arrivent, tu nous préviens illico.
-Je... Suppose que c'est dans mes cordes, répondit la Noctali Garou. Ils vont nous fournir le matériel dont on a besoin, n'est-ce pas ?
-Pas tout. Pour le matériel avancé -radio et explosifs- on le trouvera plus tard, une fois sur place. »
J'écoutais attentivement tout ce qu'il me disait. La raison que donnait Isadore était absurde. J'étais infirmière, et il avait décidé de m'éloigner du front, des blessés... De là où on allait avoir besoin de moi. D'un côté, cela m'attristait, mais de l'autre, cela me soulageait. J'allais être en sécurité. En tout cas, plus que sur un champ de bataille urbain. C'était le but qu'il recherchait, me dis-je. En tout cas, il avait bien joué son jeu, tout le monde avait accepté sa décision sans broncher.
« -Moi, c'est Chef, me dit soudainement le Gueriaigle. J'espère qu'on va s'entendre toi et moi. Je sais que tu es muette, alors pour que tu ne te poses pas la question, le vrai chef ici c'est Isadore. On m'appelle comme ça uniquement parce que j'ai l'air d'un chef indien... Même si je ne vois pas du tout ce que peut être un indien, haha.
-Moi, c'est Volt, continua le Luxray. Ils ont choisi ce nom parce que les volts, ça se trouve aussi bien en moi quand dans les prises de courant. Enfin, je ne m'en plains pas.
-Bill, déclara tout simplement le Lucario, qui écoutait attentivement mais ne semblait pas bavard.
-Tu me connais déjà, Sereina, conclut Miyu. »
Quelques instants plus tard, les six précédents sortirent de l'armurerie, métamorphosés. Chacun d'entre eux portait maintenant une tenue de combat renforcée, un lourd sac à dos remplis de matériel certainement utile, et un fusil d'assaut, identique à ceux que j'avais vus lors de la catastrophe au laboratoire... Une arme bon marché comparée à celles des Progressistes, mais tout aussi redoutable... Le Dimoret fit un signe de la main à Isadore, signifiant que le second groupe pouvait entrer.
À peine entrés, nous furent accueillis par un visage familier, celui de Jeff. Alors il travaillait ici ? Il ne perdit pas son temps et se dirigea vers une pile de cartons. Il regarda les étiquettes une par une, puis commença à énoncer :
« -Ce carton-là, pour Bill.
-Merci, répondit le Lucario après l'avoir récupéré.
-Celui-là... Pour Volt, continua-t-il.
-Merci !
-Celui-là, pour le chef, continua-t-il.
-Appelez-moi juste Chef... Merci.
-Ouais, ouais... Isadore, celui-là est pour toi !
-Merci Jeff.
-Celui-là, pour Miyu. (Voyant qu'elle le récupéra sans dire un mot, il termina:) Et celui-là, pour Sereina. Voilà tout pour vos affaires, les gars. Inutile d'ouvrir ça tout de suite, ça serait inutile. Contrairement aux autres, vous recevrez le reste du matériel en cours de mission. Sur ce, je vais devoir vous laisser. Votre camion vous attend. »
Cela ne sembla pas choquer la plupart du groupe, mais Miyu et moi fûmes surprises. On partait tout de suite ? Pas le lendemain, avec le reste du groupe ? Alors que nous sortions, portant notre carton, et allions vers le hangar, Isadore nous dit :
« -Changement de programme pour nous. On part aujourd'hui en direction de la forêt de Zvigold. Le lieu est neutre, on sera plus à l'abri qu'à découvert en pleine taïga. L'usine se trouve le long de la route qui traverse la forêt, on ne pourra pas la manquer. »
La forêt de Zvigold... Le lieu où les Réguliers viennent capturer des Pokémon pour en faire des Garous. Lieu de vie de la famille d'Isadore, lieu d'enlèvement de nombreux Pokémon... mais visiblement pas tous. Aucun Évoli n'avait vécu là-bas, et deux évolutions étaient des Garous. Peut-être trouverai-je un jour des réponses ? Alors que nous montions tous un à un à l'arrière du camion de transport, je remarquai que deux personnes venaient nous voir. Un homme que je connaissais bien, Pierre, le pilote et homme à tout faire... Et Irvine, homme à qui j'avais sauvé la vie il y a quelques jours, qui se déplaçait à l'aide de planches de bois servant de béquilles. Sans doute venaient-ils nous faire leurs adieux ?
