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Entre deux mondes de Xabab



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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 28/07/2014 à 17:10
» Dernière mise à jour le 28/07/2014 à 17:10

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Chapitre 33 : Töko
« Donnez-moi la force d'être un Gorah digne de ce nom, capable de vous ressembler. Je veux faire face aux problèmes avec sagesse et témérité, je veux avoir la même force que celle dont vous êtes capable. Je vous en supplie entendez mes prières. »
Agenouillé devant la tombe du père de Keluyah qui avait été un modèle pour lui le jeune homme demandait de l'aide. La femme dont il était éperdument amoureux avait quitté le village un peu moins de trois heures auparavant. Pour la première fois il se retrouvait face aux responsabilités auxquelles elle était obligée de faire face chaque jour. Il ressentait finalement tout le poids qui pesait sur les épaules de sa reine.

Il était allé se recueillir sur la tombe de l'ancien Gorah dès qu'il la vit quitter le village, saluée par le peuple qui lui vouait une confiance sans nom. La place de guerrier du village était vacante depuis la mort du dernier et Töko espérait la prendre un jour. Mais c'était à la reine d'en décider et elle n'avait pas fait son choix.
Jamais il n'avait remis en doute les décisions de Keluyah avant ce matin, la suivant aveuglément sur le champ de bataille ou dans le moindre de ses projets. Elle était forte, intelligente, belle et autour d'elle semblait rayonner une aura de sagesse indescriptible que personne ne voyait à l'œil nu mais dont chacun avait conscience. Pourtant il sentait qu'elle avait eu tort de suivre cet homme et ce pour la première fois de toutes sa vie.

Il se redressa et quitta lentement la tombe sur laquelle il se recueillait. Il fit un pas en arrière car tourner le dos à un mort était la chose la plus irrespectueuse qu'un Tortarsh pouvait faire. Cela étant il regagna le village.
La foule s'était dispersée dès le départ de la reine. Töko savait qu'elle avait une influence sur son peuple mais ne l'imaginait pas aussi étendue. Mais ce matin des femmes pleuraient en la voyant partir et les laisser seuls, des enfants lui imploraient de rester et des vieillards hochaient la tête en consentant à son départ. Tous portaient en elle tous leurs espoir et lui donnait toute leur confiance. Si elle avait demandé à ces gens de la suivre dans les ténèbres les plus profonds alors ils l'auraient fait ; Töko l'aurait fait. Mais pour le jeune homme c'était différent.

Il était faible face à cette femme, différemment par rapport au reste du village. Depuis quelques temps ce n'était plus seulement de l'admiration qu'il ressentait pour elle mais un amour profond ancré fermement en son cœur.
Les deux jeunes s'étaient rapprochés le soir de leur escapade dans les bois, quand Keluyah avait vu son père mourir sous ses yeux de la main d'un traître. Après cet évènement ils se voyaient chaque jour et il n'était pas rare que la jeune femme demande conseil à son ami avant de prendre une décision pour le village. Sans Mamy et son père pour la guider dans son rôle de reine elle se sentait perdue et le seul arbre auquel s'accrocher se trouvait en la personne du jeune Töko. Et un soir, alors que la pleine lune illuminait le village, elle l'embrassa sur les lèvres et anima en son cœur une foule de sentiments qui s'y terraient depuis des années. Ils firent l'amour sur la rive du fleuve, un rapport bestial pour Keluyah, une union de sentiments pour le garçon.

Il avait appris ensuite qu'elle n'avait eu ce rapport qu'à cause d'une envie et nullement car elle ressentait quelque chose envers lui. Il l'avait appris un soir un an après alors qu'ils étaient nus l'un contre l'autre. Il avait murmuré un « je t'aime » à son oreille et elle l'avait repoussé assez vivement avant d'enfiler ses vêtements et de regagner sa hutte. Le lendemain elle avait avoué avoir eu peur et être désolé, lui disant que les choses n'étaient pas aussi simples qu'il l'espérait. Elle voulait qu'ils se voient encore, peut-être qu'ils puissent un jour célébrer une union devant le village tout entier.
Mais pas pour le moment, ce n'était pas d'actualité.

