Dans la peau du Sujet 7D
Comme à mon habitude, je me réveillai à six heures du matin. Une habitude qui ne voulait pas partir... Cela faisait presque deux semaines que j'étais au fort Aurora, maintenant. Les habitudes avaient fini par entrer, et elles ne partiraient pas... Cette matinée, comparée aux autres, allait être plus compliquée. Premièrement, je m'étais couché extrêmement tard, suite à mon entretien avec le commandant. Deuxièmement, suite à ce qu'il m'avait dit, j'avais eu beaucoup de mal à dormir. Et troisièmement, le stress accumulé pendant l'opération menée par Sereina pour sauver Irvine m'avait aussi beaucoup fatigué. Ajoutons à ça le stress constant du Garou étrange qui pouvait être n'importe où... Oui, c'était normal que je sois autant fatigué.
Je me levai finalement du lit, et, dans la pénombre, mon regard tomba finalement sur une Sereina endormie. Sereina... Encore une fois, j'allais être obligé de me séparer d'elle. Je ne pouvais pas la réveiller et la forcer à me suivre. Elle avait été sous pression importante hier, et je sentais qu'elle allait avoir besoin de terminer sa nuit pour s'en remettre. J'avais juré de la protéger, pas de la harceler. J'allais demander à un quelconque soldat de monter la garde devant le dortoir. Car oui, même si, au fond, j'étais un garou, et donc encore plus bas qu'un soldat du rang dans la hiérarchie, j'étais respecté. Ils parlaient dans mon dos, ils me regardaient comme si j'étais un monstre, mais ils me respectaient, et m'obéissaient de temps à autres...
Après m'être rapidement lavé, je m'habillai, et, regardant une dernière fois Sereina qui dormait paisiblement, je sortis du dortoir. À peine sorti, je tombai sur Pierre, qui transportait un jerrican de carburant jusqu'au hangar.
« -Oh, salut 7D... Euh, belle matinée, non ?
-Déjà debout ?
-Oui. Je dors très peu, tu sais, répondit-il, mal à l'aise comme à son habitude.
-Donne-moi ça. J'ai besoin de quelqu'un pour monter la garde, tu peux t'en occuper ?
-Bah, si tu charges d'amener ça au hangar, je veux bien. »
Sans attendre de réponse, je me saisis du jerrican d'essence. Là où Pierre devait s'y prendre à deux mains, j'y arrivai à une seule. Au fond de moi, j'avais un peu honte. Ils avaient déjà essayé, au gymnase, de s'en prendre à cinq contre moi. Tous les cinq, je les avais battu avec facilité. Au stand de tir, j'avais une précision accrue avec n'importe quelle arme. J'étais imbattable à la course. J'étais en tout point supérieur aux autres soldats du fort Aurora. J'avais été créé pour servir d'arme, j'en étais bel et bien une...
J'arrivai rapidement au hangar où les mécaniciens furent surpris de me voir. Je n'allais d'habitude jamais à cet endroit. Après leur avoir expliqué que je remplaçais Pierre, ils me remercièrent, ramassèrent le jerrican, et le vidèrent dans le réservoir d'un camion de transport. Les camions... Une ou deux fois par semaine, l'un d'entre eux partait avec une vingtaine de soldats, et revenait vide. Pierre m'avait dit, un jour, que tous les soldats étaient emmenés directement sur le front. Il était bien placé pour le savoir, il était lui-même chargé de le faire. Le reste du temps, il aidait un peu partout. Le front en lui-même, était en réalité l'ancienne capitale de ce pays. De nombreux combats urbains faisaient rage, mais la campagne autour n'était pas en reste. Seule la forêt de Zvigold était épargnée. Je secouai la tête en frissonnant. Pas besoin de penser au front. Je n'irais pas tant que les nouveaux garous ne seraient pas arrivés.
