Ch. 15 Abuser de sa supériorité (Khimeira)
ATTENTION : Ce chapitre n'est vraiment pas à mettre devant tous les yeux, en raison de son caractère potentiellement dérangeant, et de scènes qui risquent de choquer les plus jeunes d'entre vous.
Si vous êtes suffisamment prêts, bonne lecture.
Et j'en profite pour m'excuser du long délai (oui, bon, je sais, 1 an c'est pas qu'un long délai) entre le chapitre 14 et le chapitre 15, dû à... comment dire ? Un problème d'écriture ? x)
Enfin bref, en espérant que le chapitre suivant sera écrit un peu plus vite. XD
Cordialement,
Khikhi
* * * * *
Je venais de remarquer la présence de Démétrios, retenu captif par un des Grodrive, quand je gueulai en direction d'Ambre.
Ils avaient leur stratégie. Et j'avais la mienne. Mais c'était dangereux, et il fallait une entière confiance entre moi et Démétrios. Ce qui était plutôt mal parti dans l'instant.
-AMBRE !
J'étais en train de m'époumoner en faisant ça, mais qu'importe.
Je me retournai vers l'autre fille et lançai :
-Linda, tu vas chercher la toile.
-T'es barré ? Ca va jamais marcher !
-Si je savais qu'il n'y avait aucune chance, je ne te l'aurais pas demandé, alors va me chercher cette foutue toile ILLICO !
Je vis la fille partir en peu de temps qu'il ne fallait pour le dire, pour aller chercher la grande toile qui allait servir à amortir la chute de notre pauvre ami détenu par les Grodrive.
Ambre me regardait fixement, l'air de vouloir attendre un ordre.
-AMBRE, QUAND JE TE LE DIRAI, TU TIRERAS SUR LE GRODRIVE !
-PARDON ???
Ce dernier commentaire venait effectivement de Démétrios.
-LAISSE-MOI FAIRE !
-MAIS JE VAIS CLAMSER, DUCON !
Je n'entendis même pas son dernier commentaire, et vis Linda arriver avec la toile.
-Okay, tu vas à ces deux endroits, ici – lançai-je en fixant un point à ma gauche avec mon doigt – et ici – ajoutai-je en fixant un autre point à une vingtaine de mètres de là. Tu te bouges le cul pour les attacher de sorte à ce que ce soit suffisamment stable. Après, on tiendra tous les deux les autres bouts.
Elle s'exécuta vitesse grand V, tandis que je fixai le Grodrive, avec Démétrios fermement attaché aux fils qui sortaient du corps du Pokémon.
-CA VA, TU PRENDS BIEN TON TEMPS !
-DEM, TA GUEULE ET LAISSE-MOI FAIRE !
Je vis que Linda avait fini d'attacher les deux premiers bouts de la toile, et arrivait en courant vers le dernier bout. J'en profitai alors :
-AMBRE, MAINTENANT !
La jeune fille banda son arc et décocha une flèche, le tout en l'espace d'une petite seconde. L'objet fendit l'air pour s'écraser sur le Pokémon ballon, qui gémit longuement avant d'exploser, laissant Démétrios tomber dans le vide.
Dans ma tête, à ce moment-là, de nombreux calculs se firent, notamment pour savoir à quelle vitesse arriverait Démétrios sur le tapis, à quel point on devait tendre le tapis, à quelle hauteur le tendre, etc... et il ne me fallut pas longtemps pour comprendre à quel moment il fallait le tendre.
Je transmis les informations à Linda, qui s'exécuta immédiatement.
Je vis Démétrios tomber, exactement à l'endroit où je voulais – c'est-à-dire exactement au centre de la toile, ce qui limitait considérablement les dégâts. Il fallait tendre dans trois... deux... un...
-LINDA, MAINTENANT !
Nous tirâmes alors de toutes nos forces sur la toile juste au moment où Démétrios faisait l'impact avec la toile. La scène se passa au ralenti dans ma tête, alors que je vis le mec se diriger de plus en plus lentement vers le sol, sur le dos.
S'en suivit un silence de mort, pendant lequel je paniquai légèrement. Est-ce que j'avais planté mes calculs ? Est-ce que c'était bon, ou est-ce que je venais de le tuer ?
Le fait que l'amoureux de la terre se releva une petite vingtaine de secondes plus tard, chancelant et ayant du mal à respirer, me donna une réponse sûre, juste au moment où Ambre arrivait en bas, même si elle avait pris un trajet un peu plus long et sans trop de risques.
Ambre se jeta dans les bras de Démétrios, et celui-ci me regarda avec un air choqué en disant :
-Toi, le psychopathe... Je te retiens.
