Je suis Ethan Caïus, j'ai 17 ans depuis maintenant quasiment 3 mois, je vis à Fara-les-Baies avec mes parents et leurs deux Pokémons, et j'ai un rêve : découvrir l'autre monde ! Vous ne le savez peut-être pas, mais votre univers et le mien, le ''Pokémonde'' comme vous l'appelez, sont en conflit depuis des centaines d'années. J'ai envie d'aller voir votre dimension, car je suis sûr que malgré toutes les spéculations qui tournent autour d'elle, il doit y avoir des choses magnifiques, et de ce fait, je trouve toute guerre inutile. Je veux donc venir vous voir en tant qu'ambassadeur.
Mais il y a un ''mais'', comme toujours... Techniquement, dans la phrase, il y en a eu deux... Enfin, bref. C'est que ceux qui sont autorisés à aller dans votre monde n'ont que trois solutions. La première consiste à essayer de trouver un portail menant à l'autre dimension, mais comme la plupart sont protégés, seuls les criminels les plus zélés tentent cette méthode. La deuxième oblige à rentrer dans l'armée, et à avoir minimum deux badges d'arène. Cependant, le seul objectif que l'on doit respecter une fois votre peuple atteint, est de tuer.
C'est pour ça que je vais opter pour la troisième alternative : battre le Maître de la Ligue de Néobios ! Une fois le Maître battu, l'autorité sur le Dresseur sorti victorieux du combat est indéniable, et les autorités de notre planète lui font entièrement confiance. Elles autorisent même les allées et venues entre nos deux mondes, et ce, peu importe la raison. Je vais donc défier la Ligue, créer mon équipe de monstres la plus puissante, et tout ça, par mes propres moyens.
Mais une question tourmente mes rêves : quel Pokémon vais-je posséder ? A Néobios, on propose six starters de type Plante, Eau, Feu, Electrique, Dragon et Psy. Avec mes amis, Cole et Hayley, que je vous présenterai plus tard, nous nous étions dit que nous laisserions le hasard décider. Mais j'ai personnellement une préférence pour Ouisticram ou Coupenotte. Je rêve même de combattre aux côtés d'un Ouisticram. Mais ce n'est pas comme si mes rêves prémonitoires allaient recommencer : ils se sont calmés il y a un mois. Et puis, je n'ai qu'une chance sur six de posséder un Ouisticram. Mais j'en avais assez de ces rêves, je devais m'extraire du royaume de Cresselia.
Le réveil m'y aide, heureusement. J'ouvre peu à peu les paupières pour essayer de constater l'heure depuis mes yeux me donnant une image floue. Tendant la main pour atteindre la sirène, je finis par tomber de mon lit dans un bruit sourd et une pose grotesque. J'essaye de me relever, mais mon pyjama gris me fait trébucher à nouveau. Je me remets enfin debout, pressant ma paume droite sur le haut de mon alarme cubique blanche. Une fois la sonnerie stridente mise au silence, je constate l'heure : 8h47. Finalement, mon sommeil n'était pas si profond que ça. Je peux même être fier de me lever si tôt : moi qui n'entend d'habitude mon réveil au bout d'un quart d'heure, deux minutes est pour moi un score assez satisfaisant.
Un animal entre ensuite par la porte de ma chambre, entrouverte comme toujours. C'est Kuro, le Grahyèna de mes parents. C'est un canidé assez grand et robuste, reconnaissable parmi ses semblables grâce à sa tâche de naissance noire allant de son museau à son front. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours vécu ma vie en sa compagnie. Sa queue se balance de gauche à droite frénétiquement, et sa mâchoire aboie de joie.
Une fois le Pokémon calmé, je m'accroupis de sorte à ce que ma tête arrive au niveau de la sienne, et lui dis de m'attendre dehors. Il sort alors de ma chambre, je ne tarde pas à faire de même, mais à la différence de Kuro, je ne me dirige pas vers le jardin. La salle de bain est mon objectif.
Alors que je me rase, j'observe mon visage dans le miroir accroché au mur bleu cobalt. J'y vois mes cheveux noirs et mes yeux verts. Ma mère me dit tout le temps que j'ai une certaine profondeur dans mes iris, mais en toute honnêteté, je ne trouve pas qu'ils soient si spéciaux. Je me brosse les dents, coiffe mes cheveux marqués par l'oreiller, et je rentre dans ma chambre afin d'en ressortir vêtu d'un pull-over bleu marine à capuche, un jean noir et des chaussettes blanches.

