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Entre deux mondes de Xabab



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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 28/07/2014 à 16:05
» Dernière mise à jour le 28/07/2014 à 16:31

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Chapitre 32 : Paul
« Je sais que c'est difficile mais il faut s'entraîner encore un peu. Je suis pratiquement certain que vous en serez capables.
– Merci. »
Elle ne savait pas encore bien parler et se contenta donc de le remercier en ajoutant à cela un grand sourire qui donnait à ce simple mot plus de sincérité qu'une longue phrase. Néanmoins Paul comprit qu'elle avait saisi le sens de ses paroles, tout comme son frère d'ailleurs qui se tenait en retrait pour le moment. Ce dernier écrivait calmement des lignes de lettres sur un bout de papier, sa concentration l'empêchant de se focaliser sur autre chose que la suite de caractères qui se déroulait sous sa main.

Les jumeaux avaient tous les deux leurs qualités.
Fri était plus curieuse que son frère. Elle posait beaucoup de questions à son maître, ce qui la faisait progresser dans la langue. Tout ce qu'elle voyait donnait lieu à une explication de la part de Paul. Elle voulait savoir comme était fabriquée une bougie, la façon dont on avait inventé l'écriture, comme un navire aussi gigantesque pouvait naviguer sur l'eau... Et son professeur, qui ne savait pas tout, s'était chargé de prendre dans sa bibliothèque une pile d'ouvrages qu'il avait fait monter avec lui à bord. Dès qu'il avait un trou de mémoire il se reportait à un traité de navigation, à l'encyclopédie, à des cartes ou des images qui pouvaient permettre à la petite fille de mieux comprendre ses réponses.

Mais sa curiosité ne s'arrêtait pas à un domaine purement scientifique. Le monde moderne était en total opposition avec sa culture et elle cherchait sans cesse à déceler des esprits tout autour d'elle. Paul devait alors sans la brusquer lui expliquer qu'un miroir était purement naturel et qu'aucune force n'entrait en communication avec elle lorsqu'elle regardait à l'intérieur. Il lui apprenait le fonctionnement des marées, du jour et de la nuit, le fait que la terre n'était qu'une immense masse dans un univers encore plus grand autour de laquelle gravitait une lune tout en étant en orbite autour du soleil.
Elle était en admiration devant ces explications que Paul répétait parfois une vingtaine de fois avant qu'elle ne comprenne. La langue lui faisait défaut mais elle la maîtrisait de plus en plus et ce en très peu de temps. Le jeune ingénieur était étonné de voir que les enfants parvenaient à apprendre avec autant d'aisance là où un adulte en serait tout bonnement incapable.

« Tu avances, Draï ? lança Paul au second qui écrivait dans son coin sans s'arrêter. »
Le petit garçon ne répondit pas et se contenta d'un hochement de tête. Monsieur Fur, le petit oiseau qui suivait les enfants partout, piailla comme s'il répondait à sa place avant de prendre son envol et de se poser sur l'épaule de Paul. Il avait adopté à l'image des jumeaux leur nouveau protecteur et semblait l'apprécier tout autant.

Le garçon était différent de sa sœur. Il était tout aussi curieux mais avait le don de se concentrer autrement en se focalisant sur un exercice précis en faisant abstraction de tout ce qui se trouvait autour. Il trouvait dans l'enseignement de Paul une île sur laquelle se réfugier et adorait se lever chaque jour pour en apprendre toujours plus que la veille.
Même s'il ne parlait pas énormément il buvait les paroles de son professeur comme un élixir et s'en imprégnait. Quand ce dernier lui enseignait la façon d'écrire une lettre précise, Draï allait chercher un morceau de papier, une plume et se penchait sur cet exercice durant une heure sans penser à autre chose. Quand il fallait observer une carte afin d'apprendre les directions, toutes les mers ainsi que les continents, il restait à fixer l'image pendant des dizaines de minutes au point de l'apprendre par cœur. Pour ce qui était de la langue, même s'il ne le montrait pas, il la maîtrisait tout autant que sa jumelle et pouvait comprendre aisément ce que leur disait le jeune ingénieur lorsqu'il s'adressait à eux.

Paul avait noué un lien fort avec les deux enfants, une relation qui allait au-delà de celle d'un maître envers ses élèves. Éloignés de leurs familles depuis des mois et seulement âgés de six ans, les jumeaux voyaient en leur protecteur le père qu'il n'avait jamais connu au village. Leur mère avait été la seule à les élever durant les premières années de leur vie et Paul prenait dès lors la relève.
« Tu nous aimes ? avait un soir demandé Fri en attirant le regard de son frère qui interrogea Paul de la même manière.
– Oui, avait simplement répondu ce dernier. Je vous aime énormément. »

Paul avait été séparé de ses parents et de Luc, les seules personnes qui avaient un jour comptés pour lui. Les premiers étaient morts en partie par sa faute et le second s'était perdu. Il avait livré son corps à une révolution sans lendemain, s'était lié d'amitié à des gens qui n'avait fait que le conduire à sa perte et avait fini dans le sang au milieu du palais du roi. Fargas était son dernier proche mais était plus un modèle qu'autre chose, comme un père spirituel.
Ces enfants en revanche étaient devenus en quelques semaines sa nouvelle raison de vivre avec la conception d'une nouvelle PokeBall. Ils s'intéressaient à tout ce qu'il pouvait dire, jouaient avec Mygavolt et aimaient l'entendre raconter des histoires avant de s'endormir.

