Chapitre 5 - Bienvenue à Veritas
Que pouvait-il bien faire ? Une escouade l'avait encerclé, certains pointaient des armes dans sa direction, d'autres se préparaient à appeler leurs Pokémons. Ce n'était qu'un foutu gamin, ne le comprenaient-ils donc pas ? Ludivia n'avait même pas l'air de le considérer comme un être humain. Pour elle, il n'était qu'un jouet. La façon dont était mort ce médecin ne l'intéressait pas plus que ça, cela représentait simplement un prétexte pour se défouler sur le meurtrier, qui commençait d'ailleurs à reprendre ses esprits. Son expression changea, devint triste et déboussolée. Il regardait tous ces soldats autour de lui qui le considéraient comme une menace. Ses yeux se remplirent de larmes et il explosa en sanglot. Ni une ni deux, Ludivia saisit l'occasion. Un grand pas vers lui, pied d'appuis en position, son corps se cambra vers l'arrière et sa jambe vint s'enfoncer dans l'abdomen du garçon avant même qu'il ne le réalise. La faible portion de nourriture qu'il avait eu le droit de consommer ce matin-là fut projetée sur le sol. Il tomba à genou, crispé par la douleur et incapable de gonfler ses poumons.
« Chopez-le. Dit-elle froidement.
- Le premier qui le touche se retrouve en cellule d'isolement pour les 2 prochains mois. »
Le général fit irruption sur la scène. L'expression grave, mains croisées dans le dos et posture intimidante. Il semblait contrarié. Tous les soldats s'écartaient du passage et se mettant au garde-à-vous. Il marchait doucement vers son protégé. Sa démarche lente et lourde exprimait sa colère sans qu'il n'ait besoin de bouger les lèvres. Seule Ludivia n'avait pas l'air de s'en préoccuper.
« Ah, vous êtes là. J'ai la situation sous contrô-
- Que tout le monde dégage, l'agent Ludivia et moi-même avons à discuter. Seul à seul. » Railla-t-il en la fixa sévèrement.
Il ne s'était jamais adressé à ses troupes sur ce ton là. Pour la première fois, elle baissa les yeux devant lui. Il ramassa l'enfant, qui n'avait pas bougé d'un pouce et reprenait difficilement sa respiration, pour l'allonger sur un lit d'examen. Soupir.
« Je t'ai demandé de le surveiller parce que j'avais confiance en toi. »
Elle ne su que répondre. Un sentiment de honte monta en elle.
« Tu n'as pas à être jalouse.
- Qu- QUOI ?! Je suis pas jalouse !
- Quand je t'ai trouvé tu es vite devenu ma favorite. Tu es bien meilleure que tous ces incapables. Aurais-tu peur que cet enfant prenne ta place ?
- Mais non ! Hein ? Attendez, vous comptez le garder ici ?!
- Tu as vu comme moi ce dont il est capable. Ici il apprendra à s'en servir, il deviendra ton partenaire, et vous deux nous mènerez à notre gloire ! Tu es mon meilleur agent Ludivia. Meilleure même que je ne l'étais à mon apogée. C'est toi qui le formeras. »
En voyant la conviction dans les yeux du Général, elle ne put refuser et se contenta d'acquiescer. Cette responsabilité ne lui plaisait pas tellement – comme aucune autre, précisons-le – mais après tout, pourquoi pas. Cette mission la changerait de ses habitudes plutôt...violentes.
« Chef, permission de poser une condition ?
- Accordée.
- Mes règles, mes méthodes. Chef.