Je descends la quinzaine de marches composant l'escalier en colimaçon, voyant ma mère repasser du linge, probablement celui de mon père. Celle qui m'a porté pendant neuf mois est une femme aux longs cheveux et qui, avec talons, fait ma taille. Je la salue, lui demande si elle a bien dormi pendant que je prépare mon lait au cacao.
« Oui, et toi ? Tu ne t'es pas couché trop tard pour t'être levé si tôt, me demande-t-elle ?
- Un petit 23 heures je crois,
lui dis-je prenant mon bol de lait hors du four micro-ondes.
- Je vois, tu as bien fait. Car un esprit reposé est un--
- Est un esprit éveillé,
je l'interromps, je sais maman... Tu me le répètes tout le temps. »
Elle me sourit, puis reprend son activité pendant que je trempe quelques tranches de pain dans le lait que j'ai saupoudré de cacao, avant de les engloutir. J'entends la notification de mon téléphone portable que je sors de ma poche. Elle alerte de l'arrivée d'un message de ''Cole''.
''T'es déjà réveillé ?''
Sur une pointe d'ironie, je lui réponds :
''Non non, je suis dans le royaume des rêves en compagnie de Cresselia et de jolis arcs-en-ciel''
Remettant le smartphone dans ma poche de pull, je finis ma boisson et dépose le récipient vide dans l'évier. Je lance à ma mère :
« Maman, t'es sûre que ça va aller ? Je peux encore abandonner si c'est ce que tu souhaites. »
Elle dépose le fer à repasser délicatement sur le support prévu à cet effet après l'avoir éteint, et plie un dernier pantalon. Ensuite, elle remet une mèche de cheveux blonds derrière son oreille gauche et se retourne vers moi.
« Ethan,
soupire-t-elle, tu le sais mieux que quiconque : je ne t'ai jamais empêché de réalisé tes rêves.
- Je te parle pas de moi, je te parle de toi. Tu es sûre que tu seras pas trop seule ? »
Elle esquisse un sourire mélancolique avant de me tourner le dos.
« M-mais non enfin,
bégaye-t-elle d'une voix faiblissante. Tu sais, même si ton père travaille beaucoup en ce moment, il m'a annoncé qu'il avait pris un poste où il serait moins pris, et où il serait plus longtemps à la maison. Et puis, il y a Kuro et Plume, non ? »
Je remonte à nouveau l'escalier de bois, jusqu'à ce que la sonnerie de mon téléphone blanc n'interrompe mon ascension, puis je regarde ma mère, dessinant à mon tour le même sourire que ma mère, à une différence près.
« Sèche tes larmes Anzu Caïus,
lui dis-je en saisissant à nouveau mon mobile. »
J'entre dans ma chambre et lis le nouveau SMS de Cole qui me demandais si j'étais toujours d'accord pour que l'on se retrouve à la sortie Est du village à 13 heures. Je lui réponds d'un simple oui, et j'allume mon ordinateur portable. Je supprime les mails indésirables, puis je lance un programme que j'ai nommé le ''ShadowScan''. Un écran de chargement s'affiche pendant 5 secondes et affiche 16 résultats. Mon sang ne fait qu'un tour.
« Seize,
je m'exclame ! Didi a tourné la nouvelle vidéo ! »
Euphorique, je télécharge le fichier. Je saisis ensuite mon sac bandoulière gris où j'y range des câbles, un casque audio, une souris sans fil, des disques de stockage, des chargeurs, et autres accessoires liés au domaine du numérique. Une fois la vidéo réceptionnée, j'éteins la machine et la range à son tour dans le sac que je referme tout de suite après.
Je mets des baskets blanches à mes pieds, je prends au coin de ma chambre parsemée de posters une raquette et une balle de tennis et je descends frénétiquement les escaliers en avertissant ma mère, cachée dans un mouchoir, que j'allais m'entraîner un peu au squash. Alors que je sors de la maison, j'aperçois une fille aux cheveux châtains, vêtue d'une tenue de fermière, donnant dans un enclos un peu de paille à ses Ecrémeuhs, semblant avoir mon âge. Je crie son nom, en espérant qu'elle m'entende.