Cela me fit repenser au long entretien avec le commandant, hier soir. Il m'avait surtout parlé des garous. Grâce au journal récupéré par un des soldats au laboratoire, ils ont réussi à améliorer leur virus. Même si le scientifique avait réussi à créer un prototype de virus capable de changer un Pokémon en garou en quelques heures, ce savoir avait été perdu, mais ils avaient réussi à refaire un virus capable de faire le « travail » en une semaine environ avec les explications du journal. Sachant que la formation de la seconde vague de garous avait commencé il y a neuf jours, d'après le commandant, ils allaient arriver demain. Il semblait fier du travail accompli par les scientifiques cette fois : les garous se montraient très coopératifs: « C'est grâce à vos conseils, Isadore. Sans vous, ils auraient peut-être fini comme les précédents. ». Cette fois-ci, ils avaient décidé de ne pas en faire autant. Seulement dix, et non vingt. Même si je respectais un peu le commandant, seul homme que j'appelais par son grade (toute cette histoire de hiérarchie m'était incompréhensible et me tapait sur le système, à vrai dire), son discours m'avait dégoûté. Il avait accepté de me laisser sauver Sereina, d'accord. Il était charismatique et savait utiliser les mots. Mais au final, il était comme tous les autres. Pour lui, un garou est une arme qui ne demande qu'à être utilisée. Plus j'y repensais, plus le sentiment de dégoût se faisait présent... Énervé, je soufflai fortement par le nez pour faire diminuer la pression, ce qui dégagea un nuage de fumée noire.
Pour me calmer, je décidai d'aller voir comment se portait Irvine. Irvine, à mes yeux, n'était pas un soldat comme les autres. C'était le premier à m'avoir parlé au fort Aurora. Il m'avait appris ce qu'il fallait faire en tant que soldat du fort Aurora, quand le faire, les emplois du temps, les lieux... Oui, il m'avait appris à me comporter correctement. Obéir à mon supérieur, me mettre au garde-à-vous, me servir d'une arme, apprendre à connaître les différents véhicules... Oui, absolument tout. Je lui étais entièrement redevable. Après Sereina, cette personne était celle qui comptait le plus à mes yeux.
J'arrivai enfin devant l'infirmerie. Alors, je frappais à la porte, et les deux infirmiers m'autorisèrent à entrer.
« Sujet 7D, quelle bonne surprise ! Vous venez voir Irvine ? »
Je ne répondis pas mais je hochai la tête. L'homme me fit rentrer, et m'amena à côté du lit où se trouvait Irvine. Il était extrêmement pâle, et un tube allait d'une poche de sang accrochée au-dessus du lit à sa cuisse. Il respirait difficilement, mais grâce à Sereina, il allait beaucoup mieux qu'hier, même s'il était toujours en triste état.
« -Vous devriez être fier de votre amie, 7D. Sans son intervention, cet homme serait mort dans d'horribles souffrances.
-Je le suis déjà, répondis-je, fatigué.
-Elle est plus douée que nous dans le domaine de la médecine, et pourtant, ma femme et moi soignons des blessures de guerre depuis le début du conflit, c'est-à-dire trente ans.
-Oui, si vous le dites...
-Vous ne comprenez pas ce que je veux dire. Dans deux jours, vous allez partir au front, et il y a des chances pour que vous mourriez tous. Les nouveaux Garous, toi, et elle probablement... Je sais que c'est la guerre, et pourtant. J'ai vu un nombre incalculable de soldats mourir devant moi parce que je ne pouvais rien faire pour eux.
-Je serai là pour la protéger.
-Vous ne comprenez pas. Pourquoi, à votre avis, ne sommes-nous plus au front ?
-Aucune idée, répondis-je, vaguement intéressé.
-Les infirmiers sont une chose rare. L'Armée Progressiste l'a bien compris, et ils se concentrent sur l'élimination du personnel soignant, dit-il en serrant les dents, comme si cela ravivait des souvenirs atroces.
-Vous êtes sérieux ?
-Soit ils les capturent, soit ils les tuent. Mais généralement, ils les capturent. Voyez-vous, eux-mêmes n'ont pas beaucoup de soldats, et malgré toutes leurs avancées, ils ont des blessés aussi. Alors, ils prennent nos toubibs pour les soigner. Votre amie ne fera pas exception. »
J'en avais trop entendu. J'étais venu voir Irvine, pas écouter les déblatérations d'un vieil infirmier un peu frappadingue. Irvine allait bien, il était hors de danger, et je n'avais plus rien à faire ici. Alors que l'infirmier et sa femme me regardaient partir, je cherchai quelque chose à faire. Contrairement aux autres soldats, je n'avais pas vraiment d'emploi du temps. Je faisais ce que je voulais à partir du moment où je ne quittai pas l'enceinte du fort. Je passais la majeure partie de mon temps au gymnase à me battre avec les autres soldats. Et cette fois, je n'allais pas faire autre chose. En regardant une horloge à l'entrée du gymnase, je voyais qu'il était environ neuf heures du matin... Sereina se levait généralement vers dix heures, donc j'avais de quoi m'entraîner un peu. Enfin, m'entraîner n'était pas le bon mot. Il n'y avait rien à améliorer chez moi contre ces soldats... Juste passer le temps. J'étais à peine entré dans le vestiaire que tout le monde se tourna vers moi et commença à m'appeler.