« -Salut Irvine, lui dit Isadore pas encore monté dans le camion. Content de voir que tu te portes bien.
-Salut 7D. Je venais vous faire mes adieux... Et surtout remercier un certain Sujet 8F.
-Elle est là, répondit Isadore en me désignant. »
Irvine s'approcha de moi lentement, et m'observa un peu, avant de me faire un salut avec la tête. Cela me soulagea de voir qu'il allait bien, même s'il était encore sévèrement handicapé et qu'il ne sera probablement plus jamais en mesure de marcher normalement...
« Je vous dois la vie, me dit-il. Je sais que je ne pourrai jamais rembourser cette dette, mais j'ai quelque chose pour vous. On s'est mis à plusieurs dans le fort pour vous offrir ça, j'espère que ça vous plaira. Pierre, je t'en prie. »
Pierre, toujours aussi mal à l'aise que d'habitude, s'approcha et tendit un autre carton, qu'il donna à Isadore, voyant que j'avais déjà les mains pleines avec le mien. Alors que je rougissais sous ma fourrure mauve, Irvine fit ses adieux à tout le monde avant de repartir, seul, vers l'infirmerie, soutenu par deux bouts de bois. Pierre, quant à lui, monta à l'avant du camion.
« Tout le monde est bien installé ? Alors direction la forêt de Zvigold, et par le chemin de traverse ! On y va en tout-terrain, ça va secouer ! »
Il démarra le camion dans un boucan d'enfer, démarra de la musique rythmée, et sortit du Fort Aurora une fois le grand portail ouvert. Une facette de Pierre que je n'avais encore jamais vu. Au volant, il n'était tout simplement plus l'homme mal à l'aise. Il semblait dans son élément. Toujours est-il qu'il n'avait pas menti, ça secouait fort. Il ignorait tout simplement les routes et traversait les plaines gelées en rigolant à chaque fois qu'une secousse menaçait de mettre tout le monde par terre.
Quant aux Garous, et bien, aucun problème. Les cartons avaient été empilés et Chef s'occupait de les retenir pour qu'ils ne tombent pas. Miyu dormait malgré le camion maltraité par le terrain, je restais là à profiter du soleil, et les autres discutaient de tout et de rien. De ce qu'ils avaient chacun vécu dans le laboratoire, principalement. Isadore semblait content d'apprendre que ses conseils avaient été entendus par les scientifiques. Apparemment, une nouvelle vague de Garous était en cours de renaissance, et, comme celle-là, elle serait prête dans environ deux semaines. Une bonne chose était à noter : les Pokémon étaient maintenant récupérés dans des élevages et plus dans la nature, de manière à limiter le côté sauvage des Garous, ce qui marchait à merveille, quand on voyait le résultat. Volt se tourna vers moi au bout d'un moment et m'annonça :
« Sereina, saviez-vous qu'un groupe de chercheur travail sur un moyen de vous rendre votre voix ? Cela ne sera pas pour tout de suite, mais c'est une idée proposée par le commandant du Fort Aurora, qui a été acceptée par le sénateur en personne. Dès que la guerre sera terminée, ils se concentreront là-dessus. »
Le sénateur, chef suprême du territoire Régulier. Le pilote m'en avait parlé. Il se soucie vraiment de ses habitants, m'avait-il dit, et ce que je venais d'entendre renforçait ces dires. Alors que le Luxray se détournait et reprenait sa conversation avec Isadore et les autres, toujours aux côtés de Miyu qui somnolait, je regardais le paysage. Le voyage allait encore être long jusqu'à la forêt. Sans aucun doute, le soleil serait en train de se coucher à notre arrivée. Traverser le forêt prendrait peut-être deux heures si nous ne faisions pas de mauvaise rencontre. Il serait donc très probablement nuit à notre arrivée à l'usine d'armement. Si je devais rester éveillée une partie de la nuit, j'allais avoir besoin de beaucoup d'énergie. Aussi loin que je pouvais je prédire, à savoir quatre heures, le temps allait rester clément, donc je décidai de profiter autant que possible du soleil.