« Hayley ! Tu vas bien ? »
Elle se retourne et me fait un signe de la main avant de se diriger dans ma direction et de trébucher dans la boue de la ferme. Je traverse la route d'une petite dizaine de pas avant de rejoindre la barrière en bois qui délimite les enclos de la ferme Lauzeral. La maladroite se relève, essuie ce qu'elle peut de boue et s'appuie de ses coudes sur la barrière afin d'être dans une position plus confortable pour discuter.
« Oui ma foi,
me lance-t-elle, mais ça aurait été bien mieux si j'avais pas trébuché dans la boue !
- T'as qu'à prendre une douche et puis ça ira, lui dis-je. Tu finis quand ?
- Dans une tchotte heure. Alors, t'as réfléchi à quel Pokémon tu voudrais ?
- Feu ou Dragon, et toi ?
- Écoute, du moment que ça met pas des lustres à évoluer, ça me convient.
- Donc tu préférerais Grainipiot ?
- Ouip,
acquiesce-t-elle d'un mouvement de tête. C'est le plus rapide à évoluer ! Ça devrait aller pour mes missions. »

Hayley Lauzeral, fille de parents agriculteurs et sœur d'un petit garnement de douze ans. Aussi loin que je me souvienne, elle a toujours habité en face de chez moi, dans la ferme familiale. C'est quelqu'un qui a toujours un sourire innocent au bord des lèvres et toujours prête à rendre service. C'est seulement vers ses 10 ans que l'on a commencé à se parler, mais depuis, je la considère comme une vraie sœur. Et non, à toi lecteur qui t'attendais à une belle histoire d'amour entre elle et moi, c'est raté. Et puis, elle est déjà en relation avec quelqu'un. Son rêve est de devenir Ranger, et selon la loi de notre région, il faut qu'elle ait au moins cinq badges d'arène avant de faire sa formation de PSN (Protection et Soin de la Nature). Après un bref silence, je reprends la conversation :
« Sinon, tu nous as préparé quoi de bon pour le repas ?
- C'est une surprise, comme toujours, alliant son rire avec un clin d'œil !
- Ouais,
je soupire... Comme toujours... »
Je lève les yeux au ciel et je constate la beauté du ciel d'aujourd'hui. Malgré la faible température, la sensation de sentir le soleil sur sa peau en hiver est agréable. A l'Est se profilent cependant des nuages gris qui contrastent avec la lueur de l'astre. Il allait sûrement neiger ce soir. J'entends mon amie m'appeler, mais ce n'est qu'à son troisième appel que je réagis d'un simple « Hmm ? ».
« Tu éprouves de la nostalgie, non,
me demande-t-elle ?
- Ouais, sûrement,
dis-je en regardant à nouveau au-dessus de moi.
- Je sens que tu vas pleurer comme une madeleine ce soir !
- M-m-mais non,
je bégaye ! Qu'est-ce qui te fait penser ça ?
- Tu tiens de ta mère, je le sais,
glousse-t-elle. »
Elle n'a pas tort. Maman a toujours été du genre à pleurer pour un rien... J'ai juste hérité d'elle, c'est tout. Je soupire à nouveau et je dis à mon amie que je la laisse afin de m'atteler à mon entraînement quotidien au squash. Elle me dit au revoir et reprend son activité pendant que je contourne ma maison afin d'arriver devant une cabane à outils postée au fin fond du jardin. Je lance la balle en l'air et la frappe violemment de ma raquette. L'objet sphérique rebondit aussitôt sur le mur, mais j'arrive à la renvoyer une deuxième, troisième, quatrième, cinquième fois... Soudainement, une ombre apparaît et me vole la balle avant que je ne puisse la frapper à nouveau. Je me retourne et je vois le voleur : Kuro.
Il s'enfuit furtivement, tel que je n'arrive pas à le poursuivre. Essoufflé, je m'arrête de courir quelques secondes, je prends une grande inspiration et je crie à pleins poumons le nom du second Pokémon de mes parents :
« PLUME ! »
Le canidé se fait alors agresser d'une Cru-Aile par un Nirondelle aux ailes plus courtes que la moyenne. Plume a répondu à mon appel. Kuro laisse tomber la balle de sa gueule, ce qui me permet de la ramasser. Mais même si j'ai désormais la balle dans la main, l'oiseau et le canidé continuent de se chamailler, mais ils ont l'habitude. Une Morsure par-ci, un Picpic par-là ; leurs combats quotidiens sont devenus pour moi une attraction, et je crois que c'est grâce à eux, qu'aujourd'hui je vais devenir officiellement Dresseur.
