007. 1x07 - La Team Magma
Précédemment : Sofian emménage à Hoenn et part en voyage en fuyant un passé sombre. Il rêve de devenir un champion d’arène et voyage en compagnie d’un Poussifeu. Il fait la rencontre de trois dangereux membres de la Team Rocket en mission secrète à Hoenn. Ceux-ci recherchent Michael, un ancien membre de la Team Rocket et voleur notoire, qui pourrait les aider. À Clémenti-Ville, Sofian capture un Goélise et rencontre Timmy, un jeune garçon à la santé fragile, qu’il aide à capturer son compagnon de voyage, Tarsal. Sofian et Timmy font route ensemble vers Mérouville et leurs pokémons se font voler par Michael qui se sert d’eux pour voler les pokémons de Jessie et James. Libérés, Arbok et Smogogo sont forcés de s’enfuir pour toujours alors que Jessie, James et Miaouss subissent une attaque destructrice du Tyranocif de Michael et sont laissés pour morts dans un ravin.

Les hauts arbres aux troncs épais et aux feuillages touffus grimpaient dans le ciel rosé du matin jusqu’à perte de vue, obligeant Sofian et Timmy à tendre le cou pour voir leurs sommets. Le Bois Clémenti portait mal son appellation, songea Sofian, car il s’étendait sur des kilomètres depuis l’océan jusqu’au pied des montagnes de roche et il était sûr que cela faisait de lui une forêt. À peine avaient-ils pénétré dans le Bois Clémenti qu’un climat frais et tempéré les avait fait frissonner. Au sein du Bois Clémenti, les arbres avaient poussé dans des sens complètement incongrus (Timmy s’était amusé à associer des formes de pokémons aux arbres tordus) et étaient tellement rapprochés les uns des autres que leur feuillage empêchait toute luminosité d’atteindre le sol. Si bien que s’ils n’avaient pas su que le mois d’août arrivait à son terme et que le soleil se levait, ils se seraient attendus à voir débarquer des pokémons hivernaux et nocturnes. Mais ils furent ravis de rencontrer des tas de pokémons insectes et plantes qui leur rappelaient l’été dans lequel ils étaient plongés et Sofian passa le plus clair de son temps à les recenser dans son Pokédex. Armulys, Coconfort, Blindalys, Chrysacier, Ningale, un Tadmorv perdu,… il s’amusa à tous les répertorier en les scannant et à lire les informations et remarques sur leur éducation que lui proposait son encyclopédie informatisée.
La lumière disparaissait à mesure qu’ils s’enfonçaient dans le Bois Clémenti et ils durent s’arrêter plusieurs fois pour trouver un faisceau lumineux afin de permettre à Timmy de lire le chemin sur le plan de Hoenn de Sofian. Car c’était Timmy qui s’occupait du chemin à suivre à présent. Il s’était gentiment proposé à prendre la place du guide lorsque Sofian les avait perdus pour la troisième fois en une demi-journée, les ramenant sans cesse à l’entrée de la forêt, et avait d’ailleurs argumenté que cela permettrait à l’adolescent de s’amuser avec son « jouet » pendant que lui s’occupait de l’amener à bon port.
Ils décidèrent alors de prendre une pause bien méritée sur le tronc d’un arbre qui jonchait le sol, que Timmy dénomma « Feunarbre » à cause de ses branches qui ressemblaient fortement aux huit queues d’un Feunard. Poussifeu, Tarsal et Goélise reçurent leur part de nourriture (des graines pour les oiseaux et des fruits pour le pokémon psy) et se regroupèrent de leur côté, devenus amis à présent.
– Je me demande ce qu’il est advenu de la Team Rocket, s’interrogea Timmy en sortant une boîte en plastique remplie d’une salade de haricots, de pommes de terre et de lardons.
– Comment ça ? dit Sofian qui l’écoutait à moitié, occupé à fouiller toutes les poches de son sac à dos à la recherche de nourriture.
– Ben tu sais, vu qu’ils avaient l’air de s’être fait voler leurs pokémons…
– J’espère qu’ils n’ont pas pu les récupérer ! s’emporta Sofian qui se souvenait des tentatives de vol de ses pokémons par les mêmes personnes. C’est pas notre problème. Et d’ailleurs, on a un problème plus grave nous.
– Qu’est-ce qu’il y a ? s’inquiéta Timmy en se levant d’un bond.
– Je pensais que Mérouville était juste à côté, du coup… Je n’ai déjà plus de provisions !
Timmy leva les yeux au ciel.
– Si manquer de provisions est plus problématique pour toi qu’un groupe de voleurs dangereux, je crois saisir l’importance du problème, dit-il avec ironie en partageant sa salade en deux portions.
