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Entre deux mondes de Xabab



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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 28/07/2014 à 21:55
» Dernière mise à jour le 28/07/2014 à 21:55

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Chapitre 34 : Paul
La discussion qu'il avait eue avec Frollo sur le pont le hantait. Il n'était pas du genre à se battre ou à haïr quelqu'un et cela l'étonnait d'autant plus qu'il ressentait un profond dégoût envers cet homme. Sa façon de parler, ses manières, ses claquements de langue et la tendance qu'il avait à constamment tout ramener à Arceus et sa suprématie sur le monde… Voilà tant d'éléments qui faisaient que Paul ressentait des picotements sur sa peau dès qu'il pensait à lui.
Il pouvait encore se rappeler avec exactitude de cette scène qu'il avait vu étant enfant lorsque le prêtre avait fait tuer l'un de ceux qu'il considérait comme hérétique. En place publique, face à une foule pervertie par un spectacle des plus abjects, il avait déblatéré un tas de pamphlets religieux avant de couper un homme en deux à l'aide de Grolems.

Depuis il n'aimait pas penser à Frollo. Paul était de base un jeune homme qui ne s'attardait que très peu sur les questions religieuses. Malgré son esprit scientifique qui pensait avant tout à un progrès provoqué par une impulsion purement humaine et sans la moindre intervention divine, le jeune homme était croyant. Il n'était pas du genre à se rendre sur un lieu de culte, à allumer un cierge en l'honneur d'Arceus ou à prier lorsqu'il en avait besoin, pensant que tout cela n'était que la décoration d'une foi qui n'en n'avait nullement besoin. Il ne voyait pas spécialement le divin en Arceus mais en tout ce qu'il pouvait trouver de bon en ce monde. Et ainsi il remerciait quelqu'un, sans pensée dirigées spécialement vers une entité commune et transcendante, dès le moment où il en ressentait le besoin.
Cette pensée, dont il ne parlait que rarement aux gens si l'on exceptait Luc et Octave, Fargas ne se souciant que peu des questions religieuses, aurait été immédiatement qualifiée d'hérésie si elle venait à se répandre. Et nul doute que Frollo n'hésiterait pas à le jeter par-dessus bord, qu'il soit Paul Chen ou le dernier des laquais d'Illumis.

Le soir suivant l'air était frais et la mer calme. Paul, décidant de faire profiter de ce climat aux deux enfants et nonobstant les menaces du prêtre, leur proposa de l'accompagner sur le pont en vue d'une petite balade. Draï qui se penchait depuis une heure déjà sur l'encyclopédie, dont il tentait de tirer un enseignement de chaque image en l'analysant, refusa immédiatement. Ce qui ne fut pas le cas de sa sœur et encore moins de Monsieur Fur qui piailla de bonheur.
« Tu es certain de ne pas vouloir ? reprit Paul en lançant au garçon un sourire pendant que sur son épaule le petit Braisillon piaillait de joie.
– Je suis désolé mais le mer ne m'intéresse pas trop, répondit le jeune homme qui commençait en peu de temps à maîtriser la langue malgré quelques imperfections. Un autre fois. »
Paul lui répondit d'un signe de tête que ce n'était pas vraiment important et ajouta qu'il pouvait travailler tant qu'il en avait envie. Il prit ensuite Fri par la main, ferma la porte de la cabine à clé et profita de l'air frais.

Une fois de plus il n'y avait pratiquement personne sur le pont à cause de la nuit qui était tombée depuis déjà deux heures. Paul n'aimait pas sortir en journée. Il avait tenté de le faire à quelques reprises lors de la première journée mais n'avait pas apprécié toute l'agitation qui grondait tout autour. Gonzo qui donnait des ordres en hurlant à son équipage, les marins qui montaient aux cordages au-dessus de sa tête et évidemment Frollo qui arpentait le pont en agrémentant chaque être vivant de son regard de rapace.
La nuit était différente. Avec elle le calme installait un royaume paisible et immuable.

« Il fait bon, lança Fri en s'approchant de la balustrade la plus proche.
– Fais attention à ne pas tomber surtout, lui lança Paul en terme de prévention sans dissimuler sa crainte presque paternelle dont il s'étonna lui-même.
– T'en fais pas. J'ai pas envie de me baigner ! »
Il laissa un sourire s'étaler sur son visage et, lui faisant confiance, ferma les yeux l'espace de quelques secondes comme il le faisait à chaque fois qu'il allait dehors. Il se priva ainsi de la vue et profita de cette ambiance à l'aide de ses autres sens.