* * * * *
-C'est bon, vous trois, vous êtes OK ?
J'avais lancé cette phrase d'un ton parfaitement neutre. Ambre, encore trop groggy pour réagir, se contenta de hocher la tête alors que Démétrios me regarda en faisant une petite vague de la main, l'air de dire « ça pourrait être pire, mais ça pourrait être mieux ». Linda, elle, était un peu plus en recul, fixant le chariot de nourriture comme si elle tenait à sa survie.
Depuis l'incident avec le Grodrive à peu près une demi-heure plus tôt, personne n'avait pipé mot : Ambre était beaucoup trop faible pour pouvoir dire quelque chose ; Linda après la réflexion assez blessante que j'avais sorti ; moi parce que je n'avais rien à dire ; et Démétrios parce qu'il ne voulait pas briser le silence. Les mots que je venais de prononcer furent les premiers depuis ce laps de temps.
Je continuai alors, fixant Linda et lançant d'un ton semblant autoritaire mais toujours aussi monotone :
-Tu surveilles le chariot, je prends le relais dans deux heures.
Linda ne répondit pas. Elle se contentait de fixer le chariot de nourriture, alors que j'allai me coucher au sol un peu plus à l'écart, non loin d'Ambre. Démétrios me regarda avec son air méfiant, puis se concentra sur le bandage qu'il était en train de faire à Ambre. Je les observai, stoïque. Linda, elle, nous regardait du coin de l'œil.
J'ai beau être de marbre face à la douleur des autres, je voyais bien qu'elle essayait de contenir ses sentiments. Je lisais sans difficulté la culpabilité sur son visage ; je voyais que c'était dur. Elle avait dû tuer pour sauver la bouffe, pour se sauver elle-même. Elle ne devait pas vraiment réaliser ce qu'elle avait fait non plus, mais elle s'en rendait malade. D'avoir tué ce Pokémon qu'elle devait considérer comme innocent. Mais elle n'avait pas le choix, et elle devait le comprendre. Le Grahyena avait sauté sur elle, toutes griffes et crocs dehors. Linda n'avait pas réfléchi ; elle avait le fusil-harpon, elle a tiré. Ca l'a touché en plein œil. Elle a ainsi découvert une autre partie de sa personnalité dont elle ne connaissait pas l'existence. Mais ce qui était fait, était fait. Elle avait tué un Pokémon pour pouvoir se protéger, et même si elle avait sauvé la nourriture elle ne pouvait pas arrêter de s'imaginer le cadavre de la créature qu'elle avait lâchement tué.
Je sais que quand on tue quelqu'un, une part de soi meurt pour toujours. Au début ça m'était complètement égal que cela arrive aux autres, mais quand je vis son regard vide errer sur le sol, je compris que personne ne semblait avoir ma force de caractère. À part Ambre.
Je me replaçai alors face à Linda, un peu en recul, et fermai les yeux. Il fallait que je dorme, et -
-Ca va ? T'as l'air d'être complètement déprimée.
La voix de Démétrios acheva de me convaincre de les observer. Je restai allongé, et entrouvris légèrement les yeux. J'entendais clairement ce qu'ils se disaient. Le temps était calme et le silence ambiant omniprésent.
Linda releva la tête, et Démétrios s'assit à côté d'elle. Il sortit son stylo et commença à faire tourner le capuchon sur son doigt comme si c'était une toupie. Linda haussa les épaules en baissant un peu le regard. Elle s'était trahie elle-même. Ou alors elle l'avait fait volontairement pour traduire son malaise.
-Tennessee m'a raconté ton « exploit ».
Il avait bien fait en sorte d'appuyer le mot « exploit » et de mimer les guillemets. Je pinçai les lèvres pour éviter de montrer que j'étais encore éveillé, mais je sentais que sa petite phrase prévoyait déjà une longue discussion où j'allais en prendre plein la gueule.
La fille le regarda avec un air mauvais, ce qui n'empêcha pas son compagnon d'infortune de continuer :
-Tu sais, tu n'as pas à avoir honte de toi-même, ou te sentir coupable. Ca me l'a fait aussi la première fois, et je peux te garantir que...
-Tu ne sais pas de quoi tu parles.
Le ton employé par Linda était glacial, loin de celui qu'elle avait d'habitude.
-Eh, ça va, répliqua Démétrios. Pas la peine de refourguer sur moi toute la haine que t'as envers Tennessee...
-Je parlais pas de ça.
-Bah qu'est-ce que tu voulais dire alors ?