Ils dînèrent en discutant sur la manière dont ils allaient procéder pour trouver de la nourriture. Timmy proposa l’aide des pouvoirs psychiques de son Tarsal pour cueillir des baies et Sofian assura que les flammèches de son Poussifeu donneraient une saveur grillée aux fruits. C’est alors qu’un vent se leva brusquement au sommet des arbres et un bruit d’hélice retentit avec fracas. Sofian leva les yeux au ciel et lorsqu’il distingua entre les feuilles d’arbres un hélicoptère rouge voler à pleine vitesse, son estomac se retourna dans sa poitrine.
– On ferait mieux de bouger, avisa-t-il en se levant avec précipitation.
– Pourquoi ? s’étonna Timmy qui était loin d’avoir terminé son repas.
– J’ai déjà vu cet hélicoptère, et il vaut mieux qu’on ne croise pas son chemin.
Il fourra ses affaires dans son sac à dos, fit rentrer ses pokémons dans leurs pokéballs et pressa Timmy d’abandonner sa salade. Comprenant par le regard anxieux de son ami que les menaces étaient bien réelles, le jeune garçon replia bagages, rappela son Tarsal, et ils quittèrent le « Feunarbre » en partant dans la direction opposée à celle du chemin de l’hélicoptère.

Le sifflement du vent dans ses oreilles, cette odeur de crasse et de rouille, et quelle douleur dans le bas du dos ! La gorge râpeuse, le ventre lourd, un mal de tête insupportable, ce goût de fer dans la bouche, la chaleur d’un matin estival, des picotements douloureux partout sur le corps… Un brassage d’air retentissant, comme un hélicoptère à basse altitude…
Elle entrouvrit les yeux avec difficulté et sa vue fut éblouie par la luminosité puissante du soleil. Au-dessus d’elle dans le ciel bleu aveuglant, un hélicoptère rouge filait à toute allure et disparut entre les arbres au loin.
Jessie perdit à nouveau connaissance.
Sa gorge ne râpait plus à présent, mais quelque chose l’empêchait de respirer. Elle en avait plein la bouche et malgré l’agréable fraîcheur du liquide au goût divin, il fallait qu’elle s’en débarrasse. Elle toussota fébrilement et recracha l’eau qu’on l’obligeait à boire. Elle ouvrit alors les yeux et distingua difficilement la silhouette d’un jeune homme penché sur elle, une bouteille d’eau à la main.
– Mew soit loué, tu es vivante ! s’exclama-t-il en poussant un soupir de soulagement.
Une petite touffe de poils beiges la serra dans ses bras et Jessie reconnut ses deux acolytes, James et Miaouss, qui lui affichaient un sourire optimiste, comme si elle se réveillait après une longue nuit de sommeil. Jessie leur sourit en retour et s’assit sur le sol caillouteux. Ils se trouvaient entre deux pans de montagne, près de rochers pointus et couverts de traces d’un liquide bordeaux séché. C’est alors qu’elle se souvint de la raison de sa présence dans le ravin.
– Combien… depuis quand on est… ? balbutia-t-elle avec difficulté.
– C’était hier soir, répondit simplement James en s’installant à côté d’elle.
Jessie jeta un coup d’œil à la pente qu’ils avaient dévalée suite à l’attaque du dinosaure géant et les cuisants souvenirs de sa séparation avec Arbok lui brûlèrent les entrailles. Une larme coula sur sa joue alors qu’elle revoyait les images de son pokémon hurlant à la mort suite aux attaques mortelles de son ennemi, blessé jusqu’au plus profond de son âme par la déchirure que représentait une fuite pour sa survie. Arbok n’était plus avec elle. Elle était seule.
James la prit dans ses bras et lui frotta le dos pour la rassurer alors qu’elle laissait couler toutes les larmes de son corps sur ses joues rosies par les brûlures du soleil d’été.
– Nous les reverrons un jour, promit James. Nous n’aurions rien pu faire hier… Mais grâce à nous, ils sont en vie. Grièvement blessés, peut-être à l’agonie quelque part dans la forêt, mais le principal c’est qu’ils sont en vie car ils ont pu fuir M… ils ont pu le fuir. Et un jour peut-être nous recroiserons leur route.
Jessie se sécha les larmes en réapparaissant hors des bras de son acolyte et plongea son regard dans les yeux bleus de James.
– Une fois qu’on aura terminé notre mission, on le retrouvera et on lui fera payer tout le mal qu’il nous a fait, lui dit-elle.
– Ne t’inquiète pas, je me le suis déjà juré et je te promets que je m’en occuperai personnellement.