Une fois remis de la Charge de Kuro, le Nirondelle se met à battre énergiquement des ailes et provoque une énorme rafale de vent nous projetant, moi et le quadrupède, quelques mètres en arrière. Un cyclone, si intense qu'on ne peut y voir au travers, se crée dans mon jardin. Plume y met fin de l'intérieur avec un battement d'aile plus puissant que ceux qu'il avait donné jusqu'à présent. Mais elle est méconnaissable : elle a évolué. Elle est devenue un gracieux Hellédelle, même si elle a gardé la petitesse caractéristique de ses ailes. J'en reste bouche bée, mais pousse un léger rire un moment plus tard, sûrement pour exprimer à la fois ma joie et ma surprise.
L'animal noir réitère sa Charge, mais son adversaire réplique derechef avec une Vive-Attaque, qui met d'ailleurs fin au combat. Ma mère, qui a d'ailleurs probablement entendu les bruits de la lutte, accoure vers les deux Pokémon afin de panser leurs blessures. Comme quoi, même si elle n'est plus officiellement vétérinaire, elle a encore l'occasion de soigner nos bêtes adorées. Je m'approche de Plume et plie mes genoux en lui disant :
« Tu m'avais caché que tu étais proche de l'évolution. »
Je prends dans ma poche une pochette de graines de tournesol que je donne à celle que je félicite. Oui, j'ai toujours un sachet de graines dans ma poche de pantalon, comme j'ai toujours aussi des sachets de biscuits pour canins pour nourrir au cas où le sombre guerrier. Cela va d'ailleurs sûrement être la dernière fois que j'ouvre ces pochettes. Je nourris les deux animaux qui ont alimenté mon envie d'aller visiter le Professeur cette après-midi. Je reprends mes coups de raquette visant la cible usée peinte sur la paroi de la cabane. Après une demi-heure, je remet le matériel de sport à sa place dans ma chambre et j'y prépare un second sac que je vais cette fois réserver à mon dos. Il comprend vêtements, affaires de toilette, friandises, bouteille d'eau, sac de couchage, couteau suisse, médicaments, pansements, lampe torche et quelques paquets de mouchoirs en papier.
Je sors à nouveau de la maison, sac bandoulière à mon épaule, et je récupère Hayley au passage, ayant désormais opté pour un bonnet de laine grise, un blouson vert citron et des bottes marron par-dessus son pantalon blanc. Elle porte à son bras un panier en osier.

En chemin vers la place du village, nous discutons :
« Qu'as-tu fait ce matin,
m'interroge-t-elle ?
- J'ai préparé mon sac pour le PC, puis je me suis un peu entraîné au squash, et j'ai aussi fait mon sac à dos.
- Pourquoi tu n'as pas préparé les deux sacs en même temps ? »
A ce moment-là, je m'arrête net, les yeux écarquillés. Ma main droite se projette contre mon front. Je répète que je suis con, mais la Ranger en devenir ne peut s'empêcher de rire. J'en profite pour lui dire que j'ai vu Plume évoluer, et elle me félicite.
Fara-les-Baies est sans aucun doute le village le plus calme de tout Néobios, et il l'est encore plus en hiver. Même s'il n'est pas très attirant en cette saison, il est toujours agréable d'y vivre, de voir les maisons de briques, le ruisseau qui passe près du centre Pokémon, ainsi que les différentes plantations de Baies qui donnent le nom à notre communauté. J'ai en effet utilisé le terme ''communauté'' car ici, tout le monde connaît tout le monde, que ce soient les agriculteurs, les enfants de l'orphelinat, les employés municipaux, les commerçants, les médecins : on se tutoie, on se confie des secrets, on s'invite à manger une paella ou un barbecue l'été venu. Mes souvenirs les plus chers appartiennent à ce village, et pour rien au monde je n'en regretterais, ne serait-ce qu'un seul.