« -7D, viens te battre contre moi !
-Non, contre moi !
-Tu t'es déjà battu contre lui hier, c'est mon tour ! »
Et ils continuèrent encore quelques minutes. Tout le monde voulait se battre contre moi, comme si j'étais un objectif à accomplir pour eux. Un peu comme si réussir à me mettre KO servirait à leur prouver quelque chose. Un accomplissement personnel, peut-être ? Je n'en avais aucune idée. Ne supportant plus leurs quémandes, je finis par dire :
« Je vous prends tous en même temps. On se retrouve sur le ring 1. »
Ils ne répondirent pas et se regardèrent tous, puis ils se précipitèrent hors du vestiaire, en direction de la salle où avaient lieu les combats. Quant à moi, je pris mon temps pour enlever mon haut, et je me dirigeai torse nu à leur suite. Alors que je montais sur le ring, je vis qu'une foule se formait rapidement. Comme à chaque fois. À leurs yeux, je n'étais qu'une bête de foire, une créature recouverte de fourrure qui faisait des spectacles. En face de moi, il y avait huit soldats musclés qui étaient prêts à en découdre. Alors, je m'avançai au milieu du ring. Ils étaient acclamés comme des héros, et cela, pour une raison qui m'échappait, m'enragea. L'un d'entre eux eut le courage de s'avancer vers moi... L'instant d'après, je lui avais collé un violent coup de poing dans l'estomac, ce qui le plia en deux. Alors, ses alliés se précipitèrent à sa rescousse et l'un d'entre eux essaya de me donner un coup de poing au visage. Il savait se battre, mais comparé à moi, il était tellement lent que ça en était presque insultant. Attrapant son bras, je l'envoyai contre un autre soldat avec une telle force qu'ils tombèrent du ring et atterrirent dans la petite foule. Les cinq autres semblaient en vouloir aussi et m'encerclèrent, avant de se jeter tous en même temps sur moi. Alors, utilisant ma queue, je tournai sur moi-même pour tous les balayer. Un par un, alors qu'ils se relevaient, je les envoyai tous par-dessus le ring. Quand je fus le dernier encore présent, la foule applaudit sans grande conviction et finit par se disperser. Un scénario qui se répétait malheureusement trop souvent... Le monstre du ring n'était pas vaincu, les spectateurs étaient déçus.
La salle maintenant vidée, après avoir regardé dans le vide pendant un moment, je descendis du ring et je retournai au vestiaire pour remettre mon maillot de corps. Il était temps de retourner voir comme allait Sereina. Rentrant dans le vestiaire, je vis que devant moi se trouvaient les huit hommes que j'avais combattus à l'instant. J'avais retenu mes coups, ils étaient déjà remis du combat. L'un d'entre eux se rapprocha de moi, et me tendit sa main. Il insista pour que je lui serre... À l'instant où sa main entra en contact avec la mienne, il me fit une clé de bras. Malgré toute ma force et ma dextérité, cela m'avait surpris, et je me retrouvai à la merci des sept autres hommes du vestiaire. Ils ne semblaient pas avoir apprécié leur défaite cuisante. Alors qu'ils s'approchaient de moi pour me lyncher, craignant pour ma vie, je me préparai à souffler des flammes. Un nuage de fumée sortait de ma bouche et de mon nez, et les glandes pyrogènes de mon corps augmentèrent considérablement la température de ma fourrure. Alors, l'homme qui m'avait attrapé prit peur et me lâcha. Le vestiaire se vida rapidement. Quelle bande de pleutres...
Je sortis à mon tour, ayant presque oublié l'incident du vestiaire, et je retournai au dortoir D. Soit Sereina y était encore et dormait, soit elle était levée et courait sur le stade. J'avais eu l'occasion de la voir courir plusieurs fois, et elle courait terriblement vite. Je courais moi-même plus vite qu'un humain classique, mais ce n'était rien comparé à elle. Si elle décidait de courir en se mettant à quatre pattes, sa vitesse avoisinait les 70 km/h... C'était plus qu'impressionnant. C'était effrayant. Courir à une telle vitesse devait être incroyablement fatigant, et elle faisait ça comme si de rien n'était... Pourtant, elle ne semblait pas être exténuée. Fatiguée, bien entendu, mais jamais très longtemps.