– Juste une petite question, intervint Miaouss en hésitant s’il pouvait les interrompre. Comme on va faire pour mener à bien notre mission sans pokémons ?
Jessie ferma les yeux sous la douleur perçante que venait de subir son cœur en se rendant compte que non seulement, elle avait perdu un ami de longue date, mais qu’en plus elle n’avait plus de protection ni d’arme.
– On pourrait peut-être demander au QG de la Team Rocket de nous prêter des pokémons en stock, proposa James qui serrait la mâchoire sous le coup de la tristesse.
– Hors de question, réfuta directement Jessie. Si on demande de l’aide au boss, vous savez ce que sera sa réponse. Et je doute que nous soyons en position de lui demander de l’aide.
– Il va donc falloir en capturer nous-même, en conclut James, fort peu aguiché par l’idée.
– Que d’aventures à Hoenn… murmura Miaouss pour lui-même.
Jessie se leva alors d’un coup, et vacilla en sentant la douleur de ses membres atrophiés par la longue chute de la veille.
– On ferait mieux de se mettre en route.
– Oui, mais… vers où ? s’interrogea James, perdu par la tournure des évènements.
Et Jessie dut admettre qu’elle n’avait aucune idée de la prochaine étape de leur plan.

Marcher dans la forêt en direction d’une ville lointaine était une épreuve éreintante d’après les souvenirs qu’il avait de ses nombreuses missions à Kanto. Mais errer dans une forêt épaisse sans aucun but précis devait être la chose la plus fatigante au monde, car ils semblaient ne jamais savoir quand ni où s’arrêter. La journée passa au fil des kilomètres qui défilaient sous leurs pieds, brûlant avec rapidité le peu de provisions qu’ils avaient gardé sur eux. Ils s’étaient mis d’accord pour retrouver l’endroit où ils avaient caché leur montgolfière mais le Bois Clémenti n’était malheureusement pas aussi clément que son nom l’indiquait car ils s’étaient très vite perdus dans ses sentiers sinueux.
C’est pourquoi lorsqu’il découvrit le magnifique spectacle qu’offraient les rayons du soleil en se reflétant sur le lac d’une clairière, James ne put se retenir de courir à toute vitesse pour y jeter sa tête et s’abreuver abondamment.
– James, je ne pense pas que ce soit une bonne idée… avertit Jessie, mal à l’aise, en pointant du doigt l’autre rive du lac.
Loin devant eux, un hélicoptère rouge immobile était posé sur le sol de la clairière. Un grand « M » en forme de montagne ardente était dessiné de haut en bas sur la tôle de l’engin volant.
– Pourquoi ? Ce lac n’appartient à personne !
– Cet hélicoptère ne me dit rien qui vaille, grommela Miaouss dans ses moustaches. Nous ferions mieux de…
– Qui êtes-vous ! appela soudainement une voix derrière eux.
Jessie, James et Miaouss se retournèrent d’un geste brusque et firent face à deux inconnus. L’homme et la femme qui se tenaient debout face à eux étaient tous deux vêtus d’un uniforme rouge et noir, leurs yeux étaient cachés derrière d’épaisses lunettes de soleil et leur cape de voyage rouge se terminait en une capuche placée sur leur tête.
– Qui êtes-vous et que faites-vous ici ? répéta l’homme avec autorité.
– Alors d’abord, c’est très offensant le fait que vous ne sachiez pas qui nous sommes, répliqua Jessie de mauvaise humeur, mais en plus la raison de notre présence ici ne vous regarde pas !
Les deux inconnus échangèrent un regard à travers leurs lunettes noires et l’homme sortit une pokéball de sa poche de laquelle s’échappa un énorme chien au pelage gris et au regard féroce. Instinctivement, Jessie recula jusqu’à ses deux acolytes car elle savait que si un combat était déclenché, elle n’avait aucune chance de résister.
– Je vous conseille vivement de nous faire part de votre identité, dit la femme sur un ton plus posé.
– Nous sommes la Team Rocket, l’organisation la plus puissante du monde ! annonça James en bombant le torse fièrement.
– Oh, vous n’êtes donc pas de la Team Aqua… en conclut l’homme. Néanmoins, vous feriez mieux de partir d’ici.
– Nous sommes libres d’aller où nous voulons ! se révolta Jessie.
L’homme serra la mâchoire par contradiction et son pokémon grogna sauvagement.
– Tu sais quoi John, intervint la femme, j’ai déjà entendu parler de la Team Rocket et c’est vrai qu’ils sont assez puissants à Kanto.
Le dénommé John se retourna vers sa condisciple en affichant un air outré.