« Je vais prendre l'air sur le pont, leur annonça-t-il alors que Draï poursuivait ses lignes et que Fri se lançait dans un jeu de chasse avec Fur qu'elle poursuivait en riant dans toute la cabine. Soyez sage.
– T'en fais pas, Paul, lui répondit la fillette en s'arrêtant le temps de cette phrase. On ne causera pas de souci. »
Il lui adressa un sourire puis quitta la pièce sans rien ajouter. Les leçons d'écriture lui avaient donné chaud et il avait envie de faire face à l'océan le temps de quelques minutes afin de prendre l'air. Soucieux de la sécurité des enfants, et sachant pertinemment que certains marins à bord pouvaient leur vouloir du mal, il glissa la clé dans la serrure et ferma la cabine. Cela fait il se dirigea vers le pont supérieur.

Il ne vit personne à part un mousse en train de laver le pont, tout le monde étant partit se coucher à une heure pareille, et s'adossa à la balustrade. Il ferma les yeux, laissa les embruns lui fouetter le visage et respira un grand coup. Un sentiment de liberté pénétra en sa poitrine et il se sentit soudainement plus léger qu'une plume. La mer était un remède au moindre mal. Si les malades venaient en mer après avoir commencé à souffrir, Paul était certain que cela aurait plus d'effets positifs que de les envoyer se faire saigner chez un médecin qui ne ferait que les guider vers une mort certaine et lente.
Pendant un instant il ne pensa à rien, se libéra de toute pensée négative et laissa vagabonder son esprit. Il se demanda à quoi pouvait ressembler le nouveau monde, dressant dans sa tête l'image de grandes plaines et de forêt tropicales dont les enfants lui avaient parlés. Il s'évada et ne pensa à rien d'autre.

« Léopold Chen ? »
La voix aigüe qui venait de résonner à ces oreilles brisa soudainement ce sentiment de liberté à l'image d'un couteau qui aurait tranché la corde retenant des troncs d'arbres au sommet d'une colline. Ses pensées dégringolèrent le long de la pente et s'évanouirent. Il rouvrit les yeux et se tourna pour se retrouver face à l'homme qu'il craignait de rencontrer depuis deux jours qu'il se trouvait en mer.
Frollo se dressait devant lui.

« Paul, lança-t-il avec une pointe d'hésitation dans la voix. Je n'aime pas le prénom que m'ont donné mes parents et tout le monde m'appelle Paul.
– Très bien, reprit le prêtre qui se contenta de joindre ses mains dans son dos comme il le faisait habituellement. Va pour Paul. Je dois vous dire que j'avais hâte de faire votre connaissance et que je n'osais pas vous aborder en public de peur que vous ne le preniez mal au vue de votre renommée. »
Il laissa un silence s'installer entre eux, pesant, et adressa un regard au jeune homme. Attendait-il de voir le compliment lui être retourné ? Après tout lui aussi disposait d'une renommée plus que certaine auprès de la foule. Néanmoins Paul n'ajouta rien, ne pensant pas un mot de toutes les formules de politesse qui lui vinrent en tête.

« Bien, poursuivit Frollo en faisant claquer sa langue. J'ai entendu dire que vous aviez pris en charge l'éducation des deux truchements...
– Draï et Fri, le corrigea Paul qui n'acceptait pas que ses protégés soient traités ainsi de la part de cet homme.
– Quels noms barbares, répliqua le prêtre. Quoi qu'il en soit je voudrais savoir s'ils ont été mis au courant d'une éducation religieuse. Il faut qu'Arceus soit présent avec eux pour qu'ils soient pardonnés et puissent possiblement accéder au paradis. Ils sont encore jeunes et innocents, la miséricorde leur sera accordée.
– Je me charge de toute l'éducation, mentit Paul qui n'avait pas une seule fois abordé le thème de la croyance. Que ce soit religieuse, scientifique, sociale... Il n'y a pas de souci à se faire sur le sujet. »

Frollo le dévisagea un instant et tenta de trouver une faille dans le naturel dont faisait preuve le jeune ingénieur. Ce dernier tentait de garder son calme et de parler normalement avec aisance mais il sentait que le prêtre parvenait à lire au-delà de ses mots. Son cœur battait à tout rompre en pensant qu'il percevait un mensonge dans le ton de sa voix et il se demanda de quoi était capable un homme qui exécutait des innocents en place publique envers lui.
Le vieil homme l'observa un instant avant de se détourner et de quitter le pont en ne lançant qu'une seule phrase par-dessus son épaule : « Parfait, Léopold, parfait ; veillez à respecter vos engagements. »
Et il laissa seul le jeune homme qui le cœur battant attendit quelques minutes avant de gagner sa cabine où il s'enferma à double tours.