Elle soupira en détournant le regard. Nouveau silence. Que cette fois-ci l'amoureux de la terre ne put pas s'empêcher de briser, avec un air tout aussi glacial que celui de Linda pour faire réagir cette dernière. J'avais l'impression d'assister à un règlement de comptes entre deux gamines dépressives.
-Réponds-moi au lieu de te murer dans le silence comme une fille qui a des choses à se reprocher.
-Tu n'as jamais eu de l'empathie pour eux ?
La question prit le garçon au dépourvu, et il la fixa avec un regard surpris. Qu'est-ce qu'elle était en train de dire ?
-De qui tu parles ?
-De qui tu penses que je pourrais parler ?
-Bah à part Ambre et Tennessee je vois pas...
Moi non plus, ça tombe bien.
-Les Pokémon, patate.
Bon, d'accord, là elle est en train de devenir clairement chiante. Et puis c'est pas comme si c'est Linda. Je remuai légèrement pour faire mine d'être endormi, puis vis Démétrios détourner le regard à son tour. Je haussai les sourcils : pourquoi ne voulait-il pas parler de ça ? On est en temps de guerre, bon sang, c'est quoi leur problème ?
-Bah alors ? Monsieur se débine ? Lança Linda avec un air sarcastique, presque provocateur.
-Tu ne sais pas ce que j'ai vécu.
-Toi non plus, tu ne sais pas ce que j'ai vécu. Un partout, balle au centre.
-Oh que si, je sais. Tu t'es fait tuer tes Pokémon de façon violente, sauf que toi tu continues à les aimer et à avoir de la sympathie pour eux. On est en temps de guerre, ils peuvent nous tuer à tout moment et...
-Tu raisonnes comme Tennessee, lâcha Linda avec dégoût.
Ca, au moins, c'était fait. Démétrios remonta dans mon estime, et redescendit presque aussitôt quand il la regarda, choqué par la phrase qu'elle venait de sortir. Il se demandait si elle était sérieuse : et au vu du regard qu'elle a rendu lorsqu'il lui a lancé le regard choqué, elle m'avait l'air d'être parfaitement sérieuse. J'étais officiellement devenu une insulte, et cette pensée me fit sourire discrètement.
-Non, rectification : vous raisonnez tous les deux comme Tennessee. Toujours à base de volonté de vengeance, de mort et de destruction sur votre passage. Vous ne pensez même pas, que ce soit toi, Ambre ou l'autre barge qui est capable de nous coller une balle entre les deux yeux sans aucun remords, que quelqu'un puisse ressentir ne serait-ce que de l'empathie pour eux, qu'il puisse compatir à leur douleur ; non, celui-ci est automatiquement dans le camp des ennemis. Tout est toujours blanc ou noir avec vous ; il est temps pour vous de voir les nuances de gris.
Et sur ces mots qu'elle avait craché avec une extrême violence, elle se mura dans le silence et retourna à l'observation du chariot. Démétrios, sous le choc, ne demanda pas son reste et partit rejoindre Ambre.
J'avais l'impression que tout ce que j'avais fait plus tôt n'avait servi à rien. Linda n'avait toujours pas compris que dans ce monde, et surtout dans cette situation, c'est blanc ou noir. Tu vis, ou tu meurs. C'était aussi simple que ça.
Et je me demandais sérieusement quand est-ce qu'elle allait enfin le comprendre.
* * * * *
Je m'étais endormi quelques minutes après, sentant le sommeil venir à moi. Un peu moins de deux heures après, je me réveillai. Je sentais le besoin urgent de Linda d'aller dormir et je décidai de combler ce besoin. Je m'approchai de Linda, m'assis à côté de la jeune fille puis lançai :
-C'est bon, je prends le relais, va dormir. Tu prends le relais dans 4 heures et pas 6, comme Ambre est pas en état de surveiller.
Linda se leva, et sans le moindre regard envers le « militaire » que j'étais ni le moindre commentaire alla s'installer de l'autre côté de la grotte pour dormir.
-Même pas un « Bonne nuit » ? ajoutai-je, surpris de ne pas avoir de réponse de sa part.
La jeune fille ne répondit pas et se contenta de se coucher sur le côté, me tournant le dos. Peut-être avait-ce un rapport avec la conversation de tout à l'heure.
-Génial, répliquai-je finalement en me concentrant sur l'étude du chariot qui transportait tous nos vivres depuis Saint-Louis.
Le contenu du sac n'avait presque pas changé. Rien d'important n'avait disparu. Je souris. Pour une fois qu'on a enfin de quoi survivre.