– Merci pour l’information,
Sarah, répondit-il en accentuant son prénom pour dévoiler son identité en signe de revanche. Team Rocket ou pas, vous feriez mieux de rentrer chez vous, il y a assez de teams dans cette région. Grahyèna, hurlement.
L’énorme chien hurla à la mort et Jessie et James s’attendirent à se faire attaquer. Mais le pokémon ne fit rien d’autre. En revanche, les poils de Miaouss se hérissèrent sur son dos et le chat poussa un cri de peur avant de s’enfuir à toutes jambes dans la forêt.
– Miaouss !! s’écria James. Reviens !!
– On se reverra ! menaça Jessie en direction des deux personnes en uniforme rouge.
Et la Team Rocket prit la fuite. John se tourna vers son condisciple et fit rentrer son pokémon dans la balle.
– La prochaine fois que tu te fous de mon autorité et que tu dévoiles mon nom, je m’occuperai personnellement de ton cas, l’avertit-il avec intimidation.
– Epargne-toi de la salive et séparons-nous pour le retrouver plus vite, rétorqua Sarah avec mépris.
Et elle tourna les talons sans lui adresser le moindre regard supplémentaire.

– On peut ralentir un peu le pas maintenant, non ? proposa Timmy à bout de souffle.
Sofian avançait toujours en zigzagant entre les arbres épais à une vitesse à laquelle Timmy ne pouvait plus tenir.
– Je t’assure qu’on sera plus en sécurité loin de cet hélicoptère, répondit Sofian en ignorant les peines de son ami.
– Tu ne m’as même pas expliqué pourquoi ! se plaignit le jeune garçon essoufflé. Qu’est-ce qui fait qu’un bête hélicoptère te fasse trembler de peur alors que tu as su tenir tête à une organisation telle que la Team Rocket ?
– Crois-moi, ces gens sont encore plus dangereux que les trois imbéciles qui nous courent après.
– Plus dangereux que trois criminels ? s’étonna Timmy.
Épuisé jusque dans l’âme, car il sentait qu’une nouvelle crise d’asthme allait débuter, il s’arrêta un instant contre un énorme chêne et respira avec difficulté. Contrarié, Sofian fut contraint de faire demi-tour pour le rejoindre.
– Plus dangereux que n’importe qui, affirma-t-il en lui donnant sa bouteille d’eau, tu n’as pas idée.
– Comment est-il possible que des criminels soient en liberté ? questionna Timmy. Enfin je veux dire, la Team Rocket, passe encore vu qu’ils viennent de Kanto et qu’ils n’ont toujours pas été repérés par la police.
– Timmy… essaya de l’interrompre Sofian, l’oreille aux aguets.
– Mais le pickpocket d’hier ? poursuivit Timmy. Et les gens de cet hélicoptère ? S’ils sont si dangereux, pourquoi personne ne fait rien pour…
– Shhht !
Sofian plaqua sa main contre la bouche de son ami pour le forcer à se taire et tendit l’oreille. Apeuré par l’attitude brusque de Sofian, Timmy préféra ne pas bouger. D’où venait le bruit suspect qu’il avait entendu ? Du vent qui soufflait entre les feuilles des arbres ? Des pokémons oiseaux qui chantonnaient allègrement ? Des craquements de bois au sol ? Des craquements de bois au sol !
Sofian fit subitement volte-face et recula vers son ami en découvrant une femme en uniforme rouge avancer vers eux.
– C’est… ? chuchota Timmy à l’oreille de Sofian.
Mais ce-dernier resta paralysé de terreur et Timmy s’inquiéta plus de l’état de son ami que de l’inconnue qui approchait.
– Sofian, dit la femme en soupirant.
Timmy écarquilla les yeux. La femme au regard masqué afficha un petit sourire mais Sofian, qui n’avait pas l’air choqué par le fait qu’elle connaissait son prénom, serra les poings en position de défense.
– A mon signal, murmura-t-il d’une voix presqu’inaudible à Timmy.
– N’ayez crainte, je ne suis pas là pour vous faire du mal, continua la femme qui s’était arrêtée assez loin pour garder ses distances en cas d’attaque de la part de l’adolescent. Nous n’avons pas beaucoup de temps, alors ne me compliquez pas la tâche.
Mais alors qu’elle faisait un pas vers les deux garçons, un chien aboya au loin et ils furent rejoints par un homme affublé du même uniforme qu’elle et de son Grahyèna.
– Bien joué, Sarah ! félicita l’homme. Je pensais qu’on était censé envoyer des flammes dans le ciel pour se prévenir qu’on l’avait retrouvé.
– Si tu ne m’en laisses pas le temps, tu ne peux pas m’en vouloir, répliqua cette-dernière froidement.