Le camion arriva à l'orée de la forêt aux environs de 18 heures, non loin de l'endroit où j'avais évolué. Jetant un regard discret à Isadore, je vis qu'il faisait de même, et me sourit. Puis, il ramassa la lourde pile de cartons et descendit de l'arrière du camion, suivi par tout le reste des Garous. Alors que, le son de sa musique toujours élevé, Pierre faisait demi-tour et rentrait au Fort Aurora par la route cette fois-ci, je sentis un changement climatique approcher. La pression de l'air diminuait dangereusement. Une tempête de neige allait frapper dans à peine quatre heures.
« -Sereina, ça va ? Me demanda la Noctali Garou.
-Oui, ça va... Je suis juste un peu inquiète, répondis-je, dans le même langage.
-Le soleil est en train de se coucher. Tu tiendras le coup ?
-Je suppose que oui. De toute façon tu seras réveillée, non ? »
Elle hocha simplement la tête. Les Garous décidèrent rapidement de la marche à suivre. Marcher jusqu'à la sortie de la forêt, puis jusqu'à un endroit nommé la Dent de Malosse, un énorme rocher de roche noire, située non loin de l'usine. Là, des éclaireurs avaient caché le reste du matériel nécessaire. Pendant que les quatre Garous mâles allaient pénétrer discrètement dans l'usine et chercher un moyen de la saboter, Miyu et moi allons rester à la Dent de Malosse. D'ici, nous devions surveiller les entrées et sorties du personnel de l'usine, prévenir les quatre autres, ainsi que le QG, à savoir le Fort Aurora. Miyu ayant été entraînée à utiliser une radio, elle sera donc plus sollicitée que moi.
Alors que nous marchions, suivant la route protégée de la neige par les branchages des arbres au-dessus de nous, Miyu me montra quelque chose dans les buissons. En plein jour, je l'aurais vu aussi, mais j'étais trop fatiguée pour être au maximum de mes capacités. Ce qu'elle me montrait était un Pokémon sauvage curieux, qu'elle semblait être la seule à avoir remarqué. En fait, elle montra un à un d'autres lieux couverts où plusieurs autres Pokémon sauvages nous regardaient, curieux et inquiets à la fois. Je me rendis compte que la plupart ne m'étaient pas inconnus. Tous, ou presque, venaient du « village » Pokémon caché au fin fond de la forêt. Ils semblaient ne plus vivre reclus. Cela voulait-il dire qu'ils ne se sentaient plus menacés par les captures ayant eu lieu auparavant ? Je supposais que oui. Miyu me tenait le bras, se sentant menacée par toutes les créatures qui attendaient dans l'ombre. Mon regard finit par se poser sur le premier Pokémon que j'avais rencontré... Le petit Goupix, le frère d'Isadore. Lui aussi, était là, à regarder passer notre étrange troupe. Son regard restait fixé sur Isadore. Même sous cette forme, il le reconnaissait sans peine.
« -Sereina... Qu'est-ce qu'ils veulent ?..
-Je les connais... Ils sont inoffensifs. Cette forêt, c'est l'endroit où les anciens Garous étaient capturés pour être infecté.
-Oh... Je comprends... Ils cherchent des connaissances ?
-Pour ne pas te mentir, le seul Garou ayant habité dans cette forêt est Isadore. Regarde là-bas, dis-je en montrant le Goupix. C'est son petit frère...
-Je... Ça doit être un choc pour lui, de voir son frère comme ça.