Soudain, j'entendis un léger gémissement à ma droite. Je savais parfaitement de qui ça venait, l'ayant déjà entendu suffisamment de fois. C'était Ambre. Les deux autres étaient profondément endormis, et Linda dormait paisiblement sur le sol de la grotte, donc ne pouvait pas avoir poussé ces gémissements.
Je regardai les trois endormis. Démétrios était à un coin, s'étant plus ou moins assoupi. Linda, elle, était toujours au même endroit, et malgré le fait qu'elle n'ait fermé les yeux que depuis quelques minutes j'avais l'impression qu'elle était profondément endormie. Ambre, elle, semblait dormir également, mais son sommeil semblait très agité par un cauchemar que je voulais bien découvrir.
Je me rapprochai de la guerrière. Elle avait encore des marques de ces derniers jours, notamment de la bataille à Saint-Louis qui avait bien failli nous coûter la perte de tous nos vivres. Et surtout elle semblait un peu paniquée par le cauchemar qui semblait la hanter, de par sa respiration qui s'accélérait.
Voulant vérifier ma théorie en prenant son pouls, je posai mes doigts sur son cou. La peau était lisse et dégageait une chaleur bienvenue au vu de la température de la grotte. Elle frissonna d'ailleurs au moment où je posai mes doigts froids sur son cou, mais semblait toutefois rassurée. Elle devait se douter que c'était quelqu'un d'humain. Je fis un sourire et continuai à la caresser du bout des doigts. Cela dura quelques minutes, pendant lesquelles seuls quelques petits bruits tels le bruit du vent se faisaient entendre à la sortie de la grotte. Elle sembla lever le regard, toujours endormie, puis elle lança :
-Disthène ? C'est toi ?
Je m'arrêtai. Disthène ? Vu le ton qu'elle avait employé, assez inquiet, je supposai que c'était quelqu'un qui lui était assez proche. De plus, il me semblait avoir entendu une fois que son frère était parti à l'armée. Je présumai donc qu'il s'agissait de son frère.
Je rapprochai alors ma tête de celle d'Ambre et soufflai dans son oreille, avec une voix un peu plus grave que d'habitude pour ne pas qu'elle remarque que c'était moi :
-Je t'ai manqué ?
Je la sentis un peu plus rassurée. Parfait. Je pouvais donc jouer avec elle un peu.
Je commençai à lui masser gentiment au niveau du cou, avec des gestes ni trop brusques ni trop lâches mais avec une main ferme. Je la sentis frissonner une nouvelle fois, mais elle paraissait beaucoup plus détendue. Un sourire commença à se former sur son visage, signe qu'elle appréciait ça mais aussi que son cauchemar commençait lentement à s'estomper.
-Tu masses toujours aussi bien, me lança-t-elle.
Je soufflai légèrement du nez, et arrêtai mon massage pour lui prendre la main. Je me mis alors à genoux à côté d'elle, toujours sans dire un mot. Elle avait un petit sourire aux lèvres, semblait toujours aussi endormie. Elle avait l'air de ne pas faire la différence entre la réalité et le rêve.
-Promets-moi que tu ne vas pas partir.
Un petit silence suivit, le temps que je me mette à son niveau. Je fis alors un sourire en coin, et me replaçai pour m'asseoir en face d'elle et la regarder plus longuement.
Son visage bien dessiné lui donnait une attirance certaine. Ses cheveux auburn, modérément longs, lui tombaient sur le visage et devant ses yeux fermés, cachant une partie d'un nez fin qui inspirait l'air froid de la grotte dans laquelle nous nous trouvions tous les quatre, et une bouche à ce moment légèrement entrouverte là encore bien dessinée, pas trop pulpeuse, et qui me donnait furieusement envie de l'embrasser.
Je m'allongeai, et me plaçai face à elle. Tout sembla s'arrêter quelques secondes, comme si plus rien n'importait. Au diable les deux inactifs, au diable les réserves : rien d'autre ne m'était égal à ce moment précis.
Je me rappelai alors que je n'avais rien dit pendant tout ce temps, et lançai alors en lui soufflant dans l'oreille :
-Je le jure.
Je la vis sourire, ses dents blanches se faisant voir tout d'un coup. Elle était magnifique. Sensuelle. Attirante. Elle était parfaite.
Je décidai alors de m'avancer pour l'embrasser, quand j'entendis le cliquetis caractéristique de la préparation d'un tir de pistolet et celui-ci qui touchait mon crâne. Je sentais la respiration au-dessus de moi, je connaissais même qui en était à l'origine.
C'était Démétrios, qui allait prendre son tour de garde.
-Dem, va faire ton tour de – commençai-je.
