Aurore I : la révolte d'Unys de Willilaurent

Du brouillard à perte de vue.
Seul la lumière d'une torche plantée à l'avant de la barque de pêche éclairait les alentours.
Le silence que seul le clapotis des rames pénétrant l'eau perturbait, régnait en maître absolu.
Nous étions tous collés les uns aux autres tant l'embarcation était étroite.
Soudain, un battement d'aile nous parvint.
Le voile de fumée se déchira laissant apparaître Ptéra.
Il avait localisé l'île. Aucun navire arcanien n'y jetait l'ancre.
Lucien reprit la cadence qu'Icar lui imposait.
D'immenses falaises de granit se découpèrent.
Le vent percutant les grottes calcaires sifflait une mélodie mélancolique.
Lucario s'occupa de gravir la paroi et de fixer une corde au sommet pendant que Ptéra se chargeait de notre équipement.
L'ascension nous prit quelques minutes et constitua un bon entrainement matinal.
Nous posâmes le pied à terre avec soulagement.
Je scrutais les alentours mais ne distinguait rien à cause du brouillard.
Lucario étendait ses sens mais ne capta aucune trace de vie. L'île n'était qu'un gros caillou inerte mis à part les ruines d'un vieux phare qui étaient éparpillées au sol.

- Cet endroit me donne la chair de poule, commenta Lucien.

Soudain, deux yeux rouges apparurent flottant dans l'air.
Le temps que Lucien sursaute, ils s'étaient volatilisés.

- Vu avez vu ça ?

Malgré tous nos efforts, l'aura ne détectait rien.

- Il faut que nous montrions à Victini que nous ne lui voulons aucun mal, suggérais-je.
- Je crois qu'il sait qui nous sommes, objecta Icar. Si les arcaniens évitent l'île, c'est parce que certains des leurs y ont disparu. Or nous sommes toujours là.
- Voilà qui est rassurant ! Victini, montre-toi ! Hurla Lucien au vent sa voix de ténor se percutant en écho.
- Pas comme ça, l'admonestais-je, montre plus de respect. C'est un légendaire après tout.
- Oh puissant Victini, je suis le prince Icar de Johto, je te pris de nous venir en aide !
- Et sœurette, je te rappelle qu'il y a un légendaire qui vit à l'intérieur de moi, je ne t'ai jamais entendu du dire ' Oh puissant colosse de pierre, je viens te présenter mes respects.
- Qu'est-ce que tu peux être arrogant parfois ! Tu ne m'appelles pas non plus briseuse d'aura à ce que je sache.
- Silence tous les deux ! Vous faîtes fuir Victini avec vos gamineries.

Je m'apprêtais à répliquer quand je percevais un cœur qui battait derrière une touffe d'herbe.
Une rafale de vent souffla sur l'île balayant la brume. Le soleil éclaira une petite créature aux grands yeux bleus ressortant d'une tête en forme de V.
Icar se prosterna devant elle en psalmodiant des prières.

- Qu'est-ce qu'il lui prend, chuchota Icar à mon oreille.
- Surement une de leur coutume à Jotho.
- Oh vénérable Victini, nous sommes venu pour que tu nous accordes ton aide et être guider par ta sagesse millénaire.

Victini se posa sur un rocher à notre hauteur.
Icar déglutit devant sa mine sévère.
Je ne savais pas s'il ne voulait du bien finalement.
Peut-être allions-nous être englouti à jamais par le brouillard comme ces arcaniens ?

Victini observait Icar étrangement.
Puis ses lèvres dessinèrent un sourire. Il nous tira la langue.
La mâchoire d'Icar se décrocha. Victini se moquait de lui.
Lucien se tordit de rire. Moi-même, j'étais amusé.
Qui aurait cru cela ?

- Est-ce que tu comprends ce que je dis, articula Icar.
- Comme tous les pokemons, je comprends les hommes, jeune prince.

Victini s'était adressé par voie télépathique.