– Vous devez sûrement vous demander pourquoi deux membres de la Team Magma viennent à votre rencontre, débuta l’homme de manière diplomatique. Sachez qu’il ne vous sera fait aucun…
– MAINTENANT !! hurla Sofian.
Il poussa son ami vers le chemin sinueux de la forêt et piqua un sprint vertigineux afin de fuir les deux criminels. Il n’avait pas le temps de regarder derrière lui pour voir s’ils étaient suivis, tout ce qu’il faisait c’était courir, courir et courir jusqu’à ce que la fatigue l’emporte. Il entendit un cri de colère et un aboiement féroce retentir au loin mais ne se soucia guère de ses ennemis. Enfin, lorsque les muscles de ses jambes décidèrent de rompre, il sombra au sol, hors d’haleine. Il roula sur le dos et éclata de rire en constatant qu’il avait échappé à ses ennemis. Mais sa joie fut de courte durée car Timmy n’était pas avec lui.
– Timmy ? appela-t-il en panique.
Pour toute réponse, un cri de douleur retentit au loin et le cœur de Sofian s’emballa. Ils l’avaient eu.

Timmy ouvrit les yeux subitement. Une douleur au crâne l’élança mais il tint bon et secoua la tête pour y voir plus clair. A première vue, il était couché sur le sol d’une clairière. Il voulut se relever mais il lui fut impossible de bouger car de solides cordes le ficelaient tel un Rémoraid sur l’étale d’un poissonnier. Il voulut également appeler à l’aide mais le son de sa voix fut étouffé par le bâillon qui le rendait muet.
– N’essaie pas de bouger, tu ne ferais que te blesser, lui conseilla la femme en s’accroupissant près de lui.
– Tout ce que nous voulons, c’est une petite conversation avec ton ami, expliqua l’homme adossé à leur hélicoptère.
Timmy tourna la tête pour observer les alentours et trouver une quelconque issue et vit le Grahyèna impressionnant s’abreuver dans le lac qui semblait très profond derrière lui. De plus, ils avaient déposé son sac à dos au loin afin d’éviter qu’il ne fasse appel à un pokémon. En comprenant qu’il n’avait aucune chance de s’enfuir, et que Sofian qui allait revenir le sauver allait courir un grand danger, son cœur se mit à battre la chamade dans sa poitrine et il sentit sa gorge se serrer. La dernière chose qu’il voulait était de souffrir d’une crise d’asthme maintenant.
Il ne passa pas plus de quelques minutes avant qu’un Goélise ne fende l’air en apparaissant d’un buisson et vole vers Timmy pour le secourir. Mais Grahyèna était en alerte et fit un bond vertigineux vers la mouette qu’il mordit au vol. Il plaqua Goélise au sol et planta ses énormes crocs dans l’aile droite du pokémon qui cria de douleur.
– Goélise ! s’écria Sofian en sortant de sa cachette à toute allure.
– Plus un geste ! ordonna l’homme, mais Sofian continua sa course vers Timmy.
– Sofian, arrête ! s’écria la femme alors que son condisciple se mit en travers du chemin de l’adolescent.
Sofian s’arrêta instantanément.
– Tu m’as l’air très dévoué, c’est bien, complimenta l’homme. C’est justement la première qualité que notre patron recherche. Nous ne sommes pas là pour te faire du mal.
– Alors libérez mon ami ! s’exclama Sofian sur un ton de révolte.
– Nous le ferons, mais seulement si tu acceptes la proposition que je vais te soumettre, promit l’homme. Je m’appelle John, et ma collègue derrière moi s’appelle Sarah.
Sofian lança un bref regard dégoûté à la femme qui fronça des sourcils.
– Nous faisons partie de la Team Magma, tu en as déjà entendu parler ? poursuivit John.
– J’en ai déjà eu le déplaisir, en effet ! cracha Sofian.
– Bien. Notre groupe s’apprête à réaliser de grandes choses, et nous avons besoin du plus de monde possible. Nous allons réveiller ce qui sommeil au cœur de Hoenn et nous te proposons de faire partie de notre fantastique projet. Lorsque nous réussirons l’exploit, nous serons tous immensément riches et reconnus, et nous serons remerciés par le monde entier. Notre patron désire t’offrir la chance de faire partie de l’aventure et de devenir une légende. Qu’en dis-tu ?
Sofian dévisagea son adversaire du regard et éclata d’un rire railleur.
– J’en dis que vous pouvez vous fourrez le doigt dans le nez ! Je sais quel genre de « groupe » vous êtes et je ne suis pas intéressé par vos manigances illégales !