-Si tu fais le moindre geste de plus, espèce de détraqué mental, je te préviens que cette balle rentre dans ton crâne par l'encéphale et ressort entre tes deux yeux.
Un silence de mort suivit cette dernière phrase. Le ton employé par l'amoureux de la terre était haineux, sûrement jaloux que j'aie réussi à approcher Ambre alors que lui n'en avait pas eu l'occasion. La main qui tenait son pistolet tremblait, preuve de sa peur.
-Tu trembles, Dem.
-Ferme-la...
-Je ressens ta peur, je sais que tu as la trouille de tirer. Tu sais très bien que si je meurs, vous risquez de mourir rapidement, donc tu ne veux pas. Alors qu'une partie de toi veut ma mort. Une partie de toi qui aime Ambre...
-TA GUEULE !
-Alors tire.
La cadence de ses inspirations et ses expirations s'accéléra et devint de plus en plus saccadée, tandis que son bras bougeait de plus en plus. Il n'avait pas envie de tirer, cela se sentait. Il savait que j'étais le seul capable de les défendre en cas de problème.
-J'attends, ajoutai-je dans un petit rire.
-Lève-toi, ordonna Démétrios avec une voix ferme qui ne cachait pas sa haine.
Grave erreur, Dem. Grave erreur.
Je me levai lentement, ma tête étant toujours visée par le Desert Eagle que j'avais négligemment laissé sur le sol et que mon homologue masculin avait récupéré. Ceci se passa presque au ralenti, les deux filles étant profondément endormies.
Soudain, j'éclatai d'un rire sardonique, qui réveilla Linda en sursaut au passage, tandis que l'amoureux de la terre pointait toujours son arme – pardon, mon arme – sur moi.
-Pourquoi tu te marres ? Lança Dem d'un air stressé.
-Parce que...
Je laissai un petit silence, pendant lequel le jeune homme me regarda fixement, la haine pouvant se lire sur son visage, et pendant lequel Linda ne pouvait que rester inactive, presque figée par le choc.
-Tu viens de signer ton arrêt de mort, Démétrios Eartison.
J'avais prononcé ces paroles d'un ton extrêmement calme et monotone que le concerné recula d'un pas, d'un simple pas, sous le choc. Et c'est exactement ce signal que j'attendais.
En l'espace d'une demi-seconde, Linda me vit reculer brusquement, lever la main puis récupérer le pistolet des mains du pauvre homme. Juste après, je le pris par le T-Shirt avec la main qui ne tenait pas l'arme, reculai un de mes pieds pour lui faire perdre l'équilibre puis le soulevai par-dessus moi.
L'action sembla se passer au ralenti, tandis que Linda se leva en sursaut pour courir vers le fusil-harpon et que je vis le regard de haine de Démétrios se changer très rapidement en un regard horrifié. Celui d'une proie qui venait de comprendre qu'elle venait de perdre l'avantage face à son prédateur.
J'écrasai alors violemment le jeune homme au sol, ce qui lui coupa la respiration pendant de longues secondes. Je me retournai et le regardai dans les yeux, un sourire sadique sur le visage et des yeux prêts à le tuer à chaque instant, tandis que je sentis Linda, paniquée, chercher du regard le fusil-harpon.
-Linda ! Le fusil-harpon est -
Dem n'eut pas le temps de finir sa phrase que je lui plaquai ma main sur sa bouche pour ne pas qu'il en dise plus, et rajoutai :
-Oh que non, tu ne lui diras rien. Ce petit être fragile et faible n'a pas à intervenir entre nous. C'est une bataille entre hommes, n'est-ce pas ? Alors ne sois pas lâche et laisse-la en-dehors de tout ça.
Je lui assénai un premier coup, juste au niveau de la mâchoire. Un cri de douleur et des larmes commencèrent à s'échapper, tandis que j'entendis Linda crier à l'arrêt de la bataille.
Je vis les yeux de ma victime, qui commençaient à s'embuer et qui semblaient me prier pour que j'arrête.
-Alors, qu'est-ce que ça fait d'être du côté des victimes ? Tu dois sûrement comprendre comment ils fonctionnent, maintenant que tu te retrouves dans leur position...
-Tennessee, arrête ! Manqua de beugler Linda pour que je lâche Démétrios.
-Ferme-la, femme !
Ces mots étaient sortis de ma bouche avec une telle violence que je ressentis l'arrêt, pendant une seconde, du cœur de Linda sous le choc. Je commençai également à sentir sa haine. Parfait.
Je lâchai ma main de devant la bouche de Démétrios, qui beugla alors :
-SUR LE MUR !
