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Ton pokemon n'est pas une épée [OS] de Srithanio



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Informations

» Auteur : Srithanio - Voir le profil
» Créé le 27/07/2014 à 20:00
» Dernière mise à jour le 27/07/2014 à 20:00

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Ton pokemon n'est pas une épée
Le ciel est noir. La nuit chaude. L'air sent la mort, la pourriture et la sueur. Son sang bouillonne.

Il se laisse tomber lourdement sur un genou alors que s'abat son adversaire. Le combat est fini. Personne n'a gagné, tous deux ont perdu. L'autre n'a fait que le précéder de quelques secondes dans la chute. Son casque l'oblige à laisser sa tête pendre en avant. Trop lourd. Il ne devrait pas, le champ de bataille est autour de lui. Les cris des rhinocornes de guerre et les hurlements des querriers résonnent sous son crâne, trop fort pour qu'il puisse entendre ses propres grognement d'agonie. L'armure est lourde, tellement lourde, il s'y sent enfermé. Il voudrait sentir encore une fois l'air tiède et humide de la mer frôler sa peau, sécher sa sueur. Un filet de vent qui lui rabattrait sa tignasse dans les yeux, lui cachant un instant le sol souillé et le pied tressautant de son adversaire qui convulse.

Sa mère aimait le vent. Elle est morte quand il était petit mais il s'en souvient. Sa robe volait comme un drapeau, ses cheveux comme une oriflamme. Et lui aussi volait, volait comme elle le faisait tourner, volait en criant tant de frayeur que de bonheur, volait au creux de ses bras chauds. Et puis elle s'est envolée. Et lui a volé l'épée. Il y a tellement longtemps qu'il l'a volée...

Il tousse quelque chose d'humide. Du sang. Chaud, qui lui dégouline le long du menton en vaste ruisseau et s'accumule plus bas. Le dernier coup l'a frappé au défaut de l'armure et l'a transpercé. Il va mourir, mais il aura tué avant. L'autre ne bouge plus. Ne se relévera que lorsque les trompettes d'Arceus résonneront et que la fin de ce monde sera venue, à ce qu'il parait. Peu importe. Pour lui, le monde finit aujourd'hui.

Deux genoux à terre. Il tente de se relever mais la cuirasse le cloue au sol. Une de ses mains est restée crispée sur la garde de son épée, lame en terre. L'habitude. Monorpale est couverte de sang mais pleine de vigueur. Toujours cette soif de sang, cette maudite soif qui lui a pris sa mère et tant d'autres. Elle attend qu'il se relève et l'abreuve, mais il n'en a plus la force.

Il desserre sa poigne, laisse le pokemon libre de toute entrave. Son cordon bleu se déroule de lui même de son poignet, paresseusement. Mais la lame reste là.

"Va-t-en" essaie-t-il de dire mais la phrase se perd dans le fracas du combat.

Monorpale le regarde de ses yeux fixes, comme toujours. L'épée maudite, celle qui apporte la mort et absorbe les âmes. Sa fidèle compagne, celle qui l'a protégée tant d'années. Elle ne lui sera d'aucune utilité là où il va pourtant. Elle devrait vivre encore tant qu'elle le peut. Partir. Mais pas comme lui.

Il aimerait croire en un Paradis où se reposer mais il a vu trop d'hommes périr, sur le champ de bataille comme ailleurs, pour y croire encore. La mort n'est pas belle, juste ou même miséricordieuse. La mort c'est la disparition de ce qu'on est, le passage d'un vivant à un corps sans vie, le plus souvent dans la douleur et la peur. Une épée n'a pas de vie. N'aime pas. Ne souffre pas. Ne crache pas son sang. Une épée ne meurt pas. A part peut-être quand son maitre meurt ? Il croit entendre une dernière fois la voix de son mentor malgré les bruits de galop des ponytas. "Ton pokemon n'est pas une épée..."

"L'arme c'est moi" chuchote-t-il en réponse. Il sait qu'il parle parce qu'il sent ses lèvres gercées craquer, mais il ne s'entend plus. "L'épée c'est moi..." Il n'arrive pas à achever, sa gorge gargouille, le sang l'étouffe et il lutte pour arriver à vivre encore quelques secondes. Il a chaud et froid, sa main libre agrippe sa gorge en vain.

Quelque chose le pousse au ventre, l'écrase. Un caillot de sang est craché et il hurle lorsque son coude gauche se retrouve broyé dans l'armure, sa main gauche essayant par réflexe de saisir Monorpale au fourreau. Il est face au ciel, le vsage de son adversaire lui cachant les nuages noirs qui ont avalé les étoiles. Sa figure n'est qu'un tas d'ombre ricanant, un crâne éclairé par les flammèches des ponytas. Sa masse apparait un court instant dans son champ de vision puis s'abat vers lui. Il va mourir broyé, impuissant, sans même avoir pu se défendre. Il ne veut pas. Pas comme ça. Son épée... mais Monorpale est libre désormais. Il n'a plus d'épée, il n'est plus d'épée, plus rien.

La masse s'abat à coté de sa tête. L'autre ouvre la bouche comme pour hurler quelque chose, mais c'est une lame qui en jallit. Ses genoux le lâchent et un court instant, il reste suspendu dans le vide par cette langue-épée qui jaillit de sa bouche avant qu'elle ne disparaisse.

Le corps s'effondre. Sur lui.

Monorpale est debout. Sa lame est terne. Plus d'acier, du sang. Le lacet bleu vole.

Son épée ?!

Il voudrait l'attraper. La reprendre. Elle recule. Il ne peut plus bouger. Enfermé dans son sarcophage de plomb acier sang. Reviens. L'épée ne meurt pas, il est l'épée. Mais il se sent mourir. Elle ne peut pas partir. Pas tant qu'il aura un souffle de vie. Pas tant qu'il ne sera pas l'épée.

Il arrête de lutter. Juste un poids. Elle se rapproche, revient. Il comprend. Il a été son maitre dans la vie elle sera son amante dans la mort. Il sourit. Son lacet vole, comme des cheveux au vent. Ses yeux se remplissent de vie alors que lui s'en vide.

Coup de grâce. L'ultime pour elle comme pour lui.

Le maitre est l'épée, l'épée est le maitre.

Et Dimocles est les deux.