-Eh bien... Isadore est le seul Garou venant d'ici à avoir survécu, tu sais. Voir autant de Pokémon ici ne veut dire qu'une chose, l'endroit est réellement désert d'êtres humains. La dernière fois que je suis venue, ils vivaient au fin fond de la forêt. »
Miyu se détendit un peu. Les quatre mâles devant nous ne semblaient tout simplement pas faire attention à la foule discrète qui les épiait, et ils avançaient en discutant comme si de rien n'était. Pour un peu, on pourrait les prendre pour un groupe de soldats humains tout à fait classiques. Alors que nous arrivions au village de Zvigold, toujours aussi délabré et désert, la lune était aussi haute et ronde que la veille, ce qui m'aida à ne pas m'effondrer, endormie. En revanche, Miyu débordait d'énergie, et il n'était pas rare de la voir tout simplement sauter sur place et faire des allers et retours dans la forêt, sur les côtés de la route, quand le groupe n'allait pas assez vite pour elle. Au final, j'étais la seule à sembler fatiguée. Alors, de manière à ignorer la fatigue, j'essayais de penser à autre chose, quand mon regard se porta sur la pile de cartons que portait Isadore. Que pouvaient-ils contenir, après tout ? Chaque carton était à notre nom. Je supposais qu'ils devaient contenir des objets uniques pour chacun d'entre nous, mais quoi ? Nous avions déjà des vêtements appropriés -même nos pantalons avaient été adaptés pour pouvoir laisser dépasser notre queue confortablement-. Probablement de la nourriture...
Comme je l'avais prédit, le ciel commença à se couvrir aux alentours de 21 heures. Alors que Miyu restait maintenant près de moi pour me soutenir, Volt me proposa de grimper sur son dos pour ne pas avoir à marcher. Secouant la tête pour refuser, ne voulant pas tout simplement m'endormir sur lui, je marchais tant bien que mal. Une marche qui me rappelait la marche jusqu'à l'hélicoptère Progressiste... Et tous les souvenirs allant avec. Au bout d'un moment, Miyu dit aux autres :
« -Je pense qu'on est bientôt arrivés. Je vois un rocher là-bas, on dirait une dent...
-Tu arrives à voir ça d'ici? Répondit Chef. Il fait tellement noir que je ne vois pas à cent mètres, à cause des nuages...
-Tu me prends pour quoi ? S'indigna Miyu.
-Hey, calmes-toi... »
Les anneaux de Miyu brillaient fortement. Était-ce parce qu'elle se sentait vexée, ou tout simplement parce que, même derrière les nuages, la lune était pleine ? Toujours est-il qu'elle avait raison. Après encore une demi-heure de marche, tout le groupe s'arrêta auprès d'un rocher en forme de dent, d'une dizaine de mètres de haut. Là, il se tourna vers nous Miyu et moi, et déclara :
« -Vous deux, vous restez là. L'usine est à cinq minutes de marche devant nous. Miyu, je veux que tu surveilles Sereina pendant un moment. Je ne sais pas combien de temps on va mettre pour rentrer et saboter l'usine, mais en aucun cas vous ne devez bouger d'ici. Vous êtes assez loin pour qu'une patrouille ne puisse pas vous voir, même en plein jour.
-Compris, se contenta de répondre Miyu. Mais vous allez partir comme ça ? Je vous signale qu'on n'a pas mangé depuis un moment.