Il n'eut le temps de prononcer que ces mots avant que mon poing ne s'écrase au niveau de sa tempe, lui faisant pousser un hurlement de douleur qui réveilla Ambre.
J'entendis alors une détonation. Le fusil-harpon. Linda l'avait retrouvé et, dans une haine indescriptible, avait tiré en visant très précisément l'endroit qu'elle voulait toucher. Elle voulait me tuer, cela se sentait. Mais elle ne connaissait pas les conséquences de ses actes.
J'avais alors une main levée, prête à asséner un nouveau coup à Démétrios, et une main qui tenait le pistolet, pointé sur sa tempe, prêt à le tuer à n'importe quel instant.
Je mis à peu près le temps de la détonation à réagir, et décalai ma main libre vers le harpon qui arrivait. Je sentis le regard de haine de Linda virer à la surprise quand j'attrapai le harpon à mains nues juste avant qu'il n'atteigne mon flanc, puis à l'horreur quand je me levai pour lâcher l'amoureux de la terre avant de tirer violemment sur le harpon pour la faire se rapprocher de moi.
Je l'attrapai au dernier moment par le col de la chemise qu'elle portait (qui devait sans doute appartenir à Démétrios, mais cela n'avait aucune importance dans l'instant), puis la soulevai de terre. Elle commença à crier pour que je la lâche, mais je ne daignai même pas écouter ses plaintes.
-Vas-y, dis-je, continue à crier, tu les rameuteras. Et contrairement à ce que tu penses, les Pokémon ne t'aideront pas à sortir de ta situation. Ils n'auront aucune espèce d'empathie envers ta misérable petite personne, au contraire, ils se feront une joie de te tuer. Alors sois gentille, et reste du côté des humains.
-Parle pour toi... Tu n'es même pas humain, espèce d'enfoiré !
Un coup de pied dans le ventre et un cri de douleur abrégea ses paroles. Je la jetai alors par terre sans aucune forme de procès, puis me dirigeai vers le caddie contenant toute notre nourriture.
-Et on peut savoir ce que tu fais ? Cracha mon homologue masculin.
-Vu le boucan que vous avez provoqué, ces saloperies se sont sûrement réveillées. Du coup, je préfère prendre des précautions en partant maintenant.
-A quatre heures du matin ? C'est de la folie pure !
-D'accord, donc vous avez deux choix : soit vous continuez à me suivre et on se casse maintenant, soit je vous laisse ici et vous serez cueillis par les autres demain matin. L'avantage est qu'avec moi, vous serez certains de rester en vie ; parce qu'avec le seul esprit fort de vous trois dans les vapes, je me demande très sérieusement qui d'entre le boulet avec son stylo et de la fille aussi faible qu'un Insolourdo pourra faire la différence ne serait-ce qu'une seconde contre une seule – je dis bien une seule – de ces conneries. Sur ce, je me casse ; libre à vous de vivre ou mourir.
* * * * *
Treize heures, cent treize degrés Fahrenheit au compteur. Nous étions tous les quatre en train de marcher depuis de longues heures, quasiment sans prendre de pauses, pour nous éloigner le plus possible de l'endroit dans lequel on avait failli se faire choper et dire adieu à toute chance de survie et d'aller jusqu'au bout de cette route.
Linda aidait Ambre à marcher, la première qui avait apparemment du mal à marcher à cause de la fatigue, mais qui n'avait pas l'air d'avoir chaud ; la deuxième handicapée à cause de ce foutu AB-6. Démétrios était légèrement devant elles, à l'affût de la moindre attaque. Quant à moi, je restai une trentaine de mètres devant, poussant le chariot à une allure régulière, ne m'occupant presque pas des trois autres derrière et ne jetant que de rares regards pour vérifier qu'ils avançaient à une allure suffisamment raisonnable.
-Dis, tu pourrais pas t'arrêter une seconde ? S'exclama l'amoureux de la terre au détour d'un croisement. Y'a Ambre qui est limite en train de souffrir, et ça fait quasiment dix heures qu'on marche dans une putain de fournaise...
Je me retournai lentement pour jeter un regard assassin à Dem, quand mon regard croisa celui d'Ambre, dont les yeux, cachés sous sa chevelure auburn, semblaient embués de larmes et me fixaient, me suppliant de m'arrêter quelques minutes.
Je soufflai du nez quelques secondes, puis stoppai net au croisement.
-Je vous préviens : pas plus de cinq minutes. Je veux pas prendre de risques.
