Pokémon version Arc-en-Ciel T.1 : L'assassinat de Milolaidus

CHAPITRE XV : Karl

Ce fut le vibreur de son Pokématos qui réveilla Brown. Le jeune homme, aussi frais et alerte qu'un Ronflex sous anesthésie générale, chercha le bouton de sa lampe de chevet quelques secondes, alluma la lumière, la rééteignit immédiatement quand il se rendit compte qu'elle lui éclatait les yeux, repéra finalement son Pokématos dans le noir, grâce à la lumière qu'il émettait, s'informa une brève seconde de l'heure qu'il était, vérifia qui l'appelait, puis, enfin, appuya sur le symbole représentant un petit téléphone vert et porta l'appareil à son oreille.

Il était midi moins le quart, Connor décidait de l'appeler plus d'une semaine après son retour à Bluecestia, et Brown avait l'impression de tirer une gueule de bois digne de quelqu'un s'étant enfilé tout ce qu'il avait trouvé dans les réserves d'un bar, alors même qu'il n'avait pratiquement jamais bu d'alcool de sa vie. Il ne s'expliquait toujours pas comment il pouvait se réveiller dans cet état après plus de onze heures de sommeil. Et cela durait depuis presque une semaine. Il tenta de se concentrer sur la tâche qu'il avait maintenant à accomplir : interpréter les sons articulés que prononceraient son interlocuteur, et articuler lui-même une réponse à peu près claire et intelligible.

— Allo ?

— Oui ?

— Bonjour, Brown, c'est Connor.

— Bonjour. En fait, je savais déjà que c'était vous. Vous êtes dans mon répertoire. Je n'ai eu qu'à lire le nom affiché.

— Certes. Mais ça reste une façon classique d'engager une discussion. Tu as une voix bizarre. Je te réveille ?

Brown éloigna soudain le combiné de sa bouche, comme si un petit mètre de distance pouvait empêcher Connor d'entendre quoi que ce soit, et se racla bruyamment la gorge à deux reprises. Puis il rapprocha de nouveau l'appareil de son visage.

— Hein, quoi ? À cette heure si ? Non bien sûr ! Je suppose que si vous m'appelez, c'est parce que vous êtes de retour à Bluecestia, non ?

— Tout à fait, je suis arrivé hier soir. Du coup, j'ai pu passer ma première nuit dans le tout nouveau centre de l'E.d.S. de Bluecestia, tout juste aménagé.

— À ce propos, vous n'arrivez que maintenant ? Vous pouvez voyager très vite sur votre Airmure, non ? Je pensais vous voir arriver deux ou trois jours plus tôt, au moins.

— Ce qui m'a retardé, principalement, c'est le fait de devoir aider Eloïse, la chef de l'E.d.S. de Turkoizia, à faire face à une inondation imprévue dans un bureau du troisième étage du centre. Je ne pouvais évidemment pas m'éclipser comme un malpropre pendant que ma collègue était dans le pétrin. Il y a eu ça, et puis aussi quelques trucs importants à régler dans l'organisation du centre. Ca ne te dirait rien.

— ah… D'accord.

— Du coup, maintenant que je suis là, je me suis dis que tu pouvais aller faire un tour dans le tout nouveau centre. Il n'est pas encore officiellement ouvert, et la question du nouveau chef de ce centre n'est pas encore tout à fait réglée, même si à-priori, on a quelqu'un qui pourrait remplir le rôle. Je devrais bientôt être mis au courant. Du coup, il n'y a pas de missions pour l'instant, et le centre est pratiquement désert. Mais tu pourrais passer tout de même pour visiter et pour nous aider dans les derniers préparatifs.

— Oui… Pourquoi pas ?

— Tu n'es pas obligé. J'imagine qu'après ton long voyage, tu as envie de profiter de ton retour chez toi pour te reposer. Mais Karl, le chef de l'E.d.S. de Verdion-les-Champs, devrait arriver dans la journée. Et il sera peut-être rejoint par le potentiel futur chef du centre Bluecestia d'ici quelques jours. Ca serait l'occasion de faire plus ample connaissance. Je sais que vous avez eu une brève discussion au début de ton voyage, avant que tu ne sois inscrit dans l'association. Mais vous n'avez probablement pas eu le temps de réellement échanger.