J'arrivais enfin devant le dortoir D, où Pierre était là, appuyé contre la porte. Il dormait debout... Je lui touchai l'épaule, il se réveilla, et me regarda en rigolant, avant de dire :
« -Salut, 7D ! Rien à signaler de mon côté.
-Je rêve ou tu dormais debout ?
-Ouais, ça m'arrive de temps en temps. Je me suis endormi contre la porte, pour être certain que personne ne puisse entrer sans permission.
-Tu peux retourner faire ce que tu veux, je m'occupe de Sereina. »
Avec son mal à l'aise habituel, il me fit signe de la main en partant. Je rentrai rapidement dans le dortoir pour trouver Sereina, réveillée, qui semblait attendre, assise sur son lit. Je n'avais pas ouvert la porte qu'elle regardait déjà dans ma direction. Comme à son habitude, elle portait une vielle tenue d'officier Régulier. Personne ne savait où elle pouvait avoir trouvé ça, cela ne semblait dérangeait personne, donc personne n'avait osé lui demander de porter autre chose. Même si sa tenue était tâchée de sang et de terre. Elle dormait avec, courait avec, bref, c'était sa seconde peau et elle semblait y tenir. Ou peut-être n'en avait-elle rien à faire de porter des vêtements propres ? La seule chose qui manquait, c'était les bottes, ce qui était compréhensible. Les pieds des garous n'étaient pas adaptés aux chaussures. Nous marchions bien mieux les pieds nus.
Alors que je rentrais et que j'allais m'asseoir à côté d'elle, elle ne me quitta pas des yeux, comme toujours. Un regard rempli de tellement de choses. À la fois nostalgiques et déterminés, analysant tout ce qu'ils pouvaient. À chaque fois qu'elle regardait quelque chose de nouveau, son regard s'illuminait, comme si elle le reconnaissait... Elle avait juste besoin de vous regarder pour vous faire comprendre tout ce qu'elle voulait. Là, par exemple, elle voulait savoir. Elle avait deviné que quelque chose m'avait été dit d'important, et elle se faisait insistante pour l'apprendre à son tour. Alors, incapable de lui refuser ça, je m'assis et me mis à lui expliquer mon long entretien avec le commandant d'hier soir. Plus je parlais, plus ses grands yeux mauves fouillaient au fond des miens, plus ses oreilles étaient dressées. Lorsque, presque deux heures plus tard, je lui avais dit tout ce que je pouvais lui dire, elle se contenta de regarder ailleurs. Sa façon à elle de me dire qu'elle n'en avait pas besoin de plus.
Il était presque midi, et je décidai de me lever et d'emmener Sereina au self. Chose qu'elle ne ferait jamais toute seule, elle était beaucoup trop timide pour ça. Elle avait peur des foules, en réalité. Agoraphobie, m'avait dit un scientifique, une fois. La seule chose qui pouvait l'aider à vaincre sa peur, c'était la détermination. Quand elle était décidée à faire quelque chose, comme soigner quelqu'un, elle oubliait tout autour d'elle, et cela lui permettait de se concentrer au maximum... Une chose dont j'étais incapable.
Alors que nous nous dirigions vers la cantine, où l'interminable attente allait encore être de mise, Sereina comme à son habitude très proche de moi, je ne pouvais m'empêcher de surveiller tout le monde. Seul, je ne craignais pas le garou mystérieux, mais si il s'en prenait à nouveau à Sereina, le sang allait couler. Sereina sentait mon stress, mais, étrangement, elle restait tranquille. N'importe qui verrait dans Sereina une personne calme, mais même sous ces airs-là, on pouvait ressentir si elle avait peur. Comme si elle irradiait une aura autour d'elle. Si elle avait peur, alors son entourage était angoissé. Si elle était joyeuse, alors son entourage était de bonne humeur. Là, elle était juste tranquille.