- Je t'attendais Icar.
- Moi, tu m'attendais ?
- Depuis dix-huit ans, je quête ton retour. Tu es accompagné de la gardienne d'aura et du colosse de pierre, comme la prophétie de Dialga l'annonçait.
- Mon retour ? S'enquit Icar. Tu dois me confondre, ce n'est pas moi le spiritueux, c'est le jeune homme là-bas.
- C'est toi que j'attendais, répéta Victini. Celui qui porte l'espoir, celui qui porte la lumière et qui a le pouvoir de mettre fin à cette guerre n'est pas Lucien.
- Je n'ai même pas été capable de sauver mon père et ma sœur, j'ai abandonné ma mère et trahis Hoenn, comment pourrais-je sauver le monde ?
- Comme tu as sauvé Unys dernièrement. C'est de toi qu'il s'agit. Tu as des pouvoirs cachés que tu ne soupçonnes pas. Tu es un spiritueux. Arcéus est en toi, acheva Victini.

Impossible. Je ne percevais pas les canaux d'énergie si particulier à Lucien. D'après l'aura, rien n'habitait Icar, aucun pouvoir ne circulait dans ses veines.
Victini se tourna vers moi.

- La gardienne pense que je me trompe, n'est-ce pas ?
- Je n'ai jamais eu de pouvoir comme Lucien, je n'ai jamais su déplacer des rochers, reprit Icar à mon intention.
- Voilà comment les gens me considèrent, rouspéta mon frère, je ne suis qu'un gars qui lance des rochers, pas de problème.
- Lucario vient de me confirmer qu'il ne sentait rien non plus, ajoutais-je confusément. Mais je me souviens que je te dois la vie. Il doit dire la vérité Icar !
- Arcéus en moi, tu te rends compte que ça veut dire que j'aurais pu éviter cette guerre ?
- C'est vrai, tu marques un point, vieux frère, pourquoi Icar n'a jamais découvert ses pouvoirs de spiritueux.

Victini se posa au sol et soupira.

- Spiritueux ou pas, vous êtes toujours pénibles. Et pourtant, je suis passé par cinquante homme déjà..
- Attendez, réfléchis Lucien, ça pourrait coller. Arcéus a disparu au début de la dictature arcanienne l'année de la naissance d'Icar. De pus, ses pouvoirs venaient des plaques. Il faudrait les plaques pour qu'Icar ait des pouvoirs. L'énergie n'est pas activée, elle est en sommeil. Voilà pourquoi l'aura ne capte rien !

Mon frère me surprenait vraiment là, faisant preuve d'une rare étincelle de génie.
Icar s'assit aux côtés de Victini sur un tapis de mousse.
Je m'accroupis aussi pour me mettre à l'abri du vent qui soufflait de plus en plus fort.

- Comment est-ce que le légendaire retrouve un corps, s'informa Icar.
- Les œufs sacrés, répondit laconiquement Victini.

Alors la légende disait vrai. Les légendaires échappaient à la mort en intégrant l'esprit d'un homme puis lorsqu'Arcéus avait façonné un œuf de ses milles bras, ils réintégraient une enveloppe charnelle.

Lucien sursauta. Son aura explorait une nouvelle piste.
C'était le moyen de vaincre le dictateur.
Les rumeurs prétendait qu'il était un spiritueux mais personne n'en était vraiment sûr.
C'était une façon d'expliquer pourquoi il s'était maintenu aussi longtemps au pouvoir.
Victini confirma sa théorie.

- Pour déloger le légendaire, il suffit que l'homme touche un œuf sacré.
- Qu'est-ce que cela fait quand un spiritueux est séparé de son légendaire ?
- Avant la guerre, il devenait souvent son dresseur. Ah oui, une formalité, l'homme perd tous ses pouvoirs.
- Ca ne serait pas souhaitable pour le moment, répliqua Icar, je vois mal l'autre camp se séparer de ses spiritueux.
- En effet, admit Victini. La situation est assez exceptionnelle. L'ordre du monde est fragilisé.
- Combien reste-t-il de légendaires autrement que dans un homme ? m'enquis-je.
-Il reste bien sûr les trois dragons, Dialga, Giratina et Palkia. Mais ils ne peuvent pas intervenir dans le conflit. Ils doivent s'occuper de leur dimension qui soutient celle d'Arcéus pendant son absence. Sur terre, il ne reste plus que Raykaza, Cressalia, Zygarde, Célébi et moi. Cela fait des années que nous avons perdu contact. Les portails de téléportation ont cessé de fonctionner depuis la défaite d'Arcéus.