Nous nous retrouvâmes alors sur des bancs – qui étaient miraculeusement restés intacts malgré la guerre et le fait que les occupants aient été décimés, la preuve en est avec les squelettes qui traînaient sur le sol désertique de cette partie de la route 66. Eux étaient tous les trois sur un banc, Ambre étant entre les deux autres et à moitié allongée sur l'amoureux de la terre, qui lui caressait les cheveux pendant que Linda regardait la scène ; quant à moi, j'étais sur un autre banc, tenant le caddie à une main et le banc de l'autre, alerte et prêt à partir dès que la situation devenait suffisamment incontrôlable.
Je fixai les trois sur l'autre banc. Ils n'osaient pas piper mot de peur que je n'entende la conversation. C'était justement ça qu'ils essayaient de cacher.
La peur. Je réfléchis un instant pour juger de ma relation envers eux.
Je m'aperçus que pour eux, j'étais presque devenu plus dangereux que les Pokémon qui nous traquaient, sauf qu'à leur différence j'étais le seul qui soit un tant soit peu capable d'amener ces trois-là jusqu'au bout.
Je regardai le ciel, pour admirer la vue d'un ciel bleu presque magnifique. Aucun nuage à l'horizon, juste du bleu et le soleil qui jetait ses rayons par salves et réchauffait l'atmosphère pour la rendre un peu moins respirable.
Je pris soudain une grande bouffée d'air pour apprécier l'instant, mais manquai de m'étouffer juste après. Mis à part l'odeur légèrement humide de cette journée, il y avait un arrière-goût douteux qui me fit m'arrêter net.
Une odeur cuivrée.
Du sang.
-Tiens, tiens, tiens...
J'avais entendu cette voix de derrière moi, qui m'avait presque glacé le sang. Ce n'était pas celle du Lucario : c'était une voix légèrement plus aiguë, peut-être un demi-ton au-dessus, et qui semblait un peu nasillarde.
Je me retournai pour voir de quel Pokémon il s'agissait, et les trois autres firent de même. Nous nous figeâmes alors sur place.
Devant nous se trouvaient un petit groupe de trois de ces créatures, reconnaissables entre mille. Trois Pokémon très puissants, et auxquels je savais que ce n'était pas la peine de faire face.
Il y avait d'abord, tout à gauche, un Braségali, dont la taille semblait presque atteindre deux mètres, et qui nous fixait avec un sourire sadique, prêt à se battre – et à nous battre par ailleurs. Ses bras étaient croisés et ses yeux semblaient nous sonder, voir si nous étions suffisamment faibles pour être de bonnes cibles.
Tout à droite se trouvait un Majaspic, qui se dressait plus haut encore que le Braségali, qui regardait chacun de nous quatre pour sans doute déterminer qui allait finir comme déjeuner.
Au centre était un Amphinobi, qui lui attendait le bon moment pour attaquer et nous découper en tranches. Ce fut pourtant lui qui prit la parole :
-Je dois vous avouer que nous ne nous attendions pas à trouver des humains ici. D'habitude ils se cloîtrent chez eux, en attendant la fin, en attendant que nous arrivions pour les tuer sans aucune forme de procès.
Il fit un premier pas. Je sortis une petite pierre que j'avais taillée pour qu'il forme une sorte de couteau suffisamment tranchant et le regardai fixement dans les yeux. Les trois autres semblaient attendre mes ordres.
Le Pokémon eau continua :
-Quelle ne fut pas ma surprise quand, en passant dans une grotte, je sentis très clairement une odeur particulière... Celle de sang humain, sur le sol. Il y avait eu une bataille entre vous il y a peu, je me trompe ? C'est sans doute ce qui vous a trahi, puisqu'il n'a pas fallu longtemps pour que nous arrivions à vous retrouver.
Démétrios me jeta un regard assassin, voulant sans doute signifier que si je ne l'avais pas frappé on n'en serait sans doute pas arrivés là.
-Linda... lançai-je.
La concernée me regarda avec un air paniqué.
-Prends Ambre avec toi, mets-la dans le caddie, et cours le plus rapidement possible vers le bâtiment qui se trouve là-bas. On devrait y être en sécurité là-bas.
-Et vous comptez faire quoi avec Dem ?
Je regardai mon homologue masculin, qui acquiesça.
-On s'en charge.
-Je ne crois pas, non, répliqua immédiatement le Majaspic.
Je tournai mon regard vers les trois Pokémon... Pour m'apercevoir qu'ils étaient en réalité quatre. Arrivant à toute allure vers nous, je vis ce que je ne pensais jamais voir dans ma vie. Ce que je craignais par-dessus tout était en train de devenir réalité.