– Malheureusement, le refus n’est pas accepté, dit John en devenant soudainement menaçant. Nos méthodes ne sont peut-être pas totalement correctes, mais elles n’échouent jamais. Alors voilà ce que je te propose : soit tu acceptes, soit tu regardes ton ami être déchiqueté par les crocs de mon pokémon.
Grahyèna abandonna Goélise au sol et la respiration de Timmy s’accéléra à mesure que le pokémon ennemi approchait de lui. Sa vue se troubla lorsqu’il sentit le souffle chaud du molosse sur son cou.
– Et bien moi, je vous propose de surveiller vos arrières ! conseilla Sofian avec un sourire ironique.
John jeta un coup d’œil inquiet derrière lui et eut juste le temps de voir le petit poussin de feu courir vers lui la bouche ouverte. Poussifeu envoya ses boules de feu qui explosèrent au visage de Grahyèna qui s’envola contre son maître et celui-ci fit un vol plané contre un arbre avant de s’effondrer sur le sol, inconscient. Poussifeu se retourna et fit face à la femme.
– Dégage de mon chemin Sarah, où je serai contraint de t’exploser toi aussi ! menaça Sofian.
– Sofian, écoute ! s’exclama la femme en mettant ses mains devant elle, comme pour se protéger. Réfléchis à ce que John vient de te proposer ! Tu connais la Team Magma, tu sais ce dont ils sont capables.
– Jamais je n’accepterai ! Je ne suis pas un monstre comme toi ! Goélise, cru-aile !
Goélise s’envola difficilement dans les airs et frappa violemment le torse de la femme à l’aide de ses ailes. La femme fut projetée en arrière et en perdit ses lunettes de soleil. Sa capuche tomba et délivra une longue chevelure rousse. C’est alors que Timmy eut un haut le cœur. Les yeux marrons, le visage ovale et les pommettes roses de la jeune femme étaient tellement similaires à ceux de Sofian que seul le sexe et la couleur de ses cheveux permettaient de les différencier.
– Nous serions à nouveau ensemble, petit frère.
Sarah plongea son regard dans celui de Sofian et examina chaque partie du corps de l’adolescent qui avait changé depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus.
– Je préfère de loin rejoindre le fanclub des Magicarpe plutôt que de fuir ma famille pour un groupe de terroristes comme tu l’as fait ! s’écria Sofian en méprisant chaque partie du visage de sa sœur qui ne l’avait pas manqué une seule seconde.
C’est alors que le Grahyèna de John, qui venait de reprendre ses esprits, balaya Sofian au sol et poursuivit sa course jusqu’à Timmy qu’il propulsa d’un coup de tête dans le lac profond. Ligoté et bâillonné, Timmy ne put se défendre et se laissa sombrer dans les profondeurs du lac.
– Timmy !! s’égosilla Sofian avec horreur.
Bien qu’étant un pokémon aquatique, dans l’état dans lequel il était, Goélise ne pourrait pas sauver Timmy et Poussifeu était le moins bon candidat de tous pour plonger dans un lac. Quelques bulles d’eau s’échappèrent à la surface du lac. Puis, plus rien.

Il n’avait jamais aimé l’eau. Petit, il détestait aller à la piscine suivre des cours de natation avec l’école. Il se souvenait que son père lui avait dit une fois qu’il était très important de savoir ouvrir les yeux dans l’eau, mais il s’en était fichu jusqu’alors. À cet instant précis, il regretta de n’avoir jamais réussi l’exploit de regarder dans l’eau.
Timmy se sentait sombrer dans les profondeurs du lac qui n’était pas aussi glacial qu’il ne l’avait pensé. Ses liens l’empêchaient de se débattre contre la masse de l’eau qui le poussait toujours plus bas et le chiffon dans sa bouche était à présent imbiber d’eau et menaçait de le noyer. Sa respiration saccadée s’était bloquée à son contact contre l’eau et il luttait à présent contre son envie pressante de prendre un bon bol d’air frais. Sofian allait le sauver, il en était certain. Il fallait qu’il lutte encore un peu. Mais les secondes qui défilaient ne lui offraient plus d’oxygène et il allait bientôt avoir le réflexe inévitable d’inspirer.
Dans un dernier effort de survie, il ouvrit les yeux. Bleu. Tout n’était que bleu autour de lui. Le dernier paysage que ses yeux auraient la chance de voir était magnifique et il accepta sans regret de terminer sa vie dans un si bel endroit.
C’était comme si la mort le libérait de ses liens car à présent, ses membres pouvaient bouger à nouveau. Un coup sec dans son dos lui fit ouvrir la bouche et il inspira une longue bouffée d’air frais lorsqu’il sentit son corps être propulsé hors du lac. Timmy entra violemment en contact avec l’herbe du sol et suffoqua dangereusement en recrachant l’eau qu’il avait avalée. Il retira son bâillon de la bouche en se plaquant sa mèche de cheveux dégoulinante sur son crâne. Un Gobou lui souriait.
