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Entre deux mondes de Xabab



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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 01/09/2014 à 19:57
» Dernière mise à jour le 01/09/2014 à 19:57

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Chapitre 44 : Paul
Ce voyage marque définitivement le commencement de ma vie. Avant de partir je n'étais rien et voilà que chaque jour qui passe ajoute un peu plus de poids sur mes épaules. La peste, la mort de Fargas qui se fait proche, les deux enfants qui m'accompagnent et l'intérêt que Frollo comme Richard semblent avoir pour moi… Tous ces éléments sont nouveaux et je suis sceptique rien qu'au fait de penser où tout cela pourrait me mener.
Je suis l'héritier de Fargas et son bras droit au sein de son entreprise. S'il perd la vie alors ce sera à moi de prendre sa place, j'en suis conscient. J'ai vu dans le regard de Richard que celui-ci tentait de me juger. Dès que je sors sur le pont, qu'importe l'heure de la journée, les gens se tournent vers moi. Ils le font car bientôt ce sera à moi de les diriger.

Il fait nuit au moment où je rédige ces lignes. Je ne pensais pas me servir du journal que j'avais pris avec moi à bord mais écrire me fait du bien. C'est comme si mon esprit prenait un peu de repos au milieu de cette tempête.
Car pour tout dire je ne sais pas exactement où j'en suis actuellement. J'essaie de mettre mes pensées en ordre mais il n'est rien de moins facile que cette entreprise. Je sais que bientôt il va falloir que je fasse des choix. Pour les enfants, mon futur, ma place au sein de l'expédition…
Suis-je seulement prêt pour tout cela ?

Je viens d'aller faire un tour sur le pont entre quelques lignes, seul. Les enfants dorment, je fais le moins de bruit possible pour les déranger.
Fargas m'avait demandé de ne pas m'accrocher à ces deux petits mais ce sera la seule parole que je ne pourrais jamais tenir envers lui ; il est bien trop tard pour cela. Draï et Fri sont devenus mes protégés, mes élèves et mes amis. Il est inconcevable pour moi de ne pas ressentir envers eux un sentiment presque paternel. J'ai déjà assez de mal à l'idée de les renvoyer à leur village pour servir d'émissaire, ce n'est pas pour occulter ce que mon cœur ressent à leur égard.

Hier Fri m'a parlé de ce qu'elle ressentait pour son village, c'est toujours elle qui décide de se confier à moi, bien avant que son frère n'en prenne la décision. Le jeune garçon ne parle pas vraiment de ce qu'il ressent, il faut le deviner. Néanmoins je sais que sur ce point sa sœur parlait pour deux.
Elle m'a avoué ne plus rien ressentir pour sa patrie d'origine, ce qui au fond me faisait un peu de mal. Ils avaient été enlevés très tôt à cette terre et elle ne se rappelait que des grands arbres qui bordaient son village et du sourire vague d'une femme qui l'avait bercé. Elle m'a dit que ce qu'elle avait appris auprès de moi était la plus belle chose de sa vie et qu'elle voulait que je sois son père.
J'ai été touché.

Mais tout cela ne devra pas m'empêcher d'obéir aux lois de cette expédition. Je sais que tôt ou tard je devrais les envoyer de nouveau vers le village et que dès ce moment-là il ne sera plus du tout question de père de substitution. Ce ne seront que des truchements travaillant pour Richard chez les étrangers. Il faudrait que je laisse mes sentiments de côté, encore plus si je deviens l'un des chefs de cette armée dès la mort de mon mentor.

Écrire le nom de Richard me fait soudainement penser à lui.
L'impression que je garde de cet homme est mitigée. D'un côté je revois l'homme fort croisé durant mon enfance, de l'autre je me dis que ce n'est que la coquille vide d'un guerrier fatigué que j'ai devant les yeux. Ses cernes et sa stature imposante qui semble s'écraser sous le poids des années me fait de la peine autant qu'elle m'ordonne le respect. Il est un commandant et cela se voit dans le moindre de ses gestes. Le problème est qu'il a peut-être trop mené d'hommes au cours de sa vie pour le faire éternellement.