-Oh, c'est vrai. Avant que j'oublie... »
Il donna finalement les cartons à leurs propriétaires respectifs. Alors, il ouvrit le sien, et ne put s'empêcher de pousser un petit cri d'admiration. Chaque carton était en effet bien rempli. Assez de nourriture pour une journée, un talkie-walkie déjà réglé, et des armes... Le carton des mâles contenait un couteau de combat et une arme de poing à barillet six coups, accompagnée d'une boite de munitions, alors que le carton de Miyu et le mien contenaient, au lieu des armes, un pistolet de détresse, deux fusées, et une petite pochette contenant une pilule. On lisait « cyanure » sur la pochette. Cela me fit immédiatement frissonner. Après avoir mangé, Bill se mit à creuser sauvagement le sol, et tomba sur une caisse en bois. Aucun doute, au vu de son contenu, c'était la caisse cachée là par les éclaireurs. Elle contenait quatre pans d'explosifs à minuterie et une grosse radio comme celle que j'avais déjà vu peu de temps avant mon évolution. Alors que chaque Garou mâle prenait un pan d'explosifs, Miyu se concentra sur la radio. Juste avant de partir, Isadore me dit :
« On revient aussi vite que possible. Au moindre problème, vous nous contactez et on rapplique aussitôt. Si jamais quelque chose devait t'arriver, Sereina... Je ne me le pardonnerai jamais. »
Miyu attendit qu'ils soient bien loin pour me dire :
« -Tu ne le trouves pas un peu encombrant ? Franchement, il te prend pour un bébé.
-Je ne lui en veux pas... Il m'a sauvé la vie plusieurs fois, tu sais ? Je trouve ça rassurant de savoir qu'il veille sur moi.
-Pourquoi ? Tu n'as aucune liberté avec lui. Ça en devient ridicule.
-Peut-être. Pour le moment, aucun d'entre nous n'en a.
-Je pourrais juste partir d'ici et disparaître dans la nature, personne ne le remarquera.
-Tu ne le feras pas. Tu as été créée pour ça.
-Ne va pas croire ça ! Les mâles sont complètement endoctrinés, presque drogués. Mais pas nous. Il suffit de les regarder. On dirait des pantins... »
Elle avait raison. Même Isadore, d'habitude peu enclin à recevoir des ordres et y obéir, avait fini par devenir aussi obéissant qu'un soldat. Peut-être faisait-il ce qu'il trouvait juste, de manière à terminer cette guère le plus vite que possible ? Ou... Peut-être se pensait-il égal à un être humain, et se sentait obligé d'agir comme eux... Plus le temps passait, plus il semblait prendre du recul avec moi. Mon regard tomba sur le second carton qui m'était destiné. Alors que Miyu était retournée s'occuper de sa radio, je l'ouvris et je fus émerveillée devant son contenu. Un alphabet en morse, de la nourriture de qualité (principalement des fruits secs, ce que je préférais), une petite boîte en bois contenant des seringues de morphine, et une paire de lunettes lourde et métallique. Curieuse, lorsque je les mis, je constatai que des curseurs allaient ici et là quand je regardais ailleurs, et ma vision était nettement améliorée, même si elle était verte et un peu brouillée. Des lunettes de vision nocturne. Regardant dans la direction où ils étaient partis, je voyais facilement la silhouette du groupe et l'usine. Remerciant intérieurement tous ceux qui avaient pensé à m'offrir un pareil outil, je me tournai vers Miyu.
« -Miyu ?
-Oui ? Dit-elle sans se détourner de la radio.
-Je ne tiens plus debout. Si je ne dors pas rapidement, je vais avoir de sérieux ennuis...
-Alors dors. Je m'occupe de tout. Promets-moi que demain, c'est toi qui veilleras sur moi pendant mon sommeil, d'accord ?
-Entendu. Encore une chose. Il va neiger dans moins d'une demi-heure. On est à l'abri ici, mais je voulais juste te prévenir...
-Très bien, merci. Ça pourrait être gênant pour communiquer avec eux, ça, grommela-t-elle. »
Alors, de manière à la laisser se concentrer, je me roulai en boule dans la neige avant de commencer à m'assoupir, lentement. Le froid n'était pas un problème pour les Garous, de toute façon. Au contraire, il était même bénéfique, car il allait couvrir l'arrivée du groupe d'Isadore. Tant mieux, me dis-je, vérifiant une dernière fois si j'avais bien rassemblé tout mon matériel dans ma sacoche, qui était maintenant presque remplie au maximum. Finalement, je sombrai dans un profond sommeil.