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Entre deux mondes de Xabab



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Informations

» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 21/07/2014 à 02:16
» Dernière mise à jour le 21/07/2014 à 02:16

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Chapitre 28 : Kunra
Elle était enfin avec lui, à ses côtés.
Le poing du chef se serra et il sentit ses ongles pénétrer dans la paume de sa main. Une douleur à l'ivresse indescriptible car il ne la sentait pas. Il lui semblait cette nuit que plus rien n'avait de saveur, qu'aucun être naturel n'était en mesure de le toucher après qu'il eut frôlé la déesse de sa pensée.

Keluyah…
Ce nom résonnait dans sa tête comme c'était le cas depuis six longues années en son absence. Quand il était tombé sous le charme de celle qu'il considérait comme l'incarnation du divin il n'était qu'un homme naïf, inconscient des beautés que renfermait ce monde. Et elle n'était pas plus qu'une enfant, chétive et innocente.
Néanmoins il se rappellerait éternellement de la nuit face aux Estras. Son silence pendant que la future reine priait, sa monture à ses côtés tandis que le vent venait doucement bercer leurs sens. Il revoyait encore en rêve la lumière qui avait enveloppée le compagnon de la fillette avant de le transformer. C'était un phénomène récurrent dans la nature, un principe d'évolution que personne n'expliquait mais que l'on acceptait comme réel. Mais le fait est qu'il se passa en ce lieu précis, sans raison valable et sous ses yeux.

Il n'en avait jamais voulu à sa reine pour les années passées à souffrir sur l'autre rive du lac. Á de nombreuses reprises il avait voulu fuir de cette forêt, marcher jusqu'aux montagnes afin de se créer un refuge loin des Tortarshs. Il aurait ainsi de nouveau trouvé un clan, une famille et des gens sur qui comptait.
Mais le guerrier n'avait jamais pu se résoudre à s'éloigner de la jeune femme qu'il avait revue plus tôt dans la journée. Elle possédait quelque chose qui l'attirait inexorablement depuis cette nuit maudite sur la montagne.

Il essuya d'une main les gouttes de sueur qui perlaient sur son front et repoussa les corps des deux femmes nues endormie dans sa couche. Encore une fois il avait donné son corps à certaines des membres du clan, des filles fraîches qui n'attendait que de devenir la femme du chef de ce village ; une place qu'il ne parviendrait jamais à leur accorder.
D'un regard il jugea celle à sa gauche, parvenant à voir dans le noir suite à de longues années passées à errer seul dans les bois. Il vit d'abord ses longs cheveux d'un noir de jais descendre dans un dos parfaitement sculpté, ses fesses bombées et ses jambes fines. Une créature parfaite en enchanteresse, aussi bien sur le plan physique que moral. Elle était sa favorite parmi toutes les jeunes du village et pourtant il ne se voyait pas l'épouser.

Il n'avait jamais ressenti de désir aussi puissant que celui qu'il avait éprouvé envers Keluyah, une fillette qu'il avait aimée plus qu'il ne lui était permit. Elle était une déesse, une exception, sa reine. La seule personne capable de lui faire plier le genou, de lui faire devenir un simple garde du corps en reniant son autorité auprès des hommes de sa nouvelle tribu.
Alors qu'il errait seul pendant trois ans, égaré dans une jungle sans la moindre présence à ses côté il n'avait fait que penser à elle. Il était resté uniquement pour ne jamais s'en éloigner dans l'espoir de la revoir. Il avait construit une cabane dans les bois, chassé et pêché sans l'aide de personne. Il avait attendu, résistant à l'hiver et aux bêtes sauvages, surpassant les maladies et les tempêtes. Lentement il avait perdu l'usage de la parole, oubliant les mots qu'il avait appris pendant l'enfance et revenant à l'état de bête. Il se grattait comme un fauve, se baignait de plus en plus rarement, gémissait les soirs de pleine lune en se rappelant son passée et grognait pour faire fuir ses prédateurs.

Pendant quelques années il était devenu un simple animal incapable de penser. Il n'agissait que par instinct et se battait dans le seul but de survivre. Ce qu'il mangeait n'avait pas de goût, ce qu'il entendait ne lui rappelait rien et il avait oublié son passée.
Pourtant durant tout ce temps une image persistait : celle d'une reine qu'il avait admirée et dont la présence ne parvenait à s'effacer. Dans les nuits les plus noires de son exil, quand il sentait en lui monter un besoin des plus primitifs, alors sa main descendait et il se donnait du plaisir en pensant à la jeune fille, à ce qu'elle avait pu devenir.

Puis ces hommes avaient débarqués dans sa forêt. Le chef s'était dressé contre lui et il l'avait provoqué en duel. Voyant une opportunité en ce peuple de le guider jusqu'à la jeune reine avec laquelle ils étaient en guerre, il usa de toute sa bestialité pour le défaire. Pendant le combat seule Keluyah l'obsédait. Son visage reluisait dans ses pensées, les mots qu'elle avait prononcés avant de lui sauver la vie résonnaient et il combattit pour elle. Sa lance brisa celle de la montagne qui tentait de le tuer, il esquiva un coup et la planta dans son cœur.
Il était chef et faisait enfin depuis trois ans son premier pas vers sa reine.

Il se leva doucement, évitant de ne pas réveiller les deux femmes qui dormaient à ces côtés. Il traversa sa hutte construite dans les arbres et souleva la peau de bête qui couvrait la porte. Á la lueur de la lune ses cicatrices semblaient reluire un peu plus sur son corps totalement nu. Entre celles-ci nombreuses étaient celles infligées par certains prédateurs lors de son isolement, une dizaine venaient d'affrontements diverses et le reste de son combat contre le père de Keluyah ; sa plus grande bataille.

Toute sa vie il se souviendrait de la férocité de cet homme qui devant les yeux de sa fille avait tout donné. Il s'était battu en héros et était mort comme tel. Kunra savait parfaitement que s'il était encore sur terre alors lui l'aurait quittée depuis bien des années. C'était sa vie ou la sienne. Et pourtant il ressentait du remord.
Keluyah était là et il l'avait blessé au plus profond de son cœur. Il l'avait vu pendant le combat, tapie dans les buissons. Était-ce pour l'impressionner qu'il avait fait tout cela, qu'il avait tué et défendu sa vie ? Pouvait-il dire qu'il l'aimait après un tel geste ?

Pouvait-il avouer l'aimer ?

Et, seul face à l'immensité du ciel, il hocha simplement la tête. Oui, il le pouvait. Il l'avait enfin retrouvé et il éprouvait dans son cœur tout un tas de sentiments contraires et puissants, un flot ininterrompu.
Si leur quête pour réveiller les forces de l'océan devait mener à son sacrifice alors il donnerait sa vie pour elle. Si elle lui demandait la guerre, il lui donnerait son armée pour le tuer. Si elle voulait de lui pour rallier cet autre monde et ramener les enfants perdus alors il poursuivrait les navires de ces hommes à la nage et tuerait tous ceux qu'il trouverait de l'autre côté.
Ce soir il ne se sentait pas chef, même pas homme. Il n'était qu'un serviteur parmi tant d'autres de celle désignée par les dieux. Mais pas n'importe lequel : le plus dévoué.