– Flora !
Sofian n’en crut pas ses yeux. La fille du Professeur Seko venait de sortir de la forêt et d’apparaître dans la clairière.
– Il me semblait bien avoir reconnu l’hélicoptère de la Team Magma ! dit celle-ci en accourant.
John avait rejoint Sarah et Timmy avait rampé jusqu’à son ami. Les deux groupes s’affrontèrent alors du regard.
– Vous allez regretter de m’avoir enlevé et d’avoir essayé de me tuer ! s’emporta Timmy.
Il arracha une pokéball de son sac à dos qu’il venait de récupérer et en fit sortir son Tarsal. Poussifeu, Gobou et Tarsal firent face à Grahyèna tandis que Goélise se reposait sur l’épaule de Sofian.
– Nous ferions mieux de rentrer Sarah ! suggéra John.
– Oui, mais…
Elle lança un regard inquiet à son frère qui la dévisagea amèrement.
– Poussifeu, attaque « flammèche » !
– Gobou, envoie ton « pistolet à eau » !
– Tarsal, empêche-les de se défendre avec ton attaque « choc mental » !
Les pouvoirs psychiques de Tarsal maintinrent les deux membres de la Team Magma paralysé, tandis que les boules de feu du poussin et le jet d’eau du reptile amphibien explosèrent contre le Grahyèna qui ne reçut aucun ordre pour se défendre. Grahyèna s’effondra aux pieds de son maître sans succomber à ses blessures.
– Prépare l’hélicoptère, on quitte l’endroit ! ordonna John, libéré de la paralysie de Tarsal.
Sarah obéit sans contester et se précipita vers l’appareil volant. Elle jeta un dernier regard à Sofian qui la fusilla du regard et disparut dans l’hélicoptère.
– Nous recroiserons votre route un jour ou l’autre, annonça John, et ce jour-là, nous terminerons ce que nous avons commencé ici.
– Pas de problème, on vous attend de pieds fermes ! répondit Sofian avec courage en élevant la voix pour se faire entendre sous les bruits des hélices qui commençaient déjà à tourner.
– Grahyèna, hurlement !
Le molosse hurla à la mort et les quatre pokémons alliés se transformèrent automatiquement en lumière rouge avant de rentrer dans leurs pokéballs respectives. Grahyèna et John grimpèrent en vitesse dans l’hélicoptère qui s’envolait déjà. Pris de cours, Sofian, Flora et Timmy laissèrent filer leurs ennemis. Alors, la Team Magma disparut dans le ciel illuminé du soleil de l’après-midi.

– On s’en est bien tiré finalement ! lança Flora en affichant un large sourire de bonheur.
Timmy se laissa tomber au sol en soupirant de soulagement et essaya de calmer sa respiration saccadée.
– Comment nous as-tu retrouvés ? demanda Sofian, curieux d’apprendre d’où venait l’aide précieuse qu’ils avaient reçue.
– Je traversais le Bois Clémenti vers Mérouville quand j’ai vu l’hélicoptère de la Team Magma survoler les environs, expliqua Flora en rangeant la sphère qui contenait Gobou dans son sac à dos. Mon père m’avait déjà parlé d’eux, ils sont hyper dangereux. Qu’est-ce qu’il vous a pris de vous attaquer à eux ?
– On n’a rien demandé nous ! se défendit Timmy.
Flora s’intéressa enfin à lui.
– Je ne crois pas que nous ayons été présentés, dit-elle en s’agenouillant à ses côtés. Je m’appelle Flora Seko.
– Tu es la fille du Professeur Seko ?!
– Entre autre, oui… répondit l’adolescente en levant les yeux au ciel.
– Je suis plus qu’heureux de te rencontrer, dit Timmy en lui serrant la main, car tu m’as sauvé la vie. Moi c’est Timmy, je viens de Vergazon.
– Sofian, je savais que tu jouais souvent les héros mais je te conseille de ne plus approcher la Team Magma, dit Flora d’un ton sombre.
– Et bien en fait, c’est plutôt eux qui nous ont attaqués, rectifia Timmy.
– Sans raison ? Ça ne leur ressemble pas !
– Justement, ils en avaient une très bonne : la sœur de Sofian venait pour le recruter !
– HEIN ?
Flora se tourna vers Sofian pour plus d’explications mais celui-ci leur tournait le dos en regardant toujours vers le ciel. Il s’essuya le visage et se retourna ; ses yeux étaient rouges et il affichait une grimace de colère.