Et à bord tous ses hommes le respectaient. Quand il donnait un ordre ces derniers obéissaient sans rien trouver à redire, regagnant leurs postes directement et se mettant au travail dans la minute. Tous œuvraient sans relâche, de la cale jusqu'au sommet des voiles et…
Au sommet des voiles… Cette pensée me frappe de nouveau comme le spectre d'un passé qui vit encore incessamment à mes côtés.

Je ne sais si j'ai vraiment vu ce que j'ai pensé voir. Je pense impossible que cela ce soit vraiment produit. Sans doute était-ce l'un des effets négatifs de toute la fatigue que j'ai accumulé lors de ces derniers jours. Il ne pouvait être réellement sur le bateau de Richard, pendu aux cordages en fier marin qu'il n'avait jamais été. Non, il ne pouvait se trouver là.
Luc était mort dans d'atroces souffrances pendant qu'il tentait de prendre le palais du roi. Le lendemain de cette révolution des soldats étaient venus frapper à la porte du manoir afin d'y laisser un corps sans vie, celui de mon ami, le visage méconnaissable tant les balles l'avaient déchirés de part en part. Pourtant il s'agissait de Luc, tombé au combat et qui ne serait gardé dans les mémoires qu'en tant que traître à sa patrie ! Lui qui avait tant aimé le monde au point de ne désirer que le changement… Un traitre, cela m'en déchire encore le cœur.

Les soldats du roi avaient ensuite posé quelques questions, se moquant de mes larmes ou des cris que je pouvais pousser. Tout ce qui les intéressaient c'était de savoir si oui ou non je menais une révolution secrète visant à faire tomber le pouvoir en place, si je livrais des fonds financiers à mon ami ou encore si j'avais une milice secrète sous mes ordres. Octave, leur demandant de dégager rapidement, avait pris ma place pour répondre à ces questions avant de les congédier. J'ai ensuite passé ma journée devant une tasse de thé bien chaud à sangloter.
Luc était mort ainsi que mes parents et je me retrouvais seul dans ce monde, pareil au héros de roman qui doit tout perdre pour enfin s'accomplir.

Mais hier je l'ai vu.
Il était accroché à son cordage, réparant je ne sais quel défaut sur la voile. Il était sur le bateau de Richard en direction du nouveau continent, chose que je n'aurais jamais imaginée même au cours de mes rêves les plus fous.
Et pourtant c'était le cas. C'était son visage qui se trouvait au sommet de ce mât, son corps qui s'élevait en direction du ciel. C'était lui qui allait avec toute cette armée conquérir les terres de sauvage dont on nous parlait depuis l'enfance et dont il avait rêvé autant que n'importe quel gosse de son âge.

Je secoue la tête pour oublier. Ce n'est qu'une folie, une lubie sans intérêt. Je vois Luc partout depuis que son corps plein de sang a été déposé sur le tapis de l'entrée. Il est dans mes rêves, mes cauchemars, mes passions, mes envies, mon futur et mon passé. Je vais pour lui de l'avant, je me fais plus fort à chaque instant pour avancer et devenir l'homme qu'on veut que je devienne dans peu de temps.
Luc est devenu un modèle, la muse de mon esprit brisé. Pour lui je dois m'accomplir et prendre la place de Fargas. Il me pousse inconsciemment de l'avant.
Je sais qu'il n'était pas sur ces cordages comme il n'a jamais été autre chose qu'un corps sans vie depuis quelques semaines. Pourtant il vit encore et pour lui je vais m'accomplir. Quand je deviendrai chef de cette armée alors je sais que je le reverrai, pendu à ces cordages. Et cette fois il tournera la tête dans ma direction et me sourira.
Il sera fier.