Je vis un oiseau, de plusieurs mètres d'envergure sans doute, commencer à descendre en piqué vers nous. Son regard perçant qui voulait notre mort. Ses ailes des couleurs de l'arc-en-ciel qui signifiaient dans ce cas l'annonce du cauchemar.
Ce qui allait nous attaquer n'était pas n'importe quel Pokémon. C'était Ho-Oh, le légendaire représentant le soleil. Et il filait droit vers nous.
-Nous connaissons la progression de votre petit groupe, ajouta le Braségali. Et nous sommes au courant des ravages que vous avez provoqué parmi nos rangs. Ce pourquoi... Nous avons décidé d'employer les grands moyens pour vous neutraliser.
-COUREZ !
J'avais crié cet ordre le plus fort que je pouvais. Le regard déterminé sur mon visage s'était transformé en un regard de terreur.
Les trois autres ne s'étaient pas fait prier et avaient déjà pris quelques mètres d'avance sur moi. On était en train de courir pour notre vie, sur les deux cents mètres qui nous séparaient du refuge dans lequel on était en claire sécurité, ce bunker qui semblait imprenable. Pourtant, avant le refuge, nous devions faire face à l'un des plus grands dangers depuis notre départ.
Car non contents d'avoir pu nous attraper, ils avaient décidé de tout faire pour nous neutraliser. Pour eux, nous étions désormais plus que des humains : nous étions un danger.
La course était presque intenable : les quatre Pokémon n'hésitaient pas à employer toutes sortes d'attaques pour entraver notre progression. Le caddie était poussé alternativement par Démétrios et Linda, Ambre étant toujours exténuée à l'intérieur de l'engin à roulettes, tandis que je restais derrière.
A un moment, je sentis que les trois Pokémon au sol préparaient chacun une attaque, qui allait ce coup-ci toucher leur cible. Je fermai les yeux, m'attendant à la fin, quand je sentis une grosse secousse secouer la totalité de la route. Une attaque Séisme, qui ne touchait aucun des quatre humains et qui était destinée aux trois Pokémon, qui s'affaissèrent rapidement.
[i}Attends une minute. Si l'attaque ne nous a pas touché, et était destinée aux Pokémon, cela veut dire que le Pokémon... a été dressé pour lancer cette attaque ?[/i]
Je cherchai du regard le concerné, qui se fit voir au bout de quelques secondes, sa petite taille se dessinant dans la mini-tempête de sable qu'il venait de déclencher. Il ressemblait de loin à un bébé hippopotame, et... Oh non, me dites pas que c'est pas vrai...
-HIPPO ! Gueula Démétrios, apparemment super content de revoir son ami à quatre pattes.
Et merde, il l'avait fait ce con. Il l'avait gardé. J'hésitai une seconde entre le remercier et l'encastrer dans le mur du bunker dans lequel il venait d'arriver.
Mais je ne réfléchis pas plus longtemps et me mis à courir vers la mini-forteresse. Au moment où j'y arrivai, ayant de facto plusieurs secondes d'avance dues à l'effet de surprise, et que je m'apprêtai à fermer la porte, je vis l'amoureux de la terre bloquer la porte et lancer :
-Laisse au moins Hippo rentrer. S'il te plaît.
Je le regardai de longues secondes avec l'air qui signifiait « C'est une blague ? », puis laissai la porte légèrement entr'ouverte, vers laquelle le petit Pokémon commença à se diriger. Puis le bruit d'une déflagration. Ho-Oh préparait une attaque Feu Sacré, et il allait pas nous louper cette fois-ci.
-BOUGE ! JARTE-LE ET AIDE-MOI A FERMER LA PORTE ! Beuglai-je à Démétrios.
-IL EST PAS ENCORE COMPLÈTEMENT RENTRÉ !
-SOIT TU LE FAIS RENTRER EN URGENCE, SOIT ON Y PASSE TOUS ! ALORS SORS-TOI LES DOIGTS DU CUL !
Je priai intérieurement pour que ça passe, puis je vis le petit hippopotame de sable rentrer dans le bunker et je fermai la porte en urgence, avec l'autre boulet pour m'aider. Nous réussîmes à fermer la porte juste avant que l'attaque ne percute violemment la porte de notre forteresse, nous projetant de quelques mètres vers l'arrière.
Je me relevai lentement, alors que Linda arrivait vers nous sans aucun problème – même si je trouvais ça étrange vu que nous étions plongés dans le noir.
-Ca va, les gars ? Dit-elle en arrivant juste à côté de nous.
Je regardai l'endroit où se trouvait à peu près Démétrios et lui lançai :
-Toi, le géophile... Je te retiens.