– Sarah n’est plus ma sœur depuis bien longtemps, dit-il.
Il se dirigea vers le lac et utilisa l’eau pour se nettoyer le bras plein de terre sur lequel il était tombé. Derrière lui, il sentait que les regards de ses deux amis étaient dirigés sur lui et les remercia silencieusement de ne pas le brusquer.
– Lorsque nous vivions à Kanto, la vie à la maison était loin d’être… paisible, raconta-t-il en les rejoignant. Vous savez, être champion d’arène demande beaucoup de temps et mon père sacrifiait son temps avec sa famille pour son arène. Les conflits entre mon père et ma mère étaient de plus en plus explosifs et de plus en plus fréquents. Et ma sœur n’avait jamais accepté que mon père se soucie plus de son affaire plutôt que de nous. Du coup, quand il ne se disputait pas avec ma mère, mon père se disputait avec ma sœur.
« L’année passée, nous avions décidé de partir en vacances pour essayer de calmer les tensions et de retrouver une vie de famille agréable. Nous sommes venus ici à Hoenn et il s’est passé un incident impliquant la Team Magma. Mon père étant un très bon dresseur reconnu à Kanto, il s’est mêlé de l’affaire et tout est rentré dans l’ordre. Pour le remercier d’avoir sauvé la situation, le gouvernement de Hoenn en accord avec le Conseil des Quatre a offert l’arène inoccupée de Clémenti-Ville à mon père.
« C’est là que les choses se sont envenimées. Pour une raison que j’ignore, ma sœur a disparu du jour au lendemain. Tout ce qu’on a retrouvé, c’était une lettre de quelques lignes dans laquelle elle nous expliquait que la famille n’était plus qu’une simple façade, qu’elle préférait nous quitter pour de bon en précisant qu’elle avait été séduite par les idées de la Team Magma et qu’elle avait décidé de rejoindre leur organisation.
« Ma mère et moi sommes rentrés seuls à Azuria tandis que mon père est resté à Clémenti-Ville pour s’occuper de son arène et rechercher Sarah. Mais elle avait complètement disparu et je ne l’ai plus jamais revue.
Sofian détourna le regard alors que sa voix se brisait avec le souvenir des évènements. Il passa quelques minutes sans que personne n’osât interrompre le silence tendu qui s’était installé.
– Si elle pense que je vais rejoindre son groupe de criminels, c’est qu’elle n’a jamais été très bien dans sa tête ! s’énerva Sofian.
– Nous ferions mieux de ne pas nous mêler de leurs affaires et de rester loin d’eux, avisa Flora.
– Tu as dit que tu te rendais à Mérouville ? demanda Sofian pour changer de conversation.
Flora et Timmy échangèrent un regard mal à l’aise et ils préférèrent faire comme si Sofian ne leur avait rien raconté sur son passé.
– Oui, il y a des festivités que je ne voudrais pas manquer là-bas, répondit Flora d’un air naturel.
– On s’y rend aussi, si tu veux, on pourrait faire route ensemble, suggéra Sofian.
La proposition de l’adolescent eut l’air de ravir la jeune fille dont le visage s’illumina de joie.
– Oh… oui, pourquoi pas ! accepta-t-elle en essayant de paraître hésitante pour ne pas montrer son excitation.
– Tant mieux, au moins, je sais qu’avec toi à nos côtés, ma vie n’est pas en danger ! s’amusa Timmy.
Flora et Timmy pouffèrent de rire mais évitèrent d’être trop bruyants en voyant la mine sombre de Sofian. Sofian leva les yeux au ciel et leur sourit pour leur faire comprendre que la rencontre avec sa sœur criminelle n’était pas si grave qu’elle n’y paraissait.
Ils décidèrent de rester dans la clairière pour la nuit qui n’allait pas tarder à tomber et ce soir-là, Sofian s’endormit avec difficulté. Il avait oublié la beauté du visage de sa sœur tellement il avait passé son enfance à la détester. Il avait toujours imaginé que si un jour ils se revoyaient, elle lui expliquerait son choix et se repentirait de ses actes en implorant le pardon et en voulant rentrer à la maison. Voir sa sœur accepter la criminalité de son groupe l’avait dégoûté plus que le jour où il avait lu sa lettre de fuite.
Lorsqu’il se retourna pour chercher le sommeil, il vit dans l’entrouverture de sa paupière la silhouette de Flora, endormie dans son sac à dos, et en oublia les évènements de la journée. Flora voyageait à présent avec eux et, il ne savait pas pourquoi, mais cette pensée l’apaisa et le fit sombrer dans un sommeil paisible et heureux.
À suivre dans : « Deux pokémons valent mieux qu’un »