— Pas de problème, je suis partant. De toute façon, je n'ai rien de prévu en particulier, jusqu'à mon départ dans cinq ou six jours. Et puis… Vous m'avez dis que Karl était un très bon dresseur, non ?

— Oui, tout à fait. Je l'ai vu combattre de nombreuses fois, et je l'ai même affronté quelques fois. Je pense qu'il a un niveau digne de certains champions d'arène, même si le titre ne l'intéresse pas et qu'aucun poste n'est libre actuellement dans la région d'Alaubia. Il a un style clairement offensif, mais une grande maîtrise du combat, et beaucoup de technique et de classe, si je puis dire. C'est vraiment un dresseur doué, et un adversaire très agréable à combattre.

— Et… À vous deux, vous êtes les meilleurs dresseurs de l'E.d.S., non ?

— Aucun concours n'a jamais été organisé et je ne prétends pas connaître tous les membres de l'E.d.S. Mais oui, on a un bon niveau. Pourquoi, tu voudrais profiter de ces quelques jours pour t'entraîner encore un peu ?

— Et bien… Oui. Ce serait l'occasion idéale ! Si vous êtes d'accord, bien sûr.

— Tu sais que l'E.d.S., à la base, n'a pas vraiment pour vocation d'être une structure d'entraînement au combat Pokémon ? Enfin, tu as l'air prometteur. Personnellement, je ne m'oppose pas vraiment à ce que nous continuions ces petites séances spéciales. Après tout, j'ai bien accepté de t'entraîner lors de notre trajet ensemble, de Yellow-sur-Mer à Bluecestia, donc je me vois mal me rétracter maintenant. Puisque je n'ai plus à gérer le centre de Boulocity durant quelques temps, et que j'ai du temps libre, autant en profiter. Par contre, en ce qui concerne Karl, il faudra voir avec lui. Mais je pense qu'il acceptera. Après tout, sans lui, tu n'aurais même pas intégré l'E.d.S.

— Merci beaucoup ! J'arriverais probablement aux alentours de quatorze heures. J'ai hâte de commencer.

— M'oui. Ce n'est pas la seule chose prévue au programme non-plus. Et puis, évite quand même de trop ébruiter cela autour de toi. Les autres membres risqueraient de penser que nous faisons du favoritisme, alors même que nous avions dis de toi lors d'une réunion, il y a quelques temps, qu'il fallait essayer de te traiter comme les autres membres. Et ils n'auraient probablement pas tord. Garde à l'esprit que tout cela n'est pas très habituel.
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Connor avait déjà donné l'adresse du nouveau centre à Brown, alors qu'ils étaient encore sur le trajet menant à Bluecestia. Brown n'eu donc pas de réelle difficulté à le trouver. Arrivé sur place, il se rendit compte qu'il reconnaissait cet endroit. Quand il avait quitté Bluecestia il y a deux mois, le centre de l'E.d.S. qu'il avait maintenant en face de lui était encore un magasin de botanique tout juste fermée pour cause de faillite. Durant l'absence de Brown, ce bâtiment avait eu le temps de trouver de nouveaux acheteurs, et avait été en grande partie réaménagé. La devanture portait maintenant l'appellation « Equipe de Solidarité de Bluecestia » et les décorations florales avaient étés enlevées, rendant l'apparence de la structure beaucoup plus sobre. Une affiche indiquant « ouverture prochaine » avait été collée sur la porte principale.

Celle-ci étant fermée, Brown sonna à l'interphone. Il entendit bientôt la voix de Connor dans l'appareil. Après qu'il se fut identifié, un petit « clic » métallique, indiquant que la porte était maintenant déverrouillée, se fit entendre, et il put entrer.

À l'intérieur, la salle d'accueil était totalement vide. Il s'y attendait, évidemment, mais cela lui fit tout même un léger choc. C'était la première fois qu'il voyait un centre de l'E.d.S. ainsi. Il entendit cependant des bruits de pas qui approchaient, en provenance d'un des couloirs, et Connor apparu bientôt.

— Salut Brown ! Content de te voir !

— Re-bonjour.

— Suis-moi. Karl s'est installé dans ce qui sera bientôt le bureau du chef de ce centre, au premier étage. Figure-toi qu'il est arrivé moins de cinq minutes après notre discussion par téléphone !