Le vent caressa doucement sa peau comme une main divine, passant entre ses cheveux fins qu'il faisait voler en arrière. Cette brise porteuse d'embruns rafraichissants le chatouilla, berça son cœur et son esprit avant de s'apaiser l'espace de quelques secondes et de revenir ; éternellement et inlassablement.
L'odeur qui pénétrait ses narines lui était inconnue et ne pouvait être comparé à rien. Elle était la fusion de sentiments diverses et d'un calme confus qui parvenait à témoigner de la force de l'océan sur lequel voguaient les navires. Elle n'avait rien de particulier, ne pouvait en rien égaler la senteur d'une fleur ou la peau d'une femme ; pourtant elle était unique. Et en étant seule au monde elle se mariait parfaitement avec le bruit des vagues contre la coque de bois, le sifflement de la brise et le cri d'oiseaux dans le lointain accompagné du chant d'un marin à deux navires d'ici.
C'était un tableau parfait qui n'avait pas besoin de couleur pour se mouvoir, une peinture sans visage, sans lumière qui pourtant rayonnait d'une beauté universelle, ordonnée et dont personne n'avait ne serait-ce qu'effleuré la perfection.

Cela ne dura qu'une seconde mais permit à Paul de se sentir léger et d'oublier les soucis de son ancienne vie. La mort de Luc dans ce palais lui revenait trop souvent en mémoire. Souvent il se demandait comment il aurait pu faire pour le sauver, l'empêcher de s'engager avec ces gens dans ce mouvement sans lendemain. Il rêvait la nuit de son frère au milieu du hall d'un palais, hurlant contre le roi toute sa haine, tirant à l'aveuglette et ne pensant pas à la minute qui suivait celle qu'il était en train de vivre.
La nuit dernière il s'était vu en rêve, accostant son ami de cœur en plein milieu de la bataille. Il avait vu ce dernier qui se tenait la jambe, blessé et saignant. Les corps jonchaient le sol autour mais lui était debout. Il était vivant et continuait de hurler : « Quand j'aurais coupé la tête de ce tyran alors seulement il se rendra compte qu'il n'est pas un dieu ! »
Et il se précipitait en avant, fusil au poing, et voyait son corps troué par mille balles de plomb.

Mais Luc était resté en arrière dans cette vie qu'il avait quitté, dans ce monde qui n'était marqué que par la haine de l'autre et la souffrance, par la possession et le désir constant de s'élever. Ce n'était pas la vision que Paul avait de la vie ; il la laissait à son défunt frère qui, ancré dans son cœur, l'accompagnait vers cet autre monde.
« Tu pleures ? lui demanda Fri quand elle le rejoignit sur le pont. C'est à cause de lui ?
– Ne t'en fais pas, ma belle, répondit simplement son protecteur en passant une main dans ses cheveux bruns. Ce n'est pas important. Je vais aller mieux et… »

Mais il n'interrompit pas sa phrase. Derrière lui se tenait l'homme qui lui avait adressé la parole un jour auparavant et au même endroit. Le prêtre faisait rouler entre deux de ses doigts crochus le petit cordon qui pendait autour de son cou, son regard semblait transpercer Paul et la fillette qu'il regardait tour à tour ; comme d'habitude. Néanmoins quelque chose chez lui était différent des autres fois, un détail qui frappa Paul.
Il ne souriait pas.

« Vous feriez mieux de rentrer dans vos appartements avant qu'il ne vous arrive malheur, lança-t-il à Paul d'un ton attentionné qui ne lui ressemblait pas. Nous avons à bord quelques prêtres négationnistes. Je sais que vous me pensez fou et trop attaché à ma religion, Léopold. Je me permets de vous dire que vous n'avez rien vu encore. »
Tournant le regard autour de lui pour distinguer ce dont parlait Frollo, Paul découvrit les trois hommes en question. En soutane, arpentant lentement le pont, il brandissait au-dessus d'eux un tison enflammé qu'ils pointaient vers un navire.
« Que veulent-ils ? lança le jeune ingénieur que la peur envahissait.
– Que l'on arme les canons et que l'on coule le navire d'en face, répondit calmement le prêtre. Ils ne tiennent que peu rigueur des sentiments et s'empaleraient la tête de l'un et l'autre sur un pique s'ils le pouvaient. Même moi je ne les tiens pas dans mon cœur.
– Couler le navire ? reprit le jeune homme sans s'occuper du reste des paroles de Frollo tout en serrant la fillette contre lui d'un geste protecteur. »
Le prêtre ne répondit rien et se contenta de faire claquer sa langue avant de tourner le dos à son interlocuteur.

« Vous n'avez rien vu… La nuit est lourde, Léopold Chen. Elle est porteuse de troubles et d'une hérésie grandissante. Arceus nous punit pour ce que nous avons fait. Enfermez-vous et priez, je vous le conseille. »
Et il se mit à marcher d'un pas vif, s'éloignant rapidement et regagnant sa cabine pendant que les trois autres prêtres faisaient claquer une sorte de timbale. Le bruit des grelots résonna dans les oreilles de Paul comme celui d'un boulet de canon. Le jeune homme, repensant aux paroles de Frollo, se tourna alors vers le navire que désignaient la file de négationnistes. C'était celui de Fargas et à son sommet se dessinait un présage plus funeste que ce qu'il n'aurait jamais pensé.
La nouvelle le frappa en plein cœur.