Victini désigna les voûtes de pierre que l'on entrapercevaient au fond d'une grotte.
Icar se rapprocha d'elles.
Elles réagirent en se recouvrant d'arcanes mystérieuses.
Cela prouvait à mes yeux qu'Icar était un spiriteux et qu'il ne faisait qu'un avec Arcéus.
Icar avait aussi accepté la réalité en face.

- Ces portails peuvent me conduire à Hoenn ?
- Oui, chaque portail est relié à un temple de légendaire. Celui au centre conduit droit aux ruines alpha située en Arcanie.
- Donc, c'est n'est pas par là que je passerais, et celui-ci ?
- Il mène au temple des trois golems. Un choix intelligent. Le colosse de pierre y trouvera des réponses.
- Qu'est-ce qu'on attend ? Demanda Lucien.
- Attendez, intervint Victini, avant de partir, je dois encore vous retenir quelques instants.

Nous nous éloignâmes des portails à regret.
Victini nous conduisit à l'autre bout de l'île.
Au bout de vingt minutes de marche, j'avais la vague impression que nous tournions en cercle.

- Cela fait deux fois que je passe devant ce rocher, s'énerva Lucien. Qu'est-ce qu'on cherche ?
- A j'ai trouvé, retentit la voix télépathique. Je les avais caché derrière cette pierre.

Il les tendit à Icar.
C'était des gemmes. Une gemme psy et une gemme feu.
Elle agiraient comme les plaques de vie, assurait Victini. Seulement à court terme, pas plus de quelques minutes. En cas d'urgence, Icar avait à les avaler pour être connecté temporairement aux deux forces fondamentales.
Victini nous mis en garde de ne pas les gaspiller sur des pokemons qui consommeraient les précieux objets en une attaque, quand il lui avait fallu un an pour les forger.
Icar les rangea dans ses poches en s'inclinant.
Victini lui retourna la politesse.

- Ne t'inclines plus devant un légendaire, c'est à eux de s'incliner devant Arcéus. Veille tout de même à ne pas ressembler au colosse de pierre niveau modestie.

J'assurais que j'y veillerais. Victini avait aussi un cadeau à m'offrir.
Il me tendit un vieux livre poussiéreux rongé par les mites.
Je me retenais de ne pas foutre mon poing dans la figure de mon frère qui se tordait de rire.

- C'est mon bien le plus précieux, il a été écrit par le plus grand gardien d'aura, Abram Ducas, il y a plus de 2000 ans. Je l'ai lu des milliers de fois, je suis prêt à m'en séparer.

J'ignorais que les pokemons savaient lire.
En échange, je lui tendis un ouvrage sur les plantes ce qui diminua un peu son chagrin.

- Et moi ? se manifesta Lucien.
- Colosse de pierre, constata Victini en lui serrant la main, prends soin de toi, vieux frère.

Icar se rapprocha du portail qui menait à Hoenn.
Nous savions désormais où nous diriger.
Arrêter les Arcaniens et retrouver les plaques d'Arcéus pour activer les pouvoirs de spiritueux d'Icar.
Je lui prenais la main et saisit celle de Lucien qui tenait Lucario et Ptéra.
Sans jeter de regard en arrière, Icar s'avança et nous fûmes tous englouti par un vortex d'énergie.

Hoenn nous attendait désespérément.
L'armada arcanienne était à ses portes ainsi que la moitié de l'armée de terre.
Je pouvais jusqu'ici entendre les cris de détresse de Valériane.


Je n'avais plus peur. Nous formions une équipe soudée par les épreuves passées et prête pour celles qui s'annonçaient. J'étais plus heureuse que je ne l'avais jamais été au cours de ma vie.
J'avais pris goût à l'aventure et à ma liberté.
Pas une journée ne passe sans que ne me revienne le sentiment d'exaltation qui s'empara de toutes les fibres de mon être quand je quittais pour la première fois Unys.