Après avoir grimpé une volée de marches et bifurqué dans deux ou trois couloirs, Brown et Connor trouvèrent Karl, installé confortablement dans un fauteuil une place, en train de lire le journal « La voix de Bluecestia » un des quotidiens de la capitale. La porte du bureau était grande ouverte. Karl garda son regard fixé encore quelques secondes sur son journal, semblant se dépêcher d'achever une phrase ou un paragraphe. Puis, il le posa grand ouvert sur une table, devant son fauteuil, et se leva pour aller accueillir Brown.

— Bonjour Brown.

— Bonjour.

— On s'est déjà rencontrés, mais nous n'avons pas vraiment eu le temps de faire connaissance, je suis donc Karl, un des plus anciens membres de l'Equipe de Solidarité, et le chef du centre de Verdion-les-Champs.

— Connor m'a déjà pas mal parlé de vous. Nous avons voyagé quelques jours ensemble.

— C'est ce qu'il m'a dit.

Brown s'attarda quelques secondes sur le physique de cet homme qu'il avait à peine croisé, il y a deux mois de cela, mais qui avait déjà changé beaucoup de choses dans sa vie. Karl était plutôt un homme de grande taille. Il possédait des cheveux bruns assez épais, un peu en bataille, et sans la moindre trace d'un début de calvitie, même si quelques cheveux solitaires parfaitement blancs contrastaient avec l'ensemble de sa chevelure et laissaient deviner son âge mur. Ses yeux marron perçants se posaient parfois sur Brown, et le jeune garçon avait alors l'impression que Karl percevait bien plus de choses que sa simple apparence physique extérieure. Même si de légers sillons commençaient à se dessiner sur son visage, Karl semblait encore très robuste, et dégageait un certain charisme, renforcé par son costume une pièce très sobre mais qui lui allait parfaitement. Même si Brown, à première vue, trouvait que Karl et Connor se ressemblaient quelque peu, il éprouvait instinctivement, sans trop savoir pourquoi, de la sympathie pour ce dernier, contrairement à Connor qui, dès leur première rencontre, ne lui avait pas spécialement parut engageant.

— Bon, et bien, asseyons-nous autour de cette table, fit Karl. On sera plus à l'aise pour discuter. Juste le temps d'apporter deux chaises supplémentaires…

Karl pris deux chaises sur une petite pile, dans un coin de la salle, et les disposa autour de la table.

— Je suis désolé, il n'y a qu'un seul fauteuil…

— Merci, c'est parfait. Aucune importance, fit Brown.

Les deux chefs et Brown s'assirent, chacun à leur place.
— Bien, fit Connor. Le bâtiment a déjà été réaménagé. Le courant circule partout, les radiateurs et les WC fonctionnent, la climatisation est installée, de ce point de vue là, tout est ok. Par contre, de nombreuses salles n'ont pas encore été aménagées. La plupart des meubles ont été stockés dans ce qui sera bientôt une grande salle de réunion, et un camion de livraison devrait apporter un lot de bureaux et d'armoires vers quinze heures trente. Je pense que nous pourrions commencer par aménager cet étage. Il n'y a malheureusement pas d'ascenseur, mais les plus gros meubles ont étés en partie démontés. Ca te va Brown ?

— Moi ? Oui, oui, fit Brown.

Durant l'explication de Connor, il n'avait pu s'empêcher de jeter un regard distrait au journal de Karl, toujours grand ouvert. La page de gauche semblait être un court article s'attardant sur une série de tempêtes et d'orages assez impressionnants ayant touché l'île de Dorielle ces derniers temps. Une photo montrait des arbres déracinés, sous un ciel gris et sombre. La page de droite était une page de jeu, en l'occurrence, une grosse grille de mots croisés totalement vierge.

— Tu verras, ça va être plus sympa que ce que tu imagines. Et si nous avançons vite, nous pourrons nous faire une petite séance d'entraînement vers seize heures trente.

— Connor m'a parlé des séances d'entraînement que vous aviez mis en place à Pourprion, et sur le trajet jusqu'à Bluecestia, rajouta Karl.

— À la base, je rappelle que c'était une idée de Pedro, fit Connor.

— Peu importe, c'était une bonne idée. Personnellement, je suis tout à fait partant, et j'ai hâte de te voir en action, Brown. Il paraît que tu te débrouilles comme un futur champion, à ce que j'ai entendu !