Arrivés à la place délimitée par le tabac, l'orphelinat, la mairie et le restaurant ''Happy Berry'', nous nous postons devant le haut bâtiment accueillant les enfants abandonnés de leurs parents. Mais avant même que je ne puisse frapper à la porte, mon amie se retourne et m'indique de diriger mon regard en direction du tabac. Un jeune homme brun à lunettes en sort, habillé d'une écharpe gris clair, d'un gilet rouge, d'un jean bleu marine et de chaussures noires. Hayley court alors vers celui qui venait d'acheter un paquet de cigarettes. Le fumeur aux yeux vairon range alors son bien dans une poche afin d'enlacer tendrement à pleins bras celle qui était folle de lui. Ils échangent un baiser, et une fois ce dernier fini, il tourne son regard vers moi et me lance :
« Il est même pas 10 heures, vous êtes bien trop en avance.
- C'est pas moi,
je lui rétorque, c'est Hayley qui voulait te voir.
- Bah oui, je sais. Les femmes, c'est bien la seule chose qu'on pourra jamais comprendre... »
Hayley fait tomber son poing sur le crâne de son amoureux avant de lui répondre sur un ton des plus étonnamment calmes en frottant sa main en espérant de faire disparaître la douleur :
« Cole, ta misogynie est presque maladive.
- Roh, tu sais bien que c'est juste pour blaguer,
dit-il en se frottant le front... »
Ils s'embrassent à nouveau, mais je ne peux que me sentir mal à l'aise face à cela. Ma jalousie s'exprime par un détournement de tête, essayant d'ignorer la scène d'amour à laquelle j'assiste. Mais Cole n'est pas indifférent à ma réaction et arrête alors son baiser.
« Qu'est-ce qu'il y a Ethanounet ? Tu veux aussi un poutou baveux,
me propose-t-il en s'approchant de moi un sourire ironique aux lèvres ?
- C'est ça, demande-moi aussi un rendez-vous galant tant que t'y es,
je lui rétorque. »
Je retrouve à mon tour un sourire et je tape dans la main du porteur de lunettes, comme à notre habitude pour nous saluer.

Cole Markman, orphelin, et âgé d'une année et demie de plus qu'Hayley, soit un peu plus d'un an que moi. C'est en quelque sorte le leader de notre trio, toujours prêt à faire rire et à se faire ridicule dès que la situation devient tendue. Pendant longtemps, ça a été mon premier et seul ami avant que nous ne parlions à Hayley. Ils se sont d'ailleurs si bien entendu qu'il y a à peu près cinq ans, ils sont devenus amoureux. J'avoue que les voir ensemble me rend un peu jaloux ; pas parce que j'aurais prétendu au cœur de la fermière, mais plutôt parce que j'aimerais connaître ce sentiment qu'ils ressentent quand ils s'embrassent, quand ils se câlinent, quand ils se disent des mots doux. Mais le couple comprend vite quand je sature, et essaye de me faire ignorer leur amour et le remplacent par une amitié que je partage avec eux. Cole veut compléter le Pokédex de Néobios avant de voyager dans différentes régions pour découvrir d'autres Pokémon, et pourquoi pas rencontrer des êtres légendaires ? Il s'arme de son briquet, met en bouche une cigarette et l'allume. Il l'inspire, puis expire de la fumée. Je lui dis, sur un ton moqueur :
« Et c'est quand que tu vas accepter les cadeaux des autres ?
- Qu'est-ce que tu racontes,
me demande-t-il ?
- Je t'ai offert une clope électronique pour ton anniversaire.
- Bah, je l'utiliserai quand j'aurais plus de clopes normales sur moi. C'est tout.
- Oui, mais,
je me justifie, c'est moins cher la cigarette électronique vu que ça se réutilise, et c'est moins toxique.
- Combien de fois il faut que je te le répète ? Y'a des sensations que tu peux ressentir qu'avec un vrai paquet de clopes. Vu que notre vie est éphémère, autant la vivre intensément, en prenant des risques. Mais je t'assure que je vais bientôt l'utiliser, ton cadeau, ok,
promet-il en sortant mon cadeau d'une de ses poches ? Laisse-moi d'abord fumer mon Florizarre. »
Je lui vole son objet quasi-tabou et j'essaye tant bien que mal de l'approcher du visage de mon ami. Mais Hayley me rappelle que j'avais quelque chose à montrer à mon frère et ma sœur spirituels. A ce moment, j'invite les deux autres à me suivre pour nous asseoir entre le centre Pokémon et le magasin d'électronique en empruntant le chemin commençant par ''Happy Berry'' et le tabac. Une fois le petit pont traversé, j'ouvre mon PC, assis contre le mur de la clinique. Ce coin est idéal car peu de gens passent par ce chemin, donc il est facile de se cacher, et de montrer des vidéos ''interdites'' à quelque ami d'enfance.
