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Entre deux mondes de Xabab



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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 28/07/2014 à 14:17
» Dernière mise à jour le 28/07/2014 à 14:48

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Chapitre 30 : Keluyah
« Tu ne peux pas aller avec cet homme, je te l'interdis !
– Et en quoi tu es en droit de m'interdire de faire quoi que ce soit ? Nous ne sommes pas mariés et je suis ta reine ! »

Elle se rappelait du regard triste de Töko lorsqu'elle lui avait dit qu'elle partait avec Kunra dans les montagnes et que ce n'était pas négociable. Le jeune homme avait d'abord crié, lui disant que ce n'était pas possible mais la reine avait immédiatement répliquée. Ce n'était absolument pas dans ses habitudes de recevoir des ordres de quelqu'un et elle n'appréciait pas cela du tout. Tandis qu'elle gravissait le sentier de pierres tranchantes comme des lames qui conduisait au bassin des Gurdhs lui revint en mémoire la discussion qu'elle avait eu avec le jeune homme.

« Je suis désolé... »
Il avait baissé les yeux et regardé un moment le sol sans rien dire, n'osant pas remonter vers sa reine dont les pupilles s'emplissaient de colère. Pourtant dans les siennes s'infiltrait la déception et la crainte, des sentiments tout aussi forts qui témoignaient de l'amour qu'il portait à la jeune femme. Mais cette dernière ne les voyait pas. Le seul homme qui obstruait la moindre de ses pensées était Kunra.
« Je suis désolé, reprit Töko sans pour autant oser remonter le regard, mais cet homme a tué ton père et fuit le village. Il a souillé des rites de traditions anciens que personne avant lui n'avait osé renier ! Il doit être punit et non considéré comme notre allié !
– Avons-nous le choix ? »

Elle était restée sereine malgré sa colère et alors qu'elle suivait les pas du chef de la tribu voisine elle était tout autant dans cet état d'esprit. Elle n'avait pas permis à Töko de l'accompagner, lui demandant de veiller sur le village à sa place pendant son absence. Il fallait un homme de cette tempe pour la remplacer dans cette tâche, seul lui en était capable. De plus elle ne voulait pas qu'il s'énerve en voyant Kunra.
Pendant un instant elle releva les yeux du chemin pierreux et observa le guerrier qui la guidait vers le sommet de la montagne. Chacun des muscles de son corps semblait se déployer dès qu'il faisait un pas et une force presque animal ressortait du moindre de ses mouvements, une certaine bestialité qui attirait inexorablement la jeune femme.

« Les Gurdhs vivent plus haut, lui expliqua-t-il afin de briser le silence de l'escalade. Ils se sont établis lors de la saison dernière dans une vallée des plus paisibles afin de pouvoir en descendre par la rivière la plus proche dès l'annonce des beaux jours.
– Cela ne risque pas d'être dangereux de les pousser à migrer avant l'heure ? demanda Keluyah en reprenant son souffle.
– Tant que le processus de transformation n'opère pas avant qu'ils n'atteignent la rivière il n'y a aucun danger. Dans le cas contraire il faudra courir ; vite. Mais nous n'avons pas le choix. Ce sont les seules créatures capables de bloquer l'arrivée de navires venus de l'autre monde. »

La jeune femme n'avait jamais vu de près l'une de ces créatures. Parfois au printemps il arrivait d'en apercevoir au large, hurlant au creux de tempêtes ou agitant simplement l'océan alors qu'il baignait dans le calme. C'étaient des monstres gigantesques dont la gueule pouvait sans souci déraciner un arbre. Leur puissance pouvait se lire dans leur silhouette et aucun homme n'avait eu l'idée d'en chasser un sans être traité de fou et retenu au village avant qu'il ne se fasse tuer.
Pourtant les plus grands guerriers rêvaient tous de tuer l'une de ces bêtes et d'en ramener la tête au village. Ce serait évidemment une consécration pour celui qui y parviendrait et son nom en serait récompensé en étant à jamais gravé dans l'Histoire.
Mais personne n'y était parvenu.

Elle secoua la tête et évita de penser plus longtemps à ces créatures, cela ne faisait que la stresser en vue de sa rencontre prochaine avec elles. Si Kunra pensait que cela pouvait fonctionner alors elle devait lui faire confiance ; c'était leur seul moyen pour arrêter la progression des hommes de l'autre monde et empêcher qu'ils enlèvent de nouveau des enfants.
« Ils vont revenir bientôt, avait-elle dit à Töko pendant que ce dernier tentait de l'empêcher de prendre la route de la montagne. Ils nous l'ont dit quand ils étaient au village, nous expliquant que de plus en plus de bateaux viendraient s'échouer sur nos côtes.
– On ne peut pas être sûr de cela, personne ne comprenait leur langue.
– Leurs gestes étaient clairs. Il n'y a pas à hésiter là-dessus ; nous sommes en danger. Il est hors de question que d'autres aient à subir le sort de Draï et Fri. »