Le poing du jeune homme se serra alors qu'il traversait le village, passant entre les huttes vides des habitants qui s'occupaient dehors à la chasse ou à la cueillette en vue du festin qui avait lieu ce soir pour la pleine lune. Encore quelque chose dont Keluyah se chargeait seule à chaque fois, une organisation qui pouvait paraître plus compliquée qu'elle ne l'était en apparence.
« Töko, lui lança une femme en passant, il manque du bois pour le feu de ce soir.
– Envoyez des enfants en chercher dans la forêt, lui répondit le jeune homme en souriant. Avec un adulte pour surveiller.
– Il faut plus de viande, lui disait un autre.
– Nous n'avons pas retrouvé les tambours manquants de la dernière fois. Si on n'en a pas assez d'ici ce soir alors la musique ne parviendra jamais à satisfaire les Estras.
– Il faut…
– Nous devons…
– Encore… »
Et cela durant toute la traversée du village avant qu'il ne rentre dans sa hutte et s'assoit à même le sol afin de réfléchir.

L'amour… Était-ce réellement un point faible de sa part qui pouvait l'empêcher de devenir un Gorah comme l'était le père de son amante ? Il savait qu'il était faible en la présence de Keluyah et que la jeune femme pouvait le pousser à agir comme il ne l'aurait pas fait naturellement. Il ne faisait que l'aimer en secret, s'entraînant jour et nuit pour elle, se forgeant un corps d'acier qu'il n'avait jamais eu petit. Il avait toujours été le plus faible des enfants, fragile et incapable de tenir une lance. Il se souvenait encore de la peur qui l'avait envahi lorsqu'il avait demandé à accompagner la reine afin de rencontrer les hommes des montagnes, de sa fierté lorsqu'il avait tué pour la première fois un homme en sauvant sa reine, lorsqu'il avait fui le village ennemi en sa compagnie…
Petit il était fragile mais en la rencontrant il était devenu un homme. De chétif il était devenu fort, de timide il avait gagnait une volonté de fer, de peureux il était résolu… Et tout cela partait d'elle. Il voulait l'impressionner et devenir un homme pour elle.

Son poing frappa contre le sol violemment tandis qu'il pensait à Kunra. Comment cet homme était-il capable en si peu de temps de prendre plus de place que lui dans le cœur de sa belle ? Elle l'aimait, plus qu'elle ne l'avait jamais aimé et cela le rendait fou de rage. Cette jalousie l'étouffait, le rendait malade et l'empêchait de penser à autre chose. Elle l'avait sauvé en bafouant les traditions de son père et de tous ses ancêtres, le pardonnait alors qu'il avait exécuté sous ses yeux l'une des seules personnes qui comptait véritablement pour elle et maintenant elle l'accompagnait sur le sommet de la montagne. En ferait-elle autant pour lui ? Si jamais il était condamné à mort, s'il tuait son père, s'il crachait sur son honneur ; risquerait-elle son statut de reine pour le sauver ?
C'était ainsi qu'il échouerait à gagner la place tant convoitée de Gorah. En s'occupant de ce genre de sentiments, en se focalisant sur l'amour qu'il portait à sa reine, jamais il n'atteindrait le rôle qu'il attendait. Il fallait viser les moyens et non le but. Se débarrasser de ses sentiments pour espérer devenir un homme accompli.

Keluyah devait être impressionnée par ce qu'il était capable de faire, par sa progression. Elle devait l'aimer plus qu'elle n'aimait cette bête sauvage qui avait assassiné son père, elle devait éprouver des sentiments envers lui et le faire Gorah, roi, chef de cette tribu !
La jalousie le dévorait, le prenait par les tripes. Il se leva, tourna autour de son lit pendant un instant en faisant pénétrer ses ongles dans les paumes de sa main sous l'effet de la rage. Puis, envieux de prouver à ce village qui était sous sa tutelle qu'il était capable de le diriger d'une main de maître, il quitta sa hutte afin de tout mettre en œuvre pour la fête de ce soir. Mais, alors qu'il se dirigeait vers la grande place, des cris résonnèrent à quelques mètres.

« Freya ! Freya !
– Elle est absente, répliqua fermement Töko aux deux chasseurs qui courraient dans sa direction sans dissimuler sa colère envers elle. C'est moi qui dirige cet endroit pendant son absence. Il y un problème ?
– Une horde de Stuks, à trois pieds de la forêt. Ils sont nombreux et étrangement en colère. S'ils arrivent jusqu'à nous alors nous sommes morts. »
Une lueur s'alluma dans le regard du jeune homme qui sans penser à la violence dont ces bêtes étaient capables, réfléchit avant tout à la manière d'imposer son respect devant tout le village et de prouver qu'il était digne de devenir Gorah. Cela fait elle ne pourrait jamais lui refuser sa main et encore moins le poste de premier guerrier de la tribu.
« Rassemblez les meilleurs soldats du village, ordonna-t-il. Nous allons défendre nos terres. »