Oui, en effet, les vidéos de DidiChandouidoui sont interdites dans notre monde. Et quand bien même elles arrivent dans votre monde, des cyber-douaniers modifient les vidéos envoyées afin qu'elles n'aient l'air qu'une mauvaise blague, ou d'une web-série amateur. C'est pour cela que vous ne voyez jamais de vrai Pokémon dans les vidéos de Didi : les contrôleurs estiment que ce seraient pour vous un choc de voir un vrai Pokémon et remplacent ces derniers par des images que l'on trouve sur le net. Aussi, ils n'hésitent pas à tourner une vidéo complètement pour faire penser à une mise en scène si on suppose que la façon dont la vidéo a été tournée est trop réaliste. Les échanges d'informations entre nos deux univers sont réels, certes, mais soumis à une censure cruelle et, je dirais même, injuste.
Mais Didi est mort. Il l'est depuis quelques mois maintenant. Cependant, un Zoroark qui avait essayé de tuer Didi a décidé de changer son fusil d'épaule et de reprendre son travail. Alors, même si malgré l'Illusion que le sombre loup crée je suis persuadé que c'est un Pokémon, je peux sentir la volonté du feu vidéaste, et je considère ainsi que Zoroark et celui qu'il imite son une seule et même personne. Et je trouve ça d'autant plus fascinant de voir qu'un Pokémon est capable de tourner seul des vidéos : la nature est pleine de mystères.
Cette fois-ci, Didi avait branché sa caméra à son ordinateur portable et s'en servait comme webcam pour discuter avec ''L'Ermite Moderne'' et un des administrateurs de ''Pokémon Trash''. Je connaissais déjà les sites Pokébip, Puissance Pokémon et Poképédia, mais la découverte de ce site m'impressionne, et montre que malgré les animosités entre nous, vous vous intéressez quand même à nous ! De retour à la vidéo, les deux êtres de l'autre monde essayaient de détruire la véracité du notre. Sauf que le Zoroark ne peut que défendre le monde dans lequel il vit, et il y arrive même avec brio. Il ne montre pas spécialement de Pokémon, les vérités énoncées ne sont pas très choquantes (sauf celle sur les shineys), donc cette vidéo ne va pas être très censurée. Je me sens assez soulagé.
« C'est quand même dingue,
s'exclame Cole ! Il ne fait que montrer la vérité, et le gouvernement le poursuit ? C'est quoi cette logique de merde ? C'est comme s'ils avaient honte de leur propre faune !
- D'ailleurs,
poursuit sa petite amie, j'ai entendu à la radio ce matin qu'ils avaient mis une prime de cinq cents millions pour le Zoroark. C'est même plus que celle qu'ils avaient mis à Giovanni, le babache de la Team Rocket. Vous imaginez ?
- Ouais ouais... J'imagine... Je leur ferai bouffer leurs dents une par une jusqu'à temps qu'ils reconnaissent que ce que Didi fait est juste. »
Hayley fait pousser une nouvelle bosse sur le crâne de son bien-aimé avant de lui dire que, peut-être, il y aurait un moyen plus pacifique de le faire. Quant à moi, mon regard se noyait dans les pixels de l'écran, tandis que mon cerveau réfléchissait. Je rabats l'écran sur le clavier de ma machine et je me lève en proposant à mes amis quelque chose de fou :
« Et si je faisais des vidéos comme Didi ? »
Ils paniquent et essayent de me dissuader, comme quoi je me ferais très vite arrêter ou que même si je ne montrais pas mon visage la vidéo pourrait être pistée.
« On verra, d'acc,
je leur dis nonchalamment ? Et puis je vais pas dévoiler des vérités sur notre monde comme Didi le fait. Je pense que je vais plutôt parler d'évènements historiques ou de différents endroits de Néobios.
- Super, Ethan le prof d'histoire-géo est dans la place,
soupire l'ainé...
- Tu dis ça,
rétorque Hayley, mais tu oublies qu'Ethan a déjà pété une durite face à un prof.
- Sérieux les gars,
je reprends, on parlait pas des cours, là. Et puis arrêtez de me rappeler ça, c'est du passé maintenant. Bref, pour en revenir à mon projet de vidéo, ça pourrait faire un peu de pub' pour Néobios, non ?