- Comme tu voudras. »
C'est ainsi que Ludivia commença sa formation. Les premiers jours furent plus que compliqués car il refusait d'obéir. Ce qui était légitime après-tout, pourquoi devrait-il se soumettre aux règles d'un monde auquel il n'appartenait même pas ? Il voulait simplement partir, peu importe où, du moment que c'était loin de cet absurde prison et de ses tyrans qui se faisaient passer pour ses sauveurs. Seulement, son formateur avait une réponse très simple qui ne lui plaisait pas : Pourquoi ? Parce que sans Veritas, il serait mort. Et elle avait carte blanche pour l'éduquer comme elle l'entendait. Il finit par se résigner au bout de quelques semaines de torture et accepter son sort. Enfin, torture, c'est relatif. D'après Ludivia il s'agissait d'un renforcement physique très basique à coup de tractions, pompes, courses d'obstacle et autres joyeuseries dont elle raffolait. Mais de son point de vue, c'était un épuisement constant. Du matin au soir, parfois sans pause ni repas, sans eau. « C'est pour te préparer aux pires situations, morveux » qu'elle disait. Sa pédagogie était loin d'être idéal, mais on ne pouvait nier que cela fonctionnait. Petit à petit il prenait le rythme, suivait la cadence et se révélait même plutôt doué.
« Tu progresses morveux. Tu réussis le même programme que les agents de 2nd classe. Pas mal.
- Arrête de m'appeler comme ça. C'est quand que j'ai le droit d'avoir mon pokémon ?
- Tu rêves morveux, c'est mille ans trop tôt pour toi. Tant que tu contrôles pas ton... truc là, c'est même pas la peine d'y penser.
- Et si je te prouve que je le contrôle, là maintenant, en duel ?
- Tss ! »
Sans un mot de plus elle se plaça en face de lui, sourire aux lèvres. La salle dans laquelle ils passaient leur temps était assez grande pour y accueillir des tatamis. Ils servaient à l'entrainement aux arts martiaux mais aussi de zone de duel. Très souvent, plutôt que de se battre de façon anarchique, les soldats en conflit montaient sur le tatami pour régler ce différent en imposant une ligne de conduite à respecter. Le duel ne pouvait opposer que deux soldats de grades différents et était surveillé par un arbitre neutre. Si le moins gradé perdait, il devenait le larbin personnel de son adversaire. En revanche si remportait le duel, il serait promu au même grade que le vaincu et bénéficierait de ses privilèges, donc voici un extrait :
[Un soldat de 1ère Classe dispose d'un accès illimité à tous les quartiers de la base. Il est autorisé à posséder six pokéballs et les pokémons ne seront pas réglementés. Il a le droit de manger deux desserts pendant ses jours de repos.]
[Un soldat de 2nd Classe dispose d'un accès limité à la base. Il n'a accès aux étages supérieurs que sous ordre d'un 1er classe ou supérieur. Il est autorisé à posséder trois pokéballs et les pokémons de rang A et B lui sont interdits.]
[Un soldat de 3ème Classe n'a accès qu'aux étages inférieurs de la base quelque soit la situation. Il n'est autorisé à posséder qu'un pokémon de rang inférieur à B. Les soldats de 3ème classe agissent obligatoirement en binômes. Ils n'ont pas le droit de manger de dessert sauf dans le cas où un 1ère classe leur ordonne de manger les restes du sien.]
Mais entre Ludivia et lui, rien de tout cela ne s'appliquait. Certes elle était une 1ère Classe mais lui n'avait aucun grade, ce qui apparentait ce défi plus à un règlement de compte qu'à un duel.
« Si t'arrives à me toucher au visage, j'arrête de t'appeler morveux.
- Si je te met au tapis, j'ai mon pokémon ?
- Tss, essayes seulement ! »
Dans l'élan de sa phrase elle lança sa jambe en avant de la même façon que la première fois qu'ils s'étaient battus. A force de s'entrainer avec elle, il avait à peu près compris sa façon malicieuse de se battre et fut capable d'éviter maladroitement le coup. Il riposta aussi sec en balançant de toutes ses forces son poing droit au niveau de son visage, alors qu'elle reposait à peine le pied au sol. Mais c'est lui qui fut projeté en arrière. Il tomba sur les fesses, plus étonné que blessé. Sa lèvre était fendue et il n'avait rien vu venir.