Comme les jours précédents, nous rejoignîmes la file d'attente, qui allait durer jusqu'à une heure, peut-être deux, si on arrivait en derniers. On avait de la chance, il n'y avait pas beaucoup de monde. Sereina refusait de manger autre chose que des fruits ou des légumes, et elle n'avait pas tort. Ils venaient des vergers présents plus au sud, ils étaient donc de très bonne qualité. Pour ma part, j'avais un régime plus humain. Attendant que l'on me serve, je remarquai que la personne devant moi était Jeff. J'appréciais Jeff, même si je le considérais pas comme Irvine. Il était amical, m'avait aidé à ne pas sombrer dans la dépression, mais ça s'arrêtait là. Alors qu'il attendait, il demanda :
« -Tiens, il manque une cantinière ? Jenna n'est toujours pas de retour ?
-Elle est toujours en deuil, répondit simplement la dame qui le servit en purée.
-La pauvre. Je me demande ce qui pourra lui remonter le moral. »
Alors qu'ils discutaient, je remarquai que Sereina écoutait attentivement la conversation, les oreilles dressées. Étrange... D'habitude elle ignorait toutes ces discussions que seuls les humains comprenaient. Jeff nous avait remarqués, mais il suffit d'un simple regard pour le dissuader de venir s'asseoir avec nous lorsque nous furent servis. Je voulais rester seul avec elle, et il le compris. Alors que nous mangions, je voulus parler à Sereina, mais elle était ailleurs, elle ne m'écoutait que d'une oreille. Elle devait avoir ses raisons, me dis-je. Elle agissait plus étrangement que d'habitude, et je ne pouvais pas savoir pourquoi. À partir du moment où elle n'était pas en danger, je n'avais pas à m'inquiéter.
Immédiatement après notre repas, Sereina insista pour aller au stade. Bien entendu, elle insista à sa façon : s'en aller en courant sans m'attendre. Je n'aimais pas quand elle faisait ça. Même si elle était agile et arrivait à sprinter sans renverser les gens, j'étais incapable de faire de même et je la perdais à chaque fois de vue. S'il devait lui arriver quelque chose, je ne me pardonnerai jamais. Lorsque j'arrivai au stade, quelques minutes après elle, je vis qu'elle était simplement en train de faire des tours de stade en profitant du soleil. Il y avait du monde, bien entendu, pour la regarder courir. Tout le monde se mit à pousser des sifflements d'admiration quand elle commença à sprinter. Je n'arrivais pas à comprendre leur réaction. Pourquoi ne couraient-ils tout simplement pas, au lieu de regarder Sereina comme s'il s'agissait d'une bête sauvage ? Je poussai un soupir et je m'assis dans l'herbe fraîche. L'hiver se terminait, on était presque à la fin du mois de mars, et le temps était clément. Le soleil se levait tard et se couchait tôt, mais quand il était visible, la douceur du temps était agréable. Je ne craignais pas du tout le froid - il suffisait que j'augmente un peu la température de mon corps pour être tranquille - mais on voyait même quelques soldats portant des vêtements légers. Sereina n'était pas dérangée non plus, apparemment.
En fait, je me trompais. Elle arrêta de courir au bout d'une heure ou deux, et vint me rejoindre, ignorant royalement les personnes qui commentaient ses performances, et essaya de me faire comprendre quelque chose.
« Quelque chose ne va pas ? »
Elle hocha la tête, avant de froncer légèrement les sourcils et de fermer ses yeux à moitié, comme si elle était fatiguée.
« Quoi, tu veux rentrer au dortoir pour dormir ? »
Cette fois, elle hocha la tête et me sourit légèrement. Un sourire minuscule, imperceptible même, mais un sourire quand même.
« Il n'est même pas 17 heures, mais si tu y tiens. Je n'ai rien de prévu, allons-y. »
Si cela lui faisait plaisir, pourquoi pas ? J'allais pouvoir rattraper ma nuit de la veille, me dis-je. Je la raccompagnai donc au dortoir, où, au lieu de directement s'allonger, sur son lit, elle regarda une dernière fois dehors, puis je refermai la porte. Elle ne me laissa pas le temps de bouger et examina ma blessure au bras, refermée depuis longtemps. Elle soupira de soulagement, puis alla s'endormir sur son lit, après avoir déposé sa petite sacoche beige. Je m'allongeais à mon tour, me demandant pourquoi elle pouvait autant tenir à ce truc. Ce n'était qu'un sac rempli de matériel médical, rien d'exceptionnel. Il suffisait d'ouvrir un placard à l'infirmerie pour en trouver un identique. Alors que je cherchai une raison quant à son attachement à cet objet, je constatai qu'il avait commencé à pleuvoir. Bercé par la pluie, je m'endormis à mon tour, me préparant mentalement à me lever tôt le lendemain, comme chaque matin.