- Sois réaliste mec,
ricane Cole, on dépassera pas le stade de fanfic. Tu crois quoi ? Qu'on va être adaptés en anime ? Nintendo voudra jamais faire des jeux ou des épisodes sur Néobios. Estime-toi déjà heureux qu'on aie des dessins au milieu de ce pavé de texte.
- Bah, je croyais que ça fonctionnerai,
je marmonne, vu que la découverte de la Primo-Résurgence a fait de la pub' à Hoenn, à tel point que Rubis et Saphir ont eu des remakes récemment. »
Un Zorua arrive dans notre coin, tirant comme il peut un sac à dos assez chargé. Le fumeur se précipite vers le petit quadrupède et le prend dans ses bras :
« Hé bien, Chrome, je ne t'ai jamais demandé de m'apporter mes affaires...
- Dis-moi,
dit sa dulcinée en soulevant le sac, qu'est-ce qu'il y a là-dedans pour que se soit si lourd ? Tu gardais rien à l'orphelinat à part des bouquins.
- Oui, des bouquins, mais pas que : j'ai aussi fait le plein de poudre et de ficelles.
- Tu vas fabriquer des explosifs,
je m'exclame !?
- Bah qui sait,
répond l'orphelin, vu que le taux de criminalité néobiotien est élevé, faut se préparer à toute éventualité. »
Nous décidons de nous mettre en route pour le point de rendez-vous, car rester entre deux bâtiments à converser pendant plus d'un quart d'heure devient difficilement supportable. Nous continuons à parler en marchant, puis, arrivés à destination, nous nous asseyons dans l'herbe, près du chemin de terre menant à la ville de Sainte-Genèse. Nous discutons de tout et de rien, de nos meilleurs moments passés dans cette ville, des endroits que nous avons envie de visiter lors de notre voyage initiatique, des moyens que nous allons trouver pour nous défendre en cas de pépin (je n'en ai aucun !), des Pokémons que nous voudrions posséder au cours de notre épopée, et bien d'autres choses.
Le temps passa si vite, et nous nous en apercevons quand nous entendons nos trois montres retentir dans un chaos d'alertes sonores stridentes. Hayley sort de son panier différents sandwiches qu'elle donne à chacun de nous avant que cinq minutes plus tard succédant la formule de politesse de repas, ils ne soient engloutis. La future protectrice de la nature sort ensuite de son panier trois barres de chocolat au lait. Elle commence à grignoter joyeusement son péché mignon alors que, de mon côté, je fixe étrangement le bâton enroulé dans le papier bleu turquoise et je relis à moult reprises ''Chocolat au lait''. Ne pouvant supporter cet horrible crime, j'interpelle la cadette du groupe.
« Hayley, tu te moques de moi, là ?
- Bah, non, pourquoi ?
- Est-ce que j'ai SÉRIEUSEMENT une tête à bouffer du chocolat au lait ?
- C'est le meilleur chocolat au monde, de quoi tu te plains ?
- Pour la dernière fois, le meilleur chocolat, c'est le chocolat blanc,
j'insiste !
- Et pour la dernière fois,
répond mon interlocutrice en haussant la voix à son tour, le chocolat blanc, c'est PAS du vrai chocolat ! Alors tu vas me faire plaisir et tu vas gober ce que je te donne à manger ! »
Elle me donne un uppercut droit et profite de sa main gauche pour me faire avaler son immonde barre chocolatée... J'ai bien failli m'étouffer ! J'essaye même tant bien que mal de recracher le papier d'emballage à peine ouvert. Après le repas, nous nous levons et nous suivons le chemin, direction Sainte-Genèse. Il ne faut pas plus d'un petit kilomètre pour arriver à cette ville de vingt milles résidents. La plupart de ceux-ci sont des croyants, et vénèrent pour la plupart Arceus. Et c'est ironiquement que dans ce lieu où la religion est prise à cœur que vit un des trois Professeurs Pokémon de Néobios : le Professeur Brock-Lee, responsable des études sur l'évolution et les Méga-Evolutions.
Nous nous frayons un chemin entre les églises et l'école, que je regarde avec un peu de mélancolie, et nous arrivons au modeste laboratoire. Vous comprendrez que vivre en tant que scientifique dans une ville où la religion est prise très au sérieux est très difficile. Le Professeur, vêtu de sa blouse blanche, détourne son regard de ses tubes à essais fumants et relève ses lunettes de protection sur ses cheveux noirs pour nous accueillir.