— Tu n'as pas dû l'entendre de ma bouche alors, intervint de nouveau Connor.

Cette fois, Karl ne prit même pas la peine de réagir à la remarque de Connor.

— Alors certes, poursuivit-il, on n'a pas une grande cour intérieur ici, comme c'est le cas dans le centre de Pourprion. Mais par contre, il y a une grande terrasse qui servait auparavant à exposer toutes sortes de plantes et qui est maintenant bien dégagée. Nous devrions avoir assez d'espace pour un petit entraînement amical.

— Enfin, c'est très bien tout ça, mais ne nous emballons pas. Nous avons des meubles à monter. Nous nous détendrons après.

— Tout à fait. Mais je pense que tu n'auras rien contre une boisson avant l'effort. Après tout, c'est sympathique d'être réunis ici tout les trois, et j'avais hâte de rencontrer Brown. Prenons notre temps.

— Un verre d'eau me suffira, fit Connor, légèrement agacé.

— Et toi, Brown, qu'est-ce qui te ferait plaisir ? J'ai vu qu'il y avait déjà quelques trucs dans le frigo, et j'ai moi-même rapporté des boissons. Je peux te proposer du jus de différentes baies, du Soda Cool à la baie Tronci, du thé, du café…

— Un jus d'Oran, tout simplement, ce sera parfait.

— Je t'apporte ça tout de suite.

Karl fit quelques pas en direction de la porte, mais s'arrêta soudain sur place et se retourna.

— Au fait, si tu veux lire le journal, Brown, surtout, ne te prive pas. Ça doit être Edwige, la chef de l'E.d.S. de Purplaville, qui l'a laissé ici. Je sais qu'elle était de passage à Bluecestia il y a quelques jours. Du coup, il n'est pas très récent, mais bon, c'est toi qui vois…

— Merci, mais ça ira.

Brown entendis bientôt le bruit caractéristique d'une machine à café se mettant en route. Puis Karl revint avec un petit plateau contenant un verre d'eau, un verre de jus d'Oran, et une tasse de café. Il disposa les boissons sur la table. Après un remerciement, Brown commença à siroter son verre.

— Au fait Karl, avant que j'oublie… Pour le nouveau chef, on est enfin sûrs ?

— Oui. Finalement, ce sera une chef : Clara. J'ai appris récemment qu'elle avait l'intention de quitter Verdion-les-Champs pour s'installer à Bluecestia. C'est une membre fiable que je connais depuis près d'une dizaine d'années et en qui j'ai toute confiance. Ce déménagement coïncidait parfaitement avec la création du nouveau centre, et elle pourra toujours participer activement à l'E.d.S.

— Clara… Clara… J'ai du mal à la visualiser. Il me semble que j'ai dû la croiser une ou deux fois, et je sais que tu m'en a déjà touché quelques mots. Enfin, si tu lui fais confiance, c'est parfait, je suis sûr que tout se déroulera au mieux.

— Oui. Elle devrait être là dans deux ou trois jours, pour nous aider à finir d'aménager le centre. En principe, celui de Verdion-les-Champs devrait pouvoir fonctionner en autonomie quelques jours. Mais je vais quand même finir par devoir y retourner. J'aurais bien aimé qu'Eva vienne nous rendre service aussi, mais elle n'avait pas trop envie, et elle est très occupée en ce moment au centre de Verdion.

— Karl… fit Connor en fronçant légèrement les yeux.

— Eva ? S'étonna Brown. La dresseuse de Yellow-sur-Mer ? Elle est à Verdion-les-Champs ?

— Oui. Elle est très autonome, et vu qu'elle est jeune, elle n'a pas encore son propre domicile. Même si elle est affiliée au centre de Yellow-sur-Mer, elle se déplace assez souvent. Et puis, c'est un membre très renommé au sein de l'E.d.S. Il arrive qu'on ait besoin d'elle dans d'autres centres, et elle se déplace rapidement sur le dos de son Togekiss.

— Vraiment ? Vous avez des missions qui requièrent de faire déplacer des membres ?

— Oui… Ca peut arriver. Enfin, même si Eva ne nous rejoindra pas ici, elle va rester quelques temps à Verdion-les-Champs. Elle sera certainement encore là quand tu te rendras dans ma ville.

Les deux verres et la tasse, sur la table, étaient maintenant vides.
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