Le sort des enfants l'empêchait de dormir chaque nuit depuis leur enlèvement. Les retrouver lui était impossible et elle s'en mordait les doigts. Si au moins elle pouvait empêcher ces hommes de perpétuer leurs crimes en remettant les pieds sur cette terre alors elle le ferait.
« D'accord, avait dit Töko. Acceptons le fait que ces Gurdhs permettent de les empêcher. Est-ce vraiment obligatoire que tu fasses alliance avec cet homme pour les réveiller ? Dois-je encore te rappeler ce qu'il a fait à ton père et à ton peuple ?
– Tu l'as déjà fait tout à l'heure.
– Et toi tu n'as pas l'air de comprendre que nos traditions sont sacrées et que les Estras ne sont sans doute aucunement d'accord pour que tu accompagnes un paria qui a fui le village la nuit de son...
– C'est moi qui aie libéré Kunra cette nuit-là. Il n'a pas pris la fuite. »

Une larme pointa dans le coin de son œil alors qu'elle se rappelait le tournant qu'avait pris la conversation avec l'homme dont elle se pensait amoureuse. Elle avait fini par avouer son crime pour la première fois de sa vie ; des paroles qu'elle regretta presque immédiatement après les avoir prononcées.
Töko prit soudain un air grave et osa remonter le regard sur elle. Ses yeux s'emplirent de colère et d dégoût. Il tenait aux traditions et vénérait Keluyah car elle les respectait et faisait tout pour que son peuple en fasse de même. Savoir qu'elle les avait bafouées dans sa jeunesse le rendait malade.
Il se détourna d'elle, se dirigea vers la sortie dont il tira le rideau et alla s'enfermer dans sa hutte sans lui adresser un mot. Elle ne le revit pas avant de partir et s'en désola.

Alors qu'elle gravissait cette montagne elle se demandait ce que le jeune homme était en train de penser. Elle ne doutait pas à ce qu'il garde son secret pour lui mais ce qui l'inquiétait était l'image qu'il pouvait désormais avoir d'elle. L'amour qu'elle semblait éprouver pour lui n'était pas rien et elle ne voulait pas le gâcher simplement pour avoir remonté le passé.
Mais l'avenir du village était plus important et ce fut ce qu'elle se murmura pour se remonter le moral. Elle redressa le menton, fièrement et fit face au dos de Kunra qui arrivait en haut de la pente.

Elle rejoignit l'homme qui tenta de lui tendre une main secourable pour l'aider à gravir le peu qui la séparait du sommet. La jeune femme ne la prit pas, éprouvant comme un sentiment de trahison à l'égard de celui qui était resté au village pour la remplacer. Tentant de ne pas regarder le chef de la tribu voisine dans les yeux elle atteignit le sommet et se tourna immédiatement en direction de la plaine.
Jamais elle ne s'était autant éloignée du village et le sentiment de liberté qui s'engouffra dans son cœur alors même que ses poumons s'emplissaient d'un air pur fut indescriptible.

Tout était devenu minuscule.
Elle ne pouvait pas voir la silhouette de Turkya qu'elle avait laissé en bas de la montagne mais encore moins celle des petites pokemons qui gambadaient sans cesse dans les herbes folles de la plaine, une étendue sauvage qui de cette hauteur ressemblait à un simple jardin. Une myriade d'oiseaux venait chatouiller le ciel près de leurs yeux et ce furent les seules créatures pouvant être distinguées de cette altitude. Plus loin s'étendait la forêt coupée en deux par un fleuve qui n'était qu'une fine ligne bleue tracée au pinceau sur un tableau verdoyant. Les deux villages se distinguaient comme deux points de couleur sur cette même toile, faisant aux bois comme des yeux symétriques qui leur permettaient d'observer le ciel. Et encore plus loin l'océan qui n'avait aucunement perdu de sa splendeur et restait aussi infini que si on l'observait du rivage. Un bleu sans limite, des vagues qui ne cessaient jamais de s'étendre et un royaume pour toutes créatures marines. Un lieu de danger d'où venait le danger.

Elle ne prononça pas un mot pendant cette admiration, se contentant de s'imprégner d'une telle beauté. Pendant un instant elle se sentit puissante, au-dessus des hommes ; une déesse. Plus rien ne pouvait l'atteindre du haut de son perchoir. Aucune flèche ne pouvait percer son cœur, pas une armée ne pouvait gravir la montagne à son tour avant qu'elle ne prenne la fuite et même le tonnerre n'aurait de prise sur elle s'il se mettait à gronder.
Mais alors que la puissance l'enivrait Kunra la ramena à la raison. « Je suis désolé ma reine ; il est temps de partir. Les Gurdhs doivent rejoindre la mer avant le coucher du soleil. »
Elle hocha la tête et sans un mot, sans un regard, elle prit les devants de l'expédition et avança au creux de la vallée menant au bassin de ceux qui devaient devenir les protecteurs de ce monde en péril.