« Eh bien ! Si ce ne sont pas les trois mousquetaires ! Comment vous vous portez ?
- Bien bien,
affirme Cole, on est là pour avoir nos Pokémons.
- Vous n'êtes pas au courant qu'hier on me les a volé,
répond l'homme immaculé ? »
A ce moment-là, trois cœurs s'arrêtent de battre. Nous paniquons. En effet, hier, on avait dit à la radio qu'il y avait un bâtiment à Sainte-Genèse qui avait été endommagé. Nous sommes venus pour rien ? Non... Le laboratoire est impeccable. ''Impeccable'' est un mot très approprié car par rapport au bazar habituel, on dirait un hôtel cinq étoiles. Et puis je me souviens : c'était la fourrière qui a été prise d'assaut !
« Professeur, vous nous prenez vraiment pour des cons,
je lui lance ?
- Ta perspicacité me surprendra toujours Ethan,
ricane-t-il avant d'avaler une gorgée de sa tasse de café. Bon, vous me suivez ? »
Un scan de la rétine du scientifique ouvre la porte d'un ascenseur dans lequel nous montons afin de descendre au sous-sol. C'est un couloir d'une quinzaine de mètres où sont stockées diverses pierres évolutives, ainsi que des répliques de Méga-Gemmes. Au bout du couloir se trouve un coffre, que celui qui va nous baptiser Dresseurs déverrouille en posant son pouce sur le verrou digital : 6 Pokéballs y reposent.
« Hayley, Ethan, prenez une Pokéball,
ordonne le Professeur.
- Et moi,
réclame l'aîné du groupe ?
- Tu as déjà un Zorua, non ?
- Professeur, c'est vous qui m'avez donné Chrome...
- Exactement, et c'est pour ça que tu n'auras pas de second Pokémon. »
Cole soupire de dégoût et détourne son regard des yeux marrons de l'adulte. Ce dernier fait tomber sa paume sur le crâne chevelu du possesseur du Zorua et le caresse vivement.
« Allons Cole,
s'exclame le scientifique ! Décoince-toi ! Choisis ton Pokémon.
- Arrêtez Professeur avec vos blagues de mauvais goûts,
hurle le fumeur !
- Je tiens à te rappeler que tu n'es pas mauvais dans ce domaine non plus.
- Professeur,
interrompt Hayley, on s'est concertés avec Ethan et Cole, et on aimerait choisir au hasard. »
Brock-Lee est extrêmement surpris par la demande de la fermière. Cependant il nous confie ceci :
« Je vois. C'est très insolite, mais en même temps c'est assez... Comment dire... ? C'est courageux de votre part, car vous ignorez complètement de vos préférences, de vos envies. Vous avez compris que la vie est une aventure où vous n'avez pas le contrôle absolu. Vous ne savez pas si vous tomberez sur Grainipiot, Ouisticram, Obalie, Elékid, Symbios, ou Coupenotte, et vous vous en fichez parce que vous savez que vous aimerez votre Pokémon et que vous le chérirez plus que tout au monde. Et je trouve ça merveilleux, car c'est une valeur qui se fait de plus en plus rare de nos jours. Allez ! Lancez les dés ! »
Hayley prend les Pokéballs et les met dans le panier. Elle le ferme, le secoue, le rouvre et introduit sa main pour la ressortir agrippant la demeure d'un Pokémon. C'est ensuite au tour de Cole de prendre son monstre, puis au mien... J'en ai des sueurs froides... Je rentre ma main délicatement dans le panier... Je ferme les yeux... J'attrape le premier objet qui me tombe sous la main... Ça y est ! J'ai ma Pokéball ! Je retire ma main tremblante et je fixe l'objet sphérique...
« C'est le moment de vérité,
déclare Cole. Prêts ? »
Hayley répond de sa jovialité naturelle alors que je ne fais que hocher la tête, déglutissant de nervosité... Nous lançons en même temps nos Pokéballs en l'air. Le temps ralentit. Qui va sortir de cette coquille rouge et blanche ? Avec qui vais-je commencer mon épopée pour devenir Maître Pokémon ? Les sphères s'ouvrent et déposent sur le sol trois rayons de lumière blanche.