« Tu croyais que ce serait si facile morveux ? Haha ! »
Il se releva et se monta sa garde. Il était évident qu'il n'avait aucune expérience en combat. Ses mouvements étaient saccadés, maladroits, et il perdait bien trop facilement son calme. Il répondait à la moindre provocation et se jetait sous les coups de sa formatrice, qui s'amusait bien de le faire valser dans tous les sens. Mais quelque chose n'était pas normal. Le nombre de coups pourfendeurs qu'il venait de subir aurait du le mettre K.O depuis un moment, d'autant plus que l'entrainement l'avait épuisé. Mais il se relevait encore et encore, de plus en plus sérieux. Ses mouvements s'amélioraient rapidement : il s'habituait doucement au timing de ses coups, les esquivait et menait des ripostes de plus en plus précises. Quand Ludivia aperçut le sourire sur le visage de son apprenti, elle changea d'attitude et devint tout-à-coup plus vigilante : son « pouvoir » se manifestait. Restait à savoir si c'était volontaire ou non, mais le moindre faux mouvements pouvait lui couter la vie, comme ce pauvre médecin.
Les coups fusaient dans tous les sens sans qu'aucun ne fasse mouche. Droite gauche esquive uppercut. Les enchainements étaient des plus en plus fluide chez l'apprenti. Ses yeux dorés commençaient à briller et son adversaire prit du recul.
« T'es là morveux ? T'es réveillé ou t'as perdu le contrôle ?
- J'M'EN FOU BATS TOI ! » cria-t-il en se ruant sur elle sans réfléchir.
Ses gestes devenaient dangereux. Les coups partaient dans tous les sens, son rythme était si élevé qu'elle ne pouvait placer aucun contre... « bam » A force de se protéger, Ludivia se retrouvait acculée contre le mur, bien en dehors des limites du tatami. Elle eut à peine le temps de comprendre ce qu'il se passait que la vision du poing de son adversaire apparaissait devant ses yeux, glissant dans l'air et se dirigeant droit vers son visage. Quelle expression effrayante... Ses yeux or pétillaient plus forts encore, mêlant à la fois haine, plaisir et sadisme. Ce coup était vraiment dangereux. Au dernier moment, Ludivia décala sa tête. Pur réflexe, très certainement dû à l'adrénaline, car à une telle vitesse il était impossible de réagir consciemment. Le poing s'écrasa sur le mur. « Crac » Était-ce la main qui venait de se briser ou bien le mur ? Elle fixa la zone de l'impact : fissurée. L'onde de choc s'était propagée jusqu'aux vitres qui avaient explosé. Incroyable. Ludivia n'en revenait pas. Elle se dégagea sans tarder pour ne pas risquer un deuxième coup de ce genre mais compris vite que le duel était terminé en voyant l'état de la main du garçon : broyée. Les doigts formaient des S et le poignet pendait. Son expression avait à nouveau changé, il avait repris ses esprits :
« Ludivia ? Qu'est ce qu'il s'est passé ? demanda-t-il, déboussolé.
- Tu..T'as... Enfin t'es... Bégaya-t-elle, ne sachant même plus quoi dire
- Quoi ?!
- Mais t'es quoi putain ?! »
Soudain, quelqu'un applaudit dans la salle.
« Magnifique, magnifique ! clamait le Général.
- Enfin qu'est ce qu'il s'est passé ?!
- Jeune homme, tu viens de dépasser toutes mes espérances. J'ai de grands projets pour Ludivia et toi.
- Mais de quoi vous parlez... ?! »
Le Général s'approcha, enthousiaste, l'air plus vivant que jamais. Il posa sa main sur l'épaule du garçon et le fixa un moment avec fierté.
« Je pense que maintenant tu mérites que l'on t'appelles par un nom plus... Éloquent.
- Hein ?
- Jeune homme, as-tu déjà entendu parler de la prophétie du Pokémon Créateur ?
- Oui Général.
- Et connais-tu, par hasard, le terme qui désigne « Trinité » dans l'ancienne langue ? »
Il réfléchit un moment. Étrangement la réponse lui vint d'elle-même. Comme s'il l'avait toujours su au fond de lui.
« Oui Général, c'est Daevos.
- Exactement. Soyez le bienvenue à Veritas, Agent